Archive pour le 5 juin, 2011

underwater – bonne nuit

5 juin, 2011

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L’Esprit Saint

5 juin, 2011

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Le spirituel chrétien

5 juin, 2011

du site:

http://www.culture-et-foi.com/texteliberateur/henri_bourgeois.htm

Le spirituel chrétien

Henri Bourgeois

L’association des amis d’Henri Bourgeois nous faisait récemment parvenir son dernier bulletin (No 7, décembre 2005) sur le thème du spirituel d’après Henri Bourgeois. Avec plaisir nous en extrayons ce texte ouvert et nuancé, paru en 1999 dans la revue Prêtres diocésains.
…Le spirituel dont il va s’agir ne désigne pas seulement la place ou la marque de l’Esprit de Dieu. C’est une des formes de l’expérience humaine. Qu’en celle-ci, il soit parfois possible (sans que ce soit automatique) de reconnaître la présence de l’Esprit divin, c’est une conviction chrétienne.  Mais le spirituel comporte d’autres significations.
Par ailleurs, ce que je voudrais dire ne sera ni sociologique, ni historique, ni même biblico-exégétique, mais proprement théologique. Étant entendu que la théologie cherche à ne pas rester étrangère aux divers points de vue que je viens d’indiquer.
Le spirituel dans l’Occident actuel
Il y a un demi-siècle, j’aurais fait état de la spiritualité plutôt que du spirituel. Le mot spiritualité avait et présente d’ailleurs toujours ses lettres de noblesse. Il désigne la manière dont des personnes ou des groupes orientent leur liberté et leur foi, le plus souvent en fonction d’une tradition et en référence à des textes ou des témoins. Mais aujourd’hui, sans abandonner pour autant le terme de spiritualité, on s’intéresse plutôt au spirituel, au moins quand on veut examiner ce qu’expérimentent nos contemporains en leur cœur et en leur esprit. Le mot « spirituel » paraît, à tort ou à raison, moins déterminé que spiritualité, donc plus souple ou plus englobant et surtout il semble pouvoir convenir à des expériences très diverses, pas forcément religieuses ou, en tout cas, pas forcément chrétiennes.
De fait, en Europe et en Amérique du Nord, le spirituel retient actuellement l’attention de multiples manières. Il indique le désir et la recherche de bien des gens que déçoit une civilisation trop rationnelle, trop clinquante, trop fascinée par les  logiques de la consommation, du profit et de l’apparence. Le spirituel, c’est donc la vie autrement. Pas toujours la vie chrétienne et pas même toujours la vie religieuse. Il s’agit d’une dimension oubliée ou méconnue de l’existence, celle où l’on habite ce que l’on est, au lieu de se laisser distraire et finalement aliéner par les mises en scène, les conventions reçues, les bavardages ou les pensées toutes faites.
Bien entendu, ce besoin de retrouver l’essentiel caché existe aussi en Amérique Latine, en Afrique et en Asie. Mais il semble être plus habituellement satisfait sur ces continents, même si tout n’y est pas parfait. L’Occident a l’impression (survoltée ?) qu’en sa crise des valeurs ou des finalités le spirituel a été trop longtemps marginalisé, que le christianisme (la religion jusqu’ici dominante) ne l’a pas assez honoré en cédant à des prurits de morale ou de doctrine et qu’il est donc urgent de redécouvrir, peut-être à frais nouveaux, ce qu’est la manière spirituelle de vivre. Que cela prenne forme de New Age, de gnoses, d’ésotérisme ou de néo-sagesse, de goût pour la voyance, de pratique du yoga, d’intérêt pour le bouddhisme ou pour les arts martiaux asiatiques, de pentecôtisme et de groupes charismatiques, de goût pour les médecines douces ou pour la sophrologie, peu importe au fond. Car, sans du tout confondre ces diverses expressions du spirituel, on peut leur reconnaître un air de famille et une valeur semblable de signe.
Le spirituel chrétien en cette galaxie
À mon sens, le risque pour les chrétiens c’est de constituer leur expérience spirituelle ou leur spiritualité en dehors de ce contexte, dans une sorte d’intemporalité formelle ou dans la seule mouvance de leurs traditions (si nobles soient-elles). Certes, la tonalité spirituelle que veulent et peuvent expérimenter les disciples de Jésus a des traits propres. Mais ces particularités apparaissent sur un fond commun. De même que Jésus a assumé la condition humaine et qu’il a manifesté son mystère singulier en cette appartenance d’incarnation, de même les chrétiens attestent aujourd’hui, en Occident, ce qui se passe en leur monde à propos de spirituel.
