Abraham: la prière du croyant
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Abraham: la prière du croyant
§ 1 Abraham en son temps
1. Abraham sur la route de Dieu
L’histoire des Patriarches (Gn 11,10 – 50,26) consacre quinze chapitres à la seule geste d’Abraham (11,10 – 25,10). Dans ces chapitres l’histoire de la révélation commence à s’insérer dans l’histoire tout court, celle du Proche-Orient ancien, non pas encore au moyen de dates précises, comme le souhaiterait notre mentalité moderne, mais en établissant des relations de parenté, de voisinage et d’alliance entre les peuples et les clans connus de toute la région (15,18-21; 19,36-38; 22,20-24; 25,1-4.12-16). Tout en ordonnant ainsi pacifiquement l’espace humain, le récit s’intéresse à la fondation des lieux de culte (12,7.8; 14,18-20) et retient volontiers les traditions populaires concernant les clans (16,12; 19,31-38), les personnes (16,11; 17,5; 19,26; 21,6) et les lieux (16,14; 19,22; 21,31).
D’après Gn 11,31 le clan d’Abraham est venu d’Ur en Chaldée pour s’établir à Harran, dans la région du Haut Euphrate, et c’est de Harran qu’Abraham lui-même est parti. Les historiens mettent aisément ces voyages en rapport avec les migrations vers l’ouest des clans amorrites (ou proto-araméens) tout au long du IIe millénaire. La descente d’Abraham vers le sud a pu avoir lieu dès le XIXe siècle av. J.-C. (de Vaux), ou quelques siècles plus tard.
La révélation de Dieu à Abraham ne s’est pas produite dans un vide religieux. À cette époque, tous les peuples avaient leurs dieux. À Harran, Abraham adorait un dieu personnel, protecteur de son clan. Peut-être l’associait-il à d’autres dieux de la région, car à Harran la population autochtone vénérait surtout Sin, le dieu Lune. En arrivant en Canaan, Abraham rencontre le culte de El, dieu suprême des Sémites de l’Ouest, connu sous des noms divers que l’on retrouve dans la Bible : El-Elyon, El-Olam, El-Shadday. En disant à Abraham: « Je suis El-Shadday » (17,2), le Dieu personnel d’Abraham reprend à son compte les attributs de El, reconnu comme créateur du monde et comme source de sagesse. Désormais Abraham n’aura plus d’autre dieu que celui de son appel, celui que tous les Patriarches à sa suite serviront comme le Dieu des Pères, celui qui bien plus tard révèlera à Moïse son nom de Yahweh.
Ce Dieu, encore imparfaitement connu par Abraham, est déjà pour lui et pour les siens le Dieu qui fait alliance. Là est l’enseignement fondamental du récit. Tout part de la bonté de Dieu et du projet de bonheur qu’il forme pour Abraham, et à travers lui pour la multitude des croyants. Mais ce dessein va prendre corps au rythme des étapes d’une longue marche avec Dieu.
Abraham est présenté, de fait, comme le premier des pèlerins: le premier il prend la route sur un ordre de Dieu, vers une terre qui est déjà sainte aux yeux de Dieu, et son voyage au pas du troupeau est déjà une marche dans la foi au Dieu qui l’appelle et dans l’espérance des biens qu’il lui prépare. « Marche en ma présence et sois parfait » : tel est l’ordre reçu de Dieu (17,2). Quittant Harrran et l’Aram des Deux-Fleuves, Abraham descend vers le sud jusqu’à Sichem, près du Chêne de Moré, et près de Béthel, avant de gagner le Negeb, puis l’Égypte. Remonté de l’Égypte, il se fixera un moment à Hébron, prés du Chêne de Mamré, et séjournera longtemps dans le Negeb, à Gérar (entre Qadesh et Shur) et à Beersheba. Il sera inhumé à Hébron, dans la grotte de Makpela achetée à Éphron le Hittite, où il a lui-même enseveli Sara, son épouse, compagne des grands et des mauvais jours.
