Archive pour juin, 2011
Benoît XVI – 28 juin: Saint Irénée de Lyon (m)
26 juin, 2011du site:
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 28 mars 2007
Saint Irénée de Lyon (m)
Chers frères et sœurs!
Dans les catéchèses sur les grandes figures de l’Eglise des premiers siècles, nous arrivons aujourd’hui à l’éminente personnalité de saint Irénée de Lyon. Les informations biographiques à son sujet proviennent de son propre témoignage, qui nous est parvenu à travers Eusèbe, dans le livre V de l’Histoire ecclésiastique. Irénée naquit selon toute probabilité à Smyrne (aujourd’hui Izmir, en Turquie), vers 135-140, où, encore jeune, il alla à l’école de l’Evêque Polycarpe, lui-même disciple de l’Apôtre Jean. Nous ne savons pas quand il se rendit d’Asie mineure en Gaule, mais son transfert dut coïncider avec les premiers développements de la communauté chrétienne de Lyon: c’est là que, en 177, nous trouvons Irénée au nombre du collège des prêtres. C’est précisément cette année qu’il fut envoyé à Rome, porteur d’une lettre de la communauté de Lyon au Pape Eleuthère. La mission romaine qui permit à Irénée d’échapper à la persécution de Marc-Aurèle, dans laquelle au moins 48 martyrs trouvèrent la mort, parmi lesquels l’Evêque de Lyon lui-même, Pothin, âgé de 90 ans, mort des suites de mauvais traitements en prison. Ainsi, à son retour, Irénée fut élu Evêque de la ville. Le nouveau Pasteur se consacra entièrement au ministère épiscopal, qui se conclut vers 202-203, peut-être par le martyre.
Irénée est avant tout un homme de foi et un Pasteur. Du bon Pasteur, il possède le sens de la mesure, la richesse de la doctrine, l’ardeur missionnaire. En tant qu’écrivain, il poursuit un double objectif: défendre la véritable doctrine des attaques des hérétiques, et exposer avec clarté les vérités de la foi. Les deux œuvres qui nous sont parvenues de lui correspondent exactement à ces objectifs: les cinq livres Contre les hérésies, et l’Exposition de la prédication apostolique (que l’on peut également appeler le plus ancien « catéchisme de la doctrine chrétienne »). En définitive, Irénée est le champion de la lutte contre les hérésies. L’Eglise du II siècle était menacée par ce que l’on appelle la gnose, une doctrine qui affirmait que la foi enseignée dans l’Eglise ne serait qu’un symbolisme destiné aux personnes simples, qui ne sont pas en mesure de comprendre les choses difficiles; au contraire, les initiés, les intellectuels, – on les appelait les gnostiques – auraient compris ce qui se cache derrière ces symboles, et auraient formé un christianisme élitiste, intellectuel. Bien sûr, ce christianisme intellectuel se fragmentait toujours plus en divers courants de pensées souvent étranges et extravagants, mais qui attiraient de nombreuses personnes. Un élément commun de ces divers courants était le dualisme, c’est-à-dire que l’on niait la foi dans l’unique Dieu, Père de tous, Créateur et Sauveur de l’homme et du monde. Pour expliquer le mal dans le monde, ils affirmaient l’existence, auprès de Dieu bon, d’un principe négatif. Ce principe négatif aurait produit les choses matérielles, la matière.
En s’enracinant solidement dans la doctrine biblique de la création, Irénée réfute le dualisme et le pessimisme gnostique qui sous-évaluaient les réalités corporelles. Il revendiquait fermement la sainteté originelle de la matière, du corps, de la chair, ainsi que de l’esprit. Mais son œuvre va bien au-delà du rejet de l’hérésie: on peut dire, en effet, qu’il se présente comme le premier grand théologien de l’Eglise, qui a créé la théologie systématique; lui-même parle du système de la théologie, c’est-à-dire de la cohérence interne de toute la foi. Au centre de sa doctrine réside la question de la « règle de la foi » et de sa transmission. Pour Irénée, la « règle de la foi » coïncide en pratique avec le Credo des Apôtres et nous donne la clé pour interpréter l’Evangile, pour interpréter le Credo à la lumière de l’Evangile. Le symbole apostolique, qui est une sorte de synthèse de l’Evangile, nous aide à comprendre ce qu’il veut dire, et la façon dont nous devons lire l’Evangile lui-même.
En effet, l’Evangile prêché par Irénée est celui qu’il a reçu de Polycarpe, Evêque de Smyrne, et l’Evangile de Polycarpe remonte à l’Apôtre Jean, dont Polycarpe était le disciple. Et ainsi, le véritable enseignement n’est pas celui inventé par les intellectuels au-delà de la foi simple de l’Eglise. Le véritable Evangile est celui enseigné par les Evêques qui l’ont reçu des Apôtres à travers une chaîne ininterrompue. Ceux-ci n’ont rien enseigné d’autre que précisément cette foi simple, qui est également la véritable profondeur de la révélation de Dieu. Ainsi – nous dit Irénée – il n’existe pas de doctrine secrète derrière le Credo commun de l’Eglise. Il n’existe pas de christianisme supérieur pour les intellectuels. La foi publiquement confessée par l’Eglise est la foi commune de tous. Seule cette foi est apostolique, elle vient des Apôtres, c’est-à-dire de Jésus et de Dieu. En adhérant à cette foi transmise publiquement par les Apôtres à leurs successeurs, les chrétiens doivent observer ce que les Evêques disent, ils doivent suivre en particulier l’enseignement de l’Eglise de Rome, prééminente et très ancienne. Cette Eglise, en raison de son origine antique, possède un caractère apostolique suprême; en effet, elle tire son origine des piliers du Collège apostolique, Pierre et Paul. Toutes les Eglises doivent être en accord avec l’Eglise de Rome, en reconnaissant en elle la mesure de la véritable tradition apostolique, de l’unique foi commune de l’Eglise. A travers ces arguments, ici brièvement résumés, Irénée réfute à leur racine même les prétentions de ces gnostiques, de ces intellectuels: avant tout, ils ne possèdent pas une vérité qui serait supérieure à celle de la foi commune, car ce qu’ils disent n’est pas d’origine apostolique, mais est inventé par eux; en second lieu, la vérité et le salut ne sont pas le privilège et le monopole de quelques personnes, mais tous peuvent y parvenir à travers la prédication des successeurs des Apôtres, et surtout de l’Evêque de Rome. En particulier – toujours en remettant en question le caractère « secret » de la tradition gnostique, et en soulignant ses effets multiples et contradictoires entre eux – Irénée se préoccupe d’illustrer le concept authentique de Tradition apostolique, que nous pouvons résumer en trois points.
