Archive pour juin, 2011

Card. Ricard (a Rome): La fraternité, « un engagement, une conversion, un combat »

1 juin, 2011

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http://www.zenit.org/article-28072?l=french

HOMÉLIE DU CARD. RICARD À SAINT-PIERRE DE ROME

La fraternité, « un engagement, une conversion, un combat »

ROME, Lundi 30 mai 2011 (ZENIT.org) – « Il est important de revisiter nos valeurs fondatrices, comme celle de la fraternité, et de les lester d’un contenu mobilisant », a déclaré ce matin à Saint-Pierre de Rome, le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux et vice-président du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe, à l’occasion de la messe annuelle de sainte Pétronille, en présence de membres de la curie romaine et de nombreux ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège.
Il a rappelé le fondement évangélique des valeurs de liberté, égalité, fraternité, et a invité à la fraternité qui constitue « un engagement, une conversion et un combat. »
Homélie du card. Ricard
Eminence, Excellences,
Chers frères et sœurs en Christ,
L’apôtre Pierre demande aux disciples du Christ d’être toujours prêts à s’expliquer devant tous ceux qui leur demandent de rendre compte de l’espérance qui est en eux. Cette invitation est plus actuelle aujourd’hui que jamais. Nous vivons en Europe, et plus particulièrement en France, dans des sociétés qui s’interrogent sur les valeurs qui peuvent fonder un consensus social : quelle éthique pour promouvoir la recherche du bien commun quand s’affrontent tant d’intérêts personnels ou catégoriels ? Le défi est sérieux, car la crise de transmission que nos sociétés occidentales ont traversée depuis quelques décennies a fragilisé la référence à des valeurs humanistes communes. Celles-ci ont vu leur contenu symbolique s’affaiblir, s’amenuiser, être relativisé. En un mot, celui-ci s’est démonétisé. Prenons par exemple la notion de « fraternité » qui fait partie de notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. La fraternité n’est pas l’amitié. On choisit ses amis. On reçoit ses frères et sœurs, on ne les choisit pas. Ils nous sont donnés. Or, quelle fraternité dans une civilisation qui privilégie l’individu, sa recherche d’épanouissement personnel, ses intérêts et ses choix ? N’est-on pas largement, en effet, dans une société de réseaux où on choisit ses amitiés et ses solidarités en fonction de ses affinités et de sa sensibilité ?
La valeur de « fraternité » apparaît à beaucoup de nos contemporains, et à des jeunes en particulier, comme un concept abstrait, vague, peu mobilisant, souvent démenti par la dureté des rapports économiques ou sociaux. Or, je crois qu’il est important de revisiter nos valeurs fondatrices, comme celle de la fraternité, et de les lester d’un contenu mobilisant. C’est vital aujourd’hui pour nos responsabilités éducatives. Et c’est là que les traditions spirituelles peuvent apporter leur contribution et offrir à tous une aide précieuse. Comme chrétiens, nous avons à témoigner de la foi et de l’espérance dont nous sommes porteurs. Nous avons à partager notre expérience de la fraternité.
Les papes successifs, de Paul VI à Benoît XVI, ont fait remarquer que les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité avaient des racines évangéliques. Et de fait, la notion de fraternité est au cœur même de l’expérience chrétienne. Celle-ci, en effet, lui donne son fondement et sa dynamique.
La fraternité renvoie toujours à la parentalité. Les hommes ne sont pas frères simplement parce qu’ils sont tous dotés de raison et de liberté mais parce qu’ils sont les enfants d’un même Père. Le fondement de la fraternité est l’amour trinitaire. Tous les hommes sont aimés par le Père et créés dans le Fils à son image. Ils sont tous rachetés par le Christ et visités par l’Esprit. Saint Paul écrira aux Galates : « Fils, vous l’êtes bien : Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba – Père ! Tu n’es donc plus esclave, mais fils ; et,  comme fils, tu es aussi héritier : c’est l’œuvre de Dieu » (Gal. 4, 6-7). Tous les hommes ont égale dignité : ils sont tous fils de Dieu. Mais il y a plus : on ne peut aimer Dieu comme un Père si on n’aime pas les autres, qui nous sont donnés par lui, comme des frères. Saint Jean nous le rappelle : « Si quelqu’un dit : j’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas » (1 Jn 4, 20).
La foi chrétienne vient également donner à la fraternité sa dynamique. Elle en a une approche tout à la fois mystique et profondément réaliste. Dans une approche chrétienne, en effet, la fraternité n’est pas un principe abstrait. Elle n’est pas une qualité des relations entre les hommes qu’on pourrait présupposer facilement. Elle est de l’ordre de la volonté personnelle, de la conversion, de l’engagement et même du combat. Dans son article sur la « Fraternité », dans le Dictionnaire de Spiritualité, celui qui était alors le théologien Joseph Ratzinger écrivait : « Dans son ensemble, la littérature néo-testamentaire et patristique ne conçoit jamais la fraternité universelle comme une donnée statique et naturelle. De même qu’être homme n’est pas simplement une donnée qui échoit toute faite à l’individu sans qu’il ait à devenir ce qu’il doit être, un homme, en vertu d’un impératif constamment renouvelé, ainsi en est-il de la fraternité : c’est un ordre, une mission qui attend sa réalisation » (1964, col. 1157).