2. Abraham et la promesse
La tradition orale, tout spécialement la tradition yahwiste (J) en ce qui concerne Abraham, a cousu ensemble bien des épisodes d’origine et de portée très différentes, et le cycle de Lot (ch.13 et 19) s’entremêle plusieurs fois avec celui d’Abraham. Mais un fil d’or relie tous ces textes: c’est le thème de la bénédiction, prépondérant dés le début du récit: « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je te ferai voir. Je ferai de toi un grand peuple; je te bénirai, je magnifierai ton nom qui servira de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront … Par toi se béniront toutes les nations de la terre » (12,3).
Pour Dieu, bénir, c’est dire le bien et le réaliser par sa parole. C’est à la fois promettre et accomplir; et toute la destinée d’Abraham est l’histoire de cet accomplissement, mais sous le signe du paradoxe. Qu’il s’agisse, en effet, de la promesse d’une terre ou de la promesse d’une descendance, l’épreuve attend Abraham.
La terre qu’Abraham va « parcourir en long et en large » (13,17), il n’en prendra pas lui-même possession, et selon l’un des rédacteurs (l’Élohiste) Dieu lui fait savoir en songe qu’un long temps d’exil précédera l’entrée définitive en Terre Promise: « Sache bien que tes descendants seront des étrangers dans un pays qui ne sera pas le leur. Ils y seront esclaves, on les opprimera durant quatre cents ans. Mais je jugerai aussi le peuple auquel ils auront été asservis, et ils sortiront ensuite avec de grands biens » (15,13-14).
Quant à la promesse d’une descendance aussi nombreuse que les grains de poussière de la terre (13,16) ou les étoiles du ciel (15,5), durant de longues années elle semblera réduite à néant par la stérilité de Sara. Ismaël, le fils d’Agar, la servante égyptienne, ne saurait être l’héritier du clan. Bien plus, quand Sara, contre toute attente, aura mis au monde un fils, tout paraîtra de nouveau compromis par la demande incompréhensible de Dieu: « Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et va-t-en au pays de Moriyyah, et là tu l’offriras en holocauste » (22,2).
De l’homme Abraham les récits nous laissent un portrait contrasté. Certains traits moins glorieux ne sont pas occultés. Ainsi, à deux reprises, par opportunisme, en Égypte (12,13) et à Gérar (20,2), Abraham fait passer Sara pour sa sœur. On le voit aussi gérer assez mollement le conflit qui oppose son épouse stérile et la servante qui a enfanté (21,14). Mais la grandeur d’âme d’Abraham et son désintéressement apparaissent en pleine lumière lorsqu’il laisse à Lot, son neveu, le choix des meilleures terres (13,9), et lorsqu’il refuse de s’enrichir du butin qu’il a saisi lors de la guerre livrée aux quatre rois pour libérer ce même neveu (14,24-25).
3. Abraham le juste
La valeur morale d’Abraham n’est d’ailleurs qu’un reflet de son attitude envers Dieu, et c’est cette dernière surtout que les textes mettent en relief.
Chaque rencontre de Dieu est une étape spirituelle dont Abraham veut laisser un mémorial : autel dressé (12,6.8; 13,18) ou arbre planté (21,33). Plus profondément, Abraham prouve par deux fois la promptitude de son obéissance : lorsqu’il doit sceller l’alliance en acceptant la circoncision (ch.17), et surtout lorsqu’il se prépare, sans refus mi murmure, à sacrifier le fils de la promesse (ch.22). Mais bien avant cette soumission héroïque, le texte de la Genèse souligne que la foi fut la première œuvre d’Abraham: « Yahweh le conduisit dehors et lui dit: » Lève les yeux et dénombre les étoiles si tu peux les dénombrer », et il lui dit: « Telle sera ta postérité ». Abraham crut en Dieu, qui le lui compta comme justice » (15,5-8; rédaction élohiste). La justice, en effet, pour Abraham comme pour tous ses fils, consiste bien à s’ajuster, dans la foi, au mystère de Dieu et à son dessein.