a) La Tradition apostolique est « publique », et non pas privée ou secrète. Pour Irénée, il ne fait aucun doute que le contenu de la foi transmise par l’Eglise est celui reçu par les Apôtres et par Jésus, par le Fils de Dieu. Il n’existe pas d’autre enseignement que celui-ci. C’est pourquoi, celui qui veut connaître la véritable doctrine doit uniquement connaître « la Tradition qui vient des Apôtres et la foi annoncée aux hommes »: tradition et foi qui « sont parvenues jusqu’à nous à travers la succession des évêques » (Adv. Haer. 3, 3, 3-4). Ainsi, succession des Evêques, principe personnel et Tradition apostolique, de même que principe doctrinal coïncident.
b) La Tradition apostolique est « unique ». En effet, tandis que le gnosticisme est sous-divisé en de multiples sectes, la Tradition de l’Eglise est unique dans ses contenus fondamentaux que – comme nous l’avons vu – Irénée appelle précisément regula fidei ou veritatis: et parce qu’elle est unique, elle crée ainsi une unité à travers les peuples, à travers les diverses cultures, à travers les différents peuples; il s’agit d’un contenu commun comme la vérité, en dépit de la diversité des langues et des cultures. Il y a une phrase très précieuse de saint Irénée dans le livre Contre les hérésies: « L’Eglise, bien que disséminée dans le monde entier, préserve avec soin [la foi des Apôtres], comme si elle n’habitait qu’une seule maison; de la même façon, elle croit dans ces vérités, comme si elle n’avait qu’une seule âme et un même cœur; elle proclame, enseigne et transmet en plein accord ces vérités, comme si elle n’avait qu’une seule bouche. Les langues du monde sont différentes, mais la force de la tradition est unique et la même: les Eglises fondées dans les Germanies n’ont pas reçu ni ne transmettent de foi différente, pas plus que celles fondées dans les Espagnes, ou encore parmi les Celtes ou dans les régions orientales, ou en Egypte ou en Libye ou dans le centre du monde » (1, 10, 1-2). On voit déjà à cette époque, nous sommes en l’an 200, l’universalité de l’Eglise, sa catholicité et la force unificatrice de la vérité, qui unit ces réalités si différentes, de la Germanie à l’Espagne, à l’Italie, à l’Egypte, à la Libye, dans la vérité commune qui nous a été révélée par le Christ.
c) Enfin, la Tradition apostolique est, comme il le dit dans la langue grecque dans laquelle il a écrit son livre, « pneumatique », c’est-à-dire spirituelle, guidée par l’Esprit Saint: en grec Esprit se dit pneuma. Il ne s’agit pas, en effet, d’une transmission confiée à l’habileté d’hommes plus ou moins savants, mais à l’Esprit de Dieu, qui garantit la fidélité de la transmission de la foi. Telle est la « vie » de l’Eglise, ce qui rend l’Eglise toujours fraîche et jeune, c’est-à-dire féconde de multiples charismes. Pour Irénée, Eglise et Esprit sont inséparables: « Cette foi », lisons-nous encore dans le troisième livre Contre les hérésies, « nous l’avons reçue de l’Eglise et nous la conservons: la foi, par l’œuvre de l’Esprit de Dieu, comme un dépôt précieux conservé dans un vase de valeur rajeunit toujours et fait rajeunir également le vase qui la contient. Là où est l’Eglise se trouve l’Esprit de Dieu; et là où est l’Esprit de Dieu, se trouve l’Eglise et toute grâce » (3, 24, 1).
Comme on le voit, saint Irénée ne se limite pas à définir le concept de Tradition. Sa tradition, la tradition ininterrompue, n’est pas traditionalisme, car cette Tradition est toujours intérieurement vivifiée par l’Esprit Saint, qui la fait à nouveau vivre, qui la fait être interprétée et comprise dans la vitalité de l’Eglise. Selon son enseignement, la foi de l’Eglise doit être transmise de manière à apparaître telle qu’elle doit être, c’est-à-dire « publique », « unique », « pneumatique », « spirituelle ». A partir de chacune de ces caractéristiques, on peut conduire un discernement fructueux à propos de l’authentique transmission de la foi dans l’aujourd’hui de l’Eglise. De manière plus générale, dans la doctrine d’Irénée la dignité de l’homme, corps et âme, est solidement ancrée dans la création divine, dans l’image du Christ et dans l’œuvre permanente de sanctification de l’Esprit. Cette doctrine est comme une « voie maîtresse » pour éclaircir avec toutes les personnes de bonne volonté l’objet et les limites du dialogue sur les valeurs, et pour donner un élan toujours nouveau à l’action missionnaire de l’Eglise, à la force de la vérité qui est la source de toutes les véritables valeurs du monde.
Benoît XVI – 27 juin: Saint Cyrille d’Alexandrie (mf)
26 juin, 2011du site:
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 3 octobre 2007 (mf)
Saint Cyrille d’Alexandrie
Chers frères et sœurs!