Reconnaissons que la dynamique première de l’homme n’est pas immédiatement celle de l’accueil de l’autre et du don à l’autre. Elle est celle de l’accaparement, de la jalousie et de la rivalité mimétique. Le philosophe René Girard a sur le sujet des pages particulièrement  éclairantes. On dit parfois que nous sommes riches de nos différences. En réalité, le plus souvent, les différences de l’autre me déstabilisent et m’agressent. Ceci est vrai de la relation entre les personnes, comme de la relation entre les groupes humains et entre les pays. Pour vivre vraiment la fraternité, il nous faut sans cesse passer de la logique de la chair, au sens paulinien du terme, à la logique de l’esprit, de Babel à Pentecôte. Il nous faut, en fait, devenir les prochains de nos frères, de tous nos frères, quels qu’ils soient. Et vous le savez, être le prochain dans l’Evangile, c’est devenir proche de l’autre, quitte à devoir franchir comme le Samaritain de la parabole, bien des distances géographiques, affectives, culturelles, sociales ou politiques.
La fraternité désinstalle, bouleverse les préjugés et les a priori. Cette fraternité selon le Christ n’a pas de frontière. Elle se vit à l’égard de tout homme, quelles que soient sa race, sa nation, son origine sociale ou sa religion. Elle implique : « une nécessaire attention à tous les frères, notamment les plus petits, les plus fragiles, depuis la conception jusqu’à la mort naturelle » (Jean-Paul II : Lettre à Mgr D.-L. Marchand – 1999). Avouons qu’une telle fraternité est un défi à une époque où dans le monde les conflits ethniques s’exacerbent, les frontières se ferment, le populisme a le vent en poupe et où la solitude est déclarée grande cause nationale. On comprend que le pape Benoît XVI puisse au contraire inviter les jeunes à entrer résolument dans une pratique de la fraternité. S’adressant à eux lors de la récente veillée organisée dans le cadre de la rencontre du « Parvis des Gentils » à Paris, il leur disait : « La première des attitudes à avoir ou des actions que vous pouvez faire ensemble est de respecter, aider et aimer tout être humain, parce qu’il est créature de Dieu et d’une certaine manière la route qui mène à Lui. En poursuivant ce que vous vivez ce soir, contribuez à faire tomber les barrières de la peur de l’autre, de l’étranger, de celui qui ne vous ressemble pas, peur qui naît souvent de l’ignorance mutuelle, du scepticisme ou de l’indifférence. Devenez attentifs à resserrer les liens avec tous les jeunes sans distinction, c’est-à-dire en n’oubliant pas ceux qui vivent dans la pauvreté ou la solitude, ceux qui souffrent du chômage, traversent la maladie ou se sentent en marge de la société. »
Oui, la fraternité est un engagement, une conversion et un combat. On comprend que dans l’expérience chrétienne on puisse la mettre en relation avec le baptême et la nouveauté radicale de la vie chrétienne. L’amour que l’Esprit Saint répand  dans nos cœurs rend possible cet amour fraternel. Il lui fait porter du fruit, ce fruit que l’apôtre Paul décrit dans l’épître aux Galates : « Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi »  et Paul ajoute : « Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi sous l’impulsion de l’Esprit » (Gal. 5, 22-23 et 25). Avec le Christ s’instaurent ces nouvelles relations qui se vivent entre les membres de la communauté chrétienne : communion dans la foi et la prière, partage du même pain eucharistique, soutien fraternel et solidarité dans le partage des biens. La description que le livre des Actes des Apôtres (cf. Ac 2, 42-47) donne de la première communauté chrétienne restera tout au long de l’histoire de l’Eglise une source d’inspiration particulièrement féconde pour tous ceux qui voudront donner un visage communautaire à la fraternité.
Mais c’est dans l’Eucharistie que se trouve la dynamique la plus puissante de la vie fraternelle. En nous unissant au sacrifice du Christ, en communiant avec lui par une vie donnée, par une vie livrée, nous sommes unis les uns aux autres. Partageant le même pain eucharistique, nous devenons les membres du corps ecclésial du Seigneur. Celui-ci nous fait frères les uns des autres, chargés d’annoncer à l’humanité que la fraternité est possible et que, déjà, elle se donne à voir.
Que cette eucharistie que nous célébrons ce matin façonne en nous ce cœur vraiment fraternel et fasse de chacun de nous un artisan résolu de fraternité envers tous. Amen.

