Archive pour le 16 juillet, 2011
Parabole de l’ivraie
16 juillet, 2011Pourquoi je crois au christianisme (Par G.K.Chesterton)
16 juillet, 2011du site:
http://v.i.v.free.fr/pvkto/pourquoi-je-crois-christianisme.html
Pourquoi je crois au christianisme
Source : Extrait de « Why I Believe in Christianity » : Reprinted in The Religious Doubts of Democracy (1904) And « The Blatchford Controversies » (in The Collected Works of G.K. Chesterton,Vol. 1)
Par G.K.Chesterton
Traduction libre par Jean-Baptiste
Je ne ferai preuve d’aucun manque de respect envers Monsieur Blatchford en disant que notre difficulté provient de ce que lui, tout autant que des masses de gens instruits aujourd’hui, ne comprennent pas ce qu’est la théologie. Se tromper dans le domaine d’une science est une chose; se tromper sur sa nature en est une autre. Et, lisant « Dieu et mon voisin », ma conviction s’est progressivement confirmée, qu’il croyait que la théologie cherchait à savoir si de nombreux récits racontés sur Dieu dans la Bible sont historiquement démontrables. C’est exactement comme s’il essayait de prouver à un homme que le socialisme était de l’économie politique, qu’à mi-chemin de la démonstration il s’aperçoive que l’homme auquel il parle avait compris la question de la manière suivante : il pensait que économie politique signifiait d’étudier si les politiciens étaient économiques ou pas!
Il est très difficile d’expliquer brièvement la nature d’une étude vivante en entier; ce serait aussi difficile que d’expliquer la politique ou l’éthique. Car plus une chose est énorme et évidente et resplendit au milieu d’un visage, plus elle est difficile à définir. Tout le monde peut décrire la conchologie. Personne ne peut définir la morale.
Néanmoins, il nous incombe d’essayer d’expliquer cette philosophie religieuse qui était, et sera encore et toujours, l’étude des plus hauts intellects et les fondations des nations les plus fortes, mais que notre pauvre petite civilisation moderne a pour un temps oubliée, tout comme elle a oublié comment on danse et comment on se vêt décemment. J’essaierai d’expliquer pourquoi je pense qu’une philosophie religieuse est nécessaire et pourquoi je pense que le christianisme est la meilleure philosophie religieuse. Mais avant de le faire, je vous demande de conserver à l’esprit deux faits historiques. Je ne vous demande pas d’entrevoir ma déduction de ces faits, ni même de faire aucune déduction de ces faits : je vous demande juste de vous en rappeler tout au long de cette discussion.
1. Le christianisme apparut et se répandit dans un monde très cultivé et très cynique, en un mot, dans un monde très moderne ! Lucrèce était aussi matérialiste que Haeckel, et encore plus persuasif en tant qu’écrivain. Le monde romain avait lu « Dieu et mon voisin », et, blasé, l’avait pensé tout à fait vrai. Il est important de souligner que les religions prennent presque toujours naissance dans des civilisations septiques. Un livre récent sur la littérature de l’Arabie pré-Islamique décrit une vie entièrement terne et décadente. Il en fut de même avec Bouddha, né dans les fastes d’une ancienne civilisation. Il en fut ainsi pour le puritanisme en Angleterre et le renouveau catholique en France et en Italie, nés tous deux du rationalisme de la renaissance. Et il en est ainsi aujourd’hui ; il en est toujours ainsi. Allez dans les deux centres les plus modernes de la libre pensée, Paris et l’Amérique, et vous les trouverez pleins d’anges et de démons, de vieux mystères et de nouveaux prophètes : le rationalisme se bat pour sa survie contre les superstitions jeunes et vigoureuses.
2.Le christianisme, qui est une religion mystique, a néanmoins été la religion de la partie la plus pratique du genre humain. Il contient bien plus de paradoxes que les philosophies orientales, mais il construit aussi des routes plus solides. Les musulmans ont une conception pure et logique de, l’unique monade Allah. Mais il reste un barbare en Europe, et l’herbe ne poussera pas là où il met ses pieds. Les chrétiens ont un Dieu Trine, « une Trinité embrouillée », qui semble être une pure et capricieuse contradiction de termes. Cependant en action, il domine la terre, et même l’oriental le plus intelligent ne peut rivaliser qu’en l’imitant d’abord. L’Orient a la logique et vit du riz . La chrétienté a des mystères et des voitures à essence. Peu importe, comme je dis, de l’inférence, retenons simplement ce fait.
