Archive pour août, 2011

Sainte Claire d’Assise

10 août, 2011

Sainte Claire d'Assise  dans images sacrée

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DE S. S. BENOÎT XV (1921) LETTRE ENCYCLIQUE IN PRAECLARA SUMMORUM – SUR DANTE ALIGHIERI

10 août, 2011

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xv/encyclicals/documents/hf_ben-xv_enc_30041921_in-praeclara-summorum_fr.html

LETTRE ENCYCLIQUE IN PRAECLARA SUMMORUM

DE S. S. BENOÎT XV

À L’OCCASION DU SIXIÈME CENTENAIRE
DE LA MORT DE DANTE ALIGHIERI (*)

30 avril 1921

BENOÎT XV, PAPE

Chers Fils,
Salut et Bénédiction apostolique.
DANS LA GLORIEUSE LIGNÉE des génies dont l’éclatant renom fait l’honneur du Catholicisme et qui, soit dans tous les domaines, soit plus spécialement dans les lettres et les beaux-arts, ont, par les immortelles productions de leur talent, magnifiquement servi à la fois la société et l’Église, une place de choix revient à Dante Alighieri, mort il y aura bientôt six cents ans.

LE CATHOLICISME DE DANTE
Gloire commune de l’humanité,  » Dante est avant tout nôtre « .
Jamais peut-être plus que de nos jours on n’a rendu hommage à la supériorité de ce génie qu’est Dante. Ce n’est pas seulement l’Italie, justement fière de lui avoir donné le jour, qui se prépare avec enthousiasme à chanter sa mémoire ; Nous savons que, dans toutes les nations civilisées, des Comités spéciaux de savants se sont constitués afin que le monde entier ne fasse qu’un pour célébrer cette pure gloire de l’humanité.
Or, ce chœur si magnifique de voix autorisées, il convient d’y unir Notre voix ; bien plus, Nous devons en quelque sorte le diriger : n’est-ce point à l’Église, sa mère, de réclamer, la première et bien haut, l’Alighieri pour son enfant ? Dès le début de Notre Pontificat, Nous demandions, dans une lettre à l’archevêque de Ravenne, qu’on embellît, en vue du centenaire de l’Alighieri, la basilique voisine de son tombeau ; aujourd’hui, afin d’inaugurer les fêtes de ce centenaire, il Nous a paru bon de vous écrire à vous tous, chers Fils, qui, sous la direction de l’Église, vous appliquez à l’étude des lettres, pour vous montrer plus clairement encore quels liens étroits rattachent Dante à cette Chaire de Pierre, et comment il est de toute justice de rapporter pour une grande part au catholicisme les éloges décernés à un si grand nom.
Et d’abord, si l’on se rappelle que, toute sa vie durant, notre Dante a professé d’une façon exemplaire la religion catholique, il semble bien que ce soit répondre à ses propres vœux que de placer sous les auspices de la religion, comme Nous apprenons qu’on s’y apprête, les fêtes de son centenaire, et, si on doit les clôturer à San-Francesco de Ravenne, de les ouvrir à San-Giovanni de Florence, l’église magnifique vers laquelle, au soir de sa vie, Dante exilé reportait son souvenir chargé de regrets amers, nourrissant l’espoir passionné de ceindre les lauriers de poète dans ce Baptistère même qui l’avait vu naître à la foi.
Dante est redevable au catholicisme de sa culture, du fond doctrinal et de l’austère beauté de ses œuvres.
Né à une époque où florissaient la philosophie et la théologie, grâce aux docteurs scolastiques qui recueillaient les plus belles œuvres du passé pour les transmettre à l’avenir après y avoir mis l’empreinte de leur subtil génie, Dante, parmi la grande variété des opinions, prit pour guide principal Thomas d’Aquin, Prince de l’Ecole. C’est à ce maître, dont le génie intellectuel a été caractérisé par le titre d’angélique, qu’il doit presque tout ce que lui révélèrent la philosophie et la spéculation théologique, sans d’ailleurs négliger aucun genre de connaissance ou de science ni diminuer les longues heures consacrées à la méditation des Livres Saints et des écrits des Pères.
On comprend donc que, pourvu d’une culture aussi universelle et versé surtout dans les sciences sacrées, il ait trouvé, quand il eut pris la résolution d’écrire, dans le domaine même de la religion, un champ presque infini ouvert à son talent de poète et des sujets de ta plus haute portée.
Sans doute, il convient d’admirer la prodigieuse ampleur et la pénétration de son génie ; mais il faut se souvenir également qu’une grande part de sa force est puisée dans la foi divine ; ce qui explique que Dante soit redevable de la beauté de son œuvre principale autant aux splendeurs variées de la vérité révélée qu’à toutes les ressources de l’art.
Le dogme catholique dans l’œuvre de Dante.
De fait, la Divine Comédie – divine, le mot est très juste – n’a pour but, en définitive, même en ses éléments de fiction et d’imagination et dans les réminiscences profanes qu’elle renferme en de nombreux passages, que d’exalter la justice et la providence de Dieu, qui régit le monde dans le temps et dans l’éternité, qui distribue aux individus et aux sociétés récompenses ou châtiments suivant leurs mérites.
Aussi ce poème chante-t-il magnifiquement, et en parfaite conformité avec les dogmes de la foi catholique, l’auguste Trinité du Dieu un, la Rédemption du genre humain par le Verbe de Dieu Incarné, l’immense et généreuse bonté de la Vierge Marie, Mère de Dieu et Reine du ciel, la béatitude céleste des élus, anges et hommes, et, en un saisissant contraste, les supplices des impies dans les abîmes ; enfin, entre le paradis et l’enfer, la demeure des âmes qui, une fois consommé leur temps d’expiation, voient le ciel s’ouvrir devant elles. Et l’on constate, à travers tout le poème, que le sens le plus averti préside à l’exposé de ces dogmes et des autres dogmes catholiques.
Les progrès de la cosmographie ont pu révéler plus tard que le système cosmique et astral de la science antique n’était qu’un mythe, que la nature, le nombre et le cours des étoiles et autres astres sont tout différents de ce qu’elle pensait ; il n’en reste pas moins que l’univers, quelles que soient les lois qui en régissent les éléments, est soumis à la même volonté qui l’a créé, celle du Dieu tout-puissant, qui donne le mouvement à toute la nature et qui a mis partout un reflet plus ou moins puissant de sa gloire. Si la terre que nous habitons ne joue pas, comme on le croyait, le rôle de centre dans le système général du monde, c’est elle du moins qui a été le cadre du bonheur de nos premiers parents, puis le théâtre de la chute lamentable qui en marqua pour eux la perte, et de la rédemption des hommes par le sang de Jésus-Christ.
Aussi, la description qu’il a donnée du triple état des âmes que lui représentait son imagination montre que pour dépeindre, avant le jugement divin du dernier jour, la damnation des réprouvés, l’expiation des âmes justes, le bonheur des élus, c’est des données intimes de la foi qu’il tire les plus vives clartés.

LES GRANDES LEÇONS DU CENTENAIRE
Voici, pensons-Nous, les enseignements les plus féconds que nos contemporains peuvent retirer de l’héritage laissé par Dante, soit dans les autres œuvres, soit spécialement dans la Divine Comédie.
Vénérer la Sainte Écriture.
Tout d’abord, l’Ecriture Sainte a droit à la vénération la plus profonde de tous les fidèles, et c’est avec un souverain respect qu’il faut accepter tout ce qu’elle renferme. Dante appuie cette règle sur le fait que,  » encore qu’il y ait bien des secrétaires de la parole divine, ils n’écrivent que sous la dictée de Dieu seul, qui a daigné se servir de la plume de nombreux écrivains pour nous communiquer son message de bonté  » (1). Formule assurément heureuse et d’une parfaite exactitude. Comme aussi cette autre :  » Le Testament ancien et nouveau, promulgué pour l’éternité, dit le prophète « , contient des  » enseignements spirituels qui dépassent l’entendement humain « , donnés  » par le Saint-Esprit, qui, par les prophètes et les écrivains sacrés, par Jésus-Christ, Fils de Dieu et co-éternel à lui, ainsi que par ses disciples, a révélé la vérité surnaturelle et nécessaire à nos âmes  » (2).
C’est donc avec grande raison, disait-il, que pour l’éternité qui suivra le cours de la vie mortelle,  » nous tirons nos certitudes de la doctrine infaillible du Christ, qui est la Voie, la Vérité et la Lumière : la Voie, car c’est elle qui, à travers tous les obstacles, nous mène au bonheur éternel ; la Vérité, puisqu’elle est exempte de toute erreur ; la Lumière, puisqu’elle dissipe les ténèbres terrestres de l’ignorance  » (3). Dante entoure du même respect attentif  » ces vénérables Conciles généraux, auxquels pas un fidèle ne conteste que le Christ ait pris part « . Il tient aussi en grande estime  » les œuvres des docteurs Augustin et autres  » ;  » celui « , dit-il,  » qui doute qu’ils aient été assistés du Saint-Esprit, ou bien n’a rien découvert de leurs fruits ou, s’il l’a fait, n’a pas su le moins du monde les goûter  » (4).
Respecter filialement l’Église et le Souverain Pontife.
Ses propres infortunes et des abus réels excusent la dureté des invectives de Dante.
Alighieri a des égards tout particuliers pour l’autorité de l’Église catholique, pour le pouvoir du Pontife Romain, pouvoir qui, à ses yeux, donne leur force à chacune des lois et institutions de l’Église elle-même. De là l’énergique exhortation qu’il adresse aux chrétiens : dès lors qu’ils ont les deux Testaments, et en même temps le Pasteur de l’Église pour les guider, qu’ils se tiennent pour satisfaits de ces moyens de salut. Aussi bien, attristé des malheurs de l’Église comme s’ils eussent été les siens, pleurant et stigmatisant toute infidélité des chrétiens à l’égard du Souverain Pontife, voici en quels termes il interpelle les cardinaux italiens quand le Siège Apostolique a quitté Rome :  » Quelle honte pour nous aussi qui croyons au même Père et Fils, au même Dieu et homme, à la même Mère et Vierge ; nous pour qui et pour le salut de qui Pierre s’est entendu dire, après avoir eu à répondre trois fois de son amour : Pierre, sois le pasteur du troupeau sacrosaint. Quelle honte pour Rome qui, après avoir fêté tant de triomphateurs, s’est vu confirmer en parole et en acte par le Christ l’empire du monde ; Rome, que Pierre et Paul, l’apôtre des nations, ont consacrée Siège Apostolique en l’arrosant de leur propre sang ; Rome, dont, à la suite de Jérémie, nous lamentant pour les contemporains et non pour la postérité, il nous faut pleurer la viduité et l’abandon. Quelle honte ! aussi affreuse, hélas ! que le spectacle du lamentable déchirement des hérésies.  » (5)
Aussi appelle-t-il l’Église romaine  » la Mère très tendre ou l’Epouse du Crucifié  » ; Pierre, il le proclame le juge infaillible de la vérité divinement révélée, auquel tous sont obligés de se soumettre avec la plus entière docilité en tout ce qu’on doit croire ou pratiquer pour assurer son salut éternel. C’est pourquoi, encore qu’il professe que la dignité de l’empereur vienne directement de Dieu, cette  » vérité « , dit-il,  » ne doit pas se prendre dans un sens si absolu que le Prince Romain n’ait pas sur tel ou tel point à se soumettre au Pontife Romain, étant donné que la prospérité mortelle d’ici-bas est en quelque sorte ordonnée au bonheur éternel  » (6).
Principe excellent et plein de sagesse, qui, s’il est fidèlement observé, même aujourd’hui, ne manque pas de produire pour les États les plus abondants fruits de prospérité.
Il est vrai, Dante a des invectives extrêmement sévères et offensantes contre des Papes de son temps ; mais il visait ceux dont il ne partageait point les vues politiques et qui étaient, pensait-il, de connivence avec le parti qui l’avait exilé de son foyer et de sa patrie.
Mais on doit pardonner à un homme ballotté par un tel flot d’infortunes, si de son cœur ulcéré il laissa échapper quelque jugement qui semble avoir dépassé la mesure ; il est d’autant plus excusable qu’il n’est pas douteux que des esprits portés, comme il arrive fréquemment, à tout interpréter en mal chez leurs adversaires, aient alimenté sa colère de leurs calomnies.
Et puis, l’humaine faiblesse permettant que  » même aux âmes saintes il s’attache nécessairement quelque chose de la poussière du monde  » (7), qui niera qu’à cette époque certains membres du clergé aient eu une conduite peu édifiante, bien propre à plonger dans l’amertume et le chagrin ce cœur si dévoué à l’Église, puisque nous savons qu’elle souleva les plaintes sévères d’hommes éminents par la sainteté de leur vie en tout cas, quelques abus qu’à raison ou à tort son indignation ait dénoncés et stigmatisés chez les clercs, jamais il ne se permit de rien retrancher des égards dus à l’Église ni de la  » vénération due aux  » Clés souveraines  » ; aussi résolut-il de défendre ses idées personnelles en politique  » sans se départir du respect qu’un bon fils doit à son père, un bon fils à sa mère, un bon fils au Christ, un bon fils à l’Église, un bon fils au Pasteur, un bon fils à tous ceux qui professent la religion chrétienne pour la défense de la vérité  » (8).
Sauvegarder les droits souverains de Dieu et de l’Église dans le gouvernement des États. Puisque Dante a, pour ainsi dire, assis tout l’édifice de son poème sur le fondement de la religion, il n’est pas étonnant qu’on y trouve comme une mine précieuse d’enseignement catholique, la quintessence de la philosophie et de la théologie chrétienne, comme aussi la synthèse des lois divines sur le gouvernement et l’administration des États. Même pour justifier l’agrandissement de son pays ou pour flatter les princes, l’Alighieri n’était pas homme à déclarer que l’Etat puisse méconnaître la justice et les droits de Dieu, car il savait parfaitement que le maintien de ces droits est le premier et le plus sûr fondement de la cité.
 