Je concède volontiers que beaucoup d’entre eux témoignent surtout de ce qu’il en était hier. Mais, théologiquement, le point que voici est peu contestable. Que l’on fasse référence à une nouvelle évangélisation ou que l’on évoque l’inculturation, il est clair que l’on ne choisit ni son époque ni son contexte et que le spirituel, comme le reste de notre existence, est à accueillir et à élaborer selon les signes des temps et les ressources du moment.
Le premier caractère du spirituel chrétien est donc de participer à la spiritualité humaine, telle qu’elle se présente ici et maintenant. Il doit y avoir dans cette communauté généralisée des souffles et des désirs, dans cette partielle connivence des aspirations et des attentes quelque chose qui peut, en principe, avoir rapport avec l’Esprit qui remplit l’univers. Car cet Esprit « offre à tous les humains, par les moyens qu’il connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal » du Christ (Vatican II, Gaudium et Spes, 22, § 5).
Dès lors, les chrétiens se trouvent devant les enjeux que rencontre aujourd’hui le spirituel, en sa multiplicité turbulente et éparpillée. En voici quelques-uns.
Tout d’abord, c’est entendu, le spirituel habite la vie non superficielle, l’existence autre. Mais l’expérience spirituelle que, spontanément, nous lions au silence, à la sérénité méditative, n’est-elle pas aussi, à d’autres moments et sous d’autres modalités, celle de l’excès, de l’intensité affective, voire de la transe dont font état l’Afrique et l’Amérique Latine? Il n’est pas sans importance pour les chrétiens d’apprendre à articuler ces deux formes du spirituel, non seulement pour ne pas considérer avec une suspicion a priori certaines formes d’exubérance comme on en trouve dans la prière charismatique, mais aussi pour pratiquer spirituellement l’expérience « soft » de la liturgie.
En deuxième lieu, le spirituel chrétien comme tout autre spirituel a besoin de moduler les temps forts, ceux de la prière ou du partage enthousiasmant, ceux du pèlerinage ou de la fête, ceux de l’épreuve (un deuil, une séparation) ou de la joie de béatitude avec le quotidien plus terne, parfois un peu monotone, celui de la fidélité, de la fatigue, de la répétition. Car le spirituel n’existe pas seulement dans l’exceptionnel. Il réside aussi (potentiellement) dans le banal, celui du « pain de ce jour ». Et ce qu’il est ici doit sûrement éclairer ce qui se manifeste là.
Troisième point de vérification : quel rapport notre expérience spirituelle établit-elle entre ce qui est personnel ou intime et ce qui est communicable et partageable à un plan fondamental, au-delà des impressions de la convivialité, de l’échange d’informations ou encore de la collaboration? La question est aujourd’hui considérable et elle vaut pour tout le monde, pour les non chrétiens et évidemment pour les témoins de l’évangile. Elle n’a pas de solution théorique, elle suppose un apprentissage et sans doute une initiation qui, trop souvent, fait défaut.
Enfin je voudrais noter que toute expérience spirituelle, quelle qu’elle soit, est forcément ambiguë. On peut se laisser surprendre naïvement par l’intériorité et ses jouissances comme par l’investissement de soi-même dans la tâche quotidienne. L’étonnant ou le merveilleux hantent le spirituel, mais aussi la culpabilité, la mésestime de soi-même ou encore ce que l’on nomme aujourd’hui « la déprime ». Il est donc indispensable de discerner. Bien entendu, sur le marché des méthodes de discernement, les propositions sont aujourd’hui diverses. Mais l’humble pratique et le bon sens sapientiel manquent souvent à l’appel.
Le spirituel chrétien, un spirituel de foi
Comment comprendre dans ce contexte les traits propres du spirituel vécu par les chrétiens ?
Le plus clair, c’est que leur expérience spirituelle a une forme religieuse ou, pour être plus précis, une teneur croyante. Les disciples de Jésus expérimentent une spiritualité évangélisée. Ils sont spirituels comme des croyants.