Une telle foi crée entre Dieu et le juste une intimité que Dieu ne veut pas trahir. « Vais-je cacher à Abraham ce que je vais faire? » (18,18); et sur cette intimité Abraham, de son côté, s’appuiera pour insister dans sa prière en faveur des villes menacées de châtiment (ch. 18). Parce qu’il respecte jusqu’au bout les droits de Dieu, Abraham se donne le droit d’être audacieux; parce qu’il se sait ami de Dieu, il se sent le devoir d’intercéder pour les pécheurs: « Loin de toi, Seigneur, de faire cette chose-là, de faire mourir le juste avec le pécheur! » (18,25). En fait, tous les justes seront sauvés, car l’Ange préservera Lot et les siens (19,15-22).
L’ami de Dieu est un homme au grand cœur, et notre monde malade de haines et de rejets perçoit l’hospitalité rayonnante d’Abraham comme l’un des traits les plus fascinants de sa personnalité. Dieu veut faire de lui le père des nations; lui se veut le frère de tout homme. Après avoir accueilli les trois étrangers sur le seuil de sa tente (18,1.15), il continue de réunir dans sa descendance des peuples frères qui, en dépit de toutes leurs luttes, peuvent toujours se réclamer de lui. Selon une belle tradition dont Jésus se fait l’écho, Abraham rassemble même dans son sein tous les justes qui sont morts dans l’amitié de Dieu (Lc 16,22.23).
§ 2 Le père de tous les croyants
Les derniers livres de l’Ancien Testament ont tendance à présenter Abraham surtout sous l’angle de ses mérites. Ainsi le Siracide, dans son Éloge des Pères, lui attribue l’initiative de l’Alliance, antérieurement à toute promesse: « Il observa la Loi du Très-Haut et fit une alliance avec lui. Dans sa chair il établit cette alliance, et au jour de l’épreuve il fut trouvé fidèle. C’est pourquoi Dieu lui promit par serment de bénir toutes les nations en sa descendance » (Si 44,19-20).
En 1 Ma 2,52 c’est le sacrifice d’Abraham, œuvre par excellence, qui lui est comptée comme justice, et l’on retrouve à son sujet la même logique du mérite et de la récompense dans la littérature juive intertestamentaire (Jub 24,11; 12,19; Flavius Josèphe, Ant.Jud.1,10,39).
Dans le Nouveau Testament, selon la lettre de Jacques, le sacrifice d’Abraham apporte la preuve que l’homme est justifié par les œuvres et non par la foi seule: « Tu le vois : la foi coopérait à ses œuvres, et par les œuvres sa foi fut rendue parfaite. Ainsi fut accomplie cette parole de l’Écriture : Abraham crut à Dieu, cela lui fut compté comme justice, et il fut appelé ami de Dieu » (Ja 2,21-24).
L’interprétation de saint Paul dans ses épîtres aux Galates (3,6-18) et aux Romains (4,1-25) est orientée différemment, même s’il ne nie pas l’importance des œuvres.
1. Abraham et le Christ selon saint Paul
Pour Paul, l’exemple d’Abraham démontre que l’homme n’est pas justifié par la pratique de la Loi, mais seulement par la foi en Jésus-Christ (Ga 2,16). Cette certitude, Paul l’appuie sur deux argumentations, l’une tirée de son expérience missionnaire, l’autre reflétant sa méditation de l’Écriture.
Missionnaire parmi les païens, Paul peut témoigner de ce que Dieu a accompli chez eux (Act 15,4.12). Les Galates, en particulier, ont reçu l’Esprit Saint, et Dieu a opéré parmi eux des miracles sans qu’ils aient connu ni pratiqué la Loi, et simplement parce qu’ils ont adhéré au message des Apôtres concernant Jésus Christ (Ga 3,2-5). Cette libéralité de Dieu est conforme, selon Paul, à un plan de salut arrêté par lui bien avant le don de la Loi: « L’Écriture, en effet, prévoyant que Dieu justifierait les païens par la foi, annonça d’avance à Abraham cette bonne nouvelle: En toi seront bénies toutes les nations » (Ga 3,8).
