Archive pour le 22 juin, 2011
LE « VISAGE » DE DIEU ET DE L’HOMME, CLEF DE LECTURE POUR LA PAIX
22 juin, 2011du site:
http://www.zenit.org/article-23105?l=french
LE « VISAGE » DE DIEU ET DE L’HOMME, CLEF DE LECTURE POUR LA PAIX
Messe de la solennité de Marie, Mère de Dieu et Journée mondiale de la Paix
ROME, Vendredi 1er janvier 2010 (ZENIT.org) – Pour le pape Benoît XVI, le « visage », celui de Dieu et celui de l’homme, constitue une clef de lecture pour la question de la paix, car la paix « commence par un regard respectueux ». Le pape indique la direction : l’humanité est appelée à devenir « une famille de familles et de peuples ». Et il indique les moyens : se convertir « à des projets de paix » et « investir dans l’éducation ».
Le pape Benoît XVI a centré son homélie pour la messe de la solennité de Marie Mère de Dieu, célébrée en la basilique vaticane, en ce 1er janvier 2010, 43e Journée mondiale de la Paix, sur le thème du visage.
Ce thème lui a été inspiré par la bénédiction du livre des Nombres « Que le Seigneur tourne vers vous son visage et vous accorde de la paix » (cf. Nb 6,26).
Visage de l’homme, visage de Dieu
« Le visage, a expliqué le pape, est l’expression par excellence de la personne, ce qui la rend reconnaissable, et où transparaissent les sentiments, les pensées, les intentions du cœur. Dieu, par nature, est invisible, cependant la Bible applique cette image à lui aussi. Montrer son visage, c’est l’expression de sa bienveillance, alors que le cacher, indique sa colère, son indignation. »
Soulignant que les psaumes indiquent ce « désir » de l’homme de voir le visage de Dieu, le pape ajoute que « tout le récit biblique peut être lu comme un dévoilement progressif du visage de Dieu, jusqu’à arriver à sa pleine manifestation dans le Christ. »
Car, explique le pape, dans le Christ, « le visage de Dieu a pris un visage humain, en se laissant voir et reconnaître dans le fils de la Vierge Marie, que nous vénérons pour cela avec le titre très haut de « Mère de Dieu ». Elle qui a gardé dans son cœur le secret de la maternité divine, a été la première à voir le visage de Dieu fait homme dans le petit fruit de son sein. La mère a un rapport très spécial, unique et d’une certaine façon exclusive avec le fils à peine né. Le premier visage que l’enfant voit est celui de sa mère, et ce regard est décisif pour son rapport à la vie, à soi-même, aux autres et à Dieu ; il est décisif aussi pour qu’il puisse devenir un « fils de la paix » (Lc 10, 6). » Une voie privilégiée qui conduit à la paix
Le pape a ensuite offert une méditation sur les icônes dites de la « tendresse », où le visage de la Vierge et de l’Enfant s’embrassent et le pape a souligné que cette Vierge de la tendresse représente aussi l’Eglise.
Mais revenant au thème de l’homélie, le pape a voulu affirmer à nouveau : « méditer sur le mystère du visage de Dieu et de l’homme est une voie privilégiée qui conduit à la paix », car la paix « commence par un regard respectueux qui reconnaît dans le visage de l’autre une personne, quelle que soit la couleur de sa peau, sa nationalité, sa langue, sa religion ».
Benoît XVI relie le visage humain et la présence de Dieu : « Mais qui, sinon Dieu, fait observer le pape, peut garantir, pour ainsi dire, la « profondeur » du visage de l’homme ? En réalité, ce n’est que lorsque nous avons Dieu dans notre cœur que nous sommes en mesure d’accueillir dans le visage de l’autre un frère en humanité, non un moyen mais une fin, non un rival ou un ennemi, mais un autre moi-même, une facette du mystère infini de l’être humain ».