Cela veut dire en premier lieu que leur spiritualité se développe dans une histoire qui, en principe, est apte à lui donner et de la qualité et de l’originalité.  Cette histoire est celle des figures auxquelles la foi se rapporte, celle d’Abraham, celle des prophètes et, bien entendu, à un titre tout particulier, celle de Jésus. Être chrétien, c’est donc accueillir en soi l’expérience spirituelle de ces témoins de révélation et la laisser stimuler la nôtre. Cela se réalise pratiquement selon une tradition : car ces figures se relient entre elles dans une succession historique, chacune renvoyant aux autres. En ce sens, la spiritualité chrétienne est traditionnelle. Non qu’elle se borne à la répétition des messages bibliques. Mais elle cherche d’âge en âge à assimiler le contenu spirituel de ces paroles, dépassant ainsi les mots et les représentations mentales et s’appuyant autant que possible sur ce que les générations antérieures ont compris et vécu.
Ensuite, l’expérience spirituelle chrétienne bénéficie de la relation ecclésiale. Évidemment, le fait que le christianisme soit ecclésial a son lot de lourdeurs et la spiritualité n’y trouve pas toujours son compte. Il n’empêche qu’appartenir à un peuple au titre d’une même foi, quelles qu’en soient d’ailleurs les nuances, a de quoi contribuer au développement de l’expérience spirituelle. Cela, si du moins chaque membre de l’Église fait attention à d’autres expériences à côté de lui, cherche à en percevoir l’inspiration et se sent porté à exprimer et à écouter ce que les uns et les autres vivent en profondeur. En l’occurrence, la forme ecclésiale de la spiritualité chrétienne prolonge sa teneur traditionnelle. Il s’agit toujours d’abriter dans le spirituel qui est en soi-même quelque chose du spirituel que d’autres expérimentent.
En troisième lieu, je voudrais souligner la place de la conversion dans la spiritualité chrétienne. Comme le disent les prophètes bibliques et comme Jésus l’atteste, la conversion a une place instauratrice dans la foi des chrétiens. Il leur faut revenir à l’essentiel ou à l’originaire qui donne sens radical à leur vie et qui vient d’en haut. Par conséquent, le spirituel évangélique implique une décision ou encore une adhésion. Ce n’est ni simplement une émotion, même profonde, ni un sentiment esthétique. C’est une expérience où la volonté s’engage, en réponse à une offre qui lui est faite. Et c’est à cause de ce vouloir toujours notablement personnel que devient possible la solidarité avec autrui, c’est-à-dire la participation aux figures bibliques, la tradition et la communion ecclésiale.
Enfin, dans ce que l’expérience spirituelle chrétienne reçoit pour se constituer, il faut mentionner des moments symboliques originaux, les sacrements. Ces célébrations débordent le champ habituel de la prière ou de la méditation. Elles impliquent le corps ou la sensibilité en direction du spirituel. Elles prolongent les paroles de révélation en gestes d’accueil du mystère et de communication entre les croyants. À leur manière, elles contribuent, elles aussi, à faire tradition, à réaliser l’Église et à susciter la décision de foi.
Les modulations du spirituel proposé aux chrétiens
Je viens de caractériser ce qu’on pourrait appeler le « cadrage » de la spiritualité chrétienne. Mais une seconde lecture de cette expérience est possible, celle qui repère dans la conscience des personnes certaines attitudes ou, si l’on veut, certains accents.
Je placerai en premier lieu le sentiment d’un don ou d’une gratuité. Le spirituel évangélique est vécu comme reçu en ce qu’il a de plus fondamental. Il ne vient pas d’abord de nos moyens ou de nos dispositions : c’est une grâce. Je ne pense pas que ce soit là une expérience propre aux chrétiens ni même particulière aux religions : qui ne connaît des non croyants qui vivent spirituellement dans l’émerveillement et une sorte d’action de grâce sécularisée en laquelle ils célèbrent le mystère de la vie et de leur existence? Mais évidemment la révélation biblique donne des repères et des fondements à cette perception spirituelle. C’est notamment sur ce terrain qu’elle nomme l’Esprit de Dieu.
Il faut préciser toutefois que notre expérience spirituelle n’est pas totalement identique à la présence de l’Esprit Saint. D’abord parce que le spirituel, en nous, a des composantes psychologiques et culturelles qui ne sont pas, comme telles, expression immédiate de l’Esprit. Ensuite parce qu’il est en notre cœur et notre esprit d’autres inspirations que celle qui nous vient de Dieu : le combat spirituel dont parlaient les anciens est bien loin d’être une histoire ancienne.
