Archive pour le 2 juin, 2011
Ascension du Seigneur
2 juin, 2011Ascension – jeudi 2 juin 2011 – Homélie
2 juin, 2011du site:
Ascension – jeudi 2 juin 2011
Famille de Saint Joseph
Homélie-Messe
Le jour où elle fête l’Ascension, où Jésus disparaît aux yeux de ses disciples, l’Église nous donne à méditer une apparition du ressuscité. D’emblée, le choix paraît étrange. L’introduction est très vague : la scène se passe en Galilée, carrefour des nations, sur une montagne, entre terre et ciel. L’apparition du ressuscité elle-même est comme passée sous silence : « quand ils le virent ». On peut difficilement faire plus elliptique. Aucune description, aucun geste particulier, nous ne retrouvons rien de la familiarité que nous connaissons entre Jésus et ses disciples. Jésus ne s’approche des disciples que pour leur parler et il ne leur parle que pour les envoyer en mission. La clôture de l’évangile de Matthieu est certainement un moment solennel mais il ne ressemble guère à une fête de famille !
Mais quelle mission ! Tout est là. Nous envoyer faire de toutes les nations des disciples. Baptiser un nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, c’est-à-dire donner à tous ce que nous avons-nous-mêmes reçu de Dieu : la vie divine. Il fallait être Dieu pour inventer cela. Parmi les hommes, personne n’aurait pu imaginer la grandeur du don de Dieu. Voilà la porte d’entrée dans le mystère. L’Ascension est une invitation à une ascension des cœurs. Une invitation à monter, à vivre plus haut que nos pensées, à trouver en Dieu un refuge où nos pensées humaines ne pourront nous rejoindre. Ainsi, non seulement ce jour est celui où nous pouvons enfin vivre selon la logique de l’Esprit, selon le bon sens et la simplicité de l’amour, mais encore ce jour de l’Ascension est le jour de notre grand déménagement, celui où nous pouvons commencer à habiter au-dessus de nous-mêmes, c’est-à-dire déménager de ce qui est notre petit « moi » en Dieu, pour loger désormais tout là-haut dans le sein du Père. Aujourd’hui le Christ, qui reste l’un d’entre nous, vit devant le Père et nous entraîne dans son Ascension pour nous faire habiter là où son Ascension aboutit : dans la joie de la Sainte Trinité.
Voici que nous commençons à entendre petit à petit l’appel de l’Ascension que Jésus fait à ses disciples, un appel à vivre de l’espérance, une espérance qui dépasse toutes les espérances humaines. Le jour de son ascension, Jésus nous appelle à vivre de l’espérance à un autre niveau que celui auquel nous avons coutume d’établir nos actes d’espérance ; car ils sont des actes qui appartiennent vraiment à Dieu et qui viennent de Dieu. Nous sommes désormais entièrement disposés, dans la prière et dans la foi, à ce que la lumière intime de Dieu illumine de l’intérieur notre intelligence, pour lui permettre de s’ouvrir et de découvrir la manière divine dont Dieu se connaît lui-même. La lumière surnaturelle de la foi transforme de l’intérieur notre intelligence pour que nous soyons totalement donnés au Christ, c’est-à-dire à la manière dont Dieu, dans son intelligence intime, se voit lui-même et s’incarne dans le Christ. La lumière de la foi ne vient pas de nous, elle vient de Dieu, pour que nous devenions entièrement Jésus, de l’intérieur, dans le monde d’aujourd’hui.
Il fallait vraiment être Dieu pour inventer ça. Mais voilà bien ce que fait la foi. Voilà surtout comment l’Ascension est mystère d’intériorité. Grâce à l’espérance, grâce aux mystères glorieux, nous nous apercevons que la source de notre vie actuelle sur la terre vient de ce que Jésus voit dans son humanité remplie de gloire. Il voit Dieu en pleine lumière. C’est cette lumière qui vient de l’intérieur illuminer notre intelligence pour la transformer et nous permettre d’être entièrement dans le Verbe qui prend chair en notre âme. Autrement dit, en pénétrant le mystère de l’Ascension, nous devenons lucides sur les actes de notre vie contemplative.