UTILITÉ ACTUELLE DE L’ŒUVRE DE DANTE
Son efficacité apologétique
Par suite, si l’œuvre poétique de Dante nous ménage d’exquises jouissances par sa perfection, elle n’est pas moins riche en féconds enseignements pour l’initiation artistique et pour la formation à la vertu ; à condition, toutefois, que l’esprit qui l’aborde se dépouille de tous préjugés et ne s’inspire que de l’amour de la vérité. Si l’on compte bon nombre d’excellents poètes catholiques qui remportent, comme l’on dit, tous les suffrages en joignant l’utile à l’agréable, que dire de Dante ? S’il captive par une extraordinaire variété d’images, l’éclat des couleurs, la puissance de la pensée et du style, il use de ce charme pour amener le lecteur à l’amour de la vérité chrétienne ; au reste, comme chacun sait, Dante a déclaré ouvertement qu’il se proposait, en composant ce poème, de fournir à tous les esprits comme un aliment de vie. C’est ainsi que, sans remonter bien haut, nous savons quelques âmes, éloignées du Christ sans l’avoir toutefois renié, qui, alors qu’elles avaient principalement en vue de lire et d’étudier l’œuvre de Dante, ont d’abord, par un effet de la grâce divine, contemplé avec admiration la vérité de la foi catholique pour entrer ensuite avec allégresse dans le sein de l’Église. – Nous en avons dit assez pour montrer que l’élite des chrétiens a le devoir, à l’occasion de ce centenaire, de resserrer les liens qui l’unissent à la foi, protectrice des arts, puisque, si la vertu de foi a jamais brillé d’un grand éclat, c’est bien chez Alighieri. Ce qui, chez ce poète, force l’admiration, ce n’est pas seulement la puissance de son génie, mais encore la grandeur comme infinie du thème que la religion divine a fourni à son chant ; l’esprit si pénétrant que lui avait donné la nature s’affina longuement par l’étude approfondie des œuvres de l’antiquité, mais trouva plus d’acuité encore, comme Nous le disions, au contact des écrits des Docteurs et des Pères de l’Église ; c’est là ce qui ouvrit au vol de sa pensée un champ bien plus vaste et plus élevé que s’il se fût cantonné dans les limites toujours étroites de la nature. Voilà pourquoi Dante, séparé de nous par tant de siècles, semble être presque notre contemporain ou, au moins, bien plus rapproché de nous que tels chantres actuels de cette antiquité que le Christ a éclipsée par son triomphe sur la Croix.
Chez l’Alighieri et chez nous, mêmes aspirations de piété, mêmes sentiments religieux, mêmes voiles revêtant  » la vérité qui nous est venue du ciel pour nous élever à de si sublimes hauteurs « . La plus belle louange qu’on puisse lui décerner, c’est d’avoir été un poète chrétien, c’est-à-dire d’avoir trouvé des accents comme divins pour chanter les institutions chrétiennes, dont il contemplait de toute son âme la beauté et la splendeur, qu’il comprenait merveilleusement et qui étaient sa vie. Ceux qui osent lui refuser cet éloge et ne voient dans la trame religieuse de la Divine Comédie qu’un roman d’imagination, sans fond de vérité, ravissent incontestablement à notre poète son plus beau laurier et ce qui fonde ses autres titres de gloire.
L’étude de Dante est un remède au naturalisme de l’éducation actuelle.
Dès lors, si Dante est redevable à la foi catholique pour une si grande part de sa gloire et de sa grandeur, ce seul exemple suffit, sans parler du reste, à prouver que, loin de lui alourdir les ailes, l’hommage de l’esprit et du cœur à Dieu développe et enflamme le génie. On peut en conclure encore que ceux-là travaillent bien mal au progrès des études et de la culture qui refusent à la religion toute intervention dans la formation de la jeunesse. C’est, en effet, un fait déplorable : les méthodes officielles d’éducation de la jeunesse sont d’ordinaire conçues comme si l’homme n’avait aucun compte à tenir de Dieu, non plus que de toutes les réalités souverainement importantes du monde surnaturel. Là même où  » le poème sacré  » est admis dans les écoles publiques, dans les établissements où il est mis au nombre des ouvrages faisant l’objet d’études plus approfondies, les jeunes gens qu’une méthode défectueuse rend plus ou moins indifférents aux choses de la foi divine n’y puisent presque jamais l’aliment vital qu’il est appelé à produire.
Puissent les fêtes de ce centenaire avoir ce résultat d’assurer à Dante, partout où l’on se consacre à l’éducation littéraire de la jeunesse, l’honneur qu’il mérite et d’en faire pour les étudiants un maître de doctrine chrétienne, lui qui n’eut en vue, en composant son poème, que  » d’arracher les mortels d’ici-bas à leur condition misérable « , celle du péché,  » pour les conduire à l’état du bonheur « , celui de la divine grâce (9).
Quant à vous, chers Fils, qui avez la joie de vous livrer, sous la direction de l’Église, à l’étude des lettres et des beaux-arts, continuez, comme vous le faites déjà, à entourer d’un culte fervent ce poète, que Nous n’hésitons pas à proclamer le plus éloquent des panégyristes et des hérauts de la doctrine chrétienne.
A mesure que vous l’aimerez davantage, le rayonnement de la vérité transfigurera plus profondément vos âmes, et vous demeurerez des serviteurs plus fidèles et plus dévoués de notre foi.
Comme gage des divines faveurs et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous accordons à tous, chers Fils, et de tout cœur, la Bénédiction apostolique.
 

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 30 avril 1921, en la septième année de Notre Pontificat.

BENEDICTUS PP. XV

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Notes

(*) BENEDICTUS PP. XV, Litterae encyclicae In praeclara summorum, saeculo sexto exeunte ab obitu Dantis Aligherii [Dilectis filiis doctoribus et alumniis litterarum artiumque optimarum orbis catholici], 30 aprilis 1921 : AAS 13(1921) 209-217 ; traduction française, titres et sous-titres de la Documentation Catholique : DC 5(I-1921) 514-517.

(1) De Monarchia, III, 4.
(2) De Monarchia, III, 3, 16.
(3) Convivio, II, 9.
(4) De Monarchia, III, 3.
(5) Epist. VIII.
(6) De Monarchia, III, 16.
(7) S. LÉON LE GRAND, Sermon 29 (Ballerini-Migne : 42), 4 de Quadr. 1 : PL 54, 275 et SC 49, 43.
(8) De Monarchia, III, 3.
(9) Epist. X, § 15.

Sainte Claire d’Assise – Qui est Claire ?

10 août, 2011

du site:

http://www.franciscain.net/index.php?option=com_content&view=article&id=104&Itemid=128

Sainte Claire d’Assise

 Qui est Claire ? 

Naissance et jeunesse de Claire
Claire naît à Assise en 1193. Elle est la fille aînée d’Offreducio de Favarone, noble chevalier de la ville et d’Ortolana. Claire accueille la foi que sa mère lui transmet. Très tôt, elle se montre attentive aux pauvres avec lesquels elle partage volontiers ce qu’elle a. Elle cherche aussi la solitude et le silence pour prier Dieu.
 
Claire devient Sœur Claire
 Un jour de 1210, Claire entend François d’Assise prêcher à la cathédrale. Séduite par sa vie évangélique, elle le rencontre plusieurs fois secrètement. Elle s’ouvre à lui de l’appel qu’elle entend à une vie simple toute donnée à Dieu. Le soir de la fête des Rameaux, en 1212, Claire s’enfuit de chez elle et se rend à la Portioncule. François lui remet l’habit des Pénitents Elle se consacre à Dieu en promettant de suivre le Christ. Comme François, elle choisit l’Evangile comme règle de vie. Claire rencontre l’opposition de sa famille qui veut lui faire renoncer de force à son projet. Elle résiste.
Les débuts à Saint-Damien
Claire passe quelques semaines dans un monastère de Bénédictines puis dans une autre communauté où sa soeur la rejoint.Insatisfaites, elles décident, sur les conseils de François, de s’installer près de l’église Saint-Damien. Rapidement, de nombreuses jeunes femmes les rejoignent. Ensemble, dans le retrait, elles mènent une vie simple et fraternelle, rythmée par la prière. Chacune travaille selon ses capacités. L’ordre des « Pauvres Dames » ou des Clarisses est né. Claire est nommée abbesse de la communauté. Elle exerce sa responsabilité comme un service, attentive à chacune de ses soeurs et à l’unité de toutes. En 1216, elle obtient du Pape, le « Privilège de la Pauvreté » Ainsi, l’originalité de son projet de vie est officiellement reconnue par l’Eglise.
 
Au fil des jours
L’Evangile au quotidien
Rompant avec la hiérarchie sociale de son temps, Claire se considère comme la servante de ses soeurs. Avec joie, elle lave les pieds des soeurs qui rentre de quête, accomplit les travaux les plus humbles, se lève la nuit pour veiller à ce qu’aucune n’ait froid.
 Grève de la faim
Le pape interdit un jour l’accès des prédicateurs à St Damien sans sa permission. Lorsque Claire comprend que ses soeurs ne pourront plus entendre la Parole de Dieu, elle renvoie aussiôt tous les frères que François avait mis à sa disposition,  » refusant de garder les quêteurs qui apportaient le pain du corps, puisqu’elle ne pouvait plus garder ceux qui l’approvisionnaient en nourriture pour l’âme  » A cette nouvelle, le pape revient sur sa décision.

A la source de la joie
Chaque jour, Claire consacre de longs moments à la prière silencieuse. Elle regarde le Seigneur et se laisse regarder par lui. Quand elle retrouve ses soeurs, sont visage leur paraît plus clair et plus beau que le soleil et ses paroles sont remplies d’une merveilleuse douceur.
 
Le don de la fraternité
Très vite, la vie évangélique de Claire séduit et attire. Des communautés adoptent sa forme de vie et d’autres se créent. Les frères de François, qui parcourent l’Europe, contribuent à cette expansion. En 1234, Agnès, fille du roi de Bohême, fonde un monastère à Prague. Elle écrit plusieurs fois à Claire pour lui demander conseil. C’est le début d’une grande amitié.

Un accueil sans limite
Enfants et papes, riches et pauvres, petits et grands, habitants d’Assise, viennent chercher auprès de Claire et de ses soeurs écoute et réconfort. Elle apaise, réconcilie et rend la joie de vivre. Sa propre expérience de la maladie la rend encore plus sensible et attentive. Avec une confiance inébranlable, elle présente à Dieu les besoins de tous ceux qu’elle rencontre.
 
La fin de sa vie
Le pape apprend que Claire est très malade. Elle va bientôt mourir. Il lui rend visite le 9 août ; il approuve la règle de vie qu’elle a écrite, fruit de 40 ans d’expérience.
Entourée par ses soeurs et les premiers compagnons de François, Claire meurt le 11 août 1253 en remerciant Dieu :
 » Béni sois-tu, Seigneur, de m’avoir créée !  »
Elle laisse derrière elle quelque 150 monastères qui se réclament de son esprit.
Son rayonnement est tel que l’Église la déclare sainte en 1255.

Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein)

9 août, 2011

Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein) dans images sacrée teresa%20benedetta%20della%20croce

(Qui donne un Dieu dans l’amour à la plénitude)

http://www.pastoralespiritualita.it/Articoli-Rubriche/Vita-di-Santi-e-Beati/9-Agosto-Santa-Teresa-Benedetta-della-Croce-Edith-Stein-Martire.html

10 AOÛT: SAINT LAURENT – PROTO DIACRE DE L’EGLISE ROMAINE

9 août, 2011

du site:

http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cclergy/documents/rc_con_cclergy_doc_19022000_slaur_fr.html    
 
SAINT LAURENT –
PROTO DIACRE DE L’EGLISE ROMAINE

Don Francesco Moraglia

Docteur de théologie systématique

L’histoire de l’Eglise nous a laissé de grandes figures d’évêques et de prêtres qui ont contribué à illustrer, sur le plan théologique et pastoral, le sens profond du ministère ordonné. Pour l’épiscopat, on distingue, entre autres, les figures d’Irénée, Augustin, Winfrid, Boniface, Bartolomé Las Casas et Ildephonse Schuster; pour la prêtrise, l’époque moderne et contemporaine a été marquée par Philippe Néri, Jean-Marie Vianney, Jean Bosco, Pierre Chanel et Maximilien Kolbe. Le ministère diaconal acquiert lui aussi des contours plus nets si on le considère à la lumière de la figure de grands diacres; c’est le cas, par exemple, du martyr Laurent, proto diacre de l’Eglise romaine qui, avec Etienne et Philippe, est certainement l’un des plus célèbres de l’antiquité.
Le diaconat considéré en lui-même, en tant que ministère permanent, non finalisé à la prêtrise, disparaît en Occident après avoir été une institution florissante jusqu’au Ve siècle; à partir de cette époque – principalement à cause de l’engagement plus grand des prêtres dans l’activité pastorale -, le premier degré du sacrement de l’ordre se réduit à une simple étape d’accès au degré suivant, la prêtrise. On peut alors aisément comprendre pourquoi l’institution diaconale, sur le plan de la réflexion théologique et de la pratique pastorale, est restée inhibée, presque fossilisée.
Dès le XVIe siècle, le concile de Trente tenta de réagir à cette situation, sans succès; il faudra attendre le concile Vatican II, dans la seconde moitié du XXe siècle, pour assister au rétablissement du diaconat « en tant que degré propre et permanent de la hiérarchie… »; le texte de la constitution dogmatique Lumen Gentium, toujours au n. 29, précise immédiatement après: « …avec l’accord du pontife romain ce diaconat pourra être conféré à des hommes mûrs, même s’ils vivent dans le mariage, ainsi qu’à des jeunes gens idoines, pour lesquels, cependant, la loi du célibat doit rester ferme » (EV. 1/360).
Paul VI, dans la lettre apostolique Sacrum diaconatus ordinem – 18 juin 1967 -, réaffirme que l’ordre du diaconat « …ne doit pas être considéré comme un pur et simple degré d’accès au sacerdoce; celui-ci, insigne par son caractère indélébile et sa grâce particulière, s’enrichit d’autant plus que ceux qui y sont appelés peuvent se consacrer de manière stable aux mystères du Christ et de l’Eglise » (EV. 2/369).
Le seul fait que pendant une période aussi longue – quinze siècles -, le diaconat ne se soit pas réalisé sous une forme permanente dans l’Eglise latine, laisse deviner qu’il est nécessaire, sur le plan de la réflexion théologique et de la pratique pastorale, de récupérer le temps perdu à travers une ample réflexion de la part de toute la communauté ecclésiale. Le diaconat permanent, en effet, représente un important enrichissement pour la mission de l’Eglise.
Naturellement, le rétablissement du diaconat permanent, sollicité avec autorité par le dernier concile, ne pourra se réaliser qu’en harmonie et continuité avec la tradition ancienne. A ce sujet, la récente déclaration conjointe – 22 fevrier 1998 – de la Congrégation pour l’Education catholique et de la Congrégation pour le Clergé est extrêmement significative; elle se trouve au début des « Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents » et du « Directoire pour le ministère et la vie des prêtres »; le contenu de cette déclaration apporte une clarification et une orientation pour le futur: « c’est la réalité diaconale toute entière (vision doctrinale fondamentale, discernement vocationnel et préparation, vie, ministère, spiritualité et formation permanente) qui postule une révision du chemin de formation jusqu’ici parcouru, pour obtenir une clarification globale, indispensable à une nouvelle impulsion de ce degré de l’Ordre sacré, en correspondance avec les vœux et les intentions du Concile Œcuménique Vatican II » (Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents, Directoire pour le ministère et la vie des diacres permanents. Cité du Vatican, page 7).
Pour reprendre ce qui a été dit au sujet des grandes figures d’évêques, de prêtres et de diacres qui ont illustré et influencé le ministère ordonné, permettant une compréhension plus vraie et plus approfondie de celui-ci, il est raisonnable de s’arrêter sur la figure du diacre Laurent dont l’histoire personnelle incite à repenser le premier degré du ministère ordonné; lequel, en raison de l’évolution historique évoquée plus haut, attend encore aujourd’hui d’être pleinement compris et mis en valeur. Il s’agit de donner une nouvelle vigueur à un ministère permanent en mesure de s’exprimer avec une plus grande fécondité dans la vie de l’Eglise.
Les vicissitudes personnelles de saint Laurent, archidiacre de l’Eglise de Rome, nous sont parvenues à travers une tradition ancienne divulguée dès le IVe siècle; cette tradition accueillie par l’Eglise a également été admise dans les textes liturgiques.
Les épisodes les plus connus du martyre de Laurent sont décrits, avec richesse de détails, dans la Passio Polychromi dont nous avons trois rédactions (V-VIIe siècle); De fait, ce récit renferme des éléments légendaires, même si certaines informations que nous rapportons ici figurent dans des témoignages précédents comme celui de saint Ambroise dans De Officiis (cf. PL XVL 89-92).
Nous commençons, avec l’intention de les développer, par les courtes annotations reportées pour la fête du martyr qui – selon la « Depositio martyrum » (année 354) – tombe le 10 août; voici les expressions du Missel Romain: « Laurent, célèbre diacre de l’Eglise de Rome, confirma son service de charité par le martyre sous Valérien (258), quatre jours après la décapitation du pape Sixte II. Selon une tradition divulguée dès le IVe siècle, il soutint, intrépide, un atroce martyre sur le gril, après avoir distribué les biens de la comunauté aux pauvres qu’il considérait comme les vrais trésors de l’Eglise… ». Ces annotations se terminent en rappelant que le nom de Laurent figure également dans le Canon Romain.
L’Eglise, dans ses textes liturgiques, prend donc à son compte ce que rapporte la tradition ancienne qui, cependant, connaît en son sein des versions différentes. Ici, nous n’avons pas l’intention d’entrer dans le vif des hypothèses récemment avancées par la critique historiographique qui aurait tendance à reporter la date du martyre de saint Laurent au début du IVe siècle et à se démarquer des contours traditionnels pour le caractériser; par exemple, Laurent ne serait pas espagnol mais romain et, à ce propos, la Prefazio della mensa XII del Sacramniario leoniano le présente comme civis romain. Mais, comme le remarque Paolo Toschi, toutes ces nouvelles études « n’enlèvent pas a priori la possibilité qu’il existe, à Rome, une véritable tradition, exposée avec d’évidents embellissements réthoriques par saint Ambroise, sur la tragique capture et la fin de saint Laurent par le feu, supplice qui a été infligé sous Valérien, comme on le sait, à saint Fructuosus et aux diacres Euloge et Augure à Tarragone. D’autre part, le verbe animadvertere utilisé dans le décret de persécution dans la rédaction de Cyprien peut également faire référence à d’autres formes d’exécutions capitales en dehors de la « décapitation » (Bibliotheca Sanctorum, vol….1539).
Nous accueillons ici les données traditionnelles telles qu’elles sont rapportées dans les textes liturgiques, en nous limitant à les proposer de manière plus articulée.
Laurent serait donc né en Espagne, à Osca une petite ville de l’Aragon qui surgit aux pieds des Pyrénées. Afin de compléter ses études humanistiques et liturgiques il fut envoyé, tout jeune encore, dans la ville de Saragosse, où il fit la connaissance du futur pape Sixte II. Ce dernier – originaire de la Grèce -, était investi d’une charge d’enseignant dans l’un des plus importants centres d’études de l’époque et, parmi ses maîtres, le pape était l’un des plus connus et des plus appréciés.
Pour sa part, Laurent, qui devait devenir un jour le chef des diacres de l’Eglise de Rome, s’imposait par ses qualités humaines, par sa délicatesse d’âme et son intelligence. Entre le maître et l’élève s’instaura une communion et une familiarité qui, avec le passage du temps, augmenta et se cimenta; entre temps, l’amour qu’il portaient tous les deux pour Rome, centre de la chrétienté et ville-siège du vicaire du Christ, augmenta au point de suivre un flux migratoire alors très intense et de quitter l’Espagne pour la ville où l’apôtre Pierre avait établi sa chaire et rendu le témoignage suprême. C’est donc à Rome, au cœur de la catholicité, que maître et élève purent réaliser leur idéal d’évangélisation et de mission… jusqu’à l’effusion du sang. Lorsque le 30 août de l’année 257, Sixte II monta sur le trône de Pierre – pour un pontificat qui devait durer moins d’un an – , immédiatement et sans hésiter, il voulut à ses côtés son ancien élève et ami Laurent, en lui confiant la charge délicate de proto diacre.
Les deux hommes, à la fin, scellèrent leur vie de comunion et d’amitié en mourant par les mains du même persécuteur, séparés seulement par quelques jours.
Nous avons des informations sur la fin du pape Sixte II dans une lettre de saint Cyprien, évêque de Carthage. Cyprien, en parlant de la situation de grande incertitude et de malaise dans laquelle versaient les Eglises à cause de l’hostilité croissante à l’égard des chrétiens, remarque: « L’empereur Valérien a envoyé au sénat son rescrit par lequel il a décidé que les évêques, les prêtres et les diacres doivent être immédiatement mis à mort… – le témoignage de Cyprien continue – … je vous communique que Sixte a subi le martyre avec quatre diacres le 6 août, alors qu’il se trouvait dans la zone du cimetière. Les autorités romaines ont pour règle que ceux qui sont dénoncés comme chrétiens doivent être jugés et subir la confiscation de leurs biens au bénéfice du trésor public impérial » (Lettre 80, CSEL 3,839-840).
Le cimetière auquel le saint évêque de Carthage fait allusion est celui de Callixte, où Sixte fut capturé tandis qu’il célébrait la sainte liturgie et où il fut enterré après son martyre.
En revanche, pour le martyre du diacre Laurent, nous possédons un témoignage particulièrement éloquent de saint Ambroise dans De Officiis (1 41, 205-2079), repris ensuite par Prudence et saint Augustin, puis par saint Maxime de Turin, saint Pierre Chrisologue, saint Léon le Grand et, enfin, par certaines formules liturgiques renfermées dans les Sacramentaux romains, dans le Missale gothicum et dans l’Ormionale Visigotico (Bibliotheca Sanctorum, vol. …, 1538-1539).
Ambroise s’étend tout d’abord sur la rencontre et sur le dialogue entre Laurent et le pape, il évoque ensuite la distribution des biens de l’Eglise aux pauvres, il mentionne enfin le gril, l’instrument du supplice, en rapportant la phrase que le proto diacre de l’Eglise de Rome prononça en s’adressant à ses bourreaux: assum est, … versa et manduca (cf. Bibliotheca Sanctorum, vol. … col. 1538-1539).
C’est au texte d’Ambroise tiré du De Officiis (chap. 41, nn. 205-206-207), bouleversant par son intensité et sa force expressive, que nous nous référons; saint Ambroise s’exprime ainsi:
205. « … saint Laurent,… voyant son évêque Sixte conduit au martyre, commença à pleurer non pas parce que celui-ci était conduit à la mort, mais parce qu’il devait lui survivre. Il commença donc à lui dire de vive voix: « Où vas-tu, père, sans ton fils? Où t’empresses-tu, o saint évêque, sans ton diacre? Tu n’offrais jamais le sacrifice sans ministre. Qu’est-ce qui t’as donc déplu en moi, o père? Tu m’as peut-être trouvé indigne? Vérifie au moins si tu as choisi un ministre approprié. Ne désires-tu pas que celui auquel tu as confié le sang du Seigneur, celui que tu as associé à la célébration des mystères sacrés, verse son sang avec toi? Sois attentif à ce que ton discernement ne vacille pas tandis que ta force est louée. Le mépris du disciple porte préjudice au maître. Faut-il rappeler que les grands hommes remportent la victoire par les épreuves victorieuses de leurs disciples plus que par les leurs? Et puis Abraham a offert son fils, Pierre a envoyé Etienne en avant. Toi aussi, o mon père, montre en ton fils ta vertu; offre celui que tu as éduqué, pour obtenir la récompense éternelle en glorieuse compagnie, sûr de ton jugement ».
206. Sixte lui répondit: « Je ne te quitte pas, je ne t’abandonne pas, o mon fils; mais des épreuves plus difficiles te sont réservées. Comme nous sommes vieux, il nous a été donné de parcourir une épreuve plus facile; Comme tu es jeune, tu es destiné à un triomphe plus glorieux sur le tyran. Tu viendras bientôt, cesse de pleurer: tu me suivras dans trois jours. Cet intervalle entre un évêque et un lévite est convenable. Tu n’aurais pas été digne de vaincre sous la conduite de ton maître, comme si tu cherchais une aide. Pourquoi demandes-tu à partager mon martyre? Je t’en laisse l’entière succession. Pourquoi exiges-tu ma présence? Les disciples encore faibles précèdent leur maître, ceux qui sont déjà forts, qui n’ont plus besoin d’enseignements, le suivent pour vaincre sans lui. C’est pourquoi Elie quitta Elisée. Je te confie la succession de ma vertu ».
207. Il existait entre eux une rivalité véritablement digne d’être combattue par un évêque et par un diacre: celui qui, le premier, devait souffrir pour Jésus-Christ. On raconte que lors des représentations tragiques, les spectateurs éclataient en applaudissements bruyants lorsque Pilade disait qu’il était Oreste et Oreste, comme c’était le cas, affirmait qu’il était Oreste, le premier pour être tué à la place d’Oreste, le second pour empêcher que Pilade fut tué à sa place. Mais ces derniers ne devaient pas vivre, car ils étaient tous les deux coupables de parricide: l’un parce qu’il l’avait commis, l’autre parce qu’il était son complice. Dans notre cas, le seul désir qui animait saint Laurent était celui de s’immoler pour le Seigneur. Et lui aussi, trois jours après, ayant ridiculisé le tyran, sera brûlé sur un gril: « Cette partie est cuite, dit-il, retourne-la et mange-la ». Il triomphait ainsi, avec sa force d’âme, de l’ardeur du feu » (saint Ambroise, De Officiis, libri tres, Milan, Bibliothèque ambrosienne, Rome Città Nuova Editrice 1977, pp. 148-151).
Si l’on s’en tient au témoignage de saint Ambroise, le diacre apparaît caractérisé ainsi:
1) comme celui qui, constitué sacramentellement au service de l’offrande (diaconie), vit son ministère diaconal en exprimant dans le martyre le témoignage suprême de Jésus-Christ, le sens théologique du service de la charité, à travers l’accueil de cet amour-charité plus grand qu’est le martyre.
2) comme celui qui, en vertu du lien structurel qui le lie sacramentellement à l’évêque, (premier degré de l’ordre), vit la « communion ecclésiale », à travers un service spécifique à l’épiscopat, à partir de l’eucharistie et en référence à celui-ci.
3) comme celui qui, en vertu du sacrement (c’est-à-dire dans la mesure où il est enraciné dans le premier degré de l’ordre), se consacre au service d’une charité intégrale, à 360 degrés – par conséquent pas seulement une solidarité humaine et sociale -, et manifeste de la sorte le caractère le plus typique de la diaconie.