Ajoutons que l’expérience spirituelle classiquement définie en termes d’intériorité ou même d’exubérance pentecôtiste n’est aucunement le seul lieu possible de l’Esprit en nous. Celui-ci est impliqué aussi dans nos actions les plus profanes, dans notre corps, nos relations, notre imagination ou notre pensée. Tout cela est sans doute pris en charge dans le spirituel, mais jamais totalement : il y a toujours dans le réel « autre chose » que ce qu’assume notre spiritualité car l’Esprit remplit l’univers.
C’est là sans doute un point important aujourd’hui. Le christianisme n’est pas seulement une pratique de la spiritualité : il est aussi une orientation pour l’existence globale et donc pour la transformation du monde. Comment tenir ensemble l’indispensable spiritualité et le souci actif de la justice et du partage, du développement et des droits humains? Il n’est qu’une possibilité : c’est que notre pratique séculière soit aussi d’ordre spirituel. Autrement dit que notre spiritualité ne se limite pas aux moments religieux ou méditatifs de  notre vie.
Les enjeux actuels du spirituel chrétien
Dans le temps qui est le nôtre, l’originalité du spirituel chrétien est parfois difficile à expérimenter. Ici encore, je voudrais suggérer brièvement quelques indications.
Ce qui est au fond majeur en tout cela, c’est la foi. Et la foi en un Dieu qui est à la fois présent en nous, intérieur à notre être, et différent de nous, transcendant. Cette double manière d’être de Dieu relève assurément de ce que nous ne pouvons totalement comprendre. Mais elle appartient à ce que confesse la foi évangélique. Et c’est sur ce point, entre autres, que l’expérience chrétienne est parfois en difficulté aujourd’hui. Sans doute à cause de son environnement par les divers courants spirituels contemporains.
Certains chrétiens, en effet, se sentent assez en harmonie avec les spiritualités ambiantes de notre époque et sont assez à l’aise pour reconnaître l’immanence de Dieu. Mais que Dieu soit autre que nous, qu’il nous adresse la parole et que nous puissions lui parler comme à quelqu’un, leur semble énigmatique, voire simplement une habitude pédagogiquement utile mais non fondée en réalité. Au fond, on croit alors en l’Esprit mais on hésite à croire au Père. Ce qui déséquilibre l’affirmation évangélique et le témoignage de Jésus : cet Esprit n’est pas (assez) l’Esprit du Père.
Inversement, il arrive aujourd’hui que nous ayons l’habitude de parler à Dieu, de le comprendre comme un autre par rapport à nous, ainsi que le suggèrent et la Bible et la liturgie. Mais alors il se peut que la présence de Dieu en notre expérience humaine soit trop peu reconnue. Nous craignons de confondre Dieu avec notre propre réalité. On nous met tellement en garde contre le subjectivisme ! En tout cas, on ne nous a guère initiés au mystère de la présence divine en notre être. Nous avons donc de la peine à donner du sens à la fameuse affirmation paulinienne : « l’Esprit en personne se joint à notre esprit » (Rm. 8, 16).
J’ai ici l’impression que notre expérience spirituelle contemporaine de chrétiens éprouve quelque difficulté à faire valoir son originalité non seulement faute d’un tonus suffisant ou encore d’une liberté spirituelle assez vigoureuse, mais aussi par manque de connaissance.
Nombre de nos contemporains sont, de fait, attentifs au « ressenti » et sont allergiques aux dogmes ou aux croyances qu’ils estiment trop peu reliés à l’expérience spirituelle. Qu’il en soit ainsi parfois, peut-être même souvent, cela peut s’admettre. Mais le christianisme depuis ses origines tient à ce que la pensée ne soit pas incompatible avec la spiritualité. Ou, pour mieux dire, il est convaincu que le spirituel suscite le goût de comprendre et donc de réfléchir. Jadis, Irénée de Lyon citait Paul (I Cor. 8, 1) : « la science enfle, tandis que l’amour édifie ». Mais il ajoutait joliment que l’Apôtre ne voulait sûrement pas incriminer « la vraie connaissance de Dieu », car, en ce cas, « il se serait accusé le premier » (Adversus Haereses, II, 26, 1).

