Archive pour septembre, 2011
LE CÉLIBAT NON MONASTIQUE
1 septembre, 2011du site:
http://www.pagesorthodoxes.net/mariage/evdodimov-laics.htm#celibat
LE CÉLIBAT NON MONASTIQUE
Il y a diversité de dons… il y a diversité de ministères… il y a diversité d’opérations… Et l’Esprit qui se manifeste en chacun, lui est donné pour l’utilité commune… Il distribue ses dons à chacun en particulier, comme il le veut (1 Co 12,4-11).
Saint Paul nous parle des dons et des ministères que chacun reçoit en vue d’une diaconia (service) pour l’utilité commune. Personne n’est exclu de l’appel général adressé à tous, mais, comme dans une symphonie, il faut y discerner sa propre partie musicale, une vocation toute personnelle, un destin unique.
Tournant décisif en tant qu’acte spirituel et prise de position, dans la biographie d’un être, lorsque ni l’état monastique, ni l’union conjugale ne se trouvent sur son chemin. La faute la plus désastreuse serait de faire d’une condition simplement imposée par les circonstances de la vie, un destin. L’absence de quelque chose ne peut jamais ni remplir, ni construire un être. Et c’est céder à la tentation la plus ruineuse que de n’attendre plus rien de la vie. L’attente positive prend en charge le présent sans rien préjuger du lendemain. Le vrai renoncement à une situation précise (le mariage par exemple), pour être positif et enrichissant, ne peut être qu’une condition pour l’acceptation libre et pleine d’une autre situation (le célibat par exemple), qu’un point de départ pour une vocation actuelle, jamais subie, toujours acceptée et assumée, et qui remplira l’existence du moment présent.
Ceci pose le problème très précis de la vocation. Dans son aspect immédiat c’est une inclination ressortissant d’aptitudes correspondantes, de dons naturels qui prédisposent à telle forme de vie et d’activité. Plus profondément et sur le plan religieux de la foi, elle est une prédestination, plus cachée, plus mystérieuse, et qui contient le projet de Dieu sur tel être concret. C’est l’essence de moi-même que Dieu me propose comme la meilleure partie, la partie idéale de moi-même et que j’accepte d’avance et assume librement. Elle postule une disponibilité du moment présent, totalement ouverte, et sans rien préjuger du moment suivant.
À la rigueur, même un moine peut rompre ses vœux. Un homme marié peut entrer dans les ordres. Un célibataire peut voir s’ouvrir devant lui une des deux voies, comme il peut se trouver dans la perspective d’un célibat dans le monde. Pour le moment il accepte cette situation allégrement, joyeusement, assumée comme une tâche confiée pour aujourd’hui, comme la valeur présente et pleine de son existence. Le tâtonnement inévitable qui en ressort s’accompagne d’une alternative de succès et d’échecs. Mais il est vital de comprendre qu’il ne s’agit jamais d’un » devoir » morne et imposé, d’un impératif catégorique aveugle et implacable. Le sacrifice ici se changerait en suicide. Les échecs empiriques possibles, le découragement et les amertumes momentanées n’autorisent nullement la négation, le vide, l’abdication. Il faut composer avec la grâce, comme les mains qui se cherchent dans la nuit, et attendre avec un sourire que telle défaite matérielle se convertisse en victoire spirituelle. La finalité immédiate, atteinte ou non atteinte, n’est point la fin absolue de mon destin.
Toute la vocation est une option en réponse à un appel entendu. Celui-ci peut être simplement l’état présent. Il n’est jamais une voix qui explicite tout ; une demi-obscurité inhérente à la foi ne nous quitte jamais. Il y a une chose dont nous pouvons être sûrs, toute vocation est toujours accompagnée d’un renoncement. Le marié renonce à l’héroïsme monastique, le moine à la vie conjugale. Le jeune homme riche de l’Evangile n’est invité ni à se marier ni à entrer dans un couvent. Il devait renoncer à sa richesse, à l’ » avoir « , à ses préférences – afin de suivre le Seigneur. De même les » eunuques » pour le Royaume de Dieu – quel que soit le sens que nous y mettions – désignent une privation, un renoncement, un sacrifice. Mais dans tous ces cas de privation dont parle l’Evangile, la grâce fait un don ; d’un renoncement négatif elle fait une vocation positive. Le renoncement à une chose signifie la consécration totale à une autre chose que ce même renoncement permet de réaliser.