Il souligne cette présence de Dieu dans l’homme : « Notre perception du monde et, en particulier, de nos semblables, dépend esentiellement de la présence en nous de l’Esprit de Dieu (…). Plus nous sommes habité par Dieu et plus nous sommes aussi sensibles à sa présence dans ce qui nous entoure : dans toutes les créatures et spécialement dans les autres hommes, bien que parfois justement le visage humain, marqué par la dureté de la vie et du mal, puisse être difficile à apprécier et à accueillir comme une épiphanie de Dieu ».
L’éducation au respect de l’autre
Benoît XVI médite sur l’universalité de la fraternité qui tire son origine de la paternité divine : « A plus forte raison, renchérit le pape, pour nous reconnaître et nous respecter tels que nous sommes vraiment, c’est-à-dire des frères, nous avons besoin de nous référer au visage d’un Père commun, qui nous aime tous, en dépit de nos limites et de nos erreurs ».
Il en appelle à une vraie éducation : un thème cher au pape, qui l’a indiqué comme une priorité pastorale de son diocèse de Rome. Il explique : « Dès la petite enfance, il est important d’être éduqués au respect de l’autre, même lorsqu’il est différent. Désormais l’expérience de classes composées d’enfants de différentes nationalités est de plus en plus commune, mais même lorsque ce n’est pas le cas, leurs visages sont une prophétie de l’humanité qui nous sommes appelés à former : une famille de familles et de peuples. »
Les douloureuses images des enfants du monde
Les visages des enfants, souligne encore le pape « sont comme un reflet de la vision de Dieu sur le monde : pourquoi alors éteindre leurs sourires ? Pourquoi empoisonner leur cœurs ? »
« Hélas, fait observer le pape, l’icône de la Mère de Dieu de la tendresse trouve son contraire tragique dans les douloureuses images de tant d’enfants et de leurs mères en proie à la guerre et aux violences : déplacés, réfugiés, migrants forcés. Des visage creusés par la faim et les maladies, des visages défigurés par la douleur et par le désespoir. Les visages des petits innocents sont un appel silencieux à notre responsabilité : face à leur situation sans défense, toutes les fausses justifications de la guerre et de la violence s’écroulent. »
Un monde plus digne de l’homme
Le pape en tire cette conséquence immédiate : « Nous devons nous convertir à des projets de paix, déposer les armes en tout genre, et nous engager tous ensemble à constuire un monde plus digne de l’homme ».
Benoît XVI a replacé le thème de son message pour cette 43e Journée mondiale de la Paix – « Si tu veux construire la paix, protège la création » – à l’intérieur de cette perspective du visage de Dieu et du visage de l’homme.
« L’homme, a déclaré le pape, est capable de respecter les créatures dans la mesure où il porte dans son esprit un sens plénier de la vie, autrement, il sera porté à se mépriser lui-même et ce qui l’entoure, à ne pas respecter l’environnement dans lequel il vit, la création ».
« Qui sait reconnaître dans le cosmos le reflet du visage invisible du Crateur, est porté à avoir un plus grand amour des créatures, une plus grande sensibilité à leur valeur symbolique », a affirmé le pape – non sans des accents franciscains -, en citant les psaumes et en soulignant la dimension « cosmique » de la fête de Noël.
Il rappelle ce qu’il entend, dans son message par « écologie humaine » et le « lien très étroit entre respect de l’homme et sauvegarde de la création », diagnostiquant que la « culture qui tend vers un nihilisme pratique, sinon théorique » en fait « payer les conséquences » à la nature (cf. Enc. Caritas in veritate, 51).
Le pape « renouvelle » son « appel à investir dans l’éducation, en proposant comme objectif, outre la nécessaire transmission de notions techniques et scientifiques, une « responsabilité écologique » plus ample et plus approfondie, fondée sur le respect de l’homme et de ses droits et de ses devoirs fondamentaux. »
C’est, conclut le pape, la condition pour qu’un « engagement pour l’environnement » devienne « éducation à la paix et construction de la paix ».