Examinons l’une après l’autre ces caractéristiques:
1) Le diacre se présente comme celui qui, constitué sacramentellement au service de l’offrande (diaconie), vit son ministère diaconal en exprimant dans le martyre le témoignage suprême de Jésus-Christ, le sens théologique du service de la charité, à travers l’accueil de cet amour-charité plus grand qu’est le martyre.
Si la caractéristique principale qui identifie le diacre, en soi et dans son ministère, est celle d’être ordonné au service de la charité, le martyre – témoignage jusqu’à l’effusion du sang -, doit être considéré comme l’expression d’un amour-charité plus grand, à savoir le service d’une charité qui ne connaît pas de limites. Le ministère de la charité auquel le diacre est délégué à travers l’ordination ne s’arrête donc pas au service des « cantines » ou, comme on avait coutume de dire autrefois, dans un langage catéchétique, aux œuvres de miséricorde corporelles, ni même aux œuvres spirituelles, mais le service diaconal de la charité doit parvenir, par l’inconditionnel don de soi, à l’imitation du Christ, le témoin fidèle par antonomase (cf. Ap 1,5;3,14).
Dans le cas de Laurent – explique Ambroise- « aucun désir ne l’animait sinon le désir de s’immoler pour le Seigneur » (cf. saint Ambroise, De Officiis, I, 41, n. 207); à travers le témoignage rendu face à ses persécuteurs, il apparaît évident que l’exercice du ministère diaconal ne s’identifie pas ici avec le service du prochain, réduit aux seules nécessités matérielles; puisque dans ce geste qui exprime un amour plus grand pour Jésus-Christ et qui porte à donner sa propre vie, Laurent fait en sorte que ses bourreaux puissent également, au sens réel, faire « une certaine » expérience du Verbe incarné qui, en dernière instance, est le destin personnel et commun de tout homme; c’est le service théologique de la charité auquel chaque diacre doit tendre ou, tout au moins, rester disponible.
Ceci ne signifie pas que le diacre épuise dans son ministère le témoignage de la charité qui est, et reste toujours, vocation et mission de toute l’Eglise, mais on entend affirmer qu’en vertu de son ordination, le diacre porte en soi, de manière sacramentelle-spécifique, la « forme Christi » pour le service de la charité; ce qui revient à dire un « exercice ministériel » de la charité qui se réalise envers Jésus-Christ et les frères et qui peut aller jusqu’à exiger le don de soi… jusqu’au sacrifice de la vie. Les mots que Laurent adresse à l’évêque Sixte résonnent clairement: « Et puis Abraham a offert son fils, Pierre a envoyé Etienne en avant. Toi aussi, o mon père, montre en ton fils ta vertu; offre celui que tu as éduqué, pour obtenir la récompense éternelle en glorieuse compagnie, sûr de ton jugement » (saint Ambroise, De Oficiis, I, 41, n. 205).
Il est utile de rappeler, cependant, que le témoignage d’un « amour-charité » plus grand de la part de celui qui est ordonné au service de la charité, ne dispensera jamais l’Eglise-Epouse de s’offrir au Christ-Epoux, dans le don de la « martyria » par lequel, au delà de toute réticence et ambiguité, se manifeste la valeur absolue et l’union inséparable que « vérité » et « charité » revêtent dans la vie du disciple du Seigneur (cf. 1 Cor 13,4-5, Phil 4,15).
A cet effet, il est utile de relire le texte de Lumen Gentium 42, dans lequel on affirme. « … le martyre, par lequel le disciple est rendu semblable au maître qui accepte librement la mort pour le salut du monde, et se conforme à lui dans l’effusion du sang, est estimé par l’Eglise comme le don exeptionnel et la preuve suprême de la charité… si le martyre est accordé à peu, tous doivent cependant être prêts à confesser Jésus-Christ devant les hommes, et à le suivre sur le chemin de la croix à travers les persécutions, qui ne font jamais défaut à l’Eglise » (EV, 1/398).
A présent – malgré l’appel universel à la charité même héroïque -, un fait reste incontestable: dans l’Eglise il existe un « ministère ordonné » spécifique, par conséquent des hommes sacramentellement constitués au service de la charité.
2) Le diacre se présente comme celui qui, en vertu du lien structurel qui le lie sacramentellement à l’évêque, (premier degré de l’ordre), vit la « communion ecclésiale », à travers un service spécifique à l’épiscopat, à partir de l’eucharistie et en référence à celui-ci.
C’est l’autre caractéristique qui ressort du dialogue entre Sixte et Laurent au cimetière de Callixte; le dialogue met en évidence le fait que c’est justement dans le lien sacramentel qui unit le diacre à l’évêque, que le diacre apparaît comme l’ »homme de la communion » à travers le service spécifique qu’il rend à l’évêque; ce service, ensuite, se réalise, concrètement, par l’accomplissement fidèle de ce que l’évêque, en vertu de la plénitude du sacerdoce et du gouvernement qu’il a sur l’Eglise – toujours en communion avec l’évêque de Rome -, exige de son diacre selon les nécessités et les urgences ecclésiales.
Dans le ministère du diacre, enfin, toute chose fait référence à l’autel, dans la mesure où dans l’Eglise toute chose, à commencer par la charité, tire son origine de la S.S. Eucharistie. Voici le point où le témoignage d’Ambroise, à cet égard, se fait particulièrement significatif: « … Laurent,… voyant son évêque Sixte conduit au martyre, commença… à lui dire de vive voix: « Où vas-tu, père, sans ton fils? Où t’empresses-tu, o saint évêque, sans ton diacre? Tu n’offrais jamais le sacrifice sans ministre… ? …Ne désires-tu pas que celui auquel tu as confié le sang du Seigneur, celui que tu as associé à la célébration des mystères sacrés, verse son sang avec toi? » (saint Ambroise, De Officiis, 1.41, n.205).
La communion et l’affection entre l’évêque et le diacre, qui se manifestent dans leur commune dépendance et dans leur lien commun à l’eucharistie, expriment une vision ecclésiale profondémente théologique qui va au delà des conceptions qui abaissent et réduisent l’Eglise-Epouse à une simple dimension politique et sociologique, en l’assimilant, de fait, à l’une des nombreuses institutions humaines; il est donc nécessaire de se libérer de toute perspective secularisée et sécularisante, qui conduit inéluctablement à perdre et à compromettre le sens et la force régénérante du Mystère; le risque est celui de voir aussi bien dans le pape que dans les évêques, les prêtres et les diacres, autant de degrés d’une bureaucratie infinie semblable à celle de l’administration publique et chargée, comme cette dernière, de veiller au bon ordre de l’ensemble guère mieux précisé.
La rencontre du pape Sixte avec le diacre Laurent nous invite, le cas échéant, à renverser une telle vision et à redécouvrir au cœur de l’Institution-Eglise, toujours indispensable, et des structures ecclésiales, pareillement nécessaires, la réalité vive et vivifiante de la grâce qui les anime et, par là même, nous invite à redécouvrir le lien théologique qui les lie au Christ, unique, véritable Evêque, Prêtre et Diacre. D’autre part, dans le Nouveau Testament – dans la lettre aux Philippiens (cf. Phil 1,1) et dans la première lettre à Timothée (cf. Tim 3,1-13) -, nous trouvons associés l’évêque et le diacre; par la suite, leur lien étroit est attesté dans la « Traditio apostolica » – début du IIIe siècle (Hyppolite de Rome) -, où la grâce conférée au diacre par le rite de l’ordination est définie comme « simple service de l’évêque », sans sacerdoce; quelques années après – dans la moitié du IIIe siècle, en Syrie -, la « Didascalie des Apôtres » présente le diacre comme le « serviteur de l’évêque et des pauvres ».
Enfin, la relation qui lie structurellement le diacre à l’évêque aujourd’hui est exprimée de manière transparente à travers la liturgie de l’ordination; dans ce cérémonial, en effet, à la différence de celui de l’ordination des évêques et des prêtres, le geste de l’imposition des mains est réalisé uniquement par l’évêque qui ordonne pour indiquer le lien caractéristique et singulier qui lie le diacre à l’évêque.
3) Le diacre se présente comme celui qui, en vertu du sacrement (c’est-à-dire dans la mesure où il est enraciné dans le premier degré de l’ordre), se consacre au service d’une charité intégrale, à 360 degrés – par conséquent pas seulement une solidarité humaine et sociale -, et manifeste de la sorte le caractère le plus typique de la diaconie.
Dans son témoignage, Ambroise nous présente encore Laurent comme celui qui, en vertu du sacrement reçu, est pleinement consacré au service de la charité dans une situation concrète: la Rome impériale du troisième siècle, tandis que la persécution fait fureur; dans cette conjoncture, Laurent est appelé à réaliser, face à la communauté ecclésiale et au monde, des gestes concrets destinés à se transformer en autant de signes de l’Amour-Charité de Dieu, à savoir de cette Charité dont toute chose provient et vers laquelle toute chose se dirige; et c’est dans ce service que le diacre exprime le ministère le plus typique de sa diaconie qui consiste, justement, dans le service de la charité réalisé en vertu du mandat sacramentel; en définitive une animation qui concerne l’Eglise ou des secteurs de la vie ecclésiale et qui se présente selon les caractères de la catholicité (kat’olon = selon la totalité, sans rien exclure); l’aspiration de ce service est la totalité des hommes sans exeption, le contenu, un bien qui répond à toutes les attentes de l’homme – esprit, âme et corps (cf. I Ts 5,23) – excluant toute partialité et unilatéralité.
En outre, dans le texte ambrosien on relève une allusion qui aide à la réflexion. Sixte, désormais prisonnier, confie à Laurent, le premier de ses diacres, l’Eglise entière et la lui laisse pour une période de trois jours. « … Comme nous sommes vieux, il nous a été donné de parcourir une épreuve plus facile; comme tu es jeune, tu es destiné à un triomphe plus glorieux sur le tyran. Tu viendras bientôt, cesse de pleurer: tu me suivras dans trois jours. Cet intervalle entre un évêque et un lévite est convenable… » (saint ambroise, De Officiis, n.206). Laurent, pendant ces trois jours, et en tant que diacre, en esprit de service et d’obéissance à son évêque – désormais définitivement arraché à son peuple -, devra prendre soin de l’Eglise, et pour la dernière fois il administrera les biens de l’Epouse du Christ en le faisant par un geste qui porte en soi la force d’une définition et qui dit comment, dans l’Eglise, tout est finalisé et prend de la valeur à partir du service de la charité, réalité destinée à perdurer quand tout aura disparu et la scène de ce monde sera passée (cf. 1 Cor 13,8).
Pour ceux qui regardent de loin, de façon approximative – et, somme toute, superficielle -, ce geste peut sembler être exclusivemnet lié aux nécessités matérielles et au temps présent; il s’agit, en effet, de la distribution de biens matériels à des pauvres; en réalité, l’acte que Laurent réalise, en esprit de fidélité au dépôt qu’il a reçu de l’évêque et au ministère ecclésial dans lequel il est constitué, est un acte qui le projette, et avec lui projette toute l’Eglise – qui lui a été confiée jusqu’au moment du martyre -, au-delà de l’histoire, dans l’escathologie, c’est-à-dire dans le « temps » et dans « l’espace » dans lequel Dieu manifeste la plénitude de sa charité et de son amour.
Le diacre laurent, ministre ordonné de la charité, achève la tâche qu’il avait reçue, non seulement dans la mesure où il suit son évêque dans le martyre mais parce qu’à travers le geste par lequel il donne aux pauvres toutes les ressources de la communauté – ici exprimées par des biens matériels -, il montre comment, dans l’Eglise, chaque chose a de la valeur si elle est orientée vers la charité, si elle devient service à la charité, si elle peut se transformer en charité.
Et ce service – comme le rappelle la première lettre aux Théssaloniciens (cf. 1 Ts 5,23) -, s’étend non seulement au « corps » mais aussi à l’ »esprit » et à l’ »âme », pour se manifester en toute clarté dans la prière que – selon la Passio Polychromi (les actes du martyre de Laurent) -, le saint diacre voulut réciter pour la ville de Rome avant de monter sur le gril.
Et la ville, qui lui attribuait la victoire définitive sur le paganisme, le lui rendit en le choisissant comme son troisième patron et en célébrant sa fête dès le IVe siècle, en second, par odre d’importance, après la fête des bienheureux Pierre et Paul et en élevant, en honneur du saint diacre, dans l’antiquité et au moyen-âge, au moins trente quatre églises et chapelles, signe tangible de reconnaissance envers celui qui, fidèle à son ministère, avait été, en son sein, véritable ministre et serviteur de la charité.
A présent, au terme de ces réflexions sur le ministère du diaconat essentiellement envisagé sous sa forme « permanente », nous pouvons dire:
1) il faut savoir considérer avec un esprit critique toutes les perspectives – désormais dépassées, en vérité -, qui, de fait, interprètent et présentent le diaconat comme un ministère qui conduit à la cléricalisation des laïcs et à la laïcisation des clercs, parvenant ainsi à l’affaiblissement de l’identité des uns et des autres.
2) le diacre, qui se distingue des évêques et des prêtres dans la mesure où il n’est pas ordonné « ad sacerdotium, sed ad ministerium », est constitué dans un degré authentique de la hiérarchie et ne peut être compris comme pur accès au sacerdoce.
3) le diacre est habilité au service de la charité en étroite dépendance avec l’Eucharistie et au soin privilégié des pauvres, aussi bien par le service des « cantines » (œuvres de miséricorde corporelles), que par le service de la parole (œuvres de miséricorde spirituelles) en restant ouvert au service d’un amour-charité plus grand, le martyre.
Enfin, l’institution du « diaconat permanent », représente et marque un important enrichissement pour l’Eglise et sa mission, notamment en vue de la nouvelle évangélisation que le Saint-Père rappelle continuellement de ce début du troisième millénaire de l’ère chrétienne; et c’est la beauté, la force et le caractère héroïque de figures de diacres comme saint Laurent qui aident à découvrir et à mieux comprendre la particularité du ministère diaconal. 

