Archive pour septembre, 2011

demander comme un amoureux (Homélie)

26 septembre, 2011

est une Homélie, mais je ne peux pas comprendre la date, du site:

http://www.donchristophe.be/homelie/10-messes-dominicales/86-demander-comme-un-amoureux

homélies et billets

demander comme un amoureux 

Qui de nous n’a jamais demandé à Dieu quelque chose sans l’obtenir ? Parfois c’était pourtant des choses si importantes, si justes, si conformes au désir de vie et de bonheur que Dieu met lui-même en nous. Autour de nous des gens ont demandé de belles choses à Dieu et n’ont rien reçu, et en ont conçu au fond d’eux-mêmes une grande amertume envers Dieu et envers la vie. Il est arrivé que nous ayons demandé à Dieu d’intervenir pour changer le cours naturel des choses, en matière de maladies ou de catastrophes par exemple. Et nous comptions sur le fait que,  puisque Dieu est tout puissant, il est sûrement une sorte de super-magicien qui peut changer le cours des choses à sa guise. Et pourtant, les réponses à notre prière, dans ce domaine, sont rares, bien trop rare à notre goût, comme si Dieu ne voulait pas que nous ayons ce genre de rapport avec lui, comme si ce n’était qu’exceptionnellement qu’il intervenait dans le cours naturel des choses, de la vie et de la mort, de la physique et de la chimie. Des théologiens et des philosophes en ont même tiré la conclusion que les miracles sont des vues de l’esprit, que Dieu n’agit pas dans le monde, que c’est bon pour les charismatiques “borderline” de demander à Dieu d’intervenir dans nos vies.
Dimanche passé, c’est à un seul des dix lépreux guéris que Jésus a pu dire : « ta foi t’a sauvé ». C’est au lépreux qui est entré dans une relation spéciale avec lui, qui s’est lié d’amour avec lui en lui « rendant grâce » (Lc 17,16). Le Samaritain n’a pas vu Jésus comme un magicien, mais il a été sensible à son amour. Est-ce parce que Dieu veut nous faire passer de l’image du magicien à celle de l’amoureux qu’il change rarement le cours naturel des choses ? Ce n’est pas facile de répondre à cela, mais nous pouvons y voir un chemin qui se dessine : quand nous demandons quelque chose à Dieu, acceptons d’entrer dans un lien d’amour avec lui.
Un mot de l’évangile nous met sur la piste : le mot « élus » (Lc 18,7). Pour Dieu nous ne sommes pas des casse-pieds dérangeants, des veuves importunes, nous sommes des « élus », c’est-à-dire des choisis de son cœur, des personnes désirées pour une relation privilégiée avec lui. Chacun peut se regarder ainsi et entrer dans cette identité d’élu — c’est le chemin du baptême.
De l’extérieur de l’amour on peut se demander : mais pourquoi Dieu attend-il que je lui demande quelque chose ? Lui qui voit tout, ne peut-il pas donner aux hommes ce qui leur est nécessaire sans qu’ils le lui demandent ? Cette attitude de dépendance envers Lui n’est-elle pas finalement suspecte et avilissante ? De l’extérieur de l’amour on ne comprend rien du tout. Mais de l’intérieur, tout s’éclaire. Oser demander et recevoir fait partie de l’amour vrai, du véritable échange. Et dans l’amour la dépendance n’est plus un danger mais c’est se déposer soi-même dans le cœur de l’Aimé.
Nous pouvons alors comprendre la dernière phrase de Jésus : « Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Il ne s’agit pas de la foi comme croyance que ça va marcher, mais de la foi comme acceptation d’une relation étroite avec Dieu, d’une relation où je vis de Dieu et de ce qu’il me donne. Si vous voulez connaître l’amour de Dieu, demandez-lui beaucoup de choses. À commencer par des choses pour vous-mêmes. Je connais des tas de chrétiens qui ne veulent pas demander des choses pour eux-mêmes… Ont-ils peur d’épuiser Dieu, de le fatiguer, de détourner pour eux le stock de grâces divines ? Ce n’est pas très raisonnable : Dieu est si riche ! N’est-ce pas qu’en refusant de demander pour moi-même, je manifeste qu’au fond de moi je veux me débrouiller tout seul pour servir Dieu, que finalement ma pauvreté me dérange, que j’attends d’avoir pu prouver quelque chose par moi-même pour me présenter à Dieu ? Ah, Seigneur, aide-nous à faire fi de tout cela, à accepter vraiment notre pauvreté, à entrer dans ce lien étroit où nous ne nous tracasserons plus de ce que nous valons par nous-mêmes, ou nous te demanderons tout : la joie du cœur, la force de te suivre, l’élan pour aimer, la décision pour servir, le temps pour nous reposer, la réussite de ce que nous entreprenons, la liberté devant les tentations, la fidélité dans l’amour, le pardon de nos péchés, la tendresse pour nous-mêmes et pour nos proches, la patience quand ce qui nous semble dû ne vient pas, et le courage de changer nos vues sur toi, sur nous, sur l’Église…
C’est un si grand bonheur de dépendre tout entier d’un Dieu si bon.

MESSE À FREIBURG : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

26 septembre, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-29044?l=french
 