Anita S. Bourdin
Évagre le Pontique ou le Moine: Sur la prière I partie, demain la seconde
22 juin, 2011du site:
http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Philocalie/evagre.html
Évagre le Pontique ou le Moine.
BIOGREPHIE – SUR LA PRIÈRE (I PARTIE, DEMAIN LA SECONDE)
Évagre le Pontique (Ibora (1), 346 – Cellia (2), 399) fut un grand maître spirituel de la vie contemplative. Il fut reçut « lecteur » par saint Basile de Césarée, diacre par saint Grégoire de Nysse puis archidiacre par saint Grégoire de Nazianze. Il suivit ce dernier à Constantinople, en 379, et y prêcha. Mais les intrigues égyptiennes empoisonnèrent le second concile de Constantinople, provoquant, en 381, le retrait et le départ de Grégoire, que chacun s’attendait à voir élire patriarche. Évagre, « pour le salut de son âme » nous dit-il, quitta Constantinople et, par Jérusalem, atteignit l’Égypte. Il devint alors le disciple de saint Macaire le Grand, dans le désert de Nitrie. Il y demeura jusqu’à sa mort, gagnant sa vie en recopiant des manuscrits.
Le second concile oecuménique de Constantinople, en 553, ratifia la condamnation d’Origène et des néo-origénistes, pour leur conception subordinatianiste de la Trinité et leur doctrine de la préexistence des âmes. Évagre fut du lot et, pour la plupart, ses oeuvres, dans l’original grec, ont été perdues. Toutefois, des traductions syriaques, armé-nien-nes et surtout latines, celles de Rufin et de Gennade par exemple, ont permis d’entreprendre, depuis 1920, une reconstitution de l’héritage d’Évagre. Celui-ci comporte :
- ho Antirrhétikos, la Réfutation ou Contre les discours, qui est un recueil de pensées ou de sentences à opposer aux tentations du démon; l’ouvrage comporte huit livres, un contre chacun des péchés capitaux;
-ho Monakhikhos, le Monastique, qui est un recueil de sentences en deux parties, le Pratikhos ou la Vie Pratique, c’est-à-dire l’ascèse expliquée au « commençant », et le Gnôstikhos ou la Vie dans la Connaissance, c’est-à-dire la voie contemplative, à l’intention du moine déjà avancé;
- ta Problèmata gnostikha, les Problèmes sur la Gnose (3), un recueil portant sur la contemplation, formés de six groupes de cent maximes constituant un enseignement dogmatique et ascétique très complet;
- he Eykhé, la Prière, longtemps attribuée à saint Nil d’Ancyre (4), formée de cent cinquante-trois maximes (5);
- hai okto kakoi dianoiai, Les huit mauvaises pensées -, elles aussi autrefois attribuées à saint Nil;
- des Commentaires, sur les Psaumes ou sous les Proverbes, dont nous n’avons plus que des fragments;
- enfin, de nombreuses Lettres dont soixante-sept exemples en syriaque.
Évagre utilise souvent un vocabulaire proche de celui d’Origène. Certes, c’était celui de son époque mais cela lui valut, aux VIème et VIIème siècles, une suspicion aussi injusti-fiée que celle qui frappa l’Alexandrin. Son oeuvre, ou plutôt les formes radicalisée et systématisée que lui donnèrent des disciples « tardifs et agités » (6), Léonce de Byzance par exemple, fut condamnée par le second concile de Constantinople, en 553 (7). C’est à Évagre que l’on doit les plus grands thèmes de la spiritualité orthodoxe : la division de la vie spirituelle en « vie active » et « vie contempla-tive », le dépouillement de toute image, de toute forme ou de toute représentation dans la recherche de la contemplation, l’identification de la prière et de la théologie, qui est, pour lui connaissance, c’est-à-dire gnose, de la Sainte Trinité, le concept d’apathéïa -, celui de calme, de repos de l’âme purifiée par le renon-cement et l’agapè, qui préfigure l’hésykhia.