AUDIENCE GÉNÉRALE DU 25 MAI 2011 : LA LUTTE DE JACOB AVEC DIEU

1 juin, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-28026?l=french

AUDIENCE GÉNÉRALE DU 25 MAI 2011 : LA LUTTE DE JACOB AVEC DIEU

Texte intégral

ROME, Mercredi 25 mai 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, sur la Place Saint-Pierre, au Vatican.
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, je voudrais réfléchir avec vous sur un texte du Livre de la Genèse, qui rapporte un épisode assez particulier de l’histoire du patriarche Jacob. C’est un passage qui n’est pas facile à interpréter, mais qui est important pour notre vie de foi et de prière ; il s’agit du récit de la lutte avec Dieu au gué du Yabboq, dont nous avons entendu un passage.
Comme vous vous en souviendrez, Jacob avait soustrait à son jumeau Esaü son droit d’aînesse en échange d’un plat de lentilles et avait ensuite soutiré par la ruse la bénédiction de son père Isaac, désormais très âgé, en profitant de sa cécité. Fuyant la colère d’Esaü, il s’était réfugié chez un parent, Laban ; il s’était marié, était devenu riche et s’en retournait à présent dans sa terre natale, prêt à affronter son frère après avoir prudemment pris certaines précautions. Mais, lorsque tout est prêt pour cette rencontre, après avoir fait traverser à ceux qui l’accompagnaient le gué du torrent qui délimitait le territoire d’Esaü, Jacob, demeuré seul, est soudain agressé par un inconnu avec lequel il lutte toute une nuit. Ce combat corps à corps — que nous trouvons dans le chapitre 32 du Livre de la Genèse — devient précisément pour lui une expérience particulière de Dieu.
La nuit est le temps favorable pour agir de façon cachée, et donc, pour Jacob, le meilleur moment pour entrer dans le territoire de son frère sans être vu et sans doute dans l’illusion de prendre Esaü par surprise. Mais c’est au contraire lui qui est surpris par une attaque soudaine, à laquelle il n’était pas préparé. Il avait joué d’astuce pour tenter d’échapper à une situation dangereuse, il pensait réussir à tout contrôler, et il doit en revanche affronter à présent une lutte mystérieuse qui le surprend seul et sans lui donner la possibilité d’organiser une défense adéquate. Sans défense, dans la nuit, le patriarche Jacob lutte contre quelqu’un. Le texte ne spécifie pas l’identité de l’agresseur ; il utilise un terme hébreu qui indique « un homme » de façon générique, « un, quelqu’un » ; il s’agit donc d’une définition vague, indéterminée, qui maintient volontairement l’attaquant dans le mystère. Il fait nuit, Jacob ne réussit pas à distinguer son adversaire et pour le lecteur, pour nous, il demeure inconnu ; quelqu’un s’oppose au patriarche et cela est l’unique élément sûr fourni par le narrateur. Ce n’est qu’à la fin, lorsque la lutte sera désormais terminée et que ce « quelqu’un » aura disparu, que Jacob le nommera et pourra dire qu’il a lutté avec Dieu.
L’épisode se déroule donc dans l’obscurité et il est difficile de percevoir non seulement l’identité de l’agresseur de Jacob, mais également le déroulement de la lutte. En lisant le passage, il est difficile d’établir qui des deux adversaires réussit à avoir le dessus ; les verbes utilisés sont souvent sans sujet explicite, et les actions se déroulent de façon presque contradictoire, si bien que lorsqu’on croit que l’un des deux a l’avantage, l’action successive contredit immédiatement les faits et présente l’autre comme vainqueur. Au début, en effet, Jacob semble être le plus fort, et l’adversaire — dit le texte — « ne le maîtrisait pas » (v 26) ; et pourtant, il frappe Jacob à l’emboîture de la hanche, provoquant son déboîtement. On devrait alors penser que Jacob est sur le point de succomber, mais c’est l’autre au contraire qui lui demande de le lâcher ; et le patriarche refuse, en imposant une condition : « Je ne te lâcherai pas, que tu ne m’aies béni » (v. 27). Celui qui par la ruse avait dérobé son frère de la bénédiction due à l’aîné, la prétend à présent de l’inconnu, dont il commence sans doute à entrevoir les traits divins, mais sans pouvoir encore vraiment le reconnaître.