Partant de cette intuition qui rendait raison de tout son labeur missionnaire, Paul développe en Rm 4 toute une réflexion scripturaire sur l’histoire du salut. Abraham, souligne-t-il, est devenu juste par la foi, avant même d’être circoncis et de se plier par obéissance au joug d’une Loi: Dieu a reconnu en lui un homme pleinement ajusté à sa volonté, simplement parce qu’Abraham n’a pas hésité devant la promesse inouïe d’une descendance, alors même qu’il voyait déjà morts son propre corps et le sein de Sara (Rm 4,19-20). Sa justice a donc été « scellée » avant même que l’Alliance fut scellée par la circoncision (4,10.12), et à plus forte raison bien avant que la Loi fût promulguée par la médiation de Moise.
En appuyant sa foi sur la seule promesse de Dieu, Abraham a inauguré, selon Paul, le régime de salut que le Christ portera à son achèvement. La promesse de Dieu est un testament solennel en faveur de la descendance d’Abraham, et par un raccourci génial Paul voit dans cette unique descendance le Christ lui-même. C’est le Christ qui est héritier de par la promesse, et nous-mêmes, nous héritons avec le Christ, selon cette même promesse, et donc en vertu de notre foi: « la promesse, par la foi en Jésus-Christ, appartient à ceux qui croient » (Ga 3,22), ou, en inversant la formule: « Si vous appartenez au Christ, vous êtes donc la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse » (Ga 3,29).
2. L’économie de la grâce et de la foi
Si la justice, c’est-à-dire la consonance totale avec Dieu sauveur, venait de la Loi, « le Christ serait mort pour rien » (Ga 2,21), Paul se serait « fatigué en vain » à porter le message (Ga 4,11), « la foi serait sans objet et la promesse sans valeur » (Rm 4,15). Mais parce que tout le plan de salut (l’économie) repose sur l’initiative de Dieu qui fait grâce, tout homme qui croit en Jésus Seigneur accède à la bénédiction, à la justice et à la liberté.
Aux païens passe, dans le Christ, la bénédiction d’Abraham (Ga 2,14), et tous ceux qui se réclament de la foi seront bénis avec Abraham le croyant (Ga 2,9). La justice, qui a été comptée à Abraham parce qu’il a cru que Dieu pouvait à tout moment susciter la vie, nous est comptée, « à nous qui croyons en Celui qui a ressuscité des morts Jésus, notre Seigneur » (Rm 4,23-24). Bien plus – et c’est là encore une audace de Paul – ceux qui comptent sur la Loi se placent en fait sous le signe d’Ismaël, le fils de la servante et de la servitude; tandis que ceux qui mettent leur espérance dans le Christ, étant nés de la promesse, peuvent se réclamer d’une mère libre, la Jérusalem d’en haut (Ga 4,21.31)
Ainsi, conformément à la promesse de Dieu, Abraham est devenu père d’une multitude de peuples (Rm 4,17-18), puisque jusqu’à la fin des temps il accueillera parmi ses fils les hommes de toute langue et de toute culture qui librement adhéreront au Christ.
Tout l’effort théologique de Paul, dans sa méditation du destin d’Abraham, a donc été de ressaisir la promesse en amont de la Loi, de la retrouver, intacte, sous l’épaisseur de la Loi, et de rendre toute sa valeur au don gratuit de Dieu, avant toute réponse et tout mérite de l’homme.
Ce qu’Abraham nous redit, à toute étape de la vie dans l’Esprit, c’est que devant Dieu nul n’a des droits à faire valoir, nul ne peut se vanter ni revendiquer. Ce qui vient de la grâce ne peut qu’être accueilli, avec l’humilité du Père des croyants.