MESSE À FREIBURG : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

ROME, Dimanche 25 septembre 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée ce dimanche au cours de la messe qu’il a présidée sur l’esplanade de l’aéroport touristique de Freiburg, en présence des évêques des 27 diocèses de la République fédérale allemande.
Chers Frères et Sœurs,
Il est émouvant pour moi de célébrer ici l’Eucharistie, l’Action de grâces, avec tant de gens provenant de diverses parties de l’Allemagne et des pays voisins. Nous voulons adresser notre action de grâces surtout à Dieu, dans lequel nous nous mouvons et nous existons (cf. Ap. 17, 28). Mais je voudrais vous remercier aussi, vous tous, pour votre prière en faveur du Successeur de Pierre, afin qu’il puisse continuer à exercer son ministère avec joie et espérance confiante et confirmer ses frères dans la foi.
« Dieu qui donne la preuve suprême de ta puissance, lorsque tu patientes et prends pitié… » avons-nous dit dans la collecte du jour. Dans la première lecture nous avons entendu comment Dieu, dans l’histoire d’Israël a manifesté la puissance de sa miséricorde. L’expérience de l’exil babylonien avait fait tomber le peuple dans une profonde crise de la foi : pourquoi ce malheur était-il survenu ? Peut-être que Dieu n’était pas vraiment puissant absolument ?
Il y a des théologiens qui, face à toutes les choses terribles qui surviennent aujourd’hui dans le monde, disent que Dieu ne peut être absolument tout-puissant. Face à cela, nous professons Dieu, le Tout-Puissant, le Créateur du ciel et de la terre. Et nous sommes heureux et reconnaissants qu’il soit tout-puissant. Mais nous devons, en même temps, nous rendre compte qu’il exerce sa puissance de manière différente de ce que nous, les hommes, avons l’habitude de faire. Lui-même a mis une limite à son pouvoir, en reconnaissant la liberté de ses créatures. Nous sommes heureux et reconnaissants pour le don de la liberté. Toutefois, lorsque nous voyons les choses horribles qui arrivent à cause d’elle, nous nous effrayons. Faisons confiance à Dieu dont la puissance se manifeste surtout dans la miséricorde et dans le pardon. Et nous en sommes certains, chers fidèles : Dieu désire le salut de son peuple. Il désire notre salut, mon salut, le salut de chaque personne. Toujours, et surtout en des temps de péril et de changement radical, il nous est proche, et son cœur s’émeut pour nous, il se penche sur nous. Pour que la puissance de sa miséricorde puisse toucher nos cœurs, il faut s’ouvrir à Lui, il faut librement être prêt à abandonner le mal, à sortir de l’indifférence, et à donner un espace à sa Parole. Dieu respecte notre liberté. Il ne nous contraint pas. Il attend notre « oui » et, pour ainsi dire, il le mendie.
Dans l’Évangile, Jésus reprend ce thème fondamental de la prédication prophétique. Il raconte la parabole des deux fils qui sont envoyés par leur père pour travailler dans la vigne. Le premier fils répond : « ‘Je ne veux pas’. Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla » (Mt 21, 29). L’autre au contraire dit à son père : « ‘Oui Seigneur ! » mais « il n’y alla pas » (Mt 21, 30). À la demande de Jésus, qui des deux a accompli la volonté du père, les auditeurs répondent justement : « Le premier » (Mt 21, 31). Le message de la parabole est clair : ce ne sont pas les paroles qui comptent, mais c’est l’agir, les actes de conversion et de foi. Jésus –nous l’avons entendu- adresse ce message aux grands prêtres et aux anciens du peuple d’Israël, c’est-à-dire aux experts en religion dans son peuple. Eux, d’abord, disent « oui » à la volonté de Dieu. Mais leur religiosité devient routine, et Dieu ne les inquiète plus. Pour cela ils ressentent le message de Jean Baptiste et le message de Jésus comme quelque chose qui dérange. Ainsi, le Seigneur conclut sa parabole par des paroles vigoureuses : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean Baptiste est venu à vous, vivant selon la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; tandis que les publicains et les prostituées y ont cru. Mais vous, même après avoir vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire à sa parole » (Mt 21, 31-32). Traduite en langage de ce temps, l’affirmation pourrait correspondre plus ou moins à ceci : les agnostiques, qui au sujet de la question de Dieu ne trouvent pas la paix ; les personnes qui souffrent à cause de leurs péchés et ont le désir d’un cœur pur, sont plus proches du royaume de Dieu que ne le sont les fidèles « de routine », qui dans l’Église voient désormais seulement ce qui paraît, sans que leur cœur soit touché par la foi.
Ainsi la parole doit faire beaucoup réfléchir, et même, doit nous secouer tous.  Ceci, cependant, ne signifie pas que tous ceux qui vivent dans l’Église et travaillent pour elle sont à estimer comme loin de Jésus et du royaume de Dieu. Absolument pas ! Non, c’est plutôt le moment de dire une parole de profonde gratitude à tant de collaborateurs employés et volontaires, sans lesquels la vie dans les paroisses et dans l’Église tout entière serait impensable. L’Église en Allemagne a de nombreuses institutions sociales et caritatives, dans lesquelles l’amour pour le prochain est exercé sous une forme qui est aussi socialement efficace et jusqu’aux extrémités de la terre. À tous ceux qui s’engagent dans la Caritas allemande ou dans d’autres organisations ou qui mettent généreusement à disposition leur temps et leurs forces pour des tâches de volontariat dans l’Église, je voudrais exprimer, en ce moment, ma gratitude et mon appréciation. Ce service demande avant tout une compétence objective et professionnelle. Mais dans l’esprit de l’enseignement de Jésus il faut plus : le cœur ouvert, qui se laisse toucher par l’amour du Christ, et donne ainsi au prochain, qui a besoin de nous, plus qu’un service technique : l’amour, dans lequel se rend visible à l’autre le Dieu qui aime, le Christ. Alors interrogeons-nous aussi à partir de l’Évangile d’aujourd’hui : comment est ma relation personnelle avec Dieu, dans la prière, dans la participation à la messe dominicale, dans l’approfondissement de la foi par la méditation de la sainte Écriture et l’étude du Catéchisme de l’Église catholique ? Chers amis, le renouveau de l’Église, en dernière analyse, ne peut se réaliser qu’à travers la disponibilité à la conversion et à travers une foi renouvelée.
Dans l’Évangile de ce dimanche –nous l’avons vu- on parle de deux fils, derrière lesquels, cependant, se tient, de façon mystérieuse, un troisième. Le premier fils dit non, mais réalise ensuite la volonté de son père. Le deuxième fils dit oui, mais ne fait pas ce qui lui a été ordonné. Le troisième fils dit « oui » et fait aussi ce qui lui est ordonné. Ce troisième fils est le Fils unique de Dieu, Jésus Christ, qui nous a tous réunis ici. Entrant dans le monde, Jésus a dit : « Voici, je viens […], pour faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10, 7). Ce « oui », il ne l’a pas seulement prononcé, mais il l’a accompli et il a souffert jusqu’à la mort. Dans l’hymne christologique de la deuxième lecture on dit : « Lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix » (Ph 2, 6-8). En humilité et obéissance, Jésus a accompli la volonté du Père, il est mort sur la croix pour ses frères et ses sœurs –pour nous- et il nous a rachetés de notre orgueil et de notre obstination. Remercions-le pour son sacrifice, fléchissons les genoux devant son Nom et proclamons ensemble avec les disciples de la première génération : « Jésus Christ est le Seigneur – pour la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 10).
La vie chrétienne doit se mesurer continuellement sur le Christ : « Ayez entre vous les dispositions que l’on doit avoir dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5), écrit saint Paul dans l’introduction à l’hymne christologique. Et quelques versets avant il nous exhorte déjà : « S’il est vrai que dans le Christ on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage dans l’amour, si l’on est en communion dans l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la pitié, alors, pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité » (Ph 2, 1-2). Comme le Christ était totalement uni au Père et lui obéissant, ainsi ses disciples doivent obéir à Dieu et avoir les mêmes dispositions entre eux. Chers amis, avec Paul, j’ose vous exhorter : rendez ma joie complète en étant solidement unis dans le Christ ! L’Église en Allemagne surmontera les grands défis du présent et de l’avenir et demeurera un levain dans la société si les prêtres, les personnes consacrées et les laïcs croyants dans le Christ, en fidélité à leur vocation spécifique, collaborent dans l’unité ; si les paroisses, les communautés et les mouvements se soutiennent et s’enrichissent mutuellement ; si les baptisés et les confirmés, en union avec l’Évêque, tiennent haut le flambeau d’une foi inaltérée et laissent illuminer par elle leurs riches connaissances et capacités. L’Église en Allemagne continuera d’être une bénédiction pour la communauté catholique mondiale, si elle demeure fidèlement unie aux Successeurs de saint Pierre et des Apôtres, si elle soigne de multiples manières la collaboration avec les pays de mission et se laisse aussi « gagner » en cela par la joie dans la foi des jeunes Églises.
À l’exhortation à l’unité, Paul joint l’appel à l’humilité. Il dit : «Ne soyez jamais intrigants ni vantards, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres »  (Ph 2, 3-4). L’existence chrétienne est une pro-existence : un être pour l’autre, un engagement humble pour le prochain et pour le bien commun. Chers fidèles, l’humilité est une vertu qui, dans le monde d’aujourd’hui et, en général, de tous les temps, ne jouit pas d’une grande estime. Mais les disciples du Seigneur savent que cette vertu est, pour ainsi dire, l’huile qui rend féconds les processus de dialogue, possible la collaboration et cordiale l’unité. Humilitas, le mot latin pour « humilité », a quelque chose à voir avec humus, c’est-à-dire avec l’adhérence à la terre, à la réalité. Les personnes humbles ont les deux pieds sur la terre. Mais surtout ils écoutent le Christ, la Parole de Dieu, qui renouvelle sans arrêt l’Église et chacun de ses membres.
Demandons à Dieu le courage et l’humilité de cheminer sur la route de la foi, de puiser à la richesse de sa miséricorde et de tenir fixé notre regard sur le Christ, la Parole qui fait toutes choses nouvelles, qui pour nous est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), qui est notre avenir. Amen.

A painting entitled « God creating the Sun, the Moon and the Stars »

24 septembre, 2011

A painting entitled

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Brueghel_Jan_II_God_creating.jpg

BERLIN : DISCOURS DE BENOÎT XVI AUX MUSULMANS

24 septembre, 2011

du site:

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BERLIN : DISCOURS DE BENOÎT XVI AUX MUSULMANS

ROME, Vendredi 23 septembre 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le discours que le pape Benoît XVI a adressé ce matin à une quinzaine de représentants des communautés musulmanes présentes en Allemagne, qu’il a rencontrés à la nonciature apostolique de Berlin dans le cadre de son 3ème voyage en Allemagne.
Chers amis musulmans,
Il m’est agréable de vous adresser ici, aujourd’hui, un salut à vous, représentants de diverses communautés musulmanes présentes en Allemagne. Je remercie de tout cœur le professeur Mouhanad Khorchide pour ses paroles amicales de salutation. Elles me montrent combien a grandi une atmosphère de respect et de confiance entre l’Église catholique et les communautés musulmanes en Allemagne.
Berlin est un lieu opportun pour une telle rencontre, non seulement parce qu’ici se trouve la mosquée la plus ancienne sur le sol allemand, mais aussi parce qu’à Berlin vit le plus grand nombre de musulmans par rapport à toutes les autres villes d’Allemagne.
À partir des années 70, la présence de nombreuses familles musulmanes est devenue toujours plus un trait distinctif de ce pays. Il sera toutefois nécessaire de s’engager constamment pour une meilleure connaissance et compréhension réciproques. Cela est essentiel non seulement pour une cohabitation pacifique, mais aussi pour l’apport que chacun est en mesure de donner pour la construction du bien commun à l’intérieur de la société même.
Beaucoup de musulmans attribuent une grande importance à la dimension religieuse. Cela est interprété, parfois, comme une provocation dans une société qui tend à marginaliser cet aspect ou à l’admettre tout au plus dans la sphère des choix individuels de chacun.
L’Église catholique s’engage fermement pour que soit donnée la juste reconnaissance à la dimension publique de l’appartenance religieuse. Il s’agit d’une exigence qui ne devient pas insignifiante dans le contexte d’une société majoritairement pluraliste. Il faut faire attention, cependant, à ce que le respect envers l’autre soit toujours maintenu. Le respect réciproque grandit seulement sur la base de l’entente sur quelques valeurs inaliénables, propres à la nature humaine, surtout l’inviolable dignité de toute personne. Cette entente ne limite pas l’expression de chaque religion ; au contraire, elle permet à chacun de témoigner de manière constructive de ce en quoi il croit, en ne se soustrayant pas à la confrontation avec l’autre.
En Allemagne – comme en de nombreux autres pays, pas seulement occidentaux – ce cadre de référence commun est représenté par la Constitution, dont le contenu juridique est contraignant pour chaque citoyen, qu’il appartienne ou non à une confession religieuse.
Naturellement le débat sur la meilleure formulation de principes comme la liberté de culte public, est vaste et toujours ouvert, toutefois le fait que la Loi Fondamentale les exprime d’une façon encore valable aujourd’hui, à plus de 60 ans de distance (cf. art. 4, 2), est significatif. Nous y trouvons exprimé avant tout cet ethos commun qui est à la base de la cohabitation civile et qui en quelque manière indique aussi les règles apparemment seulement formelles du fonctionnement des organes institutionnels et de la vie démocratique.
Nous pourrions nous demander comment un tel texte, élaboré à une époque historique radicalement différente, dans une situation culturelle presque uniformément chrétienne, peut être adapté à l’Allemagne d’aujourd’hui, qui vit dans le contexte de la mondialisation et qui est marqué par un pluralisme notable en matière de convictions religieuses.
La raison de ceci, me semble-t-il, se trouve dans le fait que les pères de la Loi Fondamentale ont eu pleinement conscience, en ce moment important, de devoir chercher un terrain solide, sur lequel tous les citoyens pourraient se reconnaître. En faisant cela ils ne faisaient pas abstraction de leur propre appartenance religieuse; pour beaucoup d’entre eux, au contraire, la vision chrétienne de l’homme était la vraie force inspiratrice. Toutefois ils savaient devoir se confronter avec des hommes ayant une base confessionnelle différente voire non religieuse : le terrain commun fut trouvé dans la reconnaissance de quelques droits inaliénables, qui sont propres à la nature humaine et qui précèdent toute formulation positive.
De cette façon une société substantiellement homogène a posé le fondement qu’aujourd’hui nous reconnaissons valable pour un monde marqué par le pluralisme. Fondement qui, en réalité, indique aussi des limites évidentes à ce pluralisme : il n’est pas pensable, en effet, qu’une société puisse se maintenir à long terme sans un consensus sur les valeurs éthiques fondamentales.
Chers amis, sur la base de tout ce que j’ai indiqué ici, je pense qu’une collaboration féconde entre chrétiens et musulmans est possible. Et de cette manière nous contribuons à la construction d’une société qui, sous de nombreux aspects, sera différente de ce que nous avons apporté avec nous du passé. En tant qu’hommes religieux, à partir de nos convictions respectives, nous pouvons donner un témoignage important dans de nombreux secteurs cruciaux de la vie sociale. Je pense, par exemple, à la sauvegarde de la famille fondée sur le mariage, au respect de la vie dans toutes les phases de son évolution naturelle ou à la promotion d’une plus grande justice sociale.
Pour cela aussi j’estime important de célébrer une Journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde ; et nous voulons le faire le 27 octobre prochain, à 25 ans de la rencontre historique d’Assise conduite par mon prédécesseur, le Bienheureux Jean-Paul II. Par ce rassemblement nous voulons montrer, avec simplicité, que, en hommes religieux, nous offrons notre contribution particulière pour la construction d’un monde meilleur, reconnaissant en même temps la nécessité, pour l’efficacité de notre action, de progresser dans le dialogue et dans l’estime réciproque.
Avec ces sentiments je vous renouvelle mon cordial salut et je vous remercie pour cette rencontre, qui enrichit mon séjour dans ma patrie. Merci pour votre attention !
[Texte original: Allemand]

ERFURT : LE PAPE RENCONTRE L’EGLISE ÉVANGÉLIQUE ALLEMANDE

24 septembre, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-29031?l=french