Poursuivant notre itinéraire sur les traces des Pères de l’Eglise, nous rencontrons une grande figure: saint Cyrille d’Alexandrie. Lié à la controverse christologique qui conduisit au Concile d’Ephèse de 431 et dernier représentant important de la tradition alexandrine, dans l’Orient grec, Cyrille fut plus tard défini le « gardien de l’exactitude » – qu’il faut comprendre comme gardien de la vraie foi – et même « sceau des Pères ». Ces antiques expressions expriment un fait qui est caractéristique de Cyrille, c’est-à-dire la référence constante de l’Evêque d’Alexandrie aux auteurs ecclésiastiques précédents (parmi ceux-ci, Athanase en particulier), dans le but de montrer la continuité de sa théologie avec la tradition. Il s’insère volontairement, explicitement dans la tradition de l’Eglise, dans laquelle il reconnaît la garantie de la continuité avec les Apôtres et avec le Christ lui-même. Vénéré comme saint aussi bien en Orient qu’en Occident, saint Cyrille fut proclamé docteur de l’Eglise en 1882 par le Pape Léon XIII, qui, dans le même temps, attribua ce titre également à un autre représentant important de la patristique grecque, saint Cyrille de Jérusalem. Ainsi, se révélaient l’attention et l’amour pour les traditions chrétiennes orientales de ce Pape, qui voulut ensuite proclamer saint Jean Damascène Docteur de l’Eglise, montrant ainsi que tant la tradition orientale qu’occidentale exprime la doctrine de l’unique Eglise du Christ.
On sait très peu de choses sur la vie de Cyrille avant son élection sur l’important siège d’Alexandrie. Neveu de Théophile, qui en tant qu’Evêque, dirigea d’une main ferme et avec prestige le diocèse alexandrin à partir de 385, Cyrille naquit probablement dans la même métropole égyptienne entre 370 et 380. Il fut très tôt dirigé vers la vie ecclésiastique et reçut une bonne éducation, tant culturelle que théologique. En 403, il se trouvait à Constantinople à la suite de son puissant oncle et il participa dans cette même ville au Synode appelé du « Chêne », qui déposa l’Evêque de la ville, Jean (appelé plus tard Chrysostome), marquant ainsi le triomphe du siège alexandrin sur celui, traditionnellement rival, de Constantinople, où résidait l’empereur. A la mort de son oncle Théophile, Cyrille encore jeune fut élu Evêque de l’influente Eglise d’Alexandrie en 412, qu’il gouverna avec une grande énergie pendant trente-deux ans, visant toujours à en affirmer le primat dans tout l’Orient, également fort des liens traditionnels avec Rome.
Deux ou trois ans plus tard, en 417 ou 418, l’Evêque d’Alexandrie se montra réaliste en recomposant la rupture de la communion avec Constantinople, qui durait désormais depuis 406, suite à la déposition de Jean Chrysostome. Mais l’ancienne opposition avec le siège de Constantinople se ralluma une dizaine d’années plus tard, lorsqu’en 428, Nestor y fut élu, un moine sévère et faisant autorité, de formation antiochienne. En effet, le nouvel Evêque de Constantinople suscita très vite des oppositions, car dans sa prédication, il préférait pour Marie le titre de « Mère du Christ » (Christotòkos), à celui – déjà très cher à la dévotion populaire – de « Mère de Dieu » (Theotòkos). Le motif de ce choix de l’Evêque Nestor était son adhésion à la christologie de type antiochien qui, pour préserver l’importance de l’humanité du Christ, finissait par en affirmer la division de la divinité. Et ainsi, l’union entre Dieu et l’homme dans le Christ n’était plus véritable, et, naturellement, on ne pouvait plus parler de « Mère de Dieu ».
La réaction de Cyrille – alors le plus grand représentant de la christologie alexandrine, qui entendait en revanche profondément souligner l’unité de la personne du Christ – fut presque immédiate, et se manifesta par tous les moyens déjà à partir de 429, s’adressant également dans quelques lettres à Nestor lui-même. Dans la deuxième (PG 77, 44-49) que Cyrille lui adressa, en février 430, nous lisons une claire affirmation du devoir des Pasteurs de préserver la foi du Peuple de Dieu. Tel était son critère, par ailleurs encore valable aujourd’hui: la foi du Peuple de Dieu est l’expression de la tradition, elle est la garantie de la saine doctrine. Il écrit ainsi à Nestor: « Il faut exposer au peuple l’enseignement et l’interprétation de la foi de la manière la plus irrépréhensible, et rappeler que celui qui scandalise ne serait-ce qu’un seul des petits qui croient dans le Christ subira un châtiment intolérable ».
Dans cette même lettre à Nestor – une lettre qui plus tard, en 451, devait être approuvée par le Concile de Chalcédoine, le quatrième Concile oecuménique – Cyrille décrit avec clarté sa foi christologique: « Nous affirmons ainsi que les natures qui se sont unies dans une véritable unité sont différentes, mais de toutes les deux n’a résulté qu’un seul Christ et Fils; non parce qu’en raison de l’unité ait été éliminée la différence des natures, mais plutôt parce que divinité et humanité, réunies en une union indicible et inénarrable, ont produit pour nous le seul Seigneur et Christ et Fils ». Et cela est important: réellement, la véritable humanité et la véritable divinité s’unissent en une seule Personne, Notre Seigneur Jésus Christ. C’est pourquoi, poursuit l’Evêque d’Alexandrie, « nous professerons un seul Christ et Seigneur, non dans le sens où nous adorons l’homme avec le Logos, pour ne pas insinuer l’idée de la séparation lorsque nous disons « avec », mais dans le sens où nous adorons un seul et le même, car son corps n’est pas étranger au Logos, avec lequel il s’assied également aux côtés de son Père, non comme si deux fils s’asseyaient à côté de lui, mais bien un seul uni avec sa propre chair ».
Très vite, l’Evêque d’Alexandrie, grâce à de sages alliances, obtint que Nestor soit condamné à plusieurs reprises: par le siège romain, puis par une série de douze anathèmes qu’il composa lui-même et, enfin, par le Concile qui se tint à Ephèse en 431, le troisième concile œcuménique. L’assemblée, qui connut des épisodes tumultueux et une alternance de moments favorables et de moments difficiles, se conclut par le premier grand triomphe de la dévotion à Marie et avec l’exil de l’Evêque de Constantinople, qui ne voulait pas reconnaître à la Vierge le titre de « Mère de Dieu », à cause d’une christologie erronée, qui suscitait des divisions dans le Christ lui-même. Après avoir ainsi prévalu sur son rival et sur sa doctrine, Cyrille sut cependant parvenir, dès 433, à une formule théologique de compromis et de réconciliation avec les Antiochiens. Et cela aussi est significatif: d’une part, il y a la clarté de la doctrine de la foi, mais de l’autre, également la recherche intense de l’unité et de la réconciliation. Au cours des années suivantes, il se consacra de toutes les façons possibles à défendre et à éclaircir sa position théologique jusqu’à sa mort, qui eut lieu le 27 juin 444.