Son rival, qui semble retenu et donc vaincu par Jacob, au lieu de céder à la demande du patriarche, lui demande son nom : « Quel est ton nom ». Et le patriarche répond : « Jacob » (v. 28). Ici, la lutte prend un tournant important. Connaître le nom de quelqu’un, en effet, implique une sorte de pouvoir sur la personne, car le nom, dans la mentalité biblique, contient la réalité la plus profonde de l’individu, en dévoile le secret et le destin. Connaître le nom veut dire alors connaître la vérité de l’autre et cela permet de pouvoir le dominer. Lorsque, à la demande de l’inconnu, Jacob révèle donc son nom, il se place entre les mains de son adversaire, c’est une façon de capituler, de se remettre totalement à l’autre.
Mais dans le geste de se rendre, Jacob résulte paradoxalement aussi vainqueur, car il reçoit un nom nouveau, en même temps que la reconnaissance de sa victoire de la part de son adversaire, qui lui dit : « On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu et contre les hommes et tu l’as emporté » (v. 29). « Jacob » était un nom qui rappelait l’origine problématique du patriarche ; en hébreu, en effet, il rappelle le terme « talon », et renvoie le lecteur au moment de la naissance de Jacob, lorsque, sortant du sein maternel, il tenait par la main le talon de son frère jumeau (cf. Gn 25, 26), presque en préfigurant l’acte de passer en premier, au détriment de son frère, qu’il aurait effectué à l’âge adulte ; mais le nom de Jacob rappelle également le verbe « tromper, supplanter ». Eh bien, à présent, dans la lutte, le patriarche révèle à son opposant, dans le geste de se remettre et de se rendre, sa propre réalité d’imposteur, qui supplante ; mais l’autre, qui est Dieu, transforme cette réalité négative en positive : Jacob l’imposteur devient Israël, un nom nouveau lui est donné qui marque une nouvelle identité. Mais ici aussi, le récit conserve une duplicité voulue, car la signification la plus probable du nom Israël est « Dieu est fort, Dieu triomphe ».
Jacob a donc prévalu, il a vaincu — c’est l’adversaire lui-même qui l’affirme — mais sa nouvelle identité, reçue de l’adversaire, affirme et témoigne de la victoire de Dieu. Et lorsque Jacob demandera, à son tour, son nom à son adversaire, celui-ci refusera de le lui dire, mais il se révélera dans un geste sans équivoque, en lui donnant la bénédiction. Cette bénédiction que le patriarche avait demandée au début de la lutte lui est à présent accordée. Et ce n’est pas la bénédiction obtenue par la tromperie, mais celle donnée gratuitement par Dieu, que Jacob peut recevoir car il est désormais seul, sans protection, sans astuces ni tromperies, il se remet sans défense, il accepte de se rendre et confesse la vérité sur lui-même. Ainsi, au terme de la lutte, ayant reçu la bénédiction, le patriarche peut finalement reconnaître l’autre, le Dieu de la bénédiction : « car — dit-il — j’ai vu Dieu face à face et j’ai eu la vie sauve » (v. 31, et il peut à présent traverser le gué, porteur d’un nom nouveau mais « vaincu » par Dieu et marqué pour toujours, boiteux à la suite de la blessure reçue).
Les explications que l’exégèse biblique peut donner à ce passage sont multiples ; les chercheurs reconnaissent en particulier dans celui-ci des intentions et des composantes littéraires de différents genres, ainsi que des références à certains récits populaires. Mais lorsque ces éléments sont repris par les auteurs sacrés et englobés dans le récit biblique, ils changent de signification et le texte s’ouvre à des dimensions plus vastes. L’épisode de la lutte au Yabboq se présente ainsi au croyant comme un texte paradigmatique dans lequel le peuple d’Israël parle de sa propre origine et définit les traits d’une relation particulière entre Dieu et l’homme. C’est pourquoi, comme cela est également affirmé dans le Catéchisme de l’Eglise catholique, « la tradition spirituelle de l’Eglise a retenu de ce récit le symbole de la prière comme combat de la foi et victoire de la persévérance » (n. 2573). Le texte biblique nous parle de la longue nuit de la recherche de Dieu, de la lutte pour en connaître le nom et en voir le visage ; c’est la nuit de la prière qui avec ténacité et persévérance demande à Dieu la bénédiction et un nouveau nom, une nouvelle réalité fruit de conversion et de pardon.