ERFURT : LE PAPE RENCONTRE L’EGLISE ÉVANGÉLIQUE ALLEMANDE

ROME, Vendredi 23 septembre 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le discours que le pape Benoît XVI a adressé ce matin aux représentants du Conseil de l’Eglise évangélique allemande qu’il a rencontrés à Erfurt au couvent des Augustins où Luther commença son cheminement théologique.
Mesdames et Messieurs,
Prenant la parole, je voudrais tout d’abord remercier pour cette occasion de vous rencontrer. Ma gratitude va particulièrement au Président Schneider qui m’a donné la bienvenue et m’a reçu parmi vous avec des paroles amicales. Je voudrai remercier également pour le don spécial qu’est notre rencontre dans ce lieu historique.
Pour moi, en tant qu’Évêque de Rome, c’est un moment d’émotion de rencontrer ici, dans l’antique couvent augustinien d’Erfurt, les représentants du Conseil de l’Église Évangélique en Allemagne.Luther a étudié ici. Ici, il été ordonné prêtre en 1507. Contre le désir de son père, il ne continua pas ses études de droit, mais il étudia la théologie et se mit en marche vers le sacerdoce dans l’Ordre de saint Augustin. Sur ce chemin, ce n’était pas ceci ou cela qui l’intéressait. Ce qui ne lui donnait pas la paix était la question de Dieu, qui fut la passion profonde et le ressort de sa vie et de son itinéraire tout entier. « Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ? » Cette question lui pénétrait le cœur et se trouvait derrière chacune de ses recherches théologiques et chaque lutte intérieure. Pour lui, la théologie n’était pas une question académique, mais la lutte intérieure avec lui-même, et ensuite c’était une lutte par rapport à Dieu et avec Dieu.
« Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ? » Que cette question ait été la force motrice de tout son chemin, me touche toujours à nouveau. Qui, en effet, se préoccupe aujourd’hui de cela, même parmi les chrétiens ? Que signifie la question de Dieu dans notre vie ? Dans notre annonce ? La plus grande partie des gens, même des chrétiens, tient aujourd’hui pour acquis que Dieu, en dernière analyse, ne s’occupe plus de nos péchés et de nos vertus. Il sait, en effet, que nous sommes tous que chair. Si aujourd’hui, on croit encore en un au-delà et en un jugement de Dieu, alors presque tous nous présupposons en pratique que Dieu doit être généreux, et, qu’à la fin, dans sa miséricorde, il ignorera nos petites fautes. Mais nos fautes sont-elles vraiment si petites ? Le monde n’est-il pas dévasté à cause de la corruption des grands, mais aussi à cause de celle des petits, qui pensent seulement à leurs propres intérêts ? N’est-il pas dévasté par le pouvoir des drogues, qui vit du désir de vie et d’argent d’une part, et de l’autre, par l’addiction à la jouissance des personnes qui lui sont adonnées ? N’est-il pas menacé par la disposition croissante à la violence qui se revêt souvent de la religiosité ? La faim et la pauvreté pourraient-elles dévaster autant de parties entières du monde si, en nous, l’amour de Dieu et, à partir de Lui, l’amour pour le prochain, pour les créatures de Dieu, les hommes, étaient plus vivants ? Les questions en ce sens pourraient continuer. Non, le mal n’est pas une bagatelle. Et il ne pourrait être aussi puissant si nous mettions vraiment Dieu au centre de notre vie. La question : quelle est la position de Dieu à mon égard, comment je me situe moi devant Dieu ? – cette question brûlante de Martin Luther doit devenir de nouveau, et certainement sous une forme nouvelle également notre question. Je pense que c’est là le premier appel que nous devrions entendre dans la rencontre avec Martin Luther.
Et alors, est important : Dieu, le Dieu unique, le Créateur du ciel et de la terre, est quelque chose d’autre qu’une hypothèse philosophique sur les origines du cosmos. Ce Dieu a un visage et il nous a parlé. Dans l’homme Jésus Christ, il est devenu l’un de nous – à la fois vrai Dieu et vrai homme. La pensée de Luther, sa spiritualité toute entière était complètement christocentrique : « Ce qui promeut la cause du Christ » était pour Luther le critère herméneutique décisif dans l’interprétation de la Sainte Écriture. Cela suppose toutefois que le Christ soit le centre de notre spiritualité et que l’amour pour Lui, le vivre ensemble avec Lui oriente notre vie.
Maintenant vous direz peut-être : c’est bien et bon ! Mais qu’a à voir tout cela avec notre situation œcuménique ? Tout cela n’est peut-être seulement qu’une tentative d’éluder, avec tant de paroles, les problèmes urgents dans lesquels nous attendons des progrès pratiques, des résultats concrets ? A ce sujet, je réponds : la chose la plus nécessaire pour l’œcuménisme est par-dessus tout que, sous la pression de la sécularisation, nous ne perdions pas presque par inadvertance les grandes choses que nous avons en commun, qui en elles-mêmes nous rendent chrétiens et qui sont restées comme don et devoir. C’était l’erreur de l’âge confessionnel d’avoir vu en majeure partie seulement ce qui sépare, et de ne pas avoir perçu de façon existentielle ce que nous avons en commun dans les grandes directives de la Sainte Écriture et dans les professions de foi du christianisme antique. Le grand progrès œcuménique des dernières décennies est que nous nous soyons rendu compte de cette communion et que nous pouvons la reconnaître comme notre fondement impérissable dans la prière et le chant communs, dans l’engagement commun pour l’ethos chrétien face au monde, dans le témoignage commun du Dieu de Jésus Christ en ce monde.
Le danger de la perdre n’est pas irréel, malheureusement. Je voudrais ici faire remarquer deux aspects. Ces derniers temps, la géographie du christianisme a profondément changé et est en train de continuer à changer. Devant une forme nouvelle de christianisme, qui se diffuse avec un immense dynamisme missionnaire, parfois préoccupant dans ses formes, les Églises confessionnelles historiques restent souvent perplexes. C’est un christianisme de faible densité institutionnelle, avec peu de bagage rationnel et encore moins de bagage dogmatique et aussi avec peu de stabilité. Ce phénomène mondial nous place tous devant la question : Qu’est-ce-que cette nouvelle forme de christianisme a à nous dire de positif et de négatif ? En tous cas, elle nous met de nouveau face à la question de savoir ce qui demeure toujours valable, et ce qui peut ou doit être changé, par rapport à la question de notre choix fondamental dans la foi.
Plus profond et plus sensible dans notre Pays, est le second défi pour la chrétienté tout entière, dont je voudrais vous parler. Il s’agit du contexte du monde sécularisé, dans lequel nous devons vivre et témoigner aujourd’hui notre foi. L’absence de Dieu dans notre société se fait plus pesante, l’histoire de sa Révélation, dont nous parle l’Écriture, semble reléguée dans un passé qui s’éloigne toujours davantage. Faut-il peut-être céder à la pression de la sécularisation, devenir modernes moyennant une édulcoration de la foi ? La foi doit être repensée, naturellement, et surtout elle doit être vécue aujourd’hui d’une manière nouvelle pour devenir quelque chose qui appartient au présent. Mais ce n’est pas l’édulcoration de la foi qui aide, mais seulement le fait de la vivre entièrement dans notre aujourd’hui. C’est une tâche œcuménique centrale. En cela nous devrions nous entraider à croire de façon plus profonde et plus vivante. Ce ne seront pas les tactiques qui nous sauveront, qui sauveront le christianisme, mais une foi repensée et vécue d’une façon nouvelle, par laquelle le Christ, et avec Lui le Dieu vivant, entre dans notre monde. Comme les martyrs de l’époque nazie nous ont conduits les uns vers les autres, et ont suscité la première grande ouverture œcuménique, ainsi aujourd’hui encore, la foi, vécue à partir du plus profond de nous-mêmes, dans un monde sécularisé, est la force œcuménique la plus forte qui nous réunit, nous guidant vers l’unité dans l’unique Seigneur.[Texte original: Allemand]

23 septembre : Saint Padre Pio da Pietralcina

23 septembre, 2011

23 septembre : Saint Padre Pio da Pietralcina dans images sacrée 673408138

La plus grande misère de l’âme est celle de se croire forte (la citation de Padre Pio)

http://padrepio.myblog.it/index-7.html

DISCOURS DE BENOÎT XVI AU PARLEMENT DE BERLIN

23 septembre, 2011

du site:

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DISCOURS DE BENOÎT XVI AU PARLEMENT DE BERLIN

Texte intégral

ROME, Jeudi 22 septembre 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé ce jeudi après-midi au Bundestag (parlement) de Berlin, dans le cadre de son voyage apostolique en Allemagne (22-25 septembre).
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Président du Bundestag,
Madame la Chancelière fédérale,
Madame le Président du Bundesrat,
Mesdames et messieurs les Députés,
C’est pour moi un honneur et une joie de parler devant cette Chambre haute — devant le Parlement de ma patrie allemande, qui se réunit ici comme représentation du peuple, élue démocratiquement, pour travailler pour le bien de la République fédérale d’Allemagne. Je voudrais remercier Monsieur le Président du Bundestag pour son invitation à tenir ce discours, ainsi que pour les aimables paroles de bienvenue et d’appréciation avec lesquelles il m’a accueilli. En cette heure, je m’adresse à vous, Mesdames et Messieurs — certainement aussi comme compatriote qui se sait lié pour toute la vie à ses origines et suit avec intérêt le devenir de la Patrie allemande. Mais l’invitation à tenir ce discours m’est adressée en tant que Pape, en tant qu’Evêque de Rome, qui porte la responsabilité suprême pour la chrétienté catholique. En cela, vous reconnaissez le rôle qui incombe au Saint-Siège en tant que partenaire au sein de la communauté des Peuples et des Etats. Sur la base de ma responsabilité internationale, je voudrais vous proposer quelques considérations sur les fondements de l’Etat de droit libéral.
Vous me permettrez de commencer mes réflexions sur les fondements du droit par un petit récit tiré de la Sainte Ecriture. Dans le Premier Livre des Rois on raconte qu’au jeune roi Salomon, à l’occasion de son intronisation, Dieu accorda d’avancer une requête. Que demandera le jeune souverain en ce moment? Succès, richesse, une longue vie, l’élimination de ses ennemis? Il ne demanda rien de tout cela. Par contre il demanda: «Donne à ton serviteur un cœur docile pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal» (1 R 3, 9). Par ce récit, la Bible veut nous indiquer ce qui en définitive doit être important pour un politicien. Son critère ultime et la motivation pour son travail comme politicien ne doit pas être le succès et encore moins le profit matériel. La politique doit être un engagement pour la justice et créer ainsi les conditions de fond pour la paix. Naturellement un politicien cherchera le succès sans lequel il n’aurait aucune possibilité d’action politique effective! Mais le succès est subordonné au critère de la justice, à la volonté de mettre en œuvre le droit et à l’intelligence du droit. Le succès peut aussi être une séduction, et ainsi il peut ouvrir la route à la contrefaçon du droit, à la destruction de la justice. «Enlève le droit — et alors qu’est ce qui distingue l’Etat d’une grosse bande de brigands?» a dit un jour saint Augustin (De civitate Dei iv, 4, 1). Nous Allemands, nous savons par notre expérience que ces paroles ne sont pas un phantasme vide. Nous avons fait l’expérience de séparer le pouvoir du droit, de mettre le pouvoir contre le droit, de fouler aux pieds le droit, de sorte que l’Etat était devenu une bande de brigands très bien organisée, qui pouvait menacer le monde entier et le pousser au bord du précipice. Servir le droit et combattre la domination de l’injustice est et demeure la tâche fondamentale du politicien. Dans un moment historique où l’homme a acquis un pouvoir jusqu’ici inimaginable, cette tâche devient particulièrement urgente. L’homme est en mesure de détruire le monde. Il peut se manipuler lui-même. Il peut, pour ainsi dire, créer des êtres humains et exclure d’autres êtres humains du fait d’être des hommes. Comment reconnaissons-nous ce qui est juste? Comment pouvons-nous distinguer entre le bien et le mal, entre le vrai droit et le droit seulement apparent? La demande de Salomon reste la question décisive devant laquelle l’homme politique et la politique se trouvent aussi aujourd’hui.
Pour une grande partie des matières à réguler juridiquement, le critère de la majorité peut être suffisant. Mais il est évident que dans les questions fondamentales du droit, où est en jeu la dignité de l’homme et de l’humanité, le principe majoritaire ne suffit pas: dans le processus de formation du droit, chaque personne qui a une responsabilité doit chercher elle-même les critères de sa propre orientation. Au troisième siècle, le grand théologien Origène a justifié ainsi la résistance des chrétiens à certains règlements juridiques en vigueur: «Si quelqu’un se trouvait chez les Scythes qui ont des lois irréligieuses, et qu’il fut contraint de vivre parmi eux… celui-ci certainement agirait de façon très raisonnable si, au nom de la loi de la vérité qui chez les Scythes est justement illégalité, il formerait aussi avec les autres qui ont la même opinion, des associations contre le règlement en vigueur…» (Contra Celsum GCS Orig. 428 (Koetschau); cf. A. Fürst, Monotheismuis und Monarchie. Zum Zusammenhang von Heil und Herrschaft in der Antike. In: Theol. Phil. 81 (2006) 321-338; citation p. 336; cf. également J. Ratzinger, Die Einheit der Nationen. Eine Vision der Kirchenväter (Sazburg-München 1971) 60).
Sur la base de cette conviction, les combattants de la résistance ont agi contre le régime nazi et contre d’autres régimes totalitaires, rendant ainsi un service au droit et à l’humanité tout entière. Pour ces personnes il était évident de façon incontestable que le droit en vigueur était, en réalité, une injustice. Mais dans les décisions d’un politicien démocrate, la question de savoir ce qui correspond maintenant à la loi de la vérité, ce qui est vraiment juste et peut devenir loi, n’est pas aussi évidente. Ce qui, en référence aux questions anthropologiques fondamentales, est la chose juste et peut devenir droit en vigueur, n’est pas du tout évident en soi aujourd’hui. A la question de savoir comment on peut reconnaître ce qui est vraiment juste et servir ainsi la justice dans la législation, il n’a jamais été facile de trouver la réponse et aujourd’hui, dans l’abondance de nos connaissances et de nos capacités, cette question est devenue encore plus difficile.
Comment reconnaît-on ce qui est juste? Dans l’histoire, les règlements juridiques ont presque toujours été motivés de façon religieuse: sur la base d’une référence à la divinité on décide ce qui parmi les hommes est juste. Contrairement aux autres grandes religions, le christianisme n’a jamais imposé à l’Etat et à la société un droit révélé, ni un règlement juridique découlant d’une révélation. Il a au contraire renvoyé à la nature et à la raison comme vraies sources du droit — il a renvoyé à l’harmonie entre raison objective et subjective, une harmonie qui toutefois suppose le fait d’être toutes deux les sphères fondées dans la Raison créatrice de Dieu. Avec cela les théologiens chrétiens se sont associés à un mouvement philosophique et juridique qui s’était formé depuis le iie siècle av. J-.C. Dans la première moitié du deuxième siècle préchrétien, il y eut une rencontre entre le droit naturel social développé par les philosophes stoïciens et des maîtres influents du droit romain (Cf. W. Waldstein, Ins Herz geschrieben. Das Naturrecht als Fundament einer menschlichen Gesellschaft [Augsburg 2010] 11ss; 31-61). Dans ce contact est née la culture juridique occidentale, qui a été et est encore d’une importance déterminante pour la culture juridique de l’humanité. De ce lien préchrétien entre droit et philosophie part le chemin qui conduit, à travers le Moyen-âge chrétien, au développement juridique des Lumières jusqu’à la Déclaration des Droits de l’homme et jusqu’à notre Loi Fondamentale allemande, par laquelle notre peuple, en 1949, a reconnu «les droits inviolables et inaliénables de l’homme comme fondement de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde».
Pour le développement du droit et pour le développement de l’humanité il a été décisif que les théologiens chrétiens aient pris position contre le droit religieux demandé par la foi dans les divinités, et se soient mis du côté de la philosophie, reconnaissant la raison et la nature dans leur corrélation comme source juridique valable pour tous. Saint Paul avait déjà fait ce choix quand, dans sa Lettre aux Romains, il affirmait: «Quand des païens privés de la Loi [la Torah d’Israël] accomplissent naturellement les prescriptions de la Loi, à ils se tiennent à eux-mêmes lieu de Loi; ils montrent la réalité de cette loi inscrite en leur cœur, à preuve le témoignage de leur conscience…» (2, 14s.). Ici apparaissent les deux concepts fondamentaux de nature et de conscience, où «conscience» n’est autre que le «cœur docile» de Salomon, la raison ouverte au langage de l’être. Si avec cela jusqu’à l’époque des Lumières, de la Déclaration des Droits de l’Homme après la seconde guerre mondiale et jusqu’à la formation de notre Loi Fondamentale, la question des fondements de la législation semblait claire, un dramatique changement de la situation est arrivé au cours du dernier demi siècle. L’idée du droit naturel est considérée aujourd’hui comme une doctrine catholique plutôt singulière, sur laquelle il ne vaudrait pas la peine de discuter en dehors du milieu catholique, de sorte qu’on a presque honte d’en mentionner même seulement le terme. Je voudrais brièvement indiquer comment il se fait que cette situation se soit créée. Avant tout, la thèse selon laquelle entre l’être et le devoir être il y aurait un abîme insurmontable, est fondamentale. Du fait d’être ne pourrait pas découler un devoir, parce qu’il s’agirait de deux domaines absolument différents. La base de cette opinion est la conception positiviste, aujourd’hui presque généralement adoptée, de nature. Si on considère la nature — avec les paroles de Hans Kelsen — comme «un agrégat de données objectives, jointes les unes aux autres comme causes et effets», alors aucune indication qui soit en quelque manière de caractère éthique ne peut réellement en découler (Waldstein, op. cit. 15-21). Une conception positiviste de la nature, qui entend la nature de façon purement fonctionnelle, comme les sciences naturelles la reconnaissent, ne peut créer aucun pont vers l’ethos et le droit, mais susciter de nouveau seulement des réponses fonctionnelles. La même chose, cependant, vaut aussi pour la raison dans une vision positiviste, qui chez beaucoup est considérée comme l’unique vision scientifique. Dans cette vision, ce qui n’est pas vérifiable ou falsifiable ne rentre pas dans le domaine de la raison au sens strict. C’est pourquoi l’ethos et la religion doivent être assignés au domaine du subjectif et tombent hors du domaine de la raison au sens strict du mot. Là où la domination exclusive de la raison positiviste est en vigueur — et cela est en grande partie le cas dans notre conscience publique — les sources classiques de connaissance de l’ethos et du droit sont mises hors jeu. C’est une situation dramatique qui nous intéresse tous et sur laquelle une discussion publique est nécessaire; une intention essentielle de ce discours est d’y inviter d’urgence.
Le concept positiviste de nature et de raison, la vision positiviste du monde est dans son ensemble une partie importante de la connaissance humaine et de la capacité humaine, à laquelle nous ne devons absolument pas renoncer. Mais elle-même dans son ensemble n’est pas une culture qui corresponde et soit suffisante au fait d’être homme dans toute son ampleur. Là ou la raison positiviste s’estime comme la seule culture suffisante, reléguant toutes les autres réalités culturelles à l’état de sous-culture, elle réduit l’homme, ou même, menace son humanité. Je le dis justement en vue de l’Europe, dans laquelle de vastes milieux cherchent à reconnaître seulement le positivisme comme culture commune et comme fondement commun pour la formation du droit, alors que toutes les autres convictions et les autres valeurs de notre culture sont réduites à l’état d’une sous-culture. Avec cela l’Europe se place, face aux autres cultures du monde, dans une condition de manque de culture et en même temps des courants extrémistes et radicaux sont suscités. La raison positiviste, qui se présente de façon exclusiviste et n’est pas en mesure de percevoir quelque chose au-delà de ce qui est fonctionnel, ressemble à des édifices de béton armé sans fenêtres, où nous nous donnons le climat et la lumière tout seuls et nous ne voulons plus recevoir ces deux choses du vaste monde de Dieu. Toutefois nous ne pouvons pas nous imaginer que dans ce monde auto-construit nous puisons en secret également aux «ressources» de Dieu, que nous transformons en ce que nous produisons. Il faut ouvrir à nouveau tout grand les fenêtres, nous devons voir de nouveau l’étendue du monde, le ciel et la terre et apprendre à utiliser tout cela de façon juste.
Mais comment cela se réalise-t-il? Comment trouvons-nous l’entrée dans l’étendue, dans l’ensemble? Comment la raison peut-elle retrouver sa grandeur sans glisser dans l’irrationnel? Comment la nature peut-elle apparaître de nouveau dans sa vraie profondeur, dans ses exigences et avec ses indications? Je rappelle un processus de la récente histoire politique, espérant ne pas être trop mal compris ni susciter trop de polémiques unilatérales. Je dirais que l’apparition du mouvement écologique dans la politique allemande à partir des années soixante-dix, bien que n’ayant peut-être pas ouvert tout grand les fenêtres, a toutefois été et demeure un cri qui aspire à l’air frais, un cri qui ne peut pas être ignoré ni être mis de côté, parce qu’on y entrevoit trop d’irrationalité. Des personnes jeunes s’étaient rendu compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans nos relations à la nature; que la matière n’est pas seulement un matériel pour notre faire, mais que la terre elle-même porte en elle sa propre dignité et que nous devons suivre ses indications. Il est clair que je ne fais pas ici de la propagande pour un parti politique déterminé — rien ne m’est plus étranger que cela. Quand, dans notre relation avec la réalité, il y a quelque chose qui ne va pas, alors nous devons tous réfléchir sérieusement sur l’ensemble et nous sommes tous renvoyés à la question des fondements de notre culture elle-même. Qu’il me soit permis de m’arrêter encore un moment sur ce point. L’importance de l’écologie est désormais indiscutée. Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est — me semble-t-il — largement négligé: il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine.
Revenons aux concepts fondamentaux de nature et de raison d’où nous étions partis. Le grand théoricien du positivisme juridique, Kelsen, à l’âge de 84 ans — en 1965 — abandonna le dualisme d’être et de devoir être. (Cela me console qu’à 84 ans, on puisse encore penser correctement) Il avait dit auparavant que les normes peuvent découler seulement de la volonté. En conséquence, la nature pourrait renfermer en elle des normes seulement — ajouta-t-il — si une volonté avait mis en elle ces normes. D’autre part disait-il, cela présupposerait un Dieu créateur, dont la volonté s’est introduite dans la nature. «Discuter sur la vérité de cette foi est une chose absolument vaine», note-t-il à ce sujet (Cfr. W. Waldstein, op. cit. 19). L’est-ce vraiment? — voudrais-je demander. Est-ce vraiment privé de sens de réfléchir pour savoir si la raison objective qui se manifeste dans la nature ne suppose pas une Raison créatrice, un Creator Spiritus?
A ce point le patrimoine culturel de l’Europe devrait nous venir en aide. Sur la base de la conviction de l’existence d’un Dieu créateur se sont développées l’idée des droits de l’homme, l’idée d’égalité de tous les hommes devant la loi, la connaissance de l’inviolabilité de la dignité humaine en chaque personne et la conscience de la responsabilité des hommes pour leur agir. Ces connaissances de la raison constituent notre mémoire culturelle. L’ignorer ou la considérer comme simple passé serait une amputation de notre culture dans son ensemble et la priverait de son intégralité. La culture de l’Europe est née de la rencontre entre Jérusalem, Athènes et Rome — de la rencontre entre la foi au Dieu d’Israël, la raison philosophique des Grecs et la pensée juridique de Rome. Cette triple rencontre forme l’identité profonde de l’Europe. Dans la conscience de la responsabilité de l’homme devant Dieu et dans la reconnaissance de la dignité inviolable de l’homme, de tout homme, cette rencontre a fixé des critères du droit, et les défendre est notre tâche en ce moment historique.
Au jeune roi Salomon, au moment de son accession au pouvoir, une requête a été accordée. Qu’en serait-il si à nous, législateurs d’aujourd’hui, était concédé d’avancer une requête? Que demanderions-nous? Je pense qu’aujourd’hui aussi, en dernière analyse, nous ne pourrions pas désirer autre chose qu’un cœur docile — la capacité de distinguer le bien du mal et d’établir ainsi le vrai droit, de servir la justice et la paix. Je vous remercie pour votre attention.