Les écrits de Cyrille – vraiment très nombreux et largement publiés également dans diverses traductions latines et orientales déjà de son vivant, témoignant de leur succès immédiat – sont d’une importance primordiale pour l’histoire du christianisme. Ses commentaires de nombreux livres vétéro-testamentaires et du Nouveau Testament, parmi lesquels tout le Pentateuque, Isaïe, les Psaumes et les Evangiles de Jean et de Luc, sont importants. Ses nombreuses œuvres doctrinales sont également notables; dans celles-ci revient la défense de la foi trinitaire contre les thèses ariennes et contre celles de Nestor. La base de l’enseignement de Cyrille est la tradition ecclésiastique, et en particulier, comme je l’ai mentionné, les écrits d’Athanase, son grand prédécesseur sur le siège alexandrin. Parmi les autres écrits de Cyrille, il faut enfin rappeler les livres Contre Julien, dernière grande réponse aux polémiques antichrétiennes, dictée par l’Evêque d’Alexandrie probablement au cours des dernières années de sa vie, pour répondre à l’œuvre Contre les Galiléens, écrite de nombreuses années auparavant, en 363, par l’empereur qui fut qualifié d’Apostat pour avoir abandonné le christianisme dans lequel il avait été éduqué.
La foi chrétienne est tout d’abord une rencontre avec Jésus, « une Personne qui donne à la vie un nouvel horizon » (Enc. Deus caritas est, n. 1). Saint Cyrille d’Alexandrie a été un témoin inlassable et ferme de Jésus Christ, Verbe de Dieu incarné, soulignant en particulier son unité, comme il le répète en 433 dans la première lettre (PG 77, 228-237) à l’Evêque Succenso: « Un seul est le Fils, un seul le Seigneur Jésus Christ, que ce soit avant l’incarnation ou après l’incarnation. En effet, le Logos né de Dieu le Père n’était pas un fils, et celui né de la Sainte Vierge un autre fils; mais nous croyons que précisément Celui qui existe depuis toute éternité est né également selon la chair d’une femme ». Cette affirmation, au-delà de sa signification doctrinale, montre que la foi en Jésus Logos né du Père est également bien enracinée dans l’histoire, car, comme l’affirme saint Cyrille, ce même Jésus est venu dans le temps avec la naissance de Marie, la Theotòkos, et il sera, selon sa promesse, toujours avec nous. Et cela est important: Dieu est éternel, il est né d’une femme, et il reste avec nous chaque jour. Nous vivons dans cette certitude, en elle nous trouvons le chemin de notre vie.
* * *
Je souhaite la bienvenue aux pèlerins de langue française, et je salue en particulier les jeunes du Lycée Marmoutier de Tours ainsi que le groupe d’anciens mineurs de Falck en Moselle. À la suite de saint Cyrille, je vous invite tous à vivre la foi comme une rencontre avec la personne de Jésus. Avec ma Bénédiction apostolique.
SERMON POUR LA FETE-DIEU par SAINT THOMAS D’AQUIN,
25 juin, 2011du site:
SERMON POUR LA FETE-DIEU par SAINT THOMAS D’AQUIN,
Docteur des Docteurs de l’Église
(prononcé au Consistoire, devant le Pape et les Cardinaux)
Révérendissimes Pères, les souvenirs pleins d’allégresse qu’évoque la solennité de ce jour nous invitent à entourer de joyeuses louanges le Corps très saint du Christ. Quoi de plus doux, quoi de plus suave au cœur des élus que de chanter les trésors de la divine charité et d’exalter l’ardeur d’un amour sans mesure ? C’est qu’à la table de la grâce nouvelle, tous les jours, par les mains du prêtre, Dieu donne à ses enfants et aux héritiers de son royaume sa chair en nourriture et son sang en breuvage. Ce sont là tes œuvres admirables, ô Christ, toi dont la puissance est infinie et la bonté sans bornes ! Dans cet aliment sacré et ce pain super-substantiel qu’annonçaient les prodiges antiques, tu as trouvé le secret d’une union merveilleuse et auguste : la chair immaculée de Jésus-Christ, l’Agneau sans tache, devient le remède de ceux que le fruit défendu avait rendus malades et qui avaient perdu l’éternelle et immarcescible couronne.
Ô prodige qu’on ne peut trop exalter ! Effusion permanente de la bonté divine et d’une miséricorde sans mesure ! Dans ce sacrement, consommation de tous les sacrifices, Il demeure, ce Dieu, indéfectiblement avec nous ; Il y est pour jusqu’à la fin des siècles ; Il donne aux fils d’adoption le pain des anges et les enivre de l’amour qu’on doit aux enfants.
Ô humilité singulière, délices de Dieu, et que le Christ pratique après l’avoir prêchée lui-même ! Il ne se refuse à personne ; Il ne craint pas de prendre pour habitacle même un cœur souillé.
Ô pureté, qui semblable à celle du soleil n’est ternie par aucune fange et ne craint nulle contagion, mais qui gagne les âmes et en fait disparaître toute tache ! Ô nourriture des esprits bienheureux, qui sans cesse nous renouvelle et jamais ne s’épuise ! Tu n’es ni brisée, ni divisée, ni transformée ; mais, gardant ton intégrité et ta nature, tu nous rappelles le buisson antique, la farine et l’huile miraculeuses qui ne diminuaient pas.