Il n’est donc pas étonnant que l’oeuvre d’Évagre, expurgée de quelques développements maladroits ou inutiles mais parfaitement orthodoxes (8), ait inspiré, en Occident, saint Jean Cassien de Marseille et, en Orient, tracé la voie de la tradition hésychaste.
On l’aura compris, l’oeuvre d’Évagre n’est pas un traité composé selon les règles de la rhétorique. C’est un ensemble de sentences, de maximes, d’aphorismes que l’on doit déguster, méditer, une à une, ne passant à la suivante que lorsqu’on a fait sienne, en en comprenant tout le sens, celle que l’on vient de lire. Certes, cette oeuvre était destinée à des moines… Mais moine, en grec, se dit monakhos et ce mot, en grec classique, est un adjectif qui signifie seul, unique, simple. Tout homme qui prie est seul, face à face avec Dieu qu’il implore, tout homme en prière est unique, s’il dirige exclusive-ment sa pensée vers Dieu, tout homme qui prie doit être simple, « simple en esprit » comme le veut le Sermon sur la Montagne, tout homme en prière est donc moine, au sens le plus fort du terme. Il peut l’être pour une minute, une heure, un jour, un an, une vie, peu importe : la prière, comme le dit Évagre, est « une conversation de l’intelligence avec Dieu », en se souvenant que, peut-être, nous entendons par « coeur » ce qu’il nommait « intelligence ».
Ce sont les cent cinquante-trois maximes du traité sur la Prière qui sont ici réunies.
Citations de la Prière d’Évagre.-
1. Si l’on veut préparer le parfum de bonne odeur, on mettra ensemble également, conformément à la loi, l’encens diaphane, la cannelle, l’onyx et la myrrhe. C’est le quaternaire des vertus. Si elles sont entières et égales, l’intelligence(9) ne sera pas trahie.
2. L’âme purifiée par l’accomplissement des commandements rend inébranlable l’attitude de l’intelligence, et apte à recevoir l’état stable cherché.
3. La prière est une conversation de l’intelligence avec Dieu; quelle stabilité ne doit donc pas avoir l’intelligence pour se tendre, sans retour en arrière, vers son Seigneur et converser avec lui sans aucun intermédiaire ?
4. Si Moïse, quand il tenta d’approcher du buisson ardent, en fut empêché jusqu’à ce qu’il eût ôté de ses pieds les chaussures, comment toi, qui prétends voir Celui qui est au-dessus de toute pensée et de tout sentiment, ne te dégages-tu pas de toute pensée passionnée ?
5. Prie d’abord pour recevoir le don des larmes, afin d’amollir par le deuil la dureté inhérente à ton âme, et, en confessant contre toi ton iniquité au Seigneur, obtenir de Lui le pardon.
6. Use des larmes pour réussir en toutes tes demandes, car ton Seigneur est très content de toi quand tu pries dans les larmes.
7. Quand tu verses des fontaines de larmes dans ta prière, ne t’élève pas en toi-même, comme si tu étais au-dessus de la plupart de tes semblables : c’est simplement que ta prière a obtenu un secours pour que tu puisses avec ardeur confesser tes péchés et apaiser le Seigneur par tes larmes. Ne tourne donc pas en passion l’antidote des passions, si tu ne veux pas irriter davantage le donateur de la grâce.
8. Beaucoup de ceux qui pleurent sur leurs péchés, oubliant le but des larmes, ont été pris de folie et se sont fourvoyés.
9. Tiens-toi vaillamment et prie énergiquement; écarte les soucis et les cogitations qui surviennent, car ils te troublent et t’agitent pour énerver ta vigueur.
10. Quand les démons te voient plein d’ardeur pour la vraie prière, alors ils te suggèrent des idées de certains objets soi-disant nécessaires; et puis bientôt ils surexcitent le souvenir qui s’y rattache, en poussant l’intelligence à leur recherche; puis, comme elle ne les trouve pas, elle s’attriste fort et se chagrine. Alors, au temps de la prière, ils lui remémorent les objets de ses recherches et de ses souvenirs, afin que l’intelligence, entraînée à les considérer, perde la prière fructueuse.