[Texte original: Allemand]

BENOÎT XVI RENCONTRE LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE BERLIN

23 septembre, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-29015?l=french

BENOÎT XVI RENCONTRE LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE BERLIN

Discours

ROME, Jeudi 22 septembre 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le discours que le pape Benoît XVI a adressé ce jeudi aux membres de la communauté juive de Berlin, qu’il a rencontrés dans le cadre de son voyage apostolique dans son pays natal (22-25 septembre).
Mesdames et Messieurs, chers amis!
Je suis heureux de cette rencontre avec vous ici à Berlin. Je remercie de tout cœur Monsieur le Président, Dr Dieter Graumann, pour ses aimables paroles qui font aussi réfléchir. Elles me montrent combien a grandi la confiance entre le Peuple juif et l’Eglise catholique, qui ont en commun une partie non négligeable de leurs traditions fondamentales, comme vous l’avez souligné. En même temps, nous savons bien, tous, qu’une communion affectueuse et compréhensive entre Israël et l’Eglise, dans le respect réciproque de l’être de chacun, doit toujours encore continuer à croître, et qu’elle est à inclure profondément dans l’annonce de la foi.
Durant ma visite à la synagogue de Cologne, il y a six ans, le Rabbin Teitelbaum a parlé de la mémoire comme l’une des colonnes dont on a besoin pour fonder sur elle un avenir pacifique. Et aujourd’hui, je me trouve dans un lieu central de la mémoire, d’une mémoire effroyable: d’ici fut projetée et organisée la Shoah, l’élimination des citoyens juifs en Europe. Avant la terreur nazie en Allemagne vivaient environ un demi million de juifs, qui constituaient une composante stable de la société allemande. Après la deuxième guerre mondiale, l’Allemagne fut considérée comme le «Pays de la Shoah» où, au fond, on ne pouvait plus vivre en temps que juif. Au début il n’y avait pratiquement plus aucun effort pour refonder les anciennes communautés juives, même si de l’Est arrivaient continuellement des personnes seules et des familles juives. Beaucoup d’entre elles voulaient émigrer et se construire une nouvelle existence, surtout aux Etats-Unis ou en Israël.
En ce lieu, il faut aussi rappeler le pogrom de la «nuit de cristal» du 9 au 10 novembre 1938. Seulement peu de personnes percevront toute la portée de cet acte de mépris comme le perçut le prévôt du Chapitre berlinois, Bernhard Lichtenberg qui, de la chaire de la cathédrale de Sainte-Hedwige, cria: «Le Temple est en flammes dehors — et il est aussi une maison de Dieu». Le régime de terreur du national-socialisme se fondait sur un mythe raciste, dont faisait partie le refus du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, du Dieu de Jésus Christ et des personnes croyantes en lui. Le «tout-puissant» Adolf Hitler, c’était une idole païenne qui voulait se mettre à la place du Dieu biblique, Créateur et Père de tous les hommes. Avec le refus du respect pour ce Dieu unique se perd toujours aussi le respect pour la dignité de l’homme. Ce dont est capable l’homme qui refuse Dieu et quel visage peut prendre un peuple dans le «non» à ce Dieu, les horribles images provenant des camps de concentration à la fin de la guerre l’ont révélé.
Face à cette mémoire, il faut constater, avec gratitude, que depuis quelques décennies se manifeste un nouveau développement à propos duquel on peut même parler d’une nouvelle floraison de la vie juive en Allemagne. Il faut souligner qu’à cette même époque la communauté juive a eu, de façon particulière, un grand mérite pour son œuvre d’intégration des immigrés est-européens.
Avec reconnaissance, je voudrais aussi évoquer le dialogue entre l’Eglise catholique et le Judaïsme, un dialogue qui s’approfondit. L’Eglise ressent une grande proximité avec le peuple juif. Avec la Déclaration Nostra aetate du Concile Vatican ii, on a commencé à «parcourir un chemin irrévocable de dialogue, de fraternité et d’amitié» (Discours à la Synagogue de Rome, 17 janvier 2010). Ceci vaut pour l’Eglise catholique tout entière, dans laquelle le bienheureux Pape Jean-Paul ii s’est engagé de façon particulièrement vigoureuse en faveur de ce nouveau chemin. Ceci vaut évidemment aussi pour l’Eglise catholique en Allemagne qui est bien consciente de sa responsabilité particulière en cette matière. Dans le domaine public on note surtout la «Semaine de la fraternité» qui est organisée chaque année au cours de la première semaine de mars par les associations locales pour la collaboration judéo-chrétienne.
Du côté catholique il y a en outre des rencontres annuelles entre Evêques et Rabbins, comme aussi des colloques structurés avec le Conseil central des Juifs. Déjà dans les années soixante-dix, le Comité Central des Catholiques allemands (ZdK) s’est distingué par la fondation d’un forum «Juifs et Chrétiens», qui au cours des années a produit, avec compétence, de nombreux documents utiles. Je ne voudrai pas oublier de mentionner la rencontre historique pour le dialogue judéo-chrétien de mars 2006, avec la participation du Cardinal Walter Kasper. Ce travail en commun porte des fruits.
A côté de ces initiatives importantes il me semble que nous chrétiens nous devons nous rendre toujours plus compte de notre affinité intérieure avec le judaïsme, vous en avez parlé. Pour les chrétiens il ne peut y avoir une rupture dans l’événement du salut. Le salut vient justement des Juifs (cf. Jn 4, 22). Là où le conflit de Jésus avec le Judaïsme de son temps est vu de manière superficielle comme un détachement de l’Ancienne Alliance, il finit par être réduit à une idée de libération qui mésinterprète la Torah comme étant seulement l’observance servile de rites et de prescriptions extérieures. Mais de fait, le discours sur la Montagne n’abolit pas la Loi mosaïque, mais il révèle ses possibilités cachées et fait émerger de nouvelles exigences. Il nous renvoie au fondement le plus profond de l’agir humain, au cœur, où l’homme choisit entre le pur et l’impur, où se développent la foi, l’espérance et l’amour.
Le message d’espérance que les livres de la Bible hébraïque et de l’Ancien testament chrétien transmettent, a été assimilé et développé par des juifs et des chrétiens de diverses façons. «Après des siècles d’opposition, nous nous reconnaissons le devoir de faire en sorte que ces deux manières de faire une nouvelle lecture des écrits bibliques — celle des chrétiens et celle des juifs — entrent en dialogue entre elles, pour comprendre correctement la volonté et la parole de Dieu» (Jésus de Nazareth. Deuxième partie: De l’entrée à Jérusalem à la résurrection, p. 50). Dans une société toujours plus sécularisée, ce dialogue doit renforcer la commune espérance en Dieu. Sans cette espérance la société perd son humanité.
Tout compte fait, nous pouvons constater que l’échange entre l’Eglise catholique et le Judaïsme en Allemagne a déjà porté des fruits prometteurs. Des relations durables et confiantes ont grandi. Juifs et Chrétiens ont certainement une responsabilité commune pour le développement de la société, laquelle possède toujours aussi une dimension religieuse. Puissent tous les intéressés continuer ensemble ce chemin. Pour cela que l’Unique et le Tout-Puissant — Ha Kadosch Baruch Hu — donne sa Bénédiction. Je vous remercie.[Texte original: Allemand]