« Abraham, disait Jésus, exulta à la pensée de voir mon jour, il l’a vu et s’est réjoui » (Jn 8,37). Ce jour du Christ, qui pour Abraham était encore à venir, est maintenant advenu, et tous ceux qui veulent « faire les œuvres d’Abraham » (Jn 8,39) commencent par entrer avec foi dans la joie de ce Jour.
§ 3 Prier avec Abraham
1. Pour la réflexion et la prière de groupe
L’injonction du Dieu de l’alliance laisse Abraham en pleine incertitude: « Va, quittant ton pays, ta parenté et ta famille, vers le pays que je te ferai voir » 12,1). C’est un départ sans conditions, sans délai, sans prospective possible. Dieu sait; Abraham ignore: « il partit sans savoir où il allait » (Hb 11,8). Abraham se met en route, et pourtant il n’a fait qu’entendre le Seigneur. Sa réponse est de marcher, jour après jour, au pas du troupeau. Il traverse le pays de Canaan, jusqu’au Chêne de Moré, sans savoir encore quelle terre le Seigneur lui « fera voir ». C’est alors que Dieu lui-même « se fait voir », et lui dit, en quelque sorte : « le pays, tu viens de le voir. Sans le savoir, tu l’as parcouru. Tu l’as traversé comme un pays ordinaire, mais c’est bien le pays de la promesse ».
Est-ce le moment de la prise de possession? Pas encore: une autre promesse prend le relais de la première, reportant plus loin encore l’horizon, prolongeant l’incertitude: « À ta descendance je donnerai ce pays » (je le donnerai … plus tard !) (Gn 12,7). La nouvelle réponse d’Abraham sera de cheminer encore, en espérant la descendance, et en parcourant de long en large le pays maintenant nommé. L’incertitude est levée, mais l’errance continue. La terre reconnue demeure encore promise, et Abraham n’y vivra jamais qu’en nomade : » C’est par la foi qu’il séjourna en Terre promise comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes » (He 11,9). Tout ce qu’il possédera en Canaan, c’est le champ du Hittite, pour sa sépulture.
Disponibilité totale du père des croyants: pour lui, pas d’autre ambition que de répondre au désir de Dieu.
- La vie de foi n’est jamais un parcours balisé d’avance. Pour nos communautés aussi l’avenir est toujours en promesse. Faisons-nous, ensemble, bon visage à cette transhumance spirituelle, à ce nomadisme de la foi ?
- Dans notre marche communautaire, nous aimerions voir sous nos yeux nos raisons d’espérer; mais alors, ne sommes-nous pas en train de nous tromper d’espérance ? Faut-il attendre les premiers résultats de nos efforts communs, ou dès aujourd’hui faire fond sur Dieu ?
- Abraham s’est mis en route « sans savoir où il allait ». Il a inventé la route, et ce qu’il traversait lui paraissait toujours « étranger ». L’espérance chrétienne ne nous permet-elle pas de transfigurer le quotidien, de valoriser le vécu communautaire que nous ne pouvons encore ni nommer ni maîtriser ? – Acceptons-nous de reconnaître de nouvelles routes « pour notre descendance », pour la génération qui nous suit, sans attendre pour nous-mêmes le repos avant le grand repos de Dieu ?
2. Pour la prière personnelle
1. « Dieu mit Abraham à l’épreuve ». L’auteur nous en avertit, et ce faisant il nous intrigue, mais en quelque sorte nous rassure: c’est Dieu qui est à l’œuvre, or jamais il ne veut la mort.
Mais pour Abraham l’épreuve est sans issue. Toute sa vie s’écroule: il a quitté son passé pour répondre à Dieu, et Dieu maintenant lui ferme tout avenir. Si longtemps il a dû attendre la naissance de ce fils, et voilà que Dieu lui dit: « Offre-moi ton unique, celui que tu aimes ». Le Dieu de son appel devient méconnaissable, et Abraham, qui ne veut rien lui refuser, se voit confronté au mystère d’une double parole, celle de la promesse, et l’ordre de sacrifier son fils: « Va au pays de Moriyyah, et là offre-le en holocauste sur une des montagnes que je te dirai » (22,1s). « Je te dirai » : Dieu, de nouveau, se réserve le moment de la pleine lumière. Abraham part une fois encore sans savoir vraiment où, et sur une parole de Dieu qui semble renier toute l’amitié vécue. Il part, sans demander raison d’un ordre déraisonnable. L’incertitude s’épaissit: c’est l’image de son Dieu qui maintenant se trouble.