Maintenant avec ces deux choses à l’esprit, laisser moi tenter d’expliquer ce qu’est la théologie chrétienne. L’agnosticisme complet est une attitude évidente pour un homme. Nous sommes tous agnostiques, jusqu’à ce que nous découvrions que l’agnosticisme ne marche pas. Alors, nous adoptons quelque philosophie, celle de Mr Blatchford, ou la mienne, ou d’autre encore, car bien sûr celle de Mr Blatchford n’est pas plus agnostique que la mienne. L’agnostique dirait qu’il ne sait pas si un homme est responsable ou pas de ses péchés. Mr Blatchford dit qu’il sait que l’homme n’est pas responsable. Ici nous avons un fantastique épanouissement de dogmes en germe. Pourquoi Mr Blatchford va-t-il plus loin que l’agnosticisme en disant qu’il n’existe certainement pas de libre arbitre ? « Parce qu’il ne peut développer sa vision morale sans l’affirmation de l’inexistence du libre arbitre ». Il souhaite qu’aucun homme ne soit responsable d’un péché. Par conséquent, il doit faire en sorte que ses disciples soient tout à fait assurés que Dieu ne les a pas créés libres, et par conséquent responsables. Aucun des doutes farouches du chrétien ne traversera l’esprit du déterministe. Aucun démon ne lui susurrera à quelque heure de colère que c’est peut être la compagnie de promoteurs qui est responsable pour l’avoir escroqué à l’atelier. Aucun scepticisme soudain que c’est peut être le maître d’école qui est blâmable d’avoir battu le petit garçon à mort. La foi du déterministe doit être tenue fermement, ou autrement, la faiblesse de la nature humaine mènera les hommes à la colère quand ils sont diffamés ou à se ruer sur ceux qui se ruent sur eux. Bref, le libre arbitre semble à première vue appartenir à l’Inconnu. Cependant Mr Blatchford ne peut prêcher ce qui lui semble être la charité ordinaire sans affirmer un dogme sur celle-ci. Et je ne peut prêcher ce qui me semble être l’honnêteté ordinaire sans en affirmer un autre.
Et c’est ici l’échec de l’agnosticisme. Car notre vision quotidienne des choses que nous connaissons (dans un sens ordinaire), dépend en réalité de notre vision des choses que nous ne connaissons pas (dans un sens ordinaire). Il est très bien de dire à un homme, comme le fait l’agnostique, de « cultiver son jardin ». Mais supposez que cet homme ignore tout de ce qui existe en dehors de son jardin, et parmi ces choses, qu’il ignore le soleil et la lune ! C’est là, ce qui se passe en réalité. Vous ne pouvez vivre sans dogmes sur de telles choses. Vous ne pouvez passer vingt-quatre heures sans décider soit de tenir les hommes responsables ou pas . La théologie est un produit bien plus pratique que la chimie.
Certains déterministes s’imaginent que le christianisme a inventé un dogme tel que celui du libre arbitre pour le plaisir – une pure contradiction. C’est absurde. Vous avez la contradiction quoique vous soyez. Les déterministes me disent, avec un certain degré de vérité, que le déterminisme ne fait pas de différence dans la vie quotidienne. Cela signifie que, bien qu’ils savent que les hommes n’ont pas de libre arbitre, ils les traitent cependant comme s’ils en avaient.
La différence est alors assez simple. Le chrétien met la contradiction dans sa philosophie. Le déterministe la met dans sa vie quotidienne. Le chrétien dit comme un mystère inavoué ce que le déterministe appelle un non-sens. Le déterministe vit avec ce même non-sens au petit déjeuner, au dîner, au thé et au souper chaque jour de sa vie.
Le chrétien, je le répète, met le mystère dans sa philosophie. Ce mystère, par ses ténèbres, éclaire toute chose. C’est à lui que l’on doit que la vie est la vie, que le pain est le pain, et que le fromage est le fromage : il peut rire et combattre ! Le déterministe fait que l’esprit est logique et lucide : et à la lumière de cette lucidité toutes les choses sont assombries, les mots sans signification, les actions sans but. Il a fait de sa philosophie un syllogisme et de lui même un lunatique incompréhensible.