Pape Benoît, 23 mai 2010 [Pentecôte, sur la invocation "Veni Sancte Spiritus]

5 juin, 2011

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2010/documents/hf_ben-xvi_hom_20100523_pentecoste_fr.html

CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DE PENTECÔTE

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane
Dimanche 23 mai 2010

[Pentecôte, sur la invocation "Veni Sancte Spiritus]

Chers frères et sœurs,

Au cours de la célébration solennelle de la Pentecôte, nous sommes invités à professer notre foi dans la présence et dans l’action de l’Esprit Saint et à en invoquer l’effusion sur nous, sur l’Eglise et sur le monde entier. Faisons donc nôtre, et avec une intensité particulière, l’invocation de l’Eglise elle-même:  Veni, Sancte Spiritus! Une invocation si simple et immédiate, mais dans le même temps extraordinairement profonde, jaillie avant tout du cœur du Christ. En effet, l’Esprit est le don que Jésus a demandé et demande constamment au Père pour ses amis; le premier et principal don qu’il nous a obtenu avec sa Résurrection et son Ascension au Ciel.
Le passage évangélique d’aujourd’hui, qui a pour cadre la Dernière Cène, nous parle de cette prière du Christ. Le Seigneur Jésus dit à ses disciples:  « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements, et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais » (Jn 14, 15-16). Ici nous est dévoilé le cœur en prière de Jésus, son cœur filial et fraternel. Cette prière atteint son sommet et son accomplissement sur la Croix, où l’invocation du Christ ne fait qu’un avec le don total qu’Il fait de lui-même, et sa prière devient donc pour ainsi dire le sceau même de son don en plénitude par amour pour le Père et pour l’humanité:  invocation et don de l’Esprit Saint se rencontrent, s’entremêlent, deviennent une unique réalité. « Et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais ». En réalité, la prière de Jésus – celle de la Dernière Cène et celle sur la croix – est une prière qui demeure également au Ciel, où le Christ siège à la droite du Père. En effet, Jésus vit toujours son sacerdoce d’intercession en faveur du peuple de Dieu et de l’humanité et prie donc pour nous tous, en demandant au Père le don de l’Esprit Saint.
Le récit de la Pentecôte dans le livre des Actes des Apôtres – nous venons de l’écouter dans la première lecture (cf. Ac 2, 1-11) – présente le « nouveau cours » de l’œuvre de Dieu commencé par la résurrection du Christ, une œuvre qui touche l’homme, l’histoire et l’univers. Du Fils de Dieu mort et ressuscité et retourné au Père souffle à présent sur l’humanité, avec une énergie inédite, le souffle divin, l’Esprit Saint. Et que produit cette nouvelle et puissante communication que Dieu fait de lui-même? Là où il existe des déchirements et des séparations, il crée l’unité et la compréhension. Un processus de réunification s’instaure entre les différentes composantes de la famille humaine, divisées et dispersées; les personnes, souvent réduites à des individus en compétition ou en conflit entre eux, atteintes par l’Esprit du Christ, s’ouvrent à l’expérience de la communion, au point de faire d’elles un nouvel organisme, un nouveau sujet:  l’Eglise. Tel est l’effet de l’œuvre de Dieu:  l’unité; c’est pourquoi l’unité est le signe de reconnaissance, la « carte de visite » de l’Eglise au cours de son histoire universelle. Dès le début, depuis le jour de la Pentecôte, celle-ci parle toutes les langues. L’Eglise universelle précède les Eglises particulières, et ces dernières doivent toujours se conformer à elle, selon un critère d’unité et d’universalité. L’Eglise ne demeure jamais prisonnière de frontières politiques, raciales et culturelles; elle ne peut pas se confondre avec les Etats et pas plus avec les Fédérations d’Etats, car son unité est d’un genre divers et aspire à traverser toutes les frontières humaines.