Ô Sacrement admirable, où Dieu se cache et où notre Moïse à nous se couvre le visage du manteau de ses œuvres, objet de louanges dans toutes nos générations ! Par la vertu des paroles sacrées, instrument de la puissance divine, les substances symboliques sont changées en chair et en sang ; les espèces sacramentelles subsistent sans support, et pourtant nulle loi naturelle n’a souffert violence. Par la vertu de la consécration, un seul Christ, parfait et intègre, se trouve en divers endroits, comme une parole se communique, toujours identique à elle-même. Quand l’hostie se divise, Jésus s’y trouve comme un même visage dans les fragments d’un miroir brisé. Les fidèles l’offrent à Dieu sous les deux espèces, quoiqu’il soit tout entier sous chacune d’elles, et c’est à bon droit qu’on agit ainsi, car ce sacrement donne aux hommes le double salut du corps et de l’Âme, et il rappelle l’amertume d’une double Passion.
Ô Vertu ineffable du Sacrement, qui embrase notre cœur du feu de la charité et marque du sang de l’Agneau immaculé, au-dessus de leurs deux battants, les linteaux de nos portes !
Ô véritable viatique de notre exil militant, soutien des voyageurs, force des faibles, antidote des infirmités, accroissement des vertus, abondance de la grâce et purification des vices, réfection des âmes, vie des débiles et union des membres dans l’organisme unique de la charité !
Sacrement ineffable de la foi, Tu augmentes notre charité et nous communiques l’espérance ; soutien de l’Église, Tu éteins la concupiscence et parfais le corps mystique du Christ. Voici la substance de l’arbre de vie, ô Seigneur Jésus !
Ô Pasteur et nourriture, prêtre et sacrifice, aliment et breuvage des élus, pain vivant des esprits, remède à nos faiblesses quotidiennes, festin suave, source de tout renouveau !
Ô sacrifice de louange et de justice, holocauste de la nouvelle grâce, repas excellent, non de volailles ou de taureaux, mais de viandes plus succulentes et de ce vin délicieux qui renouvelle les amis de Dieu et enivre ses élus !
Ô table de bénédiction, table de proposition garnie d’une nourriture substantielle ! Table immense où tout est prodige étonnant ! Table plus douce que toute douceur, plus délectable que toute saveur, plus suave que tout parfum, plus magnifique que toute parure, plus succulente que toute nourriture ! Table que le Christ a préparée à ses amis et commensaux, que le père de famille sert à son fils de retour, après le repas de l’agneau symbolique. Vous êtes le bain sacré que figuraient les antiques piscines, ô notre Pâque, immolation du Christ, et vous exigez la conversion du vice à la vertu, donnant ainsi la liberté aux Hébreux de l’esprit.
Ô nourriture qui rassasie et ne dégoûte point, qui demande la mastication de la foi, le goût de la dévotion, l’union de la charité, et que divise non les dents du corps, mais le courage de la croyance !
Ô viatique de notre pèlerinage, qui attire les voyageurs sur les sommets des vertus !
Ô pain vivant, engendré au ciel, fermenté dans le sein de la Vierge, cuit sur le gibet de la croix, déposé sur l’autel, caché sous les espèces sacramentelles, confirme mon cœur dans le bien et assure ses pas dans le chemin de la vie; réjouis mon âme, purifie mes pensées. Voici le pain, le vrai pain, consommé, mais non consumé, mangé, mais non transformé ; il assimile et il ne s’assimile pas ; il renouvelle sans s’épuiser ; il perfectionne et conduit au salut ; il donne la vie, confère la grâce, remet les péchés, affaiblit la concupiscence ; il nourrit les âmes fidèles, éclaire l’intelligence, enflamme la volonté, fait disparaître les défauts, élève les désirs.
Ô calice de toutes suavités, où s’enivrent les âmes généreuses ! Ô calice brûlant, calice qui tourne au sang du Christ ; sceau du Nouveau Testament, chasse le vieux levain, remplis notre intime esprit, pour que nous soyons une pâte nouvelle, et que nous mangions les azymes de la sincérité et de la vérité.
Ô vrai repas de Salomon, cénacle de toute consolation, soutien dans la présente tribulation, aliment de joie et gage de la félicité éternelle, foyer de l’unité, source de vertu et de douceur, symbole de sainteté ! La petitesse de l’hostie ne signifie-t-elle pas l’humilité, sa rondeur l’obéissance parfaite, sa minceur l’économie vertueuse, sa blancheur la pureté, l’absence de levain la bienveillance, sa cuisson la patience et la charité, l’inscription qu’elle porte la discrétion spirituelle, les espèces qui demeurent sa permanence, sa circonférence la perfection consommée ?
Ô pain vivifiant, ô azyme, siège caché de la toute-puissance ! Sous de modestes espèces visibles se cachent d’étonnantes et sublimes réalités.
Ô Corps, ô Âme, et Toi de tous deux inséparable, ô Substance Divine ! De ce dont on chante les grandeurs dans ce sacrement auguste, ô bon Jésus, seules, pour la foi, après la consécration, les espèces sacramentelles demeurent ; ce qui est mangé sans être assimilé ne souffre ni augmentation ni diminution ; ce que tous reçoivent en entier, mille ne le possèdent pas plus qu’un seul, un seul le possède autant que mille. Ce que contiennent tous les autels, les parcelles intactes ou brisées le contiennent toutes ; ta chair est mangée véritablement, c’est véritablement ton sang que nous buvons. Et tu es ici le prêtre, et tu es aussi l’hostie, et les saints Anges sont là présents, qui exaltent ta magnificence et louent ta souveraine majesté. C’est là ta puissance, Seigneur, qui seule opère de grandes choses ; elle dépasse tout sentiment et toute compréhension, tout génie, toute raison et toute imagination. C’est Toi qui as institué et confié à tes disciples ce sacrement où tout est miracle.
N’approche donc pas de cette table redoutable sans une dévotion respectueuse et un fervent amour, homme ! Pleure tes péchés et souviens-toi de la Passion. Car l’Agneau immaculé veut une âme immaculée qui le reçoive comme un pur azyme.
Recours au bain de la confession ; que le fondement de la foi te porte ; que l’incendie de la charité te consume ; que la douleur de la Passion te pénètre ; qu’un droit jugement t’éprouve.