9 août: Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein)

9 août, 2011

du site:

http://viechretienne.catholique.org/saints/2943-sainte-therese-benedicte-de-la-croix-edith

Les saints

Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein)

Carmélite déchaussée, martyr (1891-1942)

« Inclinons-nous profondément devant ce témoignage de vie et de mort livré par Edith Stein, cette remarquable fille d’Israël, qui fut en même temps fille du Carmel et soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix, une personnalité qui réunit pathétiquement, au cours de sa vie si riche, les drames de notre siècle. Elle est la synthèse d’une histoire affligée de blessures profondes et encore douloureuses, pour la guérison desquelles s’engagent, aujoud’hui encore, des hommes et des femmes conscients de leurs responsabilités ; elle est en même temps la synthèse de la pleine vérité sur les hommes, par son coeur qui resta si longtemps inquiet et insatisfait, « jusqu’à ce qu’enfin il trouvât le repos dans le Seigneur » « . Ces paroles furent prononcées par le Pape Jean-Paul II à l’occasion de la béatification d’Édith Stein à Cologne, le 1 mai 1987.

Qui fut cette femme ?
Quand, le 12 octobre 1891, Édith Stein naquit à Wroclaw (à l’époque Breslau), la dernière de 11 enfants, sa famille fêtait le Yom Kippour, la plus grande fête juive, le jour de l’expiation. « Plus que toute autre chose cela a contribué à rendre particulièrement chère à la mère sa plus jeune fille ». Cette date de naissance fut pour la carmélite presque une prédiction.
Son père, commerçant en bois, mourut quand Édith n’avait pas encore trois ans. Sa mère, femme très religieuse, active et volontaire, personne vraiment admirable, restée seule, devait vaquer aux soins de sa famille et diriger sa grande entreprise ; cependant elle ne réussit pas à maintenir chez ses enfants une foi vivante. Édith perdit la foi en Dieu : « En pleine conscience et dans un choix libre je cessai de prier ».
Elle obtint brillamment son diplôme de fin d’études secondaires en 1911 et commença des cours d’allemand et d’histoire à l’Université de Wroclaw, plus pour assurer sa subsistance à l’avenir que par passion. La philosophie était en réalité son véritable intérêt. Elle s’intéressait également beaucoup aux questions concernant les femmes. Elle entra dans l’organisation « Association Prussienne pour le Droit des Femmes au Vote ». Plus tard elle écrira : « Jeune étudiante, je fus une féministe radicale. Puis cette question perdit tout intérêt pour moi. Maintenant je suis à la recherche de solutions purement objectives ».
En 1913, l’étudiante Édith Stein se rendit à Gôttingen pour fréquenter les cours de Edmund Husserl à l’université ; elle devint son disciple et son assistante et elle passa aussi avec lui sa thèse. À l’époque Edmund Husserl fascinait le public avec son nouveau concept de vérité : le monde perçu existait non seulement à la manière kantienne de la perception subjective. Ses disciples comprenaient sa philosophie comme un retour vers le concret. « Retour à l’objectivisme ». La phénoménologie conduisit plusieurs de ses étudiants et étudiantes à la foi chrétienne, sans qu’il en ait eu l’intention. À Gôttingen, Édith Stein rencontra aussi le philosophe Max Scheler. Cette rencontre attira son attention sur le catholicisme. Cependant elle n’oublia pas l’étude qui devait lui procurer du pain dans l’avenir. En janvier 1915, elle réussit avec distinction son examen d’État. Elle ne commença pas cependant sa période de formation professionnelle.
Alors qu’éclatait la première guerre mondiale, elle écrivit : « Maintenant je n’ai plus de vie propre ». Elle fréquenta un cours d’infirmière et travailla dans un hôpital militaire autrichien. Pour elle ce furent des temps difficiles. Elle soigna les malades du service des maladies infectieuses, travailla en salle opératoire, vit mourir des hommes dans la fleur de l’âge. À la fermeture de l’hôpital militaire en 1916, elle suivit Husserl à Fribourg-en-Brisgau, elle y obtint en 1917 sa thèse « summa cum laudae » dont le titre était : « Sur le problème de l’empathie ».
Il arriva qu’un jour elle put observer comment une femme du peuple, avec son panier à provisions, entra dans la cathédrale de Francfort et s’arrêta pour une brève prière. « Ce fut pour moi quelque chose de complètement nouveau. Dans les synagogues et les églises protestantes que j’ai fréquentées, les croyants se rendent à des offices. En cette circonstance cependant, une personne entre dans une église déserte, comme si elle se rendait à un colloque intime. Je n’ai jamais pu oublier ce qui est arrivé ». Dans les dernières pages de sa thèse elle écrit : « Il y a eu des individus qui, suite à un changement imprévu de leur personnalité, ont cru rencontrer la miséricorde divine ». Comment est-elle arrivée à cette affirmation ?
Édith Stein était liée par des liens d’amitié profonde avec l’assistant de Husserl à Gôtingen, Adolph Reinach, et avec son épouse. Adolf Reinach mourut en Flandres en novembre 1917. Édith se rendit à Gôttingen. Le couple Reinach s’était converti à la foi évangélique. Édith avait une certaine réticence à l’idée de rencontrer la jeune veuve. Avec beaucoup d’étonnement elle rencontra une croyante. « Ce fut ma première rencontre avec la croix et avec la force divine qu’elle transmet à ceux qui la portent [...] Ce fut le moment pendant lequel mon irréligiosité s’écroula et le Christ resplendit ». Plus tard elle écrivit : « Ce qui n’était pas dans mes plans était dans les plans de Dieu. En moi prit vie la profonde conviction que -vu du côté de Dieu- le hasard n’existe pas ; toute ma vie, jusque dans ses moindres détails, est déjà tracée selon les plans de la providence divine et, devant le regard absolument clair de Dieu, elle présente une unité parfaitement accomplie ».
À l’automne 1918, Édith Stein cessa d’être l’assistante d’Edmund Husserl. Ceci parce qu’elle désirait travailler de manière indépendante. Pour la première fois depuis sa conversion, Édith Stein rendit visite à Husserl en 1930. Elle eut avec lui une discussion sur sa nouvelle foi à laquelle elle aurait volontiers voulu qu’il participe. Puis elle écrit de manière surprenante : « Après chaque rencontre qui me fait sentir l’impossibilité de l’influencer directement, s’avive en moi le caractère pressant de mon propre holocauste ».
Édith Stein désirait obtenir l’habilitation à l’enseignement. À l’époque, c’était une chose impossible pour une femme. Husserl se prononça au moment de sa candidature : « Si la carrière universitaire était rendue accessible aux femmes, je pourrais alors la recommander chaleureusement plus que n’importe quelle autre personne pour l’admission à l’examen d’habilitation ». Plus tard on lui interdira l’habilitation à cause de ses origines juives.
Édith Stein retourna à Wroclaw. Elle écrivit des articles sur la psychologie et sur d’autres disciplines humanistes. Elle lit cependant le Nouveau Testament, Kierkegaard et le livre des exercices de saint Ignace de Loyola. Elle s’aperçoit qu’on ne peut seulement lire un tel écrit, il faut le mettre en pratique.
Pendant l’été 1921, elle se rendit pour quelques semaines à Bergzabern (Palatinat), dans la propriété de Madame Hedwig Conrad-Martius, une disciple de Husserl. Cette dame s’était convertie, en même temps que son époux, à la foi évangélique. Un soir, Édith trouva dans la bibliothèque l’autobiographie de Thérèse d’Avila. Elle la lut toute la nuit. « Quand je refermai le livre je me dis : ceci est la vérité ». Considérant rétrospectivement sa propre vie, elle écrira plus tard : « Ma quête de vérité était mon unique prière ».
Le ler janvier 1922, Édith Stein se fit baptiser. C’était le jour de la circoncision de Jésus, de l’accueil de Jésus dans la descendance d’Abraham. Édith Stein était debout devant les fonds baptismaux, vêtue du manteau nuptial blanc de Hedwig Conrad-Martius qui fut sa marraine. « J’avais cessé de pratiquer la religion juive et je me sentis de nouveau juive seulement après mon retour à Dieu ». Maintenant elle sera toujours consciente, non seulement intellectuellement mais aussi concrètement, d’appartenir à la lignée du Christ. À la fête de la Chandeleur, qui est également un jour dont l’origine remonte à l’Ancien Testament, elle reçut la confirmation de l’évêque de Spire dans sa chapelle privée.
Après sa conversion, elle se rendit tout d’abord à Wroclaw. « Maman, je suis catholique ». Les deux se mirent à pleurer. Hedwig Conrad-Martius écrivit : « Je vis deux israélites et aucune ne manque de sincérité » (cf Jn 1,47).
Immédiatement après sa conversion, Édith aspira au Carmel, mais ses interlocuteurs spirituels, le Vicaire général de Spire et le Père Erich Przywara, S.J., l’empêchèrent de faire ce pas. Jusqu’à pâques 1931 elle assura alors un enseignement en allemand et en histoire au lycée et séminaire pour enseignants du couvent dominicain de la Madeleine de Spire. Sur l’insistance de l’archiabbé Raphaël Walzer du couvent de Beuron, elle entreprend de longs voyages pour donner des conférences, surtout sur des thèmes concernant les femmes. « Pendant la période qui précède immédiatement et aussi pendant longtemps après ma conversion [... ] je croyais que mener une vie religieuse signifiait renoncer à toutes les choses terrestres et vivre seulement dans la pensée de Dieu. Progressivement cependant, je me suis rendue compte que ce monde requiert bien autre chose de nous [...] ; je crois même que plus on se sent attiré par Dieu et plus on doit « sortir de soi-même », dans le sens de se tourner vers le monde pour lui porter une raison divine de vivre ».
Son programme de travail est énorme. Elle traduit les lettres et le journal de la période pré-catholique de Newman et l’œuvre  » Questiones disputatx de veritate  » de Thomas d’Aquin et ce dans une version très libre, par amour du dialogue avec la philosophie moderne. Le Père Erich Przywara S.J. l’encouragea à écrire aussi des oeuvres philosophiques propres. Elle apprit qu’il est possible « de pratiquer la science au service de Dieu [... ] ; c’est seulement pour une telle raison que j’ai pu me décider à commencer une série d’oeuvres scientifiques ». Pour sa vie et pour son travail elle trouve toujours les forces nécessaires au couvent des bénédictins de Beuron où elle se rend pour passer les grandes fêtes de l’année liturgique.
En 1931, elle termina son activité à Spire. Elle tenta de nouveau d’obtenir l’habilitation pour enseigner librement à Wroclaw et à Fribourg. En vain. À partir de ce moment, elle écrivit une oeuvre sur les principaux concepts de Thomas d’Aquin : « Puissance et action ». Plus tard, elle fera de cet essai son ceuvre majeure en l’élaborant sous le titre « Être fini et Être éternel », et ce dans le couvent des Carmélites à Cologne. L’impression de l’œuvre ne fut pas possible pendant sa vie.
En 1932, on lui donna une chaire dans une institution catholique, l’Institut de Pédagogie scientifique de Münster, où elle put développer son anthropologie. Ici elle eut la possibilité d’unir science et foi et de porter à la compréhension des autres cette union. Durant toute sa vie, elle ne veut être qu’un « instrument de Dieu ». « Qui vient à moi, je désire le conduire à Lui ».
En 1933, les ténèbres descendent sur l’Allemagne. « J’avais déjà entendu parler des mesures sévères contres les juifs. Mais maintenant je commençai à comprendre soudainement que Dieu avait encore une fois posé lourdement sa main sur son peuple et que le destin de ce peuple était aussi mon destin ». L’article de loi sur la descendance arienne des nazis rendit impossible la continuation de son activité d’enseignante. « Si ici je ne peux continuer, en Allemagne il n’y a plus de possibilité pour moi ». « J’étais devenue une étrangère dans le monde ».
L’archiabbé Walzer de Beuron ne l’empêcha plus d’entrer dans un couvent des Carmélites. Déjà au temps où elle se trouvait à Spire, elle avait fait les voeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. En 1933 elle se présenta à la Mère Prieure du monastère des Carmélites de Cologne. « Ce n’est pas l’activité humaine qui peut nous aider, mais seulement la passion du Christ. J’aspire à y participer ».
Encore une fois Édith Stein se rendit à Wroclaw pour prendre congé de sa mère et de sa famille. Le dernier jour qu’elle passa chez elle fut le 12 octobre, le jour de son anniversaire et en même temps celui de la fête juive des Tabernacles. Édith accompagna sa mère à la Synagogue. Pour les deux femmes ce ne fut pas une journée facile. « Pourquoi l’as-tu connu (Jésus Christ) ? Je ne veux rien dire contre Lui. Il aura été un homme bon. Mais pourquoi s’est-il fait Dieu ? » Sa mère pleure.
Le lendemain matin Édith prend le train pour Cologne. « Je ne pouvais entrer dans une joie profonde. Ce que je laissais derrière moi était trop terrible. Mais j’étais très calme – dans l’intime de la volonté de Dieu ». Par la suite elle écrira chaque semaine une lettre à sa mère. Elle ne recevra pas de réponses. Sa soeur Rose lui enverra des nouvelles de la maison.
Le 14 octobre, Édith Stein entre au monastère des Carmélites de Cologne. En 1934, le 14 avril, ce sera la cérémonie de sa prise d’habit. L’archiabbé de Beuron célébra la messe. À partir de ce moment Édith Stein portera le nom de soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix.
En 1938, elle écrivit : « Sous la Croix je compris le destin du peuple de Dieu qui alors (1933) commençait à s’annoncer. Je pensais qu’il comprenait qu’il s’agissait de la Croix du Christ, qu’il devait l’accepter au nom de tous les autres peuples. Il est certain qu’aujourd’hui je comprends davantage ces choses, ce que signifie être épouse du Seigneur sous le signe de la Croix. Cependant il ne sera jamais possible de comprendre tout cela, parce que c’est un mystère ».
Le 21 avril 1935, elle fit des voeux temporaires. Le 14 septembre 1936, au moment du renouvellement des voeux, sa mère meurt à Wroclaw. « Jusqu’au dernier moment ma mère est restée fidèle à sa religion. Mais puisque sa foi et sa grande confiance en Dieu [...] furent l’ultime chose qui demeura vivante dans son agonie, j’ai confiance qu’elle a trouvé un juge très clément et que maintenant elle est ma plus fidèle assistante, en sorte que moi aussi je puisse arriver au but ».
Sur l’image de sa profession perpétuelle du 21 avril 1938, elle fit imprimer les paroles de saint Jean de la Croix auquel elle consacrera sa dernière oeuvre : « Désormais ma seule tâche sera l’amour ».
L’entrée d’Édith Stein au couvent du Carmel n’a pas été une fuite. « Qui entre au Carmel n’est pas perdu pour les siens, mais ils sont encore plus proches ; il en est ainsi parce que c’est notre tâche de rendre compte à Dieu pour tous ». Surtout elle rend compte à Dieu pour son peuple. « Je dois continuellement penser à la reine Esther qui a été enlevée à son peuple pour en rendre compte devant le roi. Je suis une petite et faible Esther mais le Roi qui m’a appelée est infiniment grand et miséricordieux. C’est là ma grande consolation ». (31-10-1938)
Le 9 novembre 1938, la haine des nazis envers les juifs fut révélée au monde entier. Les synagogues brûlèrent. La terreur se répandit parmi les juifs. La Mère Prieure des Carmélites de Cologne fait tout son possible pour conduire soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix à l’étranger. Dans la nuit du 1er janvier 1938, elle traversa la frontière des Pays-Bas et fut emmenée dans le monastère des Carmélites de Echt, en Hollande. C’est dans ce lieu qu’elle écrivit son testament, le 9 juin 1939 : « Déjà maintenant j’accepte avec joie, en totale soumission et selon sa très sainte volonté, la mort que Dieu m’a destinée. Je prie le Seigneur qu’Il accepte ma vie et ma mort [...] en sorte que le Seigneur en vienne à être reconnu par les siens et que son règne se manifeste dans toute sa grandeur pour le salut de l’Allemagne et la paix dans le monde ».
Déjà au monastère des Carmélites de Cologne on avait permis à Édith Stein de se consacrer à ses oeuvres scientifiques. Entre autres elle écrivit dans ce lieu « De la vie d’une famille juive ». « Je désire simplement raconter ce que j’ai vécu en tant que juive ». Face à « la jeunesse qui aujourd’hui est éduquée depuis l’âge le plus tendre à haïr les juifs [...] nous, qui avons été éduqués dans la communauté juive, nous avons le devoir de rendre témoignage ».
En toute hâte, Édith Stein écrira à Echt son essai sur « Jean de la Croix, le Docteur mystique de l’Église, à l’occasion du quatre centième anniversaire de sa naissance, 1542-1942″. En 1941, elle écrivit à une religieuse avec laquelle elle avait des liens d’amitié : « Une scientia crucis (la science de la croix) peut être apprise seulement si l’on ressent tout le poids de la croix. De cela j’étais convaincue depuis le premier instant et c’est de tout coeur que j’ai dit : Ave Crux, Spes unica (je te salue Croix, notre unique espérance) ». Son essai sur Jean de la Croix porta le sous-titre : « La Science de la Croix ».
Le 2 août 1942, la Gestapo arriva. Édith Stein se trouvait dans la chapelle, avec les autres soeurs. En moins de 5 minutes elle dut se présenter, avec sa soeur Rose qui avait été baptisée dans l’Église catholique et qui travaillait chez les Carmélites de Echt. Les dernières paroles d’Édith Stein que l’on entendit à Echt s’adressèrent à sa soeur : « Viens, nous partons pour notre, peuple ».
Avec de nombreux autres juifs convertis au christianisme, les deux femmes furent conduites au camp de rassemblement de Westerbork. Il s’agissait d’une vengeance contre le message de protestation des évêques catholiques des Pays-Bas contre le progrom et les déportations de juifs. « Que les êtres humains puissent en arriver à être ainsi, je ne l’ai jamais compris et que mes soeurs et mes frères dussent tant souffrir, cela aussi je ne l’ai jamais vraiment compris [...] ; à chaque heure je prie pour eux. Est-ce que Dieu entend ma prière ? Avec certitude cependant il entend leurs pleurs ». Le professeur Jan Nota, qui lui était lié, écrira plus tard : « Pour moi elle est, dans un monde de négation de Dieu, un témoin de la présence de Dieu ».
À l’aube du 7 août, un convoi de 987 juifs partit en direction d’Auschwitz. Ce fut le 9 août 1942, que soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix, avec sa soeur Rose et de nombreux autres membres de son peuple, mourut dans les chambres à gaz d’Auschwitz.
Avec sa béatification dans la Cathédrale de Cologne, le ler mai 1987, l’Église honorait, comme l’a dit le Pape Jean-Paul II, « une fille d’Israël, qui pendant les persécutions des nazis est demeurée unie avec foi et amour au Seigneur Crucifié, Jésus Christ, telle une catholique, et à son peuple telle une juive ».