Ce n’est pas ici un débat entre mysticisme et rationalité. C’est un débat entre mysticisme et folie. Car le mysticisme, et le mysticisme seul, a pu garder les hommes sains d’esprit depuis le commencement du monde. Toutes les voies droites de la logiques mènent à Bedlam, à l’anarchie, ou à l’obéissance passive, ou encore à la désillusion de l’esprit, à force de traiter l’univers comme une oeuvre d’horloger. Seul le mystique, l’homme qui accepte les contradictions, peut rire et marcher aisément à travers ce monde.
N’est-vous pas surpris que la même civilisation qui croyait en la Trinité fut celle qui découvrit la vapeur? Toutes les grandes doctrines chrétiennes sont de cette sorte. Regardez les attentivement et équitablement. Je me contenterai de deux exemples. Le premier est l’idée que le christianisme a de Dieu. De même que nous avons tous été agnostiques, nous avons tous été panthéistes. Dans la divinité voilée de la jeunesse, il était facile de dire : « Pourquoi un homme ne verrai-t-il pas Dieu dans un oiseau qui vole et n’en serait il pas satisfait ? » Mais vient ensuite le moment d’aller plus loin et de dire « Si Dieu est dans les oiseaux, ne nous contentons pas d’être aussi beaux que les oiseaux, soyons aussi cruels qu’eux. Vivons la vie insensée et sanglante de la nature ». Et la part de ce qui reste encore sain en nous résistera et dira « Mon ami, vous tournez fous ! ».
Alors le bord opposé vient en disant : “Les oiseaux sont détestables, et les fleurs honteuses. Je ne dirai rien de bien sur un univers si bas ». Et la part de ce qui reste encore sain en nous dira : « Mon ami, vous tournez fou ! ».
Vient alors une nouveauté fantastique disant : “Vous avez raison de vous réjouir des oiseaux, mais vous seriez bien fous de les imiter. Il y a du bien derrière chacune de ces choses, et cependant chacune de ces choses est moins bien que vous. L’univers est une bonne chose, mais le monde ne tourne pas rond ». Et la part de ce qui reste encore sain en nous dira : « J’ai trouvé la voie supérieure »
Maintenant, quand le christianisme arriva, l’ancien monde avait juste atteint ce dilemme. Il entendait la voix de l’adoration de la nature disant : « Tout ce qui est naturel est bon. La guerre est aussi saine que les fleurs, l’envie aussi est pure que les étoiles ». Et il entendait aussi la voix des stoïciens sans espoir et des idéalistes : « Les fleurs sont en guerre ; les étoiles sont souillées : rien n’est bon en dehors de l’esprit humain, et celui ci est complètement défait ».
Ces deux visions des choses étaient étayées, philosophiques et exaltées. Leur seul inconvénient était que le premier conduisait logiquement au meurtre et le second au suicide. Après une agonie de la pensée, le monde vit un chemin de salut entre les deux. Ce fut le Dieu des chrétiens. Il créa la Nature, mais, il devint homme.
Romains 8, 18-27 : La Création en attente
16 juillet, 2011du site:
http://www.taize.fr/fr_article170.html?date=2008-03-01
Romains 8, 18-27 : La Création en attente
J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière gémit et souffre les douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement ; mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous gémissons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés. Or, l’espérance qu’on voit n’est plus espérance : ce qu’on voit, peut-on l’espérer encore ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance.
De même aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les coeurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints. (Romains 8, 18-27)
Dans ce texte, saint Paul nous dépeint une image de la création en attente de sa libération : elle est en train de « gémir ». Cette description d’un univers blessé, entravé dans son fonctionnement, semble bien rejoindre la réalité du monde tel que nous le connaissons : que de misères et d’injustices, de désirs inassouvis, de richesses gaspillées, de fausses pistes…
Mais le message de l’apôtre va bien au-delà de la simple constatation d’une situation malheureuse. C’est en fait une bonne nouvelle, car l’aspiration de la création est décrite en termes de douleurs d’enfantement. Pour ceux qui savent déchiffrer le langage de Dieu, les gémissements sont porteurs d’espérance.