Approche de la table du Seigneur, de cette table magnifique et puissante, de telle sorte que tu parviennes un jour aux noces du véritable Agneau, là où nous serons enivrés de l’abondance de la maison de Dieu; là où nous verrons le Roi de gloire, le Dieu des vertus dans toute sa beauté; là où nous goûterons la Pain vivant dans le royaume du Père, par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la puissance et l’empire demeurent jusqu’à la fin des siècles. Amen.
Traduction du P. Sertillanges (Les plus belles pages de saint Thomas d’Aquin)
Homélie de Benoît XVI à l’occasion de la Fête Dieu
25 juin, 2011du site:
http://www.zenit.org/article-28323?l=french
Pour le pape, la présence sociale de l’Eglise dérive de l’eucharistie
Homélie de Benoît XVI à l’occasion de la Fête Dieu
ROME, Vendredi 24 juin 2011 (ZENIT.org) – L’eucharistie, en nous unissant au Christ, nous unit aussi aux autres fidèles. « La présence sociale de l’Eglise dérive donc de l’eucharistie », a expliqué Benoît XVI dans l’homélie de la messe qu’il a célébrée le 23 juin au soir à Saint-Jean de Latran à l’occasion de lafête du Corpus Domini.
Dans son homélie, Benoît a rappelé que l’Eucharistie était un « Pain différent » de la « nourriture corporelle » qui contribue à la subsistance de l’organisme : « ce n’est pas nous qui l’assimilons, mais il nous assimile à lui, afin que nous devenions conforme à Jésus-Christ, membre de son corps, une seule chose avec Lui », a-t-il expliqué.
« Ce passage est décisif » parce que « c’est le Christ qui, dans la communion eucharistique nous transforme en Lui, notre individualité, dans cette rencontre, est ouverte, libérée de son égocentrisme et insérée dans la personne de Jésus qui, à son tour, est immergée dans la communion trinitaire ».
Ainsi l’eucharistie, a affirmé Benoît XVI, « tout en nous unissant au Christ, nous ouvre aussi aux autres, nous rend membre les uns des autres : nous ne sommes plus divisés mais une seule chose en Lui ». « La communion eucharistique m’unit à la personne que j’ai à côté, et avec laquelle je n’ai peut-être pas de bons rapports, mais aussi à des frères éloignés, dans chaque partie du monde ».
« Le sens profond de la présence sociale de l’Eglise dérive donc de l’eucharistie, comme en témoignent les grands saints sociaux qui ont toujours été de grandes âmes eucharistiques », a-t-il ajouté. « Qui reconnaît Jésus dans la sainte hostie le reconnaît dans son frère qui souffre, qui a faim et soif, qui est étranger, nu, malade, emprisonné ; et il est attentif à chaque personne, il s’engage, de manière concrète, pour tous ceux qui en ont besoin ».
« Notre responsabilité spéciale de chrétiens dans la construction d’une société solidaire, juste, fraternelle provient donc du don d’amour du Christ », a rappelé le pape. « Le christianisme peut et doit faire en sorte que cette unité ne se construise pas sans Dieu, c’est-à-dire sans le véritable amour, ce qui ferait place à la confusion, à l’individualisme », a-t-il ajouté, particulièrement aujourd’hui « où la globalisation nous rend toujours plus dépendants les uns des autres ».
Le pape a rappelé que l’Evangile « vise depuis toujours l’unité de la famille humaine », une unité « qui ne s’impose pas d’en haut ni par des intérêts idéologiques ou économiques, mais par le sens des responsabilités des uns envers les autres, pour que nous nous reconnaissions membres d’un seul corps, du corps du Christ ».
« Il n’y a rien de magique dans le christianisme », a-t-il conclu. « Il n’y a pas de raccourcis, mais tout passe par la logique humble et patiente du grain de blé qui se rompt pour donner la vie, la logique de la foi qui déplace les montagnes par la force douce de Dieu ». « C’est pourquoi Dieu veut continuer à renouveler l’humanité, l’histoire, le cosmos à travers cette chaîne de transformation dont l’eucharistie est le sacrement ».
Marine Soreau
Corpus Domini
24 juin, 2011Fête du Corps et du Sang du Christ, A – Homélie
24 juin, 2011du site:
http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
21.06.2011
Fête du Corps et du Sang du Christ, A
Homélie de la fête du Corps et du Sang du Christ
Dt 8, 2-3, 14b-16a ; 1 Co 10, 16-17 ; Jn 6, 51-58
Quand la vérité est débarrassée de ses voiles déformants, semés de paillettes scintillantes, grande est souvent la consternation parmi les gourmands de merveilleux. Or, la foi, précisément, nous invite à ne pas crier trop vite au miracle dont nous espérons souvent des bienfaits très matériels. Elle nous presse, au contraire, d’être attentifs aux signes toujours porteurs de riches enseignements et de valeurs spirituelles.
L’exemple de la manne est typique à cet égard. Gens de peu de foi, mais très sensibles au magique et au prodigieux, nous n’aimons guère voir la manne du désert être « réduite » à une sécrétion produite par de petits insectes piquant l’écorce du tanaris et qui, une fois durcie, tombe au sol et est ramassée par les Bédouins qui s’en servent comme substitut du sucre ou du miel, lui donnant de nos jours encore le nom de « man » (1). La réalité n’en est pourtant que plus belle, plus accessible, moins exceptionnelle, et donc bien incarnée dans la vie quotidienne, celle d’hier et celle d’aujourd’hui. Le « miracle » unique devient signe constamment répété. Ou, comme l’affirme un dicton juif, « La providence quotidienne de Dieu est plus extraordinaire que tous les miracles » (2).
La manne, en effet, est bien une réalité matérielle et une nourriture providentielle pour les pèlerins du désert, affamés et découragés. Mais la manne est surtout signe, leçon et avertissement offerts à des croyants infidèles à l’Alliance, pour leur « faire découvrir que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur », comme l’explique en toutes lettres le testament de Moïse (1e lecture).