Nous voici élevés au plus haut des cieux par Jésus qui nous y attire. Il n’y a aucun risque de vertige. Si notre cœur est établi au plus haut des cieux, la première lecture nous montre comment nos pieds restent bien sur terre. Le Christ y est décrit comme le Grand Prêtre victorieux qui bénit ses disciples en entrant dans les cieux et des anges — les deux mêmes anges vêtus de blancs que nous avons rencontrés dans le tombeau vide au matin de la résurrection — renvoient les disciples à leur quotidien. Cela veut dire que nous ne pouvons rejoindre le Seigneur Jésus dans son Ascension qu’en reprenant la route de notre vie, conduits en tout par son Esprit. Cela veut que les sommets dans la vie contemplative que nous ouvre l’Ascension trouvent leur substance dans notre vie quotidienne.
L’élan de l’Ascension nous conduit ainsi à Nazareth, auprès de Joseph, l’homme de l’espérance. En contemplant Joseph, nous voyons comment l’Ascension n’est pas la séparation de Jésus et de ses disciples, elle n’est pas une prise de distance, elle est au contraire la manifestation d’un rapport nouveau unissant Jésus ressuscité et tous ceux qui ont fait le choix de croire en sa résurrection. En nous enfouissant dans le silence de Joseph comme Jésus s’est enfoncé dans les nuées, nous pouvons désormais faire l’expérience de la proximité de Dieu, de la présence de Jésus ressuscité. De même que l’Ascension n’est pas la fin de l’aventure commune de Jésus et de ses disciples, Nazareth n’est pas l’histoire trop brève d’une intimité désormais perdue. Aujourd’hui, le Seigneur Jésus qui dit à ceux qui ont placé leur espérance en lui : « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde ».
Certes, cette présence de notre Seigneur à nos côtés est réelle, mais elle se vit dans l’absence physique. Notre relation avec le ressuscité est plus intime qu’elle ne l’a jamais été, mais elle se vit dans la distance. Nous trouverons l’équilibre de ce paradoxe grâce à Joseph, qui sans cesse se tient dans l’ombre du Père et reste uni à son Fils. Il est le mieux placé pour nous apprendre à vivre de cette présence délicate, jamais imposée mais concrètement manifestée. Voilà le sens de l’Ascension : découvrir en nous la profondeur à laquelle le Christ nous a élevés.
Demandons à saint Joseph qu’il nous obtienne de recevoir de Jésus la capacité d’aller « au-delà ». Au-delà de nous-mêmes, au-delà du voile des apparences pour voir avec les yeux de la foi, au-delà du visage de l’autre pour voir le Père et le Fils et le Saint-Esprit dont il est l’hôte, au-delà des frontières étroites de nos quotidiens, pour découvrir la liberté des enfants de Dieu. Atteindre cet au-delà est s’établir à Nazareth, c’est vivre dans l’intimité de la Trinité.
Par l’intercession de saint Joseph, faisons nôtre la prière de saint Paul dans la deuxième lecture : « que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père dans sa gloire, [n]ous donne un esprit de sagesse pour le découvrir et le connaître vraiment. Qu’il ouvre [n]otre cœur à sa lumière, pour [n]ous faire comprendre l’espérance que donne son appel, la gloire sans prix de l’héritage que [n]ous partage[ons] avec les fidèles, et la puissance infinie qu’il déploie pour nous, les croyants ».