The birth of Moses – Asian Christian Art

8 août, 2011

The birth of Moses - Asian Christian Art  dans images sacrée 20%20HE%20QI%20FINDING%20OF%20MOSES

http://www.artbible.net/1T/Exo0201_Moses_birth/index_11.htm

Une grande figure féminine du judaïsme : Myriam

8 août, 2011

du site:

http://bibleterremer.allmyblog.com/77-myriam-soeur-de-moise-1.html
 
Myriam, soeur de Moïse 1      

Une grande figure féminine du judaïsme : Myriam
    
  Choisir une seule personne pour représenter la femme dans le judaïsme n’a pas été facile. Non pas parce qu’aucun nom ne me venait à l’esprit, mais au contraire parce qu’en choisissant l’une plutôt que l’autre, j’avais l’impression d’être «injuste ».
      En effet, de nombreuses femmes ont joué un rôle important dans le judaïsme et ont marqué son histoire. Un rabbin du site Modia définit d’ailleurs ainsi la femme juive : « Force inimaginable, capable de s’opposer à la brutalité déferlante des hommes. C’est l’image du peuple juif lui-même. »   ( Le ton est donné ! )
      Pour que vous ayez une idée de la place de la femme dans notre religion, je ne peux pas m’empêcher de citer en introduction ces grandes figures sans lesquelles le peuple juif ne serait pas ce qu’il est, et que j’aurais pu choisir pour mon exposé de ce soir…
Les trois matriarches, bien sûr : Sarah, Rébecca et Léa, épouses respectives des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, à l’origine du peuple juif lui-même. Elles représentent le bon sens et sont de bon conseil. Dieu lui-même dit à Abraham : « Pour tout ce que Sarah te dit, obéis à sa voix. » (Genèse, 21,12)
Rachel, seconde femme et préférée de Jacob. Elle est appelée « Imanou », c’est-à-dire « Notre mère [ à tous ] » parce qu’elle est considérée, encore à l’heure actuelle, comme la protectrice des enfants d’Israël et des voyageurs.
Esther : célébrée lors de la fête de Pourim. Elle a sauvé tout son peuple de l’extermination totale organisée par Aman, sous le règne du roi Assuérus de Perse, grâce à son intelligence et à sa persévérance.
Ruth : L’histoire de Ruth, qui se déroule à l’époque où les Juges dirigeaient le peuple d’Israël, est rapportée par un livre qui lui est consacré. Il s’agit de montrer comment une femme étrangère (une non juive qui se convertira par la suite) est non seulement entrée dans le peuple d’Israël, mais est à l’origine des règles régissant l’attitude de la femme juive. Le récit met l’accent sur la loyauté exemplaire de la Moabite Ruth, vis-à-vis de sa belle-famille et vis-à-vis de D.ieu.
Déborah : Selon le livre des Juges (chapitres 4 et 5), c’est une prophétesse et la seule femme mentionnée par la Bible parmi les Juges d’Israël. Elle exerça cette fonction pendant 40 ans, de 1260 à 1221 avant l’ère chrétienne. Elle est représentée, siégeant sous un palmier, où tout le peuple pouvait lui demander conseil et d’où elle lançait ses ordres de combat. Elle est également l’un des premiers portraits d’une femme dans un rôle héroïque et militaire.
La liste, bien sûr, n’est pas exhaustive …
   Mais parmi toutes ces grandes destinées, une, celle de Myriam, a fini par s’imposer à mon esprit, non seulement par sa vie et ses actions, mais également par la valeur symbolique de son existence et par la représentation qu’elle donne de l’image de la femme dans le judaïsme.
   De plus, le parcours de Myriam va me permettre de vous montrer quelques aspects de la démarche d’investigation de la réflexion juive.
   C’est pourquoi, dans un premier temps, je vous parlerai de la vie biblique et plus ou moins historique de Myriam, en tant que femme tout simplement.
   Puis j’évoquerai les différents récits annexes, anecdotiques ou « midrachiques », écrits ultérieurement à son sujet.
   Enfin, j’aborderai, à travers la place de Myriam dans son peuple, celle de la femme, plus généralement, dans le judaïsme.
 