Une vocation de célibataire est infiniment plus large que le célibat comme tel. Ce n’est pas le célibat qui se place au centre, mais c’est une vie qui comporte pour le moment le célibat. Pour un célibataire, son célibat n’est qu’une condition momentanée ou définitive de son ministère du Sacerdoce royal en vue du Royaume. Si un moine » s’occupe des choses de Dieu » , un célibataire vit dans ces » choses de Dieu » que constitue tout être humain ; son ministère est au service du prochain. Il est à la seconde personne, un » toi » pour le monde où il vit. C’est l’amour-compassion qui ne cherche ni réciprocité, ni rien pour lui-même, mais se donne et descend aux enfers d’un monde qui agonise dans les ténèbres. Il ne choisit pas, mais s’étend sur toute souffrance et rencontre l’autre, le prochain, dans son abandon de Dieu.
Une pareille existence centrée sur le prochain est une vocation très concrète, car elle est signe du Royaume, de sa présence dans le monde. Si le salut est au-dessus du monde, c’est au sein du monde qu’il est offert. Une exigence venant du monde lui-même appelle à y rester comme témoin de l’Évangile. C’est à ces témoins que s’applique la parole de saint Augustin : » Donne-moi quelqu’un qui aime, et celui-là comprendra « . Il s’agit ici d’aimer son destin, d’aimer la croix formée par son propre moi ; il se peut que l’acte le plus ascétique ne soit pas de renoncer, mais de s’accepter pleinement soi-même. Si je reçois ce qui m’est échu comme mon propre choix libre, tout devient à l’instant même sensé, profond, plein d’un intérêt passionnant et joyeux. L’homme n’est jamais seul, la main de Dieu est sur lui ; s’il sait l’accepter et la sentir, son destin se construit, » orienté » vers l’Orient. C’est l’expérience de tous les grands spirituels.
Pour ceux qui se sentent » laissés pour compte « , qui sont déçus dans l’attente et dans les promesses de la jeunesse, au moment où tout semble fermé et fini, c’est à ce moment que tout commence. C’est le sens si profond de la légende du Saint Graal. Un pauvre chevalier arrive quand tout s’arrête ; le vieux roi est immobilisé sur son grabat ; les sources tarissent, les oiseaux ne chantent plus et tout est enchaîné par l’immobilité de la mort. Le chevalier pose l’unique question, la seule vraie question : » Où est le Graal ? » Et alors tout revit, le vieux roi quitte son grabat, les sources rejaillissent et les oiseaux chantent à nouveau. Cette seule question-réponse est celle du fiat de notre destin. Plus qu’accepté, créé, celui-ci métamorphose les données en charismes ; l’être humain vit alors son propre miracle, vit dans le miracle. C’est le sens très précis de l’admirable parole d’Isaïe : Crie de joie, stérile qui n’enfantais pas ; éclate en cris de joie et d’allégresse, toi qui n’as pas connu les douleurs ! Car plus nombreux sont les fils de l’abandonnée que les fils de l’épouse, dit Jahvé… Ton époux sera ton Créateur (Is 54,1,5).
Les formes de la vie sociale subissent des changements rapides et imprévus ; par contre, l’action religieuse de tout croyant possède une grande stabilité. Il peut se rendre attentif aux desseins de Dieu dans le progrès si merveilleux de la science et des techniques ; il peut unir les solitudes et créer des communautés vivantes de témoins ; il peut susciter l’esprit d’adoration, de tout travail faire une prière même au cœur bétonné de la cité la plus moderne. Toutefois il n’est plus possible d’exercer ce ministère individuellement. L’état actuel de la société exige des mesures et des actes qui sont du ressort de la charité collective. C’est collégialement, de la part des hommes de prière, que la foi a ce privilège magnifique d’appeler aux droits de Dieu sur la cité humaine. C’est ici justement que les célibataires sont des agents favorisés, car ils peuvent dépenser sans mesure leurs réserves disponibles d’affection opérante.