11. Efforce-toi de rendre ton intelligence, au moment de la prière, sourde et muette, et tu pourras prier. .
12. S’il te survient quelque provocation ou contradiction et que tu sois irrité et sentes ta colère se porter à rendre la pareille ou à répliquer, souviens-toi de la prière et du jugement qui t’y attend, et aussitôt le mouvement désordonné s’apaisera en toi.
13. Tout ce que tu feras pour te venger d’un frère qui t’aura fait du tort, tout cela te deviendra une pierre d’achoppement au moment de la prière.
14. La prière est un rejeton de la douceur et de l’absence de colère.
15. La prière est un fruit de la joie et de l’action de grâces.
16. La prière est exclusion de la tristesse et du découragement.
17. Va, vends tout ce que tu as et donne aux pauvres, et puis prends la croix, renie-toi toi-même pour pouvoir prier sans distraction.
18. Si tu veux prier dignement, renie-toi à toute heure; et si tu endures toutes sortes de tracas, accepte cela sagement pour la prière.
19. Toute peine que tu auras endurée avec sagesse, tu en trouveras le fruit au moment de la prière.
20. Si tu désires prier comme il faut, ne contriste personne, sans quoi c’est en vain que tu cours.
21. Laisse ton offrande, est-il dit, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère, et étant ensuite revenu, tu prieras sans trouble. Car la rancune aveugle la raison de celui qui prie et enténèbre ses prières.
22. Ceux qui accumulent intérieurement des peines et des rancunes et qui s’imaginent prier ressemblent à des gens qui puisent de l’eau pour la verser dans un tonneau percé.
23. Si tu es un endurant, tu prieras toujours avec joie.
24. Tandis que tu prieras comme il faut, il se présentera à toi des choses telles que tu estimeras tout à fait juste l’usage de la colère. Or il n’est absolument pas de colère juste contre le prochain. Si tu cherches, tu trouveras qu’il est possible de bien arranger l’affaire même sans colère. Use donc de tous les moyens pour ne pas laisser éclater la colère.
25. Prends garde, sous prétexte de guérir un autre, de devenir toi-même incurable et de donner un coup fatal à ta prière.
26. Si tu t’abstiens de la colère, tu trouveras miséricorde; tu prouveras que tu es trop avisé pour t’en faire accroire, et tu seras du nombre de ceux qui prient.
27. Armé contre la colère, tu n’admettras jamais de convoitise; car c’est elle qui fournit matière à la colère, et celle-ci trouble l’oeil intellectuel, saccageant ainsi l’état de prière.
28. Ne prie pas seulement dans les attitudes extérieures, mais-porte ton intelligence au sentiment de la prière spirituelle, avec grande crainte.
29. Parfois, à peine seras-tu en prière, que tu prieras bien; parfois, au contraire, malgré de grands efforts, tu n’atteindras pas le but. C’est pour que tu cherches davantage et qu’après avoir obtenu le résultat, tu le possèdes à l’abri de tout ravisseur.
30. Quand un ange survient, à l’instant tous ceux qui nous tracassent s’éclipsent, et l’intelligence se trouve dans une grande détente où elle prie allègrement. Parfois, au contraire, la guerre habituelle nous presse; l’intelligence se débat sans pouvoir lever le regard. C’est qu’elle a été affectée par ]es passions diverses. Néanmoins, en cherchant davantage, elle trouvera; si elle frappe vigoureusement, on lui ouvrira.
31. Ne prie pas pour l’accomplissement de tes volontés; car elles ne concordent pas nécessairement avec la volonté de Dieu. Mais plutôt, suivant l’enseignement reçu, prie en disant : Que Ta volonté s’accomplisse en moi; et ainsi, en toutes choses, demande-Lui que Sa volonté se fasse, car Lui, Il veut le bien et l’utilité de ton âme, mais toi, tu ne cherches pas nécessairement cela.