Trois jours déjà ont passé. Abraham et son fils marchent côte à côte. En silence; un silence lourd de détresse et de tendresse. Le père a gardé en mains ce qui pouvait blesser le fils : le feu et le couteau. Puis Isaac pose la question innocente: « Où est l’agneau pour l’holocauste? »; et Abraham trouve pour son enfant une réponse de paix qui le dépasse lui-même: « Dieu se pourvoira lui-même de l’agneau, mon fils ».
Après cela, plus une parole. Seulement des gestes, précis, lents, tragiques. Abraham bâtit l’autel, dispose le bois, lie Isaac, le dépose sur l’autel; il étend la main et saisit le couteau. Alors l’Ange de Yahweh appelle du haut du ciel: « Abraham, Abraham ! ». Et l’ami du Seigneur, déchiré dans son amour de père, hésitant devant le visage étrange que Dieu lui révèle, tire encore de son cœur une réponse de foi: « Me voici ! »
- Quand Dieu, dans ma vie, semble se contredire, mon réflexe est-il de revenir à sa promesse ?
- Pour moi, quel est l’Isaac que je dois être prêt(e) à sacrifier ?
- Quels ont été, dans ma vie, les moments où j’ai fait !’expérience de la pédagogie de Dieu ?
- Jusqu’où va ma confiance en Dieu avec qui j’ai fait alliance ? Suis-je assez sûr(e) de son amour pour le laisser dans ma vie « se pourvoir » à son gré ?
2. « Me voici »: ces deux mots résument toute la spiritualité d’Abraham. Tout a commencé, en effet, pour Abraham, par le choix et l’appel de Dieu. Avec l’élection d’Abraham, Dieu a entrepris d’inscrire dans l’histoire son propos de salut et sa volonté d’alliance avec les hommes. Et la prière d’Abraham s’enracine dans l’acceptation de cette initiative toute gratuite de Dieu.
Abraham, qui a conscience de n’être devant Dieu que » poussière et cendre » (Gn 18,27), attend tout de lui, car déjà il se sait appelé. Puisque Dieu lui a offert l’Alliance (Gn 15), il ose dialoguer, en vrai partenaire, avec celui qui promet et qui donne. Dieu, de fait, promet une terre à ce nomade qu’il a lancé sur les routes (Dt 26, 5); et à son serviteur qui a vieilli sans enfant (Gn 15,2), il va donner non seulement un fils, mais une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel (15,5).
La certitude de tout devoir à Dieu établit Abraham dans une confiance inaltérable. Capable d’espérer contre toute espérance (Rm 4,18), il sait que tout son bonheur est grâce de Dieu. Même s’il n’a droit à rien, il s’accroche à la promesse, jusqu’au cœur de l’épreuve (Gn 22).
C’est cette foi, heureuse et héroïque, qui fait d’Abraham un juste, c’est-à-dire un homme pleinement ajusté à Dieu et à son dessein. Croire, pour lui, c’est parler en homme vivant au Dieu vivant dont la joie est de faire vivre. Avec Abraham, on n’est encore qu’à l’aurore de la foi, et pourtant sa prière est déjà toute simple et familière. Son intimité avec Dieu est telle qu’il n’y a pas de distance, en lui, entre la prière soumise et le don de lui-même: pour lui, écouter, c’est déjà obéir. La prière est le lieu où il découvre chaque jour plus clairement le vrai visage de Dieu et sa propre vocation de père des croyants.