Si, pour saint Jean Chrysostome, » le mariage est l’image du céleste » , le célibat est une image plus directe du Royaume où » on ne se marie pas » et où » on est comme des anges » (cf. Mt 22,30). Le siècle futur ne connaîtra pas le mode dual des couples, ni tel » homme » en tant qu’homme en face de telle » femme » en tant que femme, mais l’unité du Masculin et du Féminin dans leur totalité, Adam-Ève reconstitué dans sa dimension spirituelle. Ce n’est donc pas comme un moine en marge de la vie, ni comme les époux qui s’en retirent partiellement pour construire leur unité, mais en tant que l’anticipation de l’unité future du Masculin et du Féminin que les célibataires mettent leur présence entière au service d’une amitié efficiente. Une pareille confrérie, vaste comme le monde, groupant les hommes et les femmes, se penchera conjugalement sur toute misère humaine. » Conjugalement » signifie ici unissant leurs charismes réciproques.
La transparence du don de soi est décisive. Des amitiés profondes à la mesure de leur pureté peuvent se nouer et l’âme y trouve son harmonieux épanouissement dans un rapport de personne à personne. Le célibat n’a nullement empêché certaines grandes figures du christianisme de manifester des accords d’âmes, d’exercer l’amitié mystique dans une action conjuguée : saint Jean Chrysostome et la diaconesse Olympiade, saint François d’Assise et sainte Claire, saint Jean de la Croix et sainte Thérèse. De telles amitiés ne s’opposent même pas à l’état monastique. Elles peuvent produire une riche descendance : des enfants en esprit qui suivent leur propre vocation de témoins.
La piété toute particulière des grands mystiques envers la Vierge souligne un trait important. À l’opposé de toute déviation morbide, elle y puise la pureté, la tendresse chaste et l’ » état amoureux » envers toute créature. C’est que la Vierge, dans sa protection maternelle et paraclétique, est l’expression la plus forte de la Philanthropie divine. Et encore cette leçon non moins instructive dans cet adage des spirituels : » L’heure présente que tu vis, l’homme que tu rencontres ici et maintenant, la tâche que tu œuvres en ce moment, sont les plus importants de ta vie. » Ce que l’on a immédiatement devant soi, c’est l’offrande sacerdotale de soi-même qui triomphe à l’instant de toute séparation, de toute solitude et de tout » instinct de mort » . Pour celui qui a assumé pleinement sa vocation aujourd’hui, le lendemain se confond avec le jour du Seigneur.
Extrait de : Sacrement de l’amour,
Le mystère conjugal à la lumière
de la tradition orthodoxe, DDB, 1980.
Le même texte paraît dans
Dr Assagioli et al., Le Célibat laïc féminin,
Éd. Ouvrières, 1962, pp. 292-300.
DE L’ENCHANTEMENT DE L’ART À LA CONTEMPLATION DE DIEU : AUDIENCE GÉNÉRALE
1 septembre, 2011du site:
http://www.zenit.org/article-28795?l=french
DE L’ENCHANTEMENT DE L’ART À LA CONTEMPLATION DE DIEU : AUDIENCE GÉNÉRALE
Catéchèse de Benoît XVI sur la prière
ROME, Mercredi 31 août 2011 (ZENIT.org) – « L’enchantement de la création humaine peut conduire à la contemplation de Dieu », déclare Benoît XVI, dans le cadre de ses catéchèses du mercredi sur la prière.
Le pape a en effet tenu l’audience générale du mercredi ce matin à Castel Gandolfo. Le pape a évoqué le sens profond de l’art, invitant ses très nombreux visiteurs – que la cour du palais apostolique n’aurait pas suffit à contenir et rassemblés place de la Liberté -, à s’interroger sur l’émotion ressentie devant une œuvre d’art : sculpture, peinture, poésie ou musique (cf. texte intégral).