I]  La vie de Myriam :
    Le prénom Myriam a plusieurs significations, aussi représentatives l’une que l’autre. Son premier sens est « Celle qui élève ». Puis, selon l’origine étymologique, Myriam signifie « souhaité un enfant », « amertume », « rebelle » ou « aimée » / « la bien-aimée » et l’on verra que chacune de ces traductions correspond à une étape de la vie de Myriam, sœur de Moïse/Moché et de Aaron, fille de Yokheved et de Amram.
    La vocalisation araméenne Mariam a donné le grec Maria, d’où le français Marie.
  Myriam a d’abord été appelée « amertume » (mar en hébreu signifie « amer ») parce qu’au moment de sa naissance, le Peuple Juif était entré dans la phase la plus difficile de l’exil égyptien. Replaçons-nous dans le contexte…
   Le pain quotidien des esclaves juifs en leur exil égyptien était bien amer. Ce qui avait commencé comme des travaux forcés n’en finissait plus de dégénérer en exactions d’une indicible cruauté. Le summum de l’horreur fut atteint avec le décret de Pharaon d’assassiner tous les nouveau-nés mâles.
  Si le travail physique était éreintant, l’atteinte morale n’en était pas moins dramatique. La cellule familiale était éclatée : les épouses étaient séparées de leurs maris qui devaient demeurer sur leurs lieux de travail plus ou moins lointains. Le peuple était démoralisé et déprimé. Tout espoir  en de meilleurs lendemains semblait impossible. Peu à peu le peuple juif perdit toute identité réelle, se fondit dans le « paysage » égyptien et  oublia la plupart de ses valeurs premières.
    Cependant, un groupe d’esclaves ne se laissa pas abattre et conserva par devers tout une étincelle d’optimisme. Ces esclaves conservèrent leur dignité humaine et continuèrent à croire en une vie meilleure. Ils encourageaient quotidiennement leurs familles avec une énergie surhumaine, et restaient confiants que leurs prières seraient exaucées.
     Ces esclaves étaient les femmes du peuple hébreu. C’est pourquoi le Talmud affirme : « Par le mérite des femmes vertueuses de cette génération, nos ancêtres furent délivrés d’Égypte. »
   La tradition rapporte qu’après une journée de travail épuisant, les femmes polissaient malgré tout leurs miroirs et les utilisaient pour se faire belles pour leurs maris. A tel point que ces miroirs seront utilisés lors de la construction du Tabernacle ! À la nuit tombée, les femmes se faufilaient dans le camp des hommes, et les réconfortaient, physiquement et moralement.
  Elles avaient des paroles douces et apaisantes. « Ne perdons pas espoir. Nous ne serons pas les esclaves de ces dégénérés toute notre vie. Dieu nous a promis qu’Il nous prendra en pitié et qu’Il nous délivrera. » (Rav Loubavitch)
   De nombreuses femmes conçurent lors de ces visites, donnant ensuite naissance aux enfants qui allaient assurer la continuité du Peuple Juif.
 Comment ces femmes juives ont-elles pu garder espoir dans cette situation désespérée ?  Elles avaient un chef et un guide. Son nom était Myriam, malgré son très jeune âge.  Le Talmud commente : «  Israël eut trois excellents chefs. Ce fut Moïse, Aaron et Myriam. » Et dans le livre de Michée, l’un des douze prophètes de l’Ancien Testament, nous pouvons lire : « Avec Moché et Aharone, elle est l’un des 3 instruments de vie donnés par Hachém à Son peuple.  Mais, sans elle, rien n’aurait eu lieu. Elle a réussi à aimer dans les situations les plus difficiles et a pu ainsi sauver sa famille, parents, frère et son peuple tout entier, et dans la joie, en plus. Elle doit donc être connue et comprise pour connaître et comprendre le judaïsme. »  Myriam devint donc rapidement le guide des femmes. Mais d’où tira-t-elle son courage et son don de vision, dès son plus jeune âge ?
   Myriam était née à une époque où l’oppression de l’exil était à son paroxysme. « Et ils [les Égyptiens] rendirent leurs vies amères  avec un travail difficile. » (Exode 1, 14)
   Née dans la pire période d’asservissement, Myriam ressentait l’amertume et la douleur de son peuple. Ses premières années furent marquées par la réalité déchirante de l’exil du Peuple Juif.   Témoin des meurtres et des tourments, elle pleurait avec ses frères, adressait à Dieu d’incessantes prières et nourrissait un espoir sans bornes en un avenir meilleur.    Elle fut personnellement exposée aux décrets du cruel Pharaon. Personne ne saisissait l’amertume de l’exil mieux que Myriam.
   Pourtant, l’autre signification de son nom est « rébellion » (de la racine meri).
   Malgré la noirceur de l’époque de sa naissance, Myriam se révolta depuis son plus jeune âge contre la mentalité d’esclave qui minait son peuple.
   Bien qu’elle partageât la douleur de ses frères, jamais elle ne s’abandonna à la peur ou au désespoir. Bien qu’elle fût exposée à la cruauté la plus abjecte, elle ne céda jamais à la corruption morale ou à l’abattement. Avec courage et volonté, elle fut la gardienne vigilante de la foi en l’avenir.
   Dans le texte de la Torah, Myriam nous est d’abord présentée, de façon cachée, au moment où le nouveau Pharaon monte sur le trône d’Égypte. « Il se leva un roi nouveau sur l’Égypte… Et il s’adressa aux sages-femmes des Hébreux, dont le nom de l’une était Chifra et le nom de l’autre Pouah. »
   « Et il dit :  » Lorsque vous accoucherez les femmes des Hébreux, vous regarderez sur le siège d’enfantement : si c’est un fils, faites-le périr. Si c’est une fille, qu’elle vive.  » »
   Malgré ce décret, « les sages-femmes craignaient Dieu : elles ne firent point ce que leur avait dit le roi d’Égypte… » (Exode 1, 8-17)
  Rachi, grand commentateur du XIème siècle, explique que les noms des sages-femmes mentionnés dans la Torah étaient les noms professionnels de Yokheved et de Myriam.
   Yokheved (la mère de Myriam) était appelée Chifra parce qu’elle était experte dans l’art d’embellir (de la racine chafar) et de laver le nouveau-né. Myriam, bien qu’elle fût encore une enfant, excellait dans l’art de murmurer (de la racine pa’ah) à l’oreille du nouveau-né et de calmer un bébé qui pleure avec sa douce voix, d’où son nom : « Pouah ».     On appelait aussi Myriam ainsi parce qu’elle faisait revivre les bébés en soufflant dans leur bouche, et elle faisait des bulles avec du vin pour amuser les enfants. On trouve ici sa caractéristique qui est de faire revivre, ce qu’elle fera également envers ses parents, envers son  peuple, etc.     D’après le Midrache (conte explicatif de la Torah), Myriam fut aussi appelée Pouah suite à un autre épisode : « Elle dévoila (de la racine hofiya) son visage avec aplomb devant Pharaon, en disant « Malheur à cet homme, quand Dieu se vengera de lui ! »
   Voici la suite : « Pharaon fut très en colère en entendant ces paroles et voulut la faire tuer. Mais Yokheved l’apaisa en disant  » Ne lui accordez pas d’attention. Elle n’est qu’une enfant qui ne réalise pas à qui elle s’adresse, ni même ce qu’elle dit.  » »
    Il faut dire que Myriam n’avait que cinq ans à ce moment-là ! Malgré son très jeune âge, elle tint donc tête au plus puissant souverain du monde, le réprimandant avec audace pour sa cruauté envers son peuple.
   Courageusement, elle et sa mère continuèrent d’ignorer l’ordre de Pharaon de tuer tous les nouveau-nés mâles, se souciant même de leur prodiguer soins et nourriture afin qu’ils survivent.   Un autre événement de l’enfance de Myriam reflète encore sa force de caractère et sa capacité à résister à l’injustice.
   Le Talmud relate que lorsque Pharaon décréta que les bébés soient jetés dans le Nil, Amram, le père de Myriam, décida de divorcer de sa femme.  En tant que figure centrale du Peuple Juif en son temps, l’attitude d’Amram constituait un exemple pour tous ceux de sa génération. Son raisonnement était que si aucun enfant ne naissait, des bébés innocents ne seraient pas tués.
Et tous les hommes de cette génération suivirent l’exemple d’Amram et divorcèrent de leurs épouses.
   Constatant cela, Myriam s’approcha de son père et s’écria :
    « Mon père ! Ton décret est pire que celui de Pharaon. Lui n’a condamné que les garçons, mais toi tu as décrété que notre peuple sera dépourvu aussi bien de garçons que de filles !
   « Pharaon est un homme méchant et donc il est peu probable que son décret ne tienne. Mais toi, tu es un juste et ton décret sera accompli.
   « De plus, Pharaon ne peut faire du mal que dans ce monde. Les enfants assassinés sont innocents et ont une part dans le monde futur. Mais ton décret va les en priver, car, si un enfant ne vient jamais au monde, comment pourrait-il avoir une part dans le monde futur ?
 Tu dois réépouser ma mère. Elle est destinée à avoir un fils qui délivrera Israël. » 
   Myriam avait six ans lorsqu’elle fit face à son père et elle prophétisait déjà. Aaron avait deux ans et Moïse devait naître un an plus tard. Quoi qu’il en soit, les mots de Myriam eurent sur son père un impact si profond qu’il la fit paraître devant le Sanhédrine (la cour suprême juive) pour qu’elle réitère sa requête.
Les membres du Sanhédrine répondirent à Amram « Tu as interdit (que nous restions mariés à nos épouses), tu dois maintenant permettre. »
Pour montrer l’exemple à tous, Amram amena alors sa femme sous une magnifique ‘houpa (dais nuptial). Aaron et Myriam dansaient et chantaient devant eux, comme devant une jeune mariée. Myriam chantait sans interruption « Ma mère va enfanter un fils qui délivrera Israël ! »
   Quand les hommes juifs virent cette cérémonie, ils reprirent tous leurs épouses. Une génération entière fut transformée grâce au courage et à la vision de la petite Myriam qui eut assez d’assurance pour déclarer son opinion et dire sa prophétie.
 Peu de temps après, Yokheved donna naissance à un fils et vit « qu’il était bon ».
    Au moment de la naissance de Moïse, la maison se remplit entièrement de la lumière divine qui émanait de lui. Amram embrassa Myriam sur sa tête et lui dit « Ma fille, ta prophétie s’est accomplie. »
   La joie de cet instant fut brisée, cependant, avec la prise de conscience que ce garçon devrait être pris pour être tué.
   « Et lorsque Yokheved ne put le cacher plus longtemps, elle lui prépara un berceau d’osier… elle y plaça l’enfant et le déposa dans les roseaux sur la rive du fleuve. A ce moment-là, Myriam n’est pas encore nommée en tant que telle dans la torah ; elle est simplement celle qui surveille et sauve Moïse : « Sa sœur se tint à distance, pour observer ce qui lui arriverait. » (Exode 2, 3-4)
  Lorsqu’elles abandonnèrent Moïse au fleuve, Yokheved, démoralisée, frappa Myriam sur sa tête et dit « Ma fille, où est ta prophétie maintenant ? »
Mais Myriam s’obstina dans son optimisme.
Elle se tint au bord du fleuve non pas pour voir si, mais comment sa prophétie se réaliserait.
   Elle ressentait, elle aussi, la douleur et l’amertume de cette situation où son petit frère leur était arraché. Mais en même temps, elle était animée par son esprit rebelle et sa conviction : elle ne succomberait pas au désespoir.
  Telle était Myriam. Elle avait cette double qualité de ressentir la douleur dans toute son intensité tout en se révoltant contre son emprise pour découvrir une lueur d’espoir et de volonté tout au fond de soi.
   Depuis le fourré où elle s’était cachée, Myriam observait donc le tournant de la vie pourtant si ténue de son petit frère. Ce fut elle qui vit Bityah, la fille de Pharaon, descendre se baigner dans le Nil. Tout le monde sait qu’en découvrant le panier sur la rive du fleuve et entendant les cris déchirants du nourrisson qui s’y trouvait, Bityah décida de le sauver et de l’adopter.
    Myriam était là, à observer sur la rive du Nil, alors que l’avenir de son peuple tout entier était suspendu au sort précaire d’un nourrisson qui dérivait dans un petit panier sur ce fleuve gigantesque. Mais pas un instant sa foi en la libération de son peuple ne faillit. Plus tard, en tant que leader des femmes, Myriam transmettra ces qualités à leurs cœurs meurtris, ce qui mènera le peuple entier vers la délivrance.
     C’est pourquoi ce fut une Myriam pleine d’assurance qui s’approcha de Bityah pour lui suggérer qu’elle amène le bébé à une nourrice juive. Et à l’insu de Bityah, Myriam ramena Moïse à sa propre mère.
   Moïse resta donc dans sa famille, bénéficiant au cours de sa première enfance d’un environnement nourricier tant matériellement que spirituellement, jusqu’à ce qu’il fût sevré. Ce n’est qu’après avoir reçu l’amour et l’enseignement de ses parents que Moïse fut ramené au palais royal pour y accomplir son destin de chef et de guide.
    Plusieurs décennies passent, Moïse grandit et revient de Midian en tant que libérateur de son peuple, désigné par Dieu. Les dix plaies s’abattent sur l’Égypte pour la punir de sa cruauté et délivrer le peuple hébreu de son oppression. Celui-ci sort du pays triomphalement. Puis, alors qu’il est pourchassé par un roi récalcitrant et son armée, Dieu ouvre miraculeusement la mer, sauvant Son peuple et noyant ses ennemis.
    Finalement, après des centaines d’années d’exil, leurs ennemis avaient été totalement déjoués et les Hébreux  avaient connu une délivrance miraculeuse et absolue. Leurs souffrances en Égypte étaient définitivement terminées. Leur servitude était arrivée à son terme et leur salut était tangible.
    Sur les rives de la Mer Rouge, le Peuple Juif, sous la direction de son chef, Moïse, entonna alors la Chirat Hayam, « le chant de la mer », un cantique exprimant leur gratitude et la grâce qu’il rendait à D.ieu.
   Mais, lorsque Moïse et son peuple eurent conclu leur chant, survint quelque chose d’inattendu. Je cite :
        « Et Myriam, la prophétesse, sœur d’Aaron, prit dans sa main le tambourin, et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins et des danses. Et Myriam leur répondit :  » Chantez l’Éternel car Il est très élevé » (Exode 15, 20-21)  
     C’est ici, pour la première fois, que la Torah appelle Myriam par son nom.  Et ce n’est que beaucoup plus tard, dans Les Nombres, 26, 59, que nous apprendrons sa généalogie complète : « Et le nom de l’épouse d’Amram était Yokhévèd, fille de Lévi, qui avait été enfantée à Lévi en Egypte. Elle enfanta à Amram Aaron et Moïse, et Myriam, leur sœur. »
     On observe également que le titre de « prophète » n’a été conféré auparavant qu’à Abraham (La Genèse, 20, 7), et que c’est ici la première fois qu’il est porté par une femme.
   Moïse et les hommes avaient chanté leur cantique. Puis Myriam et les femmes se sont levées pour chanter le leur.
Les hommes avaient chanté avec leurs voix seulement. Mais le chant des femmes fut composé de voix, de tambourins et de danses. Les cœurs des femmes étaient épris d’une plus grande joie et leur chant aussi fut plus complet.
      On peut se demander quel fut l’apport de Myriam et des autres femmes dans ce chant. Pourquoi leur cantique surpassa-t-il celui des hommes ?
    Rachi (sur Exode 15, 20) explique le fait que les femmes avaient ces tambourins avec elles : « Les femmes vertueuses de cette génération croyaient profondément que le Saint Béni soit-Il ferait pour elles des miracles, et elles avaient emporté des tambourins d’Égypte. »
    Replaçons-nous dans le contexte. Lorsque les Juifs quittèrent l’Égypte, ce fut en hâte. En telle hâte qu’ils n’eurent pas le temps de laisser la pâte de leur pain lever et durent le cuire comme des galettes plates. Les femmes n’étaient pas inquiètes au sujet de leurs besoins matériels, car elles savaient que Dieu leur prodiguerait ses bienfaits. Elles vivaient dans une dimension supérieure, par delà la réalité naturelle. En effet, malgré leur précipitation, les femmes prirent le temps de préparer, longtemps à l’avance, quelque chose qui leur semblait essentiel.
     Après des années d’un exil amer – après avoir été témoin d’actes d’absolue barbarie, après avoir versé des torrents de larmes pour les bébés qui avaient été arrachés de leur bras, après avoir vu leurs enfants murés vivants dans des murs de briques pour remplir les quotas de construction – qu’est-ce que ces femmes avaient bien pu préparer alors qu’elles étaient encore esclaves en Égypte ?                
Des tambourins.
    Des instruments avec lesquels elles chanteraient et loueraient leur Dieu pour le miracle qui se produirait assurément un jour.
    Du fond de leur misère, ces femmes ne perdirent pas de vue leur idéal. Portant le deuil de leurs enfants massacrés avec leur sensibilité féminine plus douloureusement encore que leurs maris, les femmes trouvèrent la force de ne pas perdre espoir. Elles se rebellèrent contre la dépression qui aurait dû découler naturellement d’un tel malheur, contre l’apathie et contre le découragement, guidées par l’esprit rebelle de Myriam. Telle fut la force de celle-ci : une force féminine qui grandit de l’amertume. Une force forgée au milieu du désespoir.
    Peu de temps après survient un autre événement curieux mais qui, comme très souvent dans la Torah, rappelle que tout être humain, même le plus grand, est, par définition, imparfait et faillible. Voici ce que nous pouvons lire dans la section 12,1 à 16, des Nombres :
       «   Myriam et Aaron médirent de Moïse, à cause de la femme éthiopienne qu’il avait épousée, car il avait épousé une Ethiopienne,  et ils dirent: « Est-ce que l’Éternel n’a parlé qu’à Moïse, uniquement? Ne nous a-t-il pas parlé, à nous aussi? » L’Éternel les entendit.  [ …]  Pourquoi donc n’avez-vous pas craint de parler contre mon serviteur, contre Moïse? »  La colère de l’Éternel éclata ainsi contre eux, et il se retira. La nuée ayant disparu de dessus la tente, Myriam se trouva couverte de lèpre, blanche comme la neige. Aaron se tourna vers Myriam, et la vit lépreuse. Et Aaron dit à Moïse: « Pitié, mon Seigneur! De grâce, ne nous impute pas à péché notre démence et notre faute! [ … ] » Et Moïse implora l’Éternel. […]  L’Éternel répondit à Moïse:  » […] Qu’elle soit donc séquestrée sept jours hors du camp, et ensuite elle y sera admise. » Myriam fut séquestrée hors du camp pendant sept jours; et le peuple ne partit que lorsque Myriam eut été réintégrée.
  Après cela, le peuple partit de Hacêroth, et ils campèrent dans le désert de Pharan. »
   Ce passage est une allusion à l’origine africaine de Tsiporah, la femme de Moché et en même temps au don prophétique d’Aaron et de Myriam. L’on peut se demander pourquoi seule Myriam (et non Aaron) est punie pour cette médisance. Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que, comme ses frères, Myriam n’était pas parfaite. Comme tout être humain elle était faillible, donc punissable car personne n’échappe au rachat de sa faute. D’autant plus que dans le judaïsme, la médisance est l’une des fautes les plus lourdes. Myriam doit donc servir d’exemple, un exemple d’autant plus marquant pour le peuple qu’il a une véritable admiration pour elle et pour sa forte personnalité.
Le peuple attend donc Myriam pendant les sept jours de purification, puis il reprend sa route.
   Pendant quarante ans, le Peuple Juif erra dans le désert sans souffrir d’un manque d’aliments ni de confort. La Manne tombait quotidiennement, assouvissant leurs besoins nutritionnels. Ils avaient assez à boire, grâce au Rocher qui voyageait avec eux et d’où coulait de l’eau fraîche et douce. De plus, le camp était entouré par six côtés de Nuées de Gloire qui assuraient sa sécurité matérielle dans le désert.
    Puis comme ses frères, mais avant eux, Myriam mourut avant que le peuple ait atteint la terre promise, après la traversée du désert de Tsin, à Kadéche où elle fut  enterrée (Nombres 20:1). Il semblerait qu’elle avait alors 127 ans  (86 ans à la sortie d’Egypte, 39 ans plus tôt).
   Tout de suite après la mort de Myriam, le Rocher s’arrêta soudain de donner son eau de sorte que le Peuple n’eut plus rien à boire. Rachi conclut de ce fait que pendant quarante ans, le puits coula en l’honneur de Myriam, et c’est la raison pour laquelle nos Sages s’y réfèrent comme au « puits de Myriam ». Les puits miraculeux qui accompagnaient les Enfants d’Israël par le mérite de celle-ci ayant disparu, le peuple réclame de l’eau. Dieu indique à Moïse de commander à un rocher d’en donner. Troublé par l’attitude du peuple, Moïse frappe la pierre et l’eau en jaillit, restaurée par son mérite. Et pourtant,  Dieu lui annonce que ni lui ni Aaron n’entreront en Terre Promise car Moïse a « frappé le rocher » sous l’effet de la colère, au lieu de simplement le toucher.