Plus important encore, ce texte nous renseigne sur la place des croyants dans cet univers, de ceux qui vivent de l’Esprit de Dieu. Loin de les sortir d’un monde marqué par l’insatisfaction, la présence en eux de l’Esprit les fait vivre davantage en solidarité avec le reste du créé. Leurs soupirs, la voix de l’Esprit en eux, se confond avec ceux de la création en attente. Plus encore, ces gémissements sont prière, l’expression d’un dialogue à l’intérieur même de Dieu. Dès lors, pourquoi s’inquiéter de ne pas savoir prier convenablement ? Par son Fils et son Esprit, Dieu s’est identifié avec sa création à un point tel que le cri du cœur meurtri de la créature se transforme en moteur de sa libération. Nos pauvres balbutiements deviennent le langage de Dieu. Notre soif de plénitude traduit une espérance authentique, qui ne peut être déçue (Romains 5, 5).
Est-ce que l’espérance joue un rôle dans ma vie ? Quelles réalités me permettant d’espérer est-ce que je vois autour de moi ?
Dans quelle mesure ma foi me rend plus solidaire des souffrances de la famille humaine, des « gémissements de la création » ?
En quoi les paroles de saint Paul à la fin du texte m’aident à comprendre la prière chrétienne ?
17 juillet 2011- 16e dimanche du Temps Ordinaire – Homélie
16 juillet, 2011du site:
http://www.homelies.fr/homelie,,3215.html
17 juillet 2011- 16e dimanche du Temps Ordinaire
Famille de Saint Joseph
Homélie-Messe
Beaucoup de monde s’affaire autour du champ de cette parabole, de jour comme de nuit. L’homme sème le bon grain, l’ennemi répand l’ivraie. Au départ, il n’est pas possible de distinguer les deux plantes ; puis, quand elles grandissent, les serviteurs peuvent discerner l’ivraie du bon grain — il ne leur est cependant pas possible de les séparer — ; enfin, viendra le temps du tri dont les moissonneurs se chargeront.
Les serviteurs interrogeant le maître du domaine sont invités à tirer deux leçons de cette situation. La première est liée à leur capacité d’observation. Au lieu de s’inquiéter parce que les choses ne sont pas conformes à leurs vues, les serviteurs devraient remarquer que l’ivraie n’empêche le blé ni de grandir ni de mûrir. La moisson sera bonne. Jésus insiste à deux reprises sur l’irrésistible croissance du Royaume : la graine de moutarde, « la plus petite de toutes les semences », devient un arbre où elles oiseaux du ciel trouvent leur abri ; le levain, caché dans trois mesures de farine, fait le lever toute la pâte. La présence d’ivraie dans le champs ne doit pas inquiéter : la moisson sera bonne.
La deuxième leçon est dans l’assurance que le tri sera fait au moment utile par ceux dont c’est la charge. Les serviteurs n’ont pas à s’octroyer de purifier le champ mais à croire à la promesse qu’un jour justice sera faite. La foi est essentielle. D’ailleurs, considérer que le désir de justice est le plus important dans le cœur des serviteurs serait se faire illusion. Le livre de la Sagesse, que nous avons entendu dans la première lecture, nous le rappelle : « il montre sa force, l’homme dont la puissance est discutée ». Autrement dit : le désir d’une justice immédiate et radicale est un aveu de faiblesse. « Tandis que toi, Seigneur, qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement ». La preuve de la toute-puissance de Dieu est dans sa patience.
Jésus explique ensuite la parole de l’ivraie et du bon grain en privé ; seuls les disciples sont présents. Son explication dévoile le sens profond de la parabole, mais ne répond pas à toutes les questions. Jésus commence par identifier terme à terme les acteurs du récit, à l’exception des serviteurs. On sait que le bon grain représente les fils du Royaume et les moissonneurs les anges, mais les serviteurs qui interrogent le maître et qui se proposent pour enlever l’ivraie ne sont pas clairement identifiés. Les disciples qui interrogent Jésus sont invités à se reconnaître en eux.
On ne sait pas non plus ce que désigne l’action de « semer ». Les « fils du Royaume » et les « fils du Mauvais » sont « semés », c’est un fait et un mystère. Leur naissance reste inexpliquée. Sans doute est-ce une manière de dire que notre origine nous échappe. Remarquons d’ailleurs qu’il n’y a que des fils dans cette histoire, y compris le maître du domaine qui est le « fils de l’Homme ». La filiation est donc au cœur du Royaume.