Enfin, calquant sa générosité sur celle qu’il découvre en Dieu, Abraham, dans sa prière, se fait médiateur. Lui qui, par grâce, connaît Dieu, intercède pour ceux qui ne l’ont pas rencontré ou qui déjà l’ont trahi, même les pécheurs de Sodome et Gomorrhe. Là encore, devant Dieu, il ose, il discute, il marchande, certain que Dieu se laissera fléchir si, dans la foi, il en appelle à son cœur.
- Devant son Dieu, Abraham est à la fois soumis et audacieux, adorant et tout simple. Ai-je encore parfois, devant le Dieu de mon appel, des réactions de crainte, d’hésitation ou d’ amertume ?
- À ce moment de ma vie, à quelle conversion de l’intelligence ou du cœur dois-je consentir pour m’ajuster davantage à Dieu, à son plan d’amour sur le monde ?
- Dieu aime que ses amis le prient et intercèdent. Est-ce que j’ose suffisamment lui présenter les soucis que lui-même m’a mis dans le cœur pour ceux et celles qu’il m’a donnés ?
3. Textes
Le portait d’Abraham dans l’Éloge des Pères de Ben Sira’ (Si 44,19-21)
« Abraham est le père illustre d’une multitude de nations,
et nul ne s’est trouvé qui l’égalât en gloire.
Il observa la loi du Très-Haut et entra en alliance avec lui;
il établit cette alliance en sa chair, et dans l’épreuve il fut trouvé fidèle.
Aussi Dieu lui assura-t-il par serment
que les nations seraient bénies en sa descendance,
qu’il le multiplierait comme la poussière de la terre,
qu’il exalterait ses descendants comme les étoiles
et leur donnerait pour héritage de la mer à la mer
et du Fleuve jusqu’à l’extrémité de la terre ».
Épître aux Romains (4,16-25)
« C’est par la foi qu’on devient héritier, afin que ce soit par grâce et que la promesse demeure valable pour toute la descendance d’Abraham, non seulement pour ceux qui se réclament de la loi, mais aussi pour ceux qui se réclament de la foi d’Abraham, notre père à tous. En effet, il est écrit: J’ai fait de toi le père d’un grand nombre de peuples. Il est notre père devant Celui en qui il a cru, le Dieu qui fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas. Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi le père d’un grand nombre de peuples selon la parole: Telle sera ta descendance.
Il ne faiblit pas dans la foi en considérant son corps – il était presque centenaire – et le sein maternel de Sara, l’un et l’autre atteints par la mort. Devant la promesse divine, il ne succomba pas au doute, mais il fut fortifié par la foi et rendit gloire à Dieu, pleinement convaincu que, ce qu’il a promis, Dieu a aussi la puissance de l’accomplir.
Voilà pourquoi cela lui fut compté comme justice. Or ce n’est pas pour lui seul qu’il est écrit: Cela lui fut compté, mais pour nous aussi, nous à qui la foi sera comptée puisque nous croyons en Celui qui a ressuscité d’entre les morts Jésus notre Seigneur, livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification ».
Épître aux Hébreux (11,8-10.17-19)
« Par la foi, répondant à l’appel, Abraham obéit et partit pour un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait.
Par la foi il vint résider en étranger dans la terre promise, habitant sous la tente avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse. Car il attendait la ville munie de fondations, qui a pour architecte et constructeur Dieu lui-même.
Par la foi, Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac; il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses et qu’on lui avait dit: C’est par Isaac qu’une descendance te sera assurée. Même un mort, se disait-il, Dieu est capable de le ressusciter; aussi, dans une sorte de préfiguration, il retrouva son Fils ».
DIEU NE MENT PAS !
Même SI les apparences sont trompeuses , DIEU NE MENT PAS !
Abraham Le savait au plus profond de son coeur . Et par sa foi et son histoire , nous savons , tous , aujourd’hui que DIEU N’A PAS MENTI , NE MENT PAS et NE MENTIRA JAMAIS ! Tout ce qu’ IL a Dit , Il l’ a Fait , le Fait et le Fera !
Bonsoir !- -!,
merci, tous les pensées qui peuvent être de commune édification sont les bienvenus,
Gabriella