Homélie sur la Transfiguration du Seigneur – Latin Patriarchate of Jerusalem (par Latin Patriarchate of Jerusalem)

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News from the Latin Patriarchate of Jerusalem

H.B. Patriarch Fouad Twal

Homélie sur la Transfiguration du Seigneur
Voyage en France – mars 2009

Chers amis,
Je suis heureux d’être et de prier avec vous aujourd’hui. Ensemble, nous allons méditer les lectures de ce jour.

La Transfiguration de Jésus se situe quelques jours après la profession de foi de Pierre, disant au Christ : “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant” (Mt 16, 16 ; Mc 8, 29 ; Lc 9, 20). Pierre vient donc d’avoir une révélation intérieure du Père l’instruisant de l’identité de cet Homme qu’on appelle le Christ : il est le Fils de Dieu, le Verbe fait chair. Puis il apprend – sans comprendre – que ce Fils va monter à Jérusalem, souffrir, mourir et puis ressusciter le troisième jour. Aujourd’hui, Pierre reçoit une nouvelle révélation du Père ; mais cette fois il ne la reçoit pas seul, car il s’agit là d’une révélation publique destinée être diffusée “par la parole de deux ou trois témoins” (Mt 18, 16). En effet, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et c’est devant eux trois qu’Il est transfiguré sous le regard du Père.
Aujourd’hui, c’est le dimanche de la Transfiguration. Mais j’ose également l’appeler le dimanche de la Contradiction, tant il est vrai que, dans notre vie présente, ces deux réalités ne peuvent aller l’une sans l’autre.
Comme nous allons le voir, les lectures de ce jour nous présentent trois personnages hors du commun.
1. Dans la première lecture, le Bon Dieu soumet Abraham à une épreuve qui dépasse la logique humaine. Il lui demande de sacrifier son fils unique, duquel doit sortir une grande descendance. C’est l’aventure folle de l’amour, de la part de Dieu mais aussi de la part des hommes. Et Abraham, sans comprendre ce mystère, accepte le défi et prend les mesures nécessaires pour sacrifier Isaac. L’histoire d’Isaac annonce le sacrifice de Jésus, et il nous est facile de faire un parallèle entre : Isaac portant le bois pour l’holocauste jusqu’au sommet du mont Moriah et Jésus portant le bois de la croix jusqu’au sommet du Golgotha. Quelle foi en acte impressionnante, Seigneur! Quelle obéissance héroïque, et qui effraie! Obéissance et foi, deux vertus qui aujourd’hui ne trouvent pas beaucoup de clients…
Et nous-mêmes? Où en sommes-nous aujourd’hui de cette foi et de cette obéissance?
Combien de fois nous trouvons-nous devant des situations critiques, dramatiques, où la logique humaine défaille, et où pourtant Dieu nous demande de nous mettre sur les rangs, d’aller à contre-courant d’une majorité qui a mis Dieu et ses enseignements de côté pour faire ce qui lui plaît? Pour nous, chrétiens de Terre Sainte, tout comme pour vous, chrétiens de France, le critère de jugement et d’action ne dépend pas de ce que pense et dit la majorité. Nous ne suivons pas la majorité. Nous, c’est une personne et une seule que nous suivons, et c’est ainsi que nous faisons peuple, que nous formons l’Eglise. C’est en quelque sorte une pyramide renversée.
2. Dans la deuxième lecture, nous trouvons saint Paul, Apôtre sans frontière, qui nous demande de dépasser toute peur et toute hésitation dans nos engagements et nos décisions, même si nous allons à contre-courant : “Si Dieu est avec nous qui sera contre nous?” Lorsque saint Paul parle ainsi de la contradiction et de l’adversité, il vit dans sa chair ce qu’il dit : il sait ce que signifie “avoir des gens contre soi”, lui qui dans une autre épître dresse la liste de toutes les souffrances qui lui ont été infligées par les membres du peuple juif – son peuple – après sa conversion radicale sur la route de Damas. C’est sa propre expérience qui lui remonte au coeur lorsqu’il s’écrie : “Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le supplice ?” Et il conclut par cette magnifique déclaration de foi amoureuse : “Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, qui est en Jésus Christ notre Seigneur!”
En cette année paulinienne, demandons à l’Apôtre des nations d’intercéder pour nous : puissions-nous être, comme lui, saisis et terrassés par l’amour du Christ et ne plus avoir peur de rien! Puissions-nous ne plus avoir peur ou honte de notre identité chrétienne! Demandons cette année que quelque chose de radical change en nous.
3. Dans l’Evangile, nous lisons comment Jésusprend avec lui trois de ses disciples et leur dévoile qui Il est. Il dévoile la Gloire qu’il habite depuis toujours, Jésus nous invite à le contempler…
Cette page d’Evangile nous apprend également que Jésus a des privilégiés parmi ses apôtres. Des privilégiés qui ont reçu plus que les autres, des privilégiés desquels Il attend plus que les autres, des privilégiés qui deviennent plus responsables pour pouvoir affermir et aider les autres.