32. Souvent, dans mes prières, j’ai demandé l’accomplissement de ce que j’estimais bon pour moi, et je m’obstinais dans ma requête, violentant sottement la volonté de Dieu, sans m’en remettre à Lui pour qu’Il ordonnât Lui-même ce qu’Il savait m’être utile; et pourtant, la chose reçue, grande fut ensuite ma déception de n’avoir pas demandé plutôt l’accomplissement de la volonté de Dieu, car alors la chose ne fut pas trouvée telle que je me l’étais figurée.
33. Qu’y a-t-il de bon, si ce n’est Dieu ? Par conséquent, abandonnons-Lui tout ce qui nous concerne et nous nous en trouverons bien. Car celui qui est bon, est nécessairement aussi pour-voyeur de dons excellents.
34. Ne t’afflige pas si tu ne reçois pas immédiatement de Dieu ce que tu demandes; c’est qu’Il veut te faire encore plus de bien par ta persévérance à demeurer avec Lui dans la prière. Quoi, en effet, de plus élevé que de converser avec Dieu et d’être abstrait dans son intimité ?
35. La prière sans distraction est la plus haute intellection de l’intelligence.
36. La prière est une ascension de l’intelligence vers Dieu.
37. Si tu aspires à prier, renonce à tout pour obtenir le tout.
38. Prie premièrement pour être purifié des passions, deuxièmement pour être délivré de l’ignorance et de l’oubli, troisièmement de toute tentation et déréliction.
39. Cherche uniquement, dans ta prière, la justice et le règne, c’est-à-dire la vertu et la gnose, et tout le reste te sera ajouté.
40. Il est juste de prier non seulement pour ta propre purification, mais encore pour toute ta race, afin d’imiter une conduite angélique.
41. Vois si tu es vraiment présent à Dieu dans ta prière, ou si tu es vaincu par la louange humai-ne et poussé par le désir de la capter, en exploitant le prétexte de la longueur de ta prière.
42. Que tu pries avec des frères ou seul, tâche de prier non par habitude, mais avec sentiment.
43. Le sentiment de la prière, c’est une gravité respectueuse accompagnée de componction et de douleur d’âme dans l’aveu des fautes, avec de secrets gémissements.
44. Si ton intelligence divague encore au temps de la prière, c’est qu’elle ne prie pas encore en moine, mais elle est encore du monde, occupée à décorer la tente extérieure.
45. En priant, veille fortement sur la mémoire, de façon que, au lieu de te suggérer ses souvenirs, elle te porte à la conscience de ton exercice, car l’intelligence a une terrible tendance à se laisser saccager par la mémoire au temps de la prière.
46. Quand tu pries, la mémoire te présente ou des images de choses anciennes, ou de nouveaux soucis, ou le visage de qui t’a fait de la peine.
47. Le démon est extrêmement jaloux de l’homme qui prie et il use de tous les artifices pour lui faire manquer son but. Aussi ne cesse-t-il de raviver par la mémoire la pensée des choses et de réveiller par la chair toutes les passions, afin d’entraver sa course si belle et son exode vers Dieu.
48. Lorsque, après tous ses agissements, le démon pervers n’a pu entraver la prière du juste, il se retire un peu, mais ensuite il prend sa revanche sur celui qui a prié; en effet, il l’enflamme de prière pour détruire l’état excellent réalisé en lui par la prière, ou bien il l’excite à quelque plaisir déraisonnable pour outrager l’intelligence.
49. Quand tu as prié comme il convient, attends-toi à ce qui ne convient pas; sois debout virilement pour garder le fruit de ta prière. C’est à cela que tu as été destiné dès le principe : travailler et garder. Après avoir travaillé, ne laisse donc pas sans garde ton labeur; sans quoi, il ne t’aura servi à rien de prier.
50. Toute la guerre engagée entre nous et les démons impurs n’a d’autre enjeu que la prière spirituelle. Car elle leur est hostile et odieuse; mais à nous, elle est salutaire et très agréable.