The crossing of the red sea & the hymn of Myriam

22 septembre, 2011

The crossing of the red sea & the hymn of Myriam  dans images sacrée 16%20DALLE%20PALLE%20CROSSING%20OF%20THE%20RED%20SEA
http://www.artbible.net/1T/Exo1401_Redsea_myriampsong/index_6.htm

Quand Dieu nous surprend : 2- Ressemblance et rivalité

22 septembre, 2011

du site:

http://biblio.domuni.eu/

Michel Van Aerde op

Quand Dieu nous surprend

La Thune, Marseille, 2001, 195 pages

2- Ressemblance et rivalité

Je me souviens qu’un jour, faisant mimer l’Exode par des enfants, l’un d’eux est monté sur la table en disant : « Je joue le rôle de Dieu » ! Dieu des hauteurs, des chefs divinisés, des Césars, Incas et autres empereurs, au Pérou, à Rome ou au Japon. Dieu dictateur, Ubu ! Mais le Dieu des chrétiens est différent : il n’est pas au-dessus, il est au-dessous. Il est à nos pieds, pour les laver. La révélation de Jésus-Christ contraint à une complète révision. Identifier Dieu en Jésus-Christ oblige à convertir toute représentation de Dieu, préalable à cette révélation.
Le mythe d’Adam et Eve plante bien le décor. Il projette aux origines un phénomène permanent. Le ver est dans le fruit, dit le langage commun ; le serpent est dans l’arbre, dit la Bible. Dès le commencement, c’est-à-dire au principe de chacun de ses actes, l’homme est assailli par un doute fatal : Dieu ne chercherait-il pas à garder ses privilèges jalousement ? Il imagine un Dieu centre de tout, tyrannique, celui des représentations infantiles que Freud critique tant : tout-puissant, insensible et autosuffisant, un Dieu épouvantail, rival et castrateur.
« Vous serez comme des dieux » La première idole, c’est le « moi » qui se fait dieu en transgressant la limite symbolique où commence l’espace de l’autre. En deçà, c’est le respect et la confiance ; au-delà, c’est le conflit et la mort de l’un des deux.
La perfidie du serpent tient au doute qu’il introduit. « Dieu sait ce qui arriverait si vous mangiez du fruit défendu, si vous franchissiez la limite de l’interdit. Alors, vous seriez comme lui. Alors, vous seriez Dieu et il ne serait plus rien. C’est pour cela qu’il vous l’interdit9. >
L’interdit limite mon désir de toute-puissance. Il m’irrite parce qu’il marque la ligne à partir de laquelle commence l’espace de l’autre. Si je passe de l’autre côté, l’autre est nié, symboliquement tué. La plupart des violences correspondent à cette transgression : l’invasion d’un peuple par un autre, l’introduction d’une arme dans le corps, le viol, l’autorité abusive de certains parents, le non respect de la nature qui conduit celle-ci à la dégradation et à la mort.
« Vous serez comme des dieux. » Cette affirmation du serpent exprime que l’homme souhaite alors dominer, sans limite. Mais il entre ainsi dans une sorte de délire, qui ne peut conduire qu’à la désillusion. Le rappel de la réalité et en particulier de la condition humaine se vit douloureusement. Comme l’indique la Bible, le rapport à l’autre se vit sous la modalité du châtiment : conflit entre l’homme et la femme, enfantement douloureux des enfants, travail du sol épuisant.
Ce qui est pervers et ce qui fait tout le mensonge du serpent, c’est qu’il propose de devenir Dieu. Il emploie le même mot mais ne parle pas du même Dieu. « Vous serez comme des dieux », mais quels dieux ? Il s’agit d’un fantasme de dieu, pas du Dieu vivant car celui-ci, en Jésus-Christ, se révèle serviteur et non pas dominateur, au pied de ses disciples et non pas surplombant, vulnérable et à leur merci, pas du tout insensible et inaccessible.
Le Dieu que nous imaginons et dont nous rêvons d’occuper la place, le Dieu que nous n’arrivons pas à être, est devenu notre idole ! En version grecque, on retrouve le mythe de Prométhée, enchaîné par les dieux parce qu’il a volé le feu pour le donner aux hommes. Les dieux grecs sont jaloux. Le Dieu biblique est supposé jaloux mais il ne l’est pas. Il s’inquiète des ravages que l’erreur, ou la faute originelle va causer. Que l’humanité cherche scientifiquement et techniquement à repousser les frontières de son savoir et de son pouvoir, n’est pas répréhensible. En revanche, qu’elle veuille échapper à sa propre condition est la cause de son autodestruction, de sa mort profonde, de son suicide plus ou moins collectif. Elle se cogne contre les murs et, ne trouvant pas de sortie, crée son propre enfer.
Dans la perspective de Jésus-Christ, serait-il interdit de devenir « Dieu » ? Tout au contraire et la Bible ne parle pas d’autre chose ! Le psaume 9410 par exemple, évoque le repos de Dieu auquel les hommes sont appelés à entrer. Le souhait de Jésus-Christ est précisément que les hommes partagent sa vie : « Qu’ils soient un en nous.» Jésus nous invite à participer à la condition divine. Quand on lui reproche de « se faire Dieu », il utilise l’Ecriture et montre que ceux qui écoutent la Parole, sont fils de Dieu. Dans cette ligne, toute la théologie orthodoxe s’exprime en termes de divinisation de l’homme, par la prière et par les sacrements. « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu », dit saint Irénée, qui ajoute : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant et la vie de l’homme, c’est voir Dieu .>>

Mais revenons au mythe explicatif. Lorsque je me mets en position centrale et supérieure, soi-disant divine, j’entre immédiatement en conflit. Cela commence par le conflit de l’homme avec la femme. Un seul centre suppose que l’un des deux, l’homme ou la femme, doit servir l’autre11. La théologie a des répercutions immédiatement sociales, politiques et même écologiques. S’il n’y a qu’une seule personne absolue, nous sommes à l’opposé d’un Dieu Trinité, communauté. Nous sommes dans la tyrannie, pas dans la communion.