De cela, chers frères, découle un critère pratique de discernement pour la vie chrétienne:  lorsqu’une personne, ou une communauté, se renferme sur sa propre façon de penser et d’agir, c’est le signe qu’elle s’est éloignée de l’Esprit Saint. Le chemin des chrétiens et des Eglises particulières doit toujours se confronter avec celui de l’Eglise une et catholique et s’harmoniser avec lui. Cela ne signifie pas que l’unité créée par l’Esprit Saint est une sorte d’égalitarisme. Au contraire, cela est plutôt le modèle de Babel, c’est-à-dire l’imposition d’une culture de l’unité que nous pourrions qualifier de « technique ». En effet, la Bible nous dit (cf. Gn 11, 1-9) qu’à Babel, tous ne parlaient qu’une seule langue. Lors de la Pentecôte, en revanche, les apôtres parlent des langues diverses de façon à ce que chacun comprenne le message dans son propre idiome. L’unité de l’Esprit se manifeste dans la pluralité de la compréhension. L’Eglise est de par sa nature une et multiple, destinée à vivre auprès de toutes les nations, de tous les peuples et dans les contextes sociaux les plus divers. Elle répond à sa vocation d’être signe et instrument d’unité de tout le genre humain (cf. Lumen gentium, n. 1), uniquement si elle maintient son autonomie à l’égard de tout Etat ou de toute culture particulière. L’Eglise doit être toujours et en tout lieu véritablement, catholique et universelle, la maison de tous dans laquelle chacun peut se retrouver.
Le récit des Actes des Apôtres nous offre aussi un autre point de départ très concret. L’universalité de l’Eglise est exprimée par l’énumération des peuples selon l’antique tradition:  « Parthes, Mèdes et Elamites… » etc. On peut observer que saint Luc va au-delà du nombre 12, qui exprime déjà et toujours une universalité. Il regarde au-delà des horizons de l’Asie et de l’Afrique nord-occidentale, et ajoute trois autres éléments:  les « Romains », c’est-à-dire le monde occidental; les « Juifs et les prosélytes », comprenant de manière nouvelle l’unité entre Israël et le monde; et enfin « Crétois et Arabes », qui représentent l’Occident et l’Orient, les îles et la terre ferme. Cette ouverture des horizons confirme ultérieurement la nouveauté du Christ dans la dimension de l’espace humain, de l’histoire des peuples:  l’Esprit Saint implique les hommes et les peuples et, à travers eux, il dépasse les murs et les barrières.
A la Pentecôte, l’Esprit Saint se manifeste comme un feu. Sa flamme est descendue sur les disciples réunis, elle s’est allumée en eux et leur a donné la nouvelle ardeur de Dieu. Ainsi se réalise ce qu’avait prédit le Seigneur Jésus:  « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé » (Lc 12, 49). Les apôtres, avec les fidèles des diverses communautés, ont apporté cette flamme divine jusqu’aux extrémités de la terre; ils ont ouvert ainsi une route pour l’humanité, une route lumineuse, et ils ont collaboré avec Dieu qui, par son feu, veut renouveler la face de la terre. Combien ce feu est différent des guerres et des bombes! Combien est différent l’incendie du Christ, propagé par l’Eglise, par rapport à ceux allumés par les dictateurs de toute époque, jusqu’au siècle dernier, qui laissent derrière eux une terre brûlée. Le feu de Dieu, le feu de l’Esprit Saint, est celui du buisson qui est embrasé, mais ne se consume pas (cf. Ex 3, 2). C’est une flamme qui brûle, mais ne détruit pas; qui au contraire, en s’embrasant, fait apparaître la meilleure part de l’homme et la plus vraie; et qui comme dans une fusion fait apparaître sa forme intérieure, sa vocation à la vérité et à l’amour.
