Jean Paul II: Témoigner de Dieu le Père: la réponse chrétienne à l’athéisme (1999)
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JEAN-PAUL II
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 14 avril 1999
Témoigner de Dieu le Père: la réponse chrétienne à l’athéisme
Lecture: Sg 13, 1.3.5
1. L’orientation religieuse de l’homme vient de sa nature même de créature, ce qui le pousse à aspirer à Dieu, par qui il est créé à sa propre image et ressemblance (cf. Gn 2, 17). Vatican II a enseigné que «l’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l’homme de dialoguer avec Lui commence avec l’existence humaine. Car, si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par amour et, par amour, ne cesse de de lui donner l’être; et l’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet amour et s’abandonne à son Créateur» (Gaudium et spes, n. 19).
La voie qui conduit les êtres humains à la connaissance de Dieu le Père est Jésus-Christ, le Verbe fait chair, qui vient à nous dans la force de l’Esprit Saint. Comme je l’ai souligné dans les précédentes catéchèses, une telle connaissance n’est authentique et complète que si elle ne se réduit pas à une acquisition de l’intellect seul, mais qu’elle concerne de façon vivante toute la personne humaine. Celle-ci doit offrir au Père une réponse de foi et d’amour, en ayant conscience que, avant de le connaître, nous avons déjà été quant à nous connus et aimés par Lui (cf. Ga 4, 9; 1 Co 13, 12; 1 Jn 4, 19).
Malheureusement, ce lien intime et vital avec Dieu, altéré par la faute de nos ancêtres dès le début de l’histoire, est vécu par l’homme de façon fragile et contradictoire, menacé par le doute et souvent interrompu par le péché. L’époque contemporaine a connu des formes particulièrement destructrices d’athéisme «théorique» et «pratique» (cf. Lettre encyclique Fides et ratio, nn. 46-47). Le sécularisme, en particulier, se révèle dangereux en raison de son indifférence à l’égard des questions ultimes et de la foi: il exprime de fait un modèle d’homme totalement détaché de la référence au Transcendant. L’athéisme «pratique» est ainsi une réalité concrète amère. S’il est vrai qu’il se manifeste surtout dans les civilisations les plus économiquement et techniquement avancées, ses effets s’étendent égale- ment aux situations et aux cultures qui commencent actuellement un processus de développement.
2.’Il faut se laisser guider par la Parole de Dieu pour déchiffrer cette situation du monde contemporain et répondre aux graves questions qu’elle pose.
En partant de l’Ecriture Sainte, on remarquera immédiatement qu’elle ne mentionne pas l’athéisme «théorique», alors qu’elle se soucie de repousser l’athéisme «pratique». Le Psalmiste qualifie de sot celui qui pense: «Non, plus de Dieu» (Ps 14, 1), et se comporte en conséquence: «Corrompues, abominables leurs actions; non, plus d’hon- nête homme» (ibid.). Dans un autre Psaume, celui qui est blâmé est «l’homme avide qui bénit méprise Yahvé, l’impie, arrogant, ne cherche point: « Pas de Dieu! » voilà toute sa pensée» (Ps 10, 4).
Plus que d’athéisme, la Bible parle d’impiété et d’idolâtrie. L’impie et l’idolâtre est celui qui préfère au vrai Dieu une série de produits humains, faussement considérés divins, vivants et agissants. A l’impuissance des idoles, et également de ceux qui les fabriquent, sont consacrés de longs réquisitoires prophétiques. Avec une véhémence dialectique, ceux-ci opposent à la vacuité et à l’ineptie des idoles fabriquées par l’homme, la puissance du Dieu créateur et auteur de prodiges (cf. Is 44, 9- 20; Jr 10, 1-16). Cette doctrine atteint son développement le plus ample dans le Livre de la sagesse (Cf. Sg 13-15), où est présentée la voie, qui sera ensuite évoquée par saint Paul (cf. Rm 1, 18-23), de la connaissance de Dieu à partir des choses créées. Etre «athées» signifie alors ne pas connaître la vraie nature de la réalité créée, mais la rendre absolue et, pour cela même, «l’idolâtrer», au lieu de la considérer comme une trace du Créateur et une voie qui conduit à Lui.
3. L’athéisme peut même devenir une forme d’idéologie intolérante, comme le révèle l’histoire. Les deux derniers siècles ont connu des courants d’athéisme théorique qui ont nié Dieu au nom d’une prétendue autonomie absolue, qu’elle soit de l’homme, de la nature ou de la science. C’est ce que souligne le Catéchisme de l’Eglise catholique: «L’athéisme se fonde souvent sur une fausse conception de l’autonomie humaine, poussée jusqu’au refus de toute dépendance à l’égard de Dieu» (n. 2126).
Cet athéisme systématique s’est imposé pendant des décennies en offrant l’illusion que, en éliminant Dieu, l’homme aurait été plus libre, tant psychologiquement que socialement. Les principales objections avancées, en particulier à l’égard de Dieu le Père, se fondent autour de l’idée que la religion constituerait pour les hommes une valeur de type compensatoire. Une fois écartée l’image du Père terrestre, l’homme adulte projeterait en Dieu l’exigence d’un père amplifié, dont il devrait à son tour s’affranchir parce qu’il empêcherait le processus de maturation des êtres humains.
Face aux formes d’athéisme et à leurs motivations idéologiques, quelle est l’attitude de l’Eglise? L’Eglise ne déprécie pas l’étude sérieuse des composantes psychologiques et sociologiques du phénomène religieux, mais elle refuse avec fermeté l’interprétation de la religiosité comme projection de la psychée humaine ou comme résultat des conditions sociologiques. En effet, l’expérience religieuse authentique n’est pas une expression d’infantilisme, mais une attitude mûre et noble d’accueil de Dieu, qui répond à l’exigence d’une signification globale de la vie et qui engage de façon responsable en vue d’une société meilleure.
4. Le Concile a reconnu que, dans la genèse de l’athéisme, les croyants ont pu jouer un rôle, n’ayant pas toujours manifesté de façon adéquate le visage de Dieu (cf. GS, n. 19; CEC, n. 2125).
Dans cette perspective, c’est précisément dans le témoignage du véritable visage de Dieu le Père que se trouve la réponse la plus convaincante à l’athéisme. Certes, cela n’exclut pas, mais exige également une présentation correcte des motifs d’ordre rationnel qui conduisent à la reconnaissance de Dieu. Malheureusement, ces raison sont souvent occultées par des conditionnements dus au péché et à de multiples circonstan- ces culturelles. C’est l’annonce de l’Evangile, resposant sur le témoignage d’une charité intelligente (cf. GS, n. 21), qui est alors la voie la plus efficace afin que les hommes puissent entrevoir la bonté de Dieu et progressivement en reconnaître le visage miséricordieux.
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