La nuit de Jacob au gué du Yabboq devient ainsi pour le croyant le point de référence pour comprendre la relation avec Dieu qui, dans la prière, trouve sa plus haute expression. La prière demande confiance, proximité, presque un corps à corps symbolique, non avec un Dieu adversaire et ennemi, mais avec un Seigneur bénissant qui reste toujours mystérieux, qui apparaît inaccessible. C’est pourquoi l’auteur sacré utilise le symbole de la lutte, qui implique force d’âme, persévérance, ténacité pour parvenir à ce que l’on désire. Et si l’objet du désir est la relation avec Dieu, sa bénédiction et son amour, alors la lutte ne pourra qu’atteindre son sommet dans le don de soi-même à Dieu, dans la reconnaissance de sa propre faiblesse, qui l’emporte précisément lorsqu’on en arrive à se remettre entre les mains miséricordieuses de Dieu.
Chers frères et sœurs, toute notre vie est comme cette longue nuit de lutte et de prière, qu’il faut passer dans le désir et dans la demande d’une bénédiction de Dieu qui ne peut pas être arrachée ou gagnée en comptant sur nos forces, mais qui doit être reçue avec humilité de Lui, comme don gratuit qui permet, enfin, de reconnaître le visage du Seigneur. Et quand cela se produit, toute notre réalité change, nous recevons un nouveau nom et la bénédiction de Dieu. Mais encore davantage : Jacob, qui reçoit un nom nouveau, devient Israël, il donne également un nom nouveau au lieu où il a lutté avec Dieu, où il l’a prié, il le renomme Penuel, qui signifie « Visage de Dieu ». Avec ce nom, il reconnaît ce lieu comblé de la présence du Seigneur, il rend cette terre sacrée en y imprimant presque la mémoire de cette mystérieuse rencontre avec Dieu. Celui qui se laisse bénir par Dieu, qui s’abandonne à Lui, qui se laisse transformer par Lui, rend le monde béni. Que le Seigneur nous aide à combattre la bonne bataille de la foi (cf 1 Tm 6, 12 ; 2 Tm 4, 7) et à demander, dans notre prière, sa bénédiction, pour qu’il nous renouvelle dans l’attente de voir son Visage. Merci
A l’issue de l’audience générale le pape a résumé sa catéchèse en différentes langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :
Chers frères et sœurs, dans ma réflexion sur la prière, je m’arrête aujourd’hui sur l’expérience particulière de Jacob avec Dieu, relatée par le livre de la Genèse. Seul dans la nuit, le Patriarche est assailli à l’improviste par quelqu’un de mystérieux qu’il n’arrive pas à identifier à cause de l’obscurité. Jacob se défend vaillamment et demande le nom de son rival qui répond par la même question. En donnant son nom, Jacob se rend et devient paradoxalement vainqueur. L’être mystérieux lui donne alors un nouveau nom : Israël qui signifie : Dieu est fort, Dieu triomphe. Cette nouvelle identité témoigne de la victoire de Dieu, qui donne gratuitement la bénédiction à Jacob. La tradition spirituelle de l’Église a retenu de ce récit le symbole de la prière comme combat de la foi et victoire de la persévérance. C’est la longue nuit de la recherche de Dieu, de la lutte comme en un corps à corps symbolique, pour connaître son nom et voir son visage. Nuit de la prière et du désir de Dieu, qui culmine dans un abandon de soi à sa miséricorde. Chers amis, toute notre vie est comme cette longue nuit de combat et de prière, habitée par le désir de la bénédiction divine, qui, reçue avec humilité, nous change réellement et nous donne une nouvelle identité.
Je salue cordialement les pèlerins francophones, particulièrement les jeunes et les membres de la communauté de l’Arche de Grenoble ! Comme Jacob, laissez-vous bénir et transformer par Dieu pour rendre béni notre monde. Puisse le Seigneur vous aider à mener le bon combat de la foi avec humilité et dans une prière quotidienne et confiante ! Avec ma bénédiction !
© Copyright du texte original plurilingue : Libreria Editrice Vaticana
Traduction : Zenit

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