A l’opposé d’une Trinité, vivant un seul amour, unité dans la diversité, où la relation appelle et constitue la personne, si je me représente Dieu comme un vieillard assis sur son trône, qui domine et régimente, qui réquisitionne et qui châtie, je suis en consonance avec le machisme et la violence brute.

Tant que se maintient cette représentation perverse, il n’y a pas de solution dans le conflit qui oppose l’homme et la femme, les parents et les enfants, l’homme et son travail. Si « je » suis seul, au centre, ma femme doit me servir, mes enfants doivent me ressembler et se conformer à mon désir sur eux. Ils ne doivent pas m’échapper, en introduisant une différence, une altérité qui puisse blesser mon narcissisme. On comprend que l’accouchement, au sens propre mais surtout figuré, devienne douloureux. Alors, de même que l’homme s’affirme en se mettant par force à la place de ce Dieu imaginé, en transgressant l’interdit symbolique, de même les enfants s’auto-accouchent, par les diverses transgressions qu’ils se permettent dans la « règle » du pater familias.

Par la suite, les frères poursuivent ce conflit puisque, pour qu’il n’y ait qu’un seul centre, un seul absolu, l’autre doit céder. Caïn tue Abel par jalousie, parce qu’il n’est pas comme lui 12. Enfin la nature elle-même devient une limite au désir de toute-puissance. Elle résiste en tant que vis-à-vis. Elle impose des contraintes13 ? On lui fait violence, et le travail devient pénible. Adam gagne son pain à la sueur de son front.

Le problème n’est donc pas celui des mots mais celui du contenu des mots. Quelle bière y a-t-il sous la mousse ? Quand je dis « Dieu », quand le serpent dit « Dieu », quand César se dit « Dieu », quand le Christ dit « Dieu » : de quel « Dieu » s’agit-il ? Le mot « Dieu » désigne alors tant de réalités différentes ! Suffit-il de rayer le mot « Dieu » du dictionnaire, pour éliminer les ambiguïtés ? Notre civilisation évacue la question de ses références culturelles mais la question de Dieu cesse-t-elle pour autant de se poser ? Peut-on vraiment la poser autrement qu’en prononçant le mot de Dieu? Le « drame de l’humanisme athée » manifeste bien que non ! En prenant le risque d’utiliser le mot « Dieu », alors son opposé, sa caricature, peut aussi être nommé. C’est l’« idole », autre mot qu’il peut être utile de réhabiliter.

Ce mot n’est plus guère employé, mais les idoles modernes n’en existent pas moins. Dans la jungle épaisse des représentations de Dieu, dans la cacophonie du Nouvel Age, des sectes, des gnoses, dans la confrontation des différentes religions, grandes et petites, séculières ou non… quel est « mon » Dieu ? « En Qui ai-je mis ma foi ? » « Comment rendre compte de l’Espérance qui est en moi ? » « Qui est-il, Celui que mon cœur aime ? » Celui pour lequel je suis prêt à mourir14, celui que j’adore, celui que je sers, celui sur lequel je compte fondamentalement, celui dont je crois qu’il ne me laissera jamais tomber, du moins jamais définitivement, dont je sais qu’il me ressuscitera… ? Qui est-il, « mon », « ton » Dieu ?

Mon Dieu, autant le dire dès maintenant, mon Dieu est avant tout relation. Il est relationnel, il est la relation : « une » relation, au sens où je peux dire d’un ami qu’il fait partie de mes relations mais, plus fondamentalement, il est « La » relation. Et l’invitation nous est faite, d’entrer en relation, comme on entre dans la danse : entrer dans cette relation qu’Il est.

Comment l’homme dépareillé que je suis pourra-t-il retrouver sa vérité, image et ressemblance de Dieu, sans que soit restaurée sa relation fondamentale avec Celui qui est à la fois son origine et sa fin ? Par quelle voie pourra-t-il y parvenir, sinon la voie étroite et douloureuse : celle de la vulnérabilité. Seul le chemin de la croix conduit à l’échange vrai, dans une relation de réciprocité.

La vulnérabilité de qui ? Pas la vulnérabilité de l’homme : vaincu, il ne ferait que nourrir davantage de ressentiment ! Dans le combat spirituel, c’est Dieu qui sort vaincu. On le voit dans celui de Jacob au gué du Yaboq. « On t’appellera Israël car tu as été fort contre Dieu15. » C’est la vulnérabilité de Dieu, véritable scandale intellectuel et existentiel, qui fait éclater le concept aliénant de la fausse divinité, qui libère d’une théologie perverse et infernale. Car, suivant l’admirable formule de saint Maxime le Confesseur, « L’homme ne cède que sous le poids de l’extrême humiliation de Dieu .» Plongée dans la vulnérabilité de Dieu, celle de l’homme cesse d’être un défaut. Dans la mesure où Dieu assume la condition humaine, l’homme se réconcilie avec ses limites et entre en relation, une relation qui est la vie même de Dieu. Dieu n’est pas un solitaire orgueilleux et méfiant. Il n’est pas emmuré dans une folie violente16. Il est communauté. Dieu a renoncé à être l’idole. Jésus, authentique expression du Père, le manifeste en sa personne : il ne considère pas comme une proie, comme un capital inaliénable, d’être égal à Dieu17 !

Pour s’être mis à la place de Dieu, l’homme est devenu inhumain. Pour que ce surhomme raté découvre le vrai Dieu, il faudra que Dieu lui apprenne ce qu’est un homme18. Il faudra que Dieu se fasse humain, assume la condition humaine dans toutes ses limitations, sans fuir les plus pénibles, celles de la souffrance et de la mort. Pour que l’homme redevienne humain, il faut que quelqu’un lui apprenne ce qu’est l’homme, et comment l’homme peut devenir authentiquement divin. Pas seulement devenir « comme » Dieu : radicalement devenir Dieu !

9 Gen. 3, 5 : « Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal. »
10 Ps 94, 11 : « Alors je l’ai juré dans ma colère, jamais ils n’entreront dans mon repos ».
11 Même prétention quand on s’imagine capable de combler la soif de l’autre et pouvoir le rendre heureux.
12 « Si l’homme veut se faire Dieu, il s’arroge le droit de vie ou de mort sur les autres. Fabricant de cadavres, et de sous-hommes, il est sous-homme lui-même et non pas Dieu, mais serviteur ignoble de la mort. » Camus, A. L’homme révolté, éd. de poche, p 292.
13 « Aucun artiste ne tolère le réel .» Nietzsche cité par Camus, ibid, p 303
« Je crois de plus en plus, écrit Van Gogh, qu’il ne faut pas juger le bon Dieu sur ce monde-ci. C’est une étude de lui qui est mal venue. » idem, cité p. 306. Et : « Je puis bien, dans la vie et dans la peinture aussi, me passer du bon Dieu. Mais je ne puis pas, moi souffrant, me passer de quelque chose qui est plus grand que moi, qui est ma vie, ma puissance de créer. » id, p308.
14 Ou prêt à tuer ?
15 Gn 32, 29.
16 Un jour à Montpellier, M. Armand Abecassis, à qui je demandais comment il expliquait le fait qu’Emmanuel Lévinas, philosophe de la relation, ne parle que de l’homme croyant, jamais du Dieu auquel cet homme croit, me répondit soudainement : « Vous avez raison, si Dieu est seul, il devient fou ».
17 Ph. 2 : « Lui de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. »
18 « Le Verbe de Dieu s’est fait homme pour que nous apprenions d’un homme comment l’homme peut devenir Dieu » saint Clément d’Alexandrie.

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