Rien d’étonnant de voir ces ventres creux se jeter sur d’étranges « rosée de givre » et s’en régaler. D’autant plus qu’elle avait un goût de beignet au miel, précise le livre de l’Exode (16, 32). Après la découverte providentielle des deux sources d’eau et des soixante-dix palmiers, les fils d’Israël n’ont pas encore perçu la leçon ni misé sur la confiance et l’espérance. Les murmures reprirent de plus belle contre Moïse et Aaron, et donc contre le Seigneur. Mais bientôt, ils eurent le matin du pain à satiété, avec la manne, et le soir, de la viande à manger, grâce à un essaim de cailles fatiguées et donc bien vulnérables. Un vrai cadeau « tombé du ciel ».
Les Hébreux vont pouvoir ainsi échapper au dénuement absolu du désert. Mais comprendront-ils que ces nourritures surprises les renvoient à la Parole et à la leçon de l’épreuve : le peuple « marchera-t-il ou non selon ma Loi ? ». Quand comprendront-ils que les aridités du désert les renvoient à Dieu et au besoin d’une nourriture d’amour qui les fasse vraiment vivre ?
Bien plus tard, les auditeurs de Jésus auront de la peine à déchiffrer le signe de la multiplication des pains. Plus difficile encore de comprendre que la Parole, Verbe de Dieu fait chair en Jésus Christ, devienne pain à manger pour vivre éternellement. Et plus tard encore, les chrétiens de Corinthe allaient manifester par leur égoïsme et leur division qu’ils n’avaient pas compris le vrai sens de l’eucharistie.
Les chrétiens seront d’ailleurs toujours tentés par une lecture magique, matérialiste, romantique ou juridique des réalités et des signes eucharistiques. Magique, quand on croit que la communion nous comble de grâce et nous transforme sans que nous ayons à lever le petit doigt. Matérialiste, quand nous croyons que tout est dit avec le pain et le vin, présence du Christ. Romantique, quand la communion est perçue comme un pieux cœur à cœur : « toi et moi, rien que nous deux ».
Il faut être attentif aux signes, nous dit Paul, communier au Corps et au Sang du Christ, c’est accepter que sa vie transforme la nôtre ; c’est ne plus faire qu’un avec lui pour accomplir comme lui la volonté du Père ; c’est témoigner par notre conduite qu’il est bien notre raison de vivre. La communion nous renvoie à la conversion et à l’action pour « devenir ce que nous avons reçu ». Comme la manne d’hier, mais a fortiori le « Pain du ciel », interpellent « nos appétits les plus spontanés pour les remettre en cause ».
Signe essentiel encore et « incontournable » d’un pain unique, qui est rompu pour réaliser un seul corps. Pas de vraie communion au Christ qui ne se double d’une communion aux autres. Une « fraction du pain », du pain partagé…
Aujourd’hui, « la mort guette de nombreux affamés » (3)… et pas uniquement en Birmanie. La famine étend ses ravages en bien des régions proches et lointaines… Appel à une solidarité à l’échelle du monde. Comment sera-t-il entendu par les chrétiens « nourris du Pain de Vie », dans les communautés de cette Eglise qui se veut universelle ?
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
MESSE ET PROCESSION EUCHARISTIQUE À LA BASILIQUE DE SAINTE MARIE MAJEURE EN LA SOLENNITÉ DE CORPUS DOMINI (2008)
24 juin, 2011du site:
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2008/documents/hf_ben-xvi_hom_20080522_corpus-domini_fr.html
MESSE ET PROCESSION EUCHARISTIQUE À LA BASILIQUE DE SAINTE MARIE MAJEURE EN LA SOLENNITÉ DE CORPUS DOMINI
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Parvis de la Basilique Saint-Jean-de-Latran
Jeudi 22 mai 2008
Chers frères et sœurs!
Après le temps fort de l’année liturgique, qui s’est centré sur Pâques et se déroule sur trois mois – d’abord les quarante jours du Carême, puis les cinquante jours du temps pascal -, la liturgie nous fait célébrer trois fêtes qui ont plutôt un caractère « synthétique »: la Très Sainte Trinité, puis le Corpus Domini, et enfin le Sacré Cœur de Jésus. Quel est le sens exact de la solennité d’aujourd’hui, du Corps et du Sang du Christ? La célébration elle-même que nous accomplissons nous le dit dans le déroulement de ses gestes fondamentaux: avant tout, nous sommes rassemblés autour de l’autel du Seigneur, pour être ensemble en sa présence; en deuxième lieu, il y a aura la procession, c’est-à-dire le cheminement avec le Seigneur; et enfin l’agenouillement devant le Seigneur, l’adoration, qui débute lors de la messe et accompagne toute la procession, mais culmine dans le moment final de la bénédiction eucharistique, quand nous nous prosternerons devant Celui qui s’est abaissé jusqu’à nous et a donné sa vie pour nous. Arrêtons-nous sur ces trois attitudes, pour qu’elles soient vraiment des expressions de notre foi et de notre vie.
