Homélie du 23e dimanche ordinaire A

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Homélie du 23e dimanche ordinaire A

Ez 33, 7-9 ; Rm 13, 8-10 ; Mt 18, 15-20

Dans un ouvrage écrit conjointement par des chercheurs croyants, chrétiens et musulmans, on peut lire que le Nouveau Testament « est digne de l’estime du musulman, car il est une voie qui mène à Dieu et à l’amour du prochain, c’est-à-dire à l’essentiel au regard de l’islam »… Et cela, même si « cette voie est différente de la sienne à maints égards » (1).
Juifs et chrétiens peuvent aussi se retrouver sur la même longueur d’onde, puisqu’ils reconnaissent par Moïse ou par Jésus que le premier et le deuxième commandement sont inséparables. La déclaration de Paul aux Romains le rappelle : « L’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour ».
Mais l’amour de Dieu et du prochain ne peut rester cloîtré dans la zone sereine des principes et des nobles abstractions. Pour exister, il doit naître au monde de la réalité et donc s’incarner. c’est ici que commencent aussitôt les difficultés, les tensions et les oppositions à propos des moyens utilisés, des interprétations choisies, et de l’intervention toujours perverse des intérêts personnels, vices et passions. C’est ainsi que les instruments deviennent des idoles, le secondaire prend rang d’absolu et des formes ou traditions passagères sont déclarées « de toujours ». C’est le règne de la violence, des intégrismes et fanatismes, du légalisme et du pharisaïsme, où Dieu et l’être humain, inséparablement, sont sacrifiés sur l’autel de l’orgueil ou de la bêtise, dont chaque religion a ses temples, ses grands prêtres et sa part de fidèles.
Il est vrai que la pratique de l’amour de Dieu et des autres n’est pas synonyme de facilité ni de tranquillité. Ezéchiel souligne bien la rude et difficile tâche des prophètes qui ont à dénoncer le mal, rappeler les exigences de l’Alliance, indiquer le juste chemin, réconcilier les adversaires, maintenir l’unité et la communion… Et toujours au risque de déplaire, de froisser des susceptibilités et de mettre en péril des intérêts par trop humains.
Ardu et quotidiennement exigeant que d’exercer au sein des communautés chrétiennes, ou de l’Eglise universelle, le devoir de « correction fraternelle » qui relève du souci d’unité et de communion, de la fidélité et du pardon, sans tomber dans la démission du silence, l’orgueil janséniste ou l’arbitraire de l’inquisition.
En passant du singulier au pluriel et de Pierre à tous les disciples, Jésus a confié à son Eglise, et à chacun de ses membres, l’admirable mission et la lourde responsabilité de la réconciliation et de l’unité. Tous ceux et celles qu’il nous arrive d’enchaîner et de paralyser par notre méfiance ou notre orgueil, les éloignant ainsi, et de nous, et de Dieu, nous pouvons aussi les délier par l’amour et la patience, la délicatesse et le respect.
Chaque communauté, si petite soit-elle, a même reçu l’incroyable pouvoir de rendre Jésus présent et agissant. Il « suffit » pour cela d’être ré-unis en son nom et de « se mettre d’accord »… Il faut cependant beaucoup plus que la simple présence physique de deux ou trois personnes. C’est bien l’unité, la communion entre elles, qui est exigée pour refléter et témoigner quelque peu de la vie même de Dieu, où les diversités culminent dans l’harmonie des échanges.
Pour être Eglise, re-présenter le Christ, faire des miracles et révéler Dieu au monde, il faut que ceux et celles qui se rassemblent s’aiment et collaborent, s’éclairent et s’entraident, se corrigent et s’encouragent, cultivant chacun et ensemble « l’exigence permanente du mieux » et le souci prioritaire du royaume de Dieu.
Ces communautés familiales, paroissiales ou religieuses, les réunions pastorales, les rassemblements eucharistiques, tout comme le dialogue entre les époux, ont sans cesse besoin d’une nouvelle évangélisation. Ne sommes-nous pas excessivement en dette de l’amour mutuel, au risque de conduire tout droit à la faillite, plans et projets, et même la construction du royaume de justice et de paix ?

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)   1925 – 2008

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