Frère Dominique
jeudi 02 juin 2011 Ascension du Seigneur, solennité
2 juin, 2011du site:
jeudi 02 juin 2011 Ascension du Seigneur, solennité
L’Ascension du Seigneur
« Aujourd’hui notre Seigneur Jésus-Christ monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui. Écoutons ce que nous dit l’Apôtre : Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre. De même que lui est monté, mais sans s’éloigner de nous, de même sommes-nous déjà là-haut avec lui, et pourtant ce qu’il nous a promis ne s’est pas encore réalisé dans notre corps.
Lui a déjà été élevé au dessus des cieux ; cependant il souffre sur la terre toutes les peines que nous ressentons, nous ses membres. Il a rendu témoignage à cette vérité lorsqu’il a crié du haut du ciel : Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Et il avait dit aussi : J’avais faim, et vous m’avez donné à manger. Pourquoi ne travaillons-nous pas, nous aussi sur la terre, de telle sorte que par la foi, l’espérance et la charité, grâce auxquelles nous nous relions à lui, nous reposerions déjà maintenant avec lui, dans le ciel ? Lui, alors qu’il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. Lui fait cela par sa divinité, sa puissance, son amour ; et nous, si nous ne pouvons pas le faire comme lui par la divinité, nous le pouvons cependant par l’amour, mais en lui.
Lui ne s’est pas éloigné du ciel lorsqu’il en est descendu pour venir vers nous ; et il ne s’est pas éloigné de nous lorsqu’il est monté pour revenir au ciel. Il était déjà là-haut, tout en étant ici-bas ; lui-même en témoigne : Nul n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est au ciel. Il a parlé ainsi en raison de l’unité qui existe entre lui et nous : il est notre tête, et nous sommes son corps. Cela ne s’applique à personne sinon à lui, parce que nous sommes lui, en tant qu’il est Fils de l’homme à cause de nous, et que nous sommes fils de Dieu à cause de lui.
C’est bien pourquoi saint Paul affirme : Notre corps forme un tout, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, bien qu’étant plusieurs, ne forment qu’un seul corps. De même en est-il pour le Christ. Il ne dit pas: Le Christ est ainsi en lui-même, mais il dit : De même en est-il pour le Christ à l’égard de son corps. Le Christ, c’est donc beaucoup de membres en un seul corps. Il est descendu du ciel par miséricorde, et lui seul y est monté, mais par la grâce nous aussi sommes montés en sa personne. De ce fait, le Christ seul est descendu, et le Christ seul est monté ; non pas que la dignité de la tête se répande indifféremment dans le corps, mais l’unité du corps ne lui permet pas de se séparer de la tête. «
Prière :
Dieu qui élèves le Christ au dessus de tout, ouvre nous à la joie et à l’action de la grâce, car l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire : nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c’est là que nous vivons en espérance.
Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen
(Préparée par le Département de Théologie Spirituelle de L’Université Pontificale de la Sainte-Croix)
De saint Augustin, sermon pour l’Ascension, 98, 1-2 (PLS 2, 494-495)
AUDIENCE GÉNÉRALE DU 1ER JUIN 2011 : MOÏSE
2 juin, 2011du site:
http://www.zenit.org/article-28091?l=french
AUDIENCE GÉNÉRALE DU 1ER JUIN 2011 : MOÏSE
Texte intégral
ROME, Mercredi 1er juin 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, sur la Place Saint-Pierre, au Vatican.
Chers frères et sœurs,
En lisant l’Ancien Testament, une figure ressort parmi les autres : celle de Moïse, précisément comme homme de prière. Moïse, le grand prophète et « condottiere » du temps de l’Exode, a exercé sa fonction de médiateur entre Dieu et Israël en se faisant le porteur, auprès du peuple, des paroles et des commandements divins, en le conduisant vers la liberté de la Terre promise, en enseignant aux juifs à vivre dans l’obéissance et dans la confiance envers Dieu au cours de leur long séjour dans le désert, mais également, et je dirais surtout, en priant. Il prie pour le pharaon lorsque Dieu, avec les plaies, tentait de convertir le cœur des Egyptiens (cf. Ex 8-