51. Que signifie pour les démons l’excitation en nous de la gourmandise, de la luxure, de la cupidité, de la colère, de la rancune et des autres passions ? C’est pour que notre intelligence, alourdie par elles, ne puisse pas prier comme il faut; car les passions de la partie irrationnelle, venant à dominer, ne lui permettent pas de se mouvoir rationnellement et de chercher à atteindre le Logos de Dieu.
52. Nous allons aux vertus en vue des raisons des êtres créés; et à celles-ci en vue du Logos’ qui les a constituées; quant à lui, il a coutume d’apparaître dans l’état de prière.
53. L’état de prière est une habitude impassible qui, par un amour suprême, ravit sur les cimes intellectuelles l’intelligence éprise de sagesse.
54. Ce n’est pas seulement la colère et la convoitise que doit dominer quiconque aspire à prier vraiment; il faut encore qu’il se dégage de toute pensée passionnée.
55. Qui aime Dieu, converse toujours avec Lui comme avec un père, se dépouillant de toute pensée passionnée.
56. Ce n’est pas parce qu’on aura atteint l’impassibilité que pour autant l’on priera vraiment; car on peut en rester aux pensées simples et se distraire à les méditer, et être loin de Dieu.
57. Et même si l’intelligence ne s’attarde pas dans les pensées simples des choses, elle n’a pas par le fait même déjà atteint le lieu de la prière; car elle peut être dans la contemplation des objets et s’occuper à leurs raisons, lesquelles, encore qu’elles soient des expressions simples, néanmoins, en tant que considération d’objets, impriment une forme à l’intelligence et l’écartent loin de Dieu.
58. Même si l’intelligence s’élève au-dessus de la contemplation de la nature corporelle, elle n’a pas encore la vue parfaite du lieu de Dieu; car elle peut en être à la science des intelligibles et partager leur multiplicité.
59. Si tu veux prier, tu as besoin de Dieu qui donne la prière à celui qui prie. Invoque-Le donc en disant : Que Ton Nom soit sanctifié, que Ton Règne vienne, c’est-à-dire l’Esprit Saint et ton Fils unique, car c’est ce qu’Il a enseigné quand Il a dit d’adorer le Père en esprit et en vérité.
60. Celui qui prie en esprit et en vérité ne glorifie plus le Créateur à partir des créatures, mais c’est de Dieu même qu’il loue Dieu.
61. Si tu es théologien, tu prieras vraiment, et si tu pries vraiment, tu es théologien.
62. Lorsque ton intelligence, dans un ardent désir de Dieu, sort peu à peu pour ainsi dire de la chair, et qu’elle rejette toutes les pensées qui viennent des sens, de la mémoire ou du tempérament, se remplissant en même temps de respect et de joie, alors estime-toi proche des confins de la prière.
63. Le Saint Esprit, compatissant à notre faiblesse, nous visite même non encore purifiés; pourvu seulement qu’Il trouve notre intelligence priant avec sincérité, Il survient en elle et dissipe toute la phalange des raisonnements et des pensées qui l’assiège et la porte à l’amour de la prière spirituelle.
64. Tandis que les autres se servent des altérations du corps pour donner à l’intelligence des raisonnements ou des concepts ou des réflexions, Lui, le Seigneur, fait le contraire : Il survient directement à l’intelligence pour y mettre à Son gré la gnose; et par l’intelligence, Il apaise le déséquilibre du corps.
65. Quiconque aspire à la prière véritable et se met en colère ou garde de la rancune fait preuve de démence. II est semblable à un homme qui voudrait avoir la vue perçante et qui s’arracherait les yeux.
66. Si tu aspires à prier, ne fais rien de tout ce qui est incompatible avec la prière, afin que Dieu s’approche et fasse route avec toi.
67. Ne te figure pas la divinité en toi quand tu pries, ni ne laisse ton intelligence subir l’impression d’aucune forme; mais va de l’immatériel à l’immatériel, et tu comprendras. ,
68. Prends garde aux pièges des adversaires : il arrive, quand tu pries purement et sans trouble, que soudain une forme inconnue et étrangère se présente à toi, pour t’entraîner à la présomption d’y localiser Dieu et de faire prendre pour la divinité l’objet quantitatif ainsi soudainement apparu à tes yeux; or la Divinité est sans quantité ni figure.