The crossing of the red sea & the hymn of Myriam

7 août, 2011

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http://www.artbible.net/1T/Exo1401_Redsea_myriampsong/index_3.htm

Exode 14, 24-30: L’eau de vie et de mort

7 août, 2011

du site:

http://moinesdiocesains-aix.cef.fr/homelies/lectio-divina/ancien-testament/pentateuque/exode/876-passage-de-la-mer-rouge.html

Exode 14, 24-30

Homélie du Frère Jean-François NOEL

L’eau de vie et de  mort

Vous avez entendu, dans le livre de l’Exode, le récit central du passage de la mer Rouge et ce récit fonde Israël comme peuple, comme peuple choisi par Dieu qui l’a sauvé. Ce récit est à la base de la foi d’Israël. Israël ne reconnaît plus simplement Dieu comme son Créateur mais il l’entend et le vénère comme son Sauveur. Demain nous entendrons le long cantique de Myriam, la sœur de Moïse, qui célèbre la victoire de Dieu sur les égyptiens. Il s’agit donc d’un événement fondateur pour la vie d’Israël et pour notre vie de foi. Il s’agit donc d’un miracle.
       Lorsque nous prononçons ce mot de miracle, nous avons envie de le comparer à des événements naturels en précisant qu’il ne s’agit pas là d’un événement naturel. Il est difficile de retrouver la trace exacte de ce qui s’est passé réellement, historiquement, au moment du passage de la mer Rouge. En tout cas c’est une fausse piste pour comprendre ce qu’est le miracle dans la Bible, que ce soit dans l’Ancien Testament ou dans le Nouveau Testament. Je vous propose deux caractéristiques qui peuvent nous permettre de discerner ce qu’est vraiment un miracle tel que Moïse et le peuple l’ont vécu.
       Premièrement, il s’agit d’un événement, un événement qui s’inscrit dans l’histoire de quelqu’un ou d’un peuple. Cet événement suscite dans ces gens un étonnement, un étonnement impossible à abolir. Le mot « étonnement » est un mot de base dans la philosophie puisqu’il distingue l’homme philosophe de l’homme non philosophe. L’homme philosophe est celui qui s’étonne de ce qui l’entoure et qui pose la question de la réalité de ce qui se vit autour de lui. En ce sens, Moïse et le peuple font preuve d’un esprit qui guette la présence de Dieu dans leur vie, et guettant cette présence, ils découvrent avec étonnement la façon dont Dieu agit.
       Dans notre vie aussi, nous avons à maintenir ouvert l’étonnement de l’activité de Dieu dans notre vie. C’est en cela que nous pourrions découvrir, lors d’événements parfois humains et tout à fait explicables sur un plan naturel, comment Dieu a fait des miracles dans notre vie et, en ce sens, comment Il est intervenu. Cela suppose donc dans notre cœur une attente, une acceptation que nous puissions rester étonnés, sans réponse à l’étonnement, par rapport à un miracle, à un événement qui trouve dans notre cœur un écho.
       La seconde caractéristique du miracle tel que celui du passage de la mer Rouge est le fait que se déploie, dans cet événement, une puissance de vie, et se déploie gratuitement cette puissance de vie.
       Si nous sommes étonnés, si nous acceptons d’être étonnés par rapport à un événement, quel qu’il soit, aussi naturel soit-il, si en plus nous découvrons à l’intérieur de cet événement qu’une puissance vitale se déploie et qu’elle est pour nous source de vie, source de renversement, source d’une nouvelle vie, alors nous pouvons qualifier l’ensemble de cet événement comme un miracle.
       Vous vous rendez bien compte qu’on est là loin de tenter d’expliquer le miracle par un événement surnaturel en opposition avec un événement naturel. L’intention des auteurs des livres de la Bible n’est pas de nous décrire et de nous faire croire des événements surnaturels – peut-être – mais c’est de nous faire part de l’expérience d’étonnement et de découverte de la puissance vitale de Dieu qui s’est déployée dans l’événement. 
       Nous avons là la façon dont Dieu a commencé, dans l’Ancien Testament, à se révéler par l’histoire, par l’évènement. C’est le début de la révélation de Dieu. Il se fait découvrir, Il se fait sentir à la façon dont Il se rend présent dans l’événement. C’est une leçon pour nous aujourd’hui que d’entendre comment les événements sont secrètement animés de la présence de Dieu. Et la condition nécessaire pour que nous le ressentions et que nous le recevions c’est que nous sachions être étonnés, au sens profond du terme. On pourrait dire, en d’autres termes, que l’histoire d’Israël est le réceptacle des miracles de Dieu, ce qui veut dire pour nous, que notre histoire personnelle est incessamment le réceptacle de miracles de Dieu. Cela nous mène sur ce qu’est la grâce. La grâce ne s’ajoute pas à ce que nous sommes, mais transforme ce que nous sommes. Il s’agit donc bien là d’une façon dont Dieu intervient dans notre vie, sans pour autant bousculer la météorologie ou les phénomènes naturels de notre vie, mais ce n’est pas moins Dieu qui agit réellement.
      Nous avons entendu le texte fondateur de la foi d’Israël. Cherchons, dans notre vie à renouer avec la façon dont Dieu « a fait irruption », cherchons à retrouver la trace de notre étonnement qui nous permet, aujourd’hui encore, d’être le croyant qui cherche et qui confesse que Dieu est pour lui source de vie nouvelle, en Jésus-Christ.        AMEN

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