En polonais, le pape a fait la synthèse de sa catéchèse en ces termes : « Le temps des vacances favorise l’apprentissage des œuvres de la culture et de l’art. L’enchantement de la beauté de la création humaine peut conduire à la contemplation de Dieu, qui donne tout bien et toute beauté, lorsque, en même temps que l’admiration pour le génie humain, nous découvrons le souffle créateur de l’Esprit Saint. Je souhaite qu’on puisse toujours faire l’expérience d’une telle stupeur ! ».
En italien, le pape a affirmé : « Il existe des expressions artistiques qui sont de véritables chemins vers Dieu, la Beauté suprême, et qui aident même à croître dans notre relation avec Lui, dans la prière ».
Le pape cite les cathédrales gothiques ou les églises romanes avant d’ajouter : « Nous percevons que dans ces splendides édifices, est comme contenue la foi de générations entières. Ou encore, lorsque nous écoutons un morceau de musique sacrée qui fait vibrer les cordes de notre cœur, notre âme est comme dilatée et s’adresse plus facilement à Dieu ».
Il évoque aussi un « concert de musiques de Jean Sébastien Bach, à Munich, dirigé par Leonard Berstein » : « Au terme du dernier morceau, l’une des Cantate, je ressentis, non pas de façon raisonnée, mais au plus profond de mon cœur, que ce que j’avais écouté m’avait transmis la vérité, la vérité du suprême compositeur, et me poussait à rendre grâce à Dieu. A côté de moi se tenait l’évêque luthérien de Munich et, spontanément, je lui dis : ‘En écoutant cela, on comprend que c’est vrai ; une foi aussi forte est vraie, de même que la beauté qui exprime de façon irrésistible la présence de la vérité de Dieu’ ». Bach était protestant.
Benoît XVI évoque d’autres manifestations de l’art : « Des tableaux ou des fresques, fruit de la foi de l’artiste, dans leurs formes, dans leurs couleurs, dans leur lumière, nous poussent à tourner notre pensée vers Dieu et font croître en nous le désir de puiser à la source de toute beauté ».
Il cite le peintre juif Marc Chagall : « Ce qu’a écrit un grand artiste, Marc Chagall, demeure profondément vrai, à savoir que pendant des siècles, les peintres ont trempé leur pinceau dans l’alphabet coloré qu’est la Bible. Combien de fois, alors, les expressions artistiques peuvent être des occasions de nous rappeler de Dieu, pour aider notre prière ou encore la conversion du cœur ! ».
Il cite la conversion de l’écrivain français Paul Claudel : « Paul Claudel, célèbre poète, dramaturge et diplomate français, ressentit la présence de Dieu dans la Basilique Notre-Dame de Paris, en 1886, précisément en écoutant le chant du Magnificat lors de la Messe de Noël. Il n’était pas entré dans l’église poussé par la foi, il y était entré précisément pour chercher des arguments contre les chrétiens, et au lieu de cela, la grâce de Dieu agit dans son cœur. »
Et de conclure : « Chers amis, je vous invite à redécouvrir l’importance de cette voie également pour la prière, pour notre relation vivante avec Dieu ».
Il rappelle les trésors de la culture chrétienne : « Que la visite aux lieux d’art ne soit alors pas uniquement une occasion d’enrichissement culturel – elle l’est aussi – mais qu’elle puisse devenir surtout un moment de grâce, d’encouragement pour renforcer notre lien et notre dialogue avec le Seigneur, pour nous arrêter et contempler – dans le passage de la simple réalité extérieure à la réalité plus profonde qu’elle exprime – le rayon de beauté qui nous touche, qui nous « blesse » presque au plus profond de notre être et nous invite à nous élever vers Dieu ».
Et de conclure sur le témoignage chrétien : « Espérons que le Seigneur nous aide à contempler sa beauté, que ce soit dans la nature ou dans les œuvres d’art, de façon à être touchés par la lumière de son visage, afin que nous aussi, nous puissions être lumières pour notre prochain ».
Anita S. Bourdin