69. Quand le démon jaloux ne peut mettre en mouvement la mémoire durant la prière, alors il fait violence à la constitution du corps pour provoquer dans l’intelligence quelque phantasme inconnu et par là, lui donner une forme; dès lors, celle-ci, habituée à en rester à des concepts, est facilement subjuguée; elle qui tendait à la gnose immatérielle et sans forme, se laisse tromper en prenant une fumée pour de la lumière.
70. Tiens-toi sur tes gardes, en préservant ton intelligence des concepts au moment de la prière, pour qu’elle soit ferme dans la tranquillité qui lui est propre; alors celui qui compatit aux ignorants viendra sur toi aussi, et tu recevras un don de prière très glorieux.
71. Tu ne saurais prier avec pureté si tu es embarrassé de choses matérielles et agité de soucis continuels; car la prière est suppression de pensées.
72. On ne saurait courir ligoté; ni l’intelligence ne saurait, assujettie aux passions, voir le lieu de la prière spirituelle; car elle est tiraillée çà et là par l’effet de la pensée passionnée et ne peut se tenir inflexible.
73. Une fois que l’intelligence est parvenue à la prière pure, dégagée des passions, les démons ne viennent plus à elle par la gauche, mais par la droite. Ils lui représentent une vision illusoire de Dieu en quelque figure agréable aux sens, de manière à lui faire croire qu’elle a obtenu parfaitement le but de la prière. Or cela, disait un admirable gnostique, est l’oeuvre de la passion de vaine gloire et d’un démon dont les touches font palpiter les veines du cerveau.
74. Je pense que le démon, touchant endroit susdit, tourne à son gré la lumière autour de l’intelligence, et qu’ainsi la passion de vaine gloire est entraînée dans un raisonnement qui façonne l’intelligence à localiser, étourdiment, la science divine et essentielle. Et comme alors elle n’est plus harcelée de passions charnelles et impures, mais qu’elle prie vraiment avec pureté, elle pense qu’aucune action ennemie ne s’exerce plus en elle. D’où elle est portée à croire divine l’apparition produite en elle par le démon moyennant ce redoutable stratagème qui consiste, comme nous avons dit, à provoquer par le cerveau des réactions dans la lumière qui s’y rattache, et à donner ainsi une forme à l’intelligence.
75. L’ange de Dieu, survenant, expulse d’un seul mot de notre intérieur toute l’action adverse et ramène la lumière de l’intelligence à une activité sans déviation.
76. Quand l’Apocalypse parle de l’ange qui prend de l’encens pour le mettre dans les prières des saints, je pense, qu’il s’agit de cette grâce opérée par l’ange. Il communique, en effet, la connaissance de la prière véritable, en sorte que l’intelligence demeure désormais sans fléchissement ni acédie ni découragement.
77. Les parfums des coupes sont dits être les prières des saints offertes par les vingt-quatre vieillards. Par la coupe, il- faut entendre l’amour de Dieu, c’est-à-dire la charité parfaite et spirituelle dans laquelle la prière est faite en esprit et en vérité.
78. S’il te semble que dans ta prière tu n’as plus besoin de larmes pour tes péchés, considère combien tu t’es éloigné de Dieu alors que tu devrais être en Lui sans cesse, et tu pleureras plus chaudement.
79. Assurément, si tu as conscience de tes limites, la componction te sera plus facile; tu t’appelleras misérable, comme Isaïe, parce que, impur et ayant des lèvres impures, au milieu d’un pareil peuple, je veux dire un peuple ennemi, tu oses te présenter au Seigneur des Puissances.
80. Si tu pries vraiment, tu trouveras un grand sentiment de plénitude; les anges t’escorteront, comme Daniel, et t’éclaireront sur les raisons des êtres.