Aujourd’hui, je représente au milieu de vous les chrétiens de Terre Sainte. Quel Privilège le Seigneur nous a donné là! Mais des amis, pèlerins et touristes ont la joie d’y venir eux aussi, une ou plusieurs fois dans leur vie, et c’est aussi un privilège. Nous nous préparons avec joie à recevoir fin juillet plus d’un millier de jeunes français, originaires de nombreux diocèses de France. Ils viendront en pèlerins découvrir la Terre Sainte et les racines de leur foi, mais également nous rendre une visite fraternelle et rencontrer les jeunes chrétiens de Palestine et d’Israël. Leur visite signifie beaucoup pour nous. Elle signifie que nous ne sommes pas oubliés, que nous ne sommes pas seuls dans notre mission et notre travail en Terre Sainte. Ces jeunes pèlerins sont les bienvenus. Vous êtes tous les bienvenus!
Quant aux chrétiens qui vivent en Terre Sainte depuis des siècles, leur présence n’est pas une présence comme les autres : elle est une vocation et une mission. Ils doivent témoigner au monde entier que le Salut a été donné en Jésus, le Christ, né, mort et ressuscité sur cette terre trois fois sainte. Une mission comporte des sacrifices. Il est du devoir de l’Église d’aider les fidèles à assumer ces sacrifices, de les encourager à ne pas délaisser la terre de nos racines, malgré le conflit et les problèmes de toute sorte qui se posent depuis 60 ans.
Des chrétiens privilégiés, des chrétiens responsables, des chrétiens qui témoignent : voilà ce qui nous manque aujourd’hui. De là mon appel à tous les autres chrétiens : venez nous voir, venez nous visiter, venez prier avec nous et pour nous. Donnez-nous la certitude que nous ne sommes pas seuls, que nous ne sommes pas abandonnés, mais que nous formons ensemble une seule famille chrétienne internationale, que nous formons ensemble l’Eglise universelle née de la foi, du témoignage et de la prédication des apôtres.
Nous chrétiens, en Terre Sainte, en France et dans le monde entier, nous sommes appelés à être transfigurés, transformés et purifiés au milieu de nos sociétés, pour pouvoir témoigner du Christ. Nous sommes appelés à être un signe de contradiction, à marcher à contre-courant et hors des sentiers battus, à l’exemple de Jésus et des Apôtres qui nous ont précédés.
“De la nuée, une voix se fait entendre : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le”. Tout est là. Il s’agit d’entendre. Mieux : il s’agit d’écouter la Parole, cette Parole incarnée qui vivifie mais qui dérange. Ecouter cette Parole et la mettre en pratique coûte cher car elle signifie : renoncer, aimer, pardonner. “Ecouter” signifie prendre les Béatitudes au sérieux. Or qui a envie aujourd’hui d’entendre proclamer bienheureux les pauvres, les affamés et les souffrants?
Décrivant le Christ transfiguré, saint Matthieu ajoute que “son visage prit l’éclat du soleil” (Mt 17, 2). Le visage… Le visage d’une personne, n’est-ce pas ce qui la distingue principalement de toute autre personne? Le visage d’une personne est ce qui exprime le mieux sa dignité, son état d’âme, sa noblesse de créature à l’image de Dieu. En méditant sur la signification profonde du visage, voici la question qui me vient à l’esprit : quel visage offrons-nous au regard des autres? Quelle image donnons-nous de nous-mêmes? Que disent de nous nos actes, nos choix et notre comportement politique, social et religieux?
A l’image du Christ, nos vies sont des montées vers Jérusalem, nos vies sont des chemins de croix : l’Evangile de ce jour nous invite à le reconnaître. Pierre confesse que Jésus est le Messie, le Fils du Dieu vivant, mais l’instant d’après il s’insurge contre l’idée de sa mort : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. » La croix est au cœur de toute vie humaine. Et nous sommes tous comme Pierre, parce que nous refusons que ce chemin qui mène à Jérusalem passe par la croix avant de nous mener à la gloire. Nous refusons  de suivre ce chemin parce que nous avons peur de la croix, de la souffrance. Et pourtant nous connaissons bien la condition posée par le Seigneur : “Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il porte sa croix et me suive.”
En Terre Sainte, les événements nous aident à comprendre que nous ne pouvons pas faire l’économie de la croix. Nous savons par expérience que nous ne pouvons pas vivre, aimer ou travailler à Jérusalem sans la croix. C’est notre pain quotidien. C’est le cadre où se déroule notre mission : avec ou sans la guerre à Gaza, avec ou sans les murs de séparation, avec ou sans la violence, avec ou sans les interdictions, avec ou sans les roquettes désespérées qui partent vers Ashkelon.
Comme Pierre, nous aimerions figer dans l’éternité les moments heureux de notre vie… Avec Pierre nous sommes tentés de dire : “Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes” au moment où nous contemplons Jésus dans sa gloire, et non pas lorsque nous le voyons suspendu à la croix ou traînant le poids de notre misère. Jésus a eu son heure, nous aurons notre heure nous aussi : il y a dans notre vie des moments où toutes les assurances sautent et où il ne nous reste que la foi nue.
Comme saint Thomas, nous disons au Seigneur que nous l’aimons, que nous le suivrons partout et que “nous mourons avec lui” (Jn 11, 16). Le Seigneur sait que ce n’est pas toujours  vrai
Mais la bonne Nouvelle, c’est que Dieu est bon, qu’il nous aime, qu’il est plein de tendresse! Il veut que notre foi grandisse et s’épanouisse pour prendre toute son ampleur spirituelle, sociale, culturelle, communautaire et politique.
Seigneur Jésus, nous croyons en Toi, mais Tu fais bien de fortifier notre foi. Merci Seigneur! Amen.

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