La difficulté est ainsi de savoir qui est qui, c’est-à-dire qui procède d’une filiation vraie et qui est né d’une filiation dévoyée. Le bon grain et l’ivraie grandissent ensemble, mais il ne nous est pas expliqué comment les reconnaître : il ne semble y avoir entre ces plantes ni rivalité ni combat. Elles croissent l’une à côté de l’autre. Ainsi, puisque les serviteurs sont invités à ne pas les séparer, les disciples ne doivent pas mettre fin à la cœxistence des fils du Royaume et des fils du Mauvais. S’ils le faisaient, ce serait dommageable pour les fils du Royaume, de la même manière que le bon grain risquerait d’être déraciné par un tri précoce. Finalement, Jésus demande de supporter, pour un temps encore, la cohabitation avec les fils du Mauvais, non pas dans l’attente du jugement, mais dans le but de ne pas abîmer la filiation des fils du Royaume. En effet, s’ils entreprenaient de mettre à part les fils du Mauvais, les fils du Royaume devraient d’abord les reconnaître, c’est-à-dire percer le mystère de leur origine. Ce faisant, ils prendraient une place qui n’est pas la leur et agiraient au nom de principes qu’ils ne peuvent pas connaître. Donc, en s’octroyant une mission qui ne revient pas aux hommes, les serviteurs blesseraient leur propre humanité ; ils manifesteraient une filiation mauvaise et seraient finalement eux-mêmes triés. En clair : celui qui juge sera jugé.
À la fin du monde, le Fils de l’homme enverra ses anges prendre « ceux qui font tomber les autres et ceux qui commentent le mal ». Le Fils de l’homme est seul, son ennemi a disparu. Il est évident qu’au moment de faire la vérité, le père du mensonge ne peut être présent. La reconnaissance entre les fils va être opérée en fonction de la filiation unique et véridique du Fils de l’homme. Ainsi opère la justice de Dieu. Alors, les fils du Royaume seront appelés des « justes », ils « resplendiront comme le soleil » et connaîtront que le Royaume est celui de « leur Père ». De même qu’il n’y a qu’une seule filiation véritable, il n’y a qu’un seul Père.
« De même qu’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu ». La fin du monde n’est pas présentée dans cette parole comme une date dans un futur incertain. Elle est en mise en relation avec le temps de la moisson, c’est-à-dire le moment où le déracinement des fils du Royaume n’est plus à craindre. Finalement, si le temps intermédiaire est celui de la patience, il apparaît qu’il s’agit surtout de la patience de Dieu. Il ne peut pas opérer le tri avant que les fils du Royaume ne soient suffisamment enracinés dans leur filiation véritable. Nous voyons comment l’horizon du champ du monde se restreint soudainement aux dimensions de notre âme. Elle est l’enjeu de la croissance de l’esprit d’enfance spirituelle. C’est pourquoi saint Paul nous exhortait dans la deuxième lecture à laisser l’Esprit Saint prier en nous : « l’Esprit veut ce que Dieu veut ». Il n’appartient pas au jugement humain de décider quand une âme est pleinement devenue enfant de Dieu. Elle se révèle par un éclat comparable à celui du soleil mais qui ne sera pleinement perceptible qu’au temps de la moisson. Pour le moment, il s’agit de conquérir notre humanité en gardant les yeux fixés sur le Christ, selon ce que nous enseigne de lui le livre de la Sagesse : « par [s]on exemple [il a] enseigné à [s]on peuple que le juste doit être humain ».
« Celui qui a des oreilles, qu’il entende ». Jésus parle en paraboles pour susciter la foi. Il nous rappelle ce matin que nous avons reçu d’un autre, le Père, d’être des fils ; pour notre croissance et notre maturation, il nous a placés dans son champ et confié au travail attentionné de ses serviteurs. Il nous revient de laisser l’Esprit Saint nous conduire jusqu’au temps de la moisson. Certes, il y a de l’ivraie en nous ! Mais la moisson sera bonne ! Et surtout, il est encore temps d’agir : « Tu as pénétré tes fils d’une belle espérance : à ceux qui ont péché, tu accordes la conversion », dit encore la Sagesse. Confions à l’Esprit de devenir ce que nous sommes : des fils de lumière.