La première action, donc, est celle du rassemblement en présence du Seigneur. C’est ce qu’anciennement on appelait « statio ». Imaginons un instant que dans tout Rome, il n’y ait que ce seul autel, et que tous les chrétiens de la ville soient invités à se rassembler ici pour célébrer le Sauveur mort et ressuscité. Cela nous donne l’idée de ce que la célébration eucharistique pouvait être aux origines, à Rome et dans beaucoup d’autres villes touchées par le message évangélique: dans chaque Eglise particulière il n’y avait qu’un seul évêque et autour de lui, autour de l’Eucharistie qu’il célébrait, se constituait la communauté, unique parce qu’il n’y a qu’un Calice béni et qu’un pain rompu, comme nous l’avons écouté dans les paroles de l’apôtre Paul dans la deuxième lecture (cf. 1 Co 10, 16-17). Une autre et célèbre expression paulinienne nous vient en mémoire: « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 28). « Tous vous ne faites qu’un »! Dans ces paroles on sent la vérité et la force de la révolution chrétienne, la révolution plus profonde de l’histoire humaine, qu’on expérimente justement autour de l’Eucharistie: ici se rassemblent en présence du Seigneur des personnes différentes par leur âge, leur sexe, leur condition sociale, leurs idées politiques. L’Eucharistie ne peut jamais être un fait privé, réservé à des personnes qui se sont choisies par affinité ou amitié. L’Eucharistie est un culte public, qui n’a rien d’ésotérique, d’exclusif. Même ici, aujourd’hui, nous n’avons pas choisi nous-mêmes qui nous rencontrerons, nous sommes venus et nous nous trouvons les uns aux côtés des autres, réunis par la foi et appelés à devenir un corps unique en partageant le seul pain qui est le Christ. Nous sommes unis au delà de nos différences de nationalité, de profession, de classe sociale, d’idées politiques: nous nous ouvrons les uns aux autres pour devenir un à partir de Lui. Et cela, depuis les origines, a été une caractéristique du christianisme réalisée de manière visible autour de l’Eucharistie, et il faut toujours être attentif afin que les tentations récurrentes de particularisme, même si elles sont de bonne foi, n’aillent pas de fait dans un sens contraire. Le Corpus Domini nous rappelle donc avant tout ceci: qu’être chrétien veut dire se réunir de partout pour être en présence de l’unique Seigneur et devenir un avec Lui et en Lui.
Le deuxième aspect constitutif est le cheminement avec le Seigneur. C’est la réalité manifestée par la procession, que nous vivrons ensemble après la messe, presque comme son prolongement naturel, en nous déplaçant derrière Celui qui est la Voie, le Chemin. Par le don de Lui-même dans l’Eucharistie, le Seigneur Jésus nous libère de nos « paralysies », nous fait nous relever et nous fait « procéder », nous fait donc faire un pas en avant, et puis un autre pas, et ainsi nous nous mettons en chemin, avec la force de ce Pain de la vie. Comme cela arrive au prophète Elie, qui s’était réfugié dans le désert par peur de ses ennemis, et avait décidé de se laisser mourir (cf. 1 R 19, 1-4). Mais Dieu le tira de son sommeil et lui fit trouver près de lui une galette qui venait d’être cuite: « Lève-toi et mange – lui dit-il – autrement le chemin sera trop long pour toi » (1 R 19, 5-7). La procession du Corpus Domini nous enseigne que l’Eucharistie veut nous libérer de tout abattement et de tout inconfort, il veut nous relever, pour que nous puissions reprendre le chemin avec la force que Dieu nous donne à travers Jésus Christ. C’est l’expérience du peuple d’Israël dans l’exode hors d’Egypte, la longue pérégrination à travers le désert, dont a parlé la première lecture. Une expérience qui est constitutive pour Israël, mais demeure exemplaire pour toute l’humanité. En effet, l’expression « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais (…) de tout ce qui sort de la bouche de Yahvé » (Dt 8, 3) est une affirmation universelle, qui se réfère à tout homme en tant qu’homme. Chacun peut trouver sa propre voie, s’il rencontre Celui qui est Parole et Pain de vie et se laisse guider par sa présence amicale. Sans le Dieu-avec-nous, le Dieu proche, comment pouvons-nous soutenir le pèlerinage de notre existence, aussi bien individuellement que dans la société et la famille des peuples? L’Eucharistie est le Sacrement du Dieu qui ne nous laisse pas seul sur le chemin, mais se place à nos côtés et nous indique la direction. En effet, il ne suffit pas de marcher devant soi, il faut voir où l’on va! Le « progrès » ne suffit pas, s’il n’y a pas de critères de référence. Et même, si on court en dehors de la route, on risque de finir dans un précipice, ou du moins de s’éloigner plus rapidement du but. Dieu nous a créés libres, mais ne nous a pas laissés seuls: il s’est fait Lui-même « voie » et est venu pour marcher avec nous, pour que notre liberté ait aussi le critère pour discerner la route juste et la parcourir.
A ce point, on ne peut manquer de penser au début du « décalogue », les dix commandements, où il est écrit: « Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude. Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi » (Ex 20, 2-3). Nous trouvons ici le sens du troisième élément constitutif du Corpus Domini: s’agenouiller en adoration devant le Seigneur. Adorer le Dieu de Jésus Christ, qui s’est fait pain rompu par amour, est le remède le plus valable et radical contre les idolâtries d’hier et d’aujourd’hui. S’agenouiller devant l’Eucharistie est une profession de liberté: celui qui s’incline devant Jésus ne peut et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir terrestre, aussi fort soit-il. Nous les chrétiens nous ne nous agenouillons que devant Dieu, devant le Très Saint Sacrement, parce qu’en lui nous savons et nous croyons qu’est présent le seul Dieu véritable, qui a créé le monde et l’a tant aimé au point de lui donner son Fils unique (cf. Jn 3, 16). Nous nous prosternons devant un Dieu qui s’est d’abord penché vers l’homme, comme un Bon Samaritain, pour le secourir et lui redonner vie, et il s’est agenouillé devant nous pour laver nos pieds sales. Adorer le Corps du Christ veut dire croire que là, dans ce morceau de pain, se trouve réellement le Christ, qui donne son vrai sens à la vie, à l’univers immense comme à la plus petite créature, à toute l’histoire humaine comme à l’existence la plus courte. L’adoration est une prière qui prolonge la célébration et la communion eucharistique et dans laquelle l’âme continue à se nourrir: elle se nourrit d’amour, de vérité, de paix; elle se nourrit d’espérance, parce que Celui devant lequel nous nous prosternons ne nous juge pas, ne nous écrase pas, mais nous libère et nous transforme.
Voilà pourquoi se rassembler, cheminer, adorer nous remplit de joie. En faisant nôtre l’attitude d’adoration de Marie, dont nous faisons mémoire de manière particulière en ce mois de mai, prions pour nous et pour tous; prions pour toutes les personnes qui vivent dans cette ville, pour qu’elles puissent Te connaître, ô Père, et Celui que Tu as envoyé, Jésus Christ. Et avoir ainsi la vie en abondance. Amen.