Un Père de l’Eglise, Origène, dans l’une de ses homélies sur Jérémie, rapporte une parole attribuée à Jésus, qui n’est pas contenue dans les Saintes Ecritures, mais est peut-être authentique, qui dit ceci:  « Qui est à mes côtés est au côté du feu » (Homélie sur Jérémie l. I[III). Dans le Christ, en effet, habite la plénitude du Dieu, qui dans la Bible est comparée au feu. Nous avons observé il y a peu que la flamme de l’Esprit Saint embrase, mais ne brûle pas. Et celle-ci opère toutefois une transformation, et pour cela, elle doit consumer quelque chose dans l’homme, les résidus qui le corrompent et l’entravent dans ses relations avec Dieu et avec son prochain. Mais cet effet du feu divin nous effraie, nous avons peur de nous y « brûler », nous préférerions demeurer comme nous sommes. Cela dépend du fait que, très souvent, notre vie est organisée dans une logique de l’avoir, de la possession et non du don de soi. Beaucoup croient en Dieu et admirent la figure de Jésus Christ, mais quand il leur est demandé de perdre quelque chose d’eux-mêmes, alors ils font un pas en arrière, ils ont peur des exigences de la foi. Il y a la crainte de devoir renoncer à quelque chose de beau, auquel nous sommes attachés; la crainte que suivre le Christ nous prive de la liberté, de certaines expériences, d’une part de nous-mêmes. D’un côté, nous voulons être avec Jésus, le suivre de près, et de l’autre, nous avons peur des conséquences que cela entraîne.
Chers frères et sœurs, nous avons toujours besoin de nous entendre dire par le Seigneur Jésus, ce qu’il répétait souvent à ses amis:  « N’ayez pas peur ». Comme Simon Pierre et les autres, nous devons laisser sa présence et sa grâce transformer notre cœur, toujours sujet aux faiblesses humaines. Nous devons savoir reconnaître que perdre quelque chose, et même soi-même pour le vrai Dieu, le Dieu de l’amour et de la vie, c’est en réalité gagner, se retrouver plus pleinement. Qui s’en remet à Jésus fait l’expérience déjà dans cette vie-là de la paix et de la joie du cœur, que le monde ne peut pas donner, et ne peut pas non plus ôter une fois que Dieu nous les a offertes. Il vaut donc la peine de se laisser toucher par le feu de l’Esprit Saint! La douleur qu’il nous procure est nécessaire à notre transformation. C’est la réalité de la croix:  ce n’est pas pour rien que dans le langage de Jésus, le « feu » est surtout une représentation du mystère de la croix, sans lequel le christianisme n’existe pas. C’est pourquoi, éclairés et réconfortés par ces paroles de vie, nous élevons notre invocation:  Viens, Esprit Saint! Allume en nous le feu de ton amour! Nous savons que c’est une prière audacieuse, par laquelle nous demandons à être touchés par la flamme de Dieu; mais nous savons surtout que cette flamme – et elle seule – a le pouvoir de nous sauver. Nous ne voulons pas, pour défendre notre vie, perdre la vie éternelle que Dieu veut nous donner. Nous avons besoin du feu de l’Esprit Saint, parce que seul l’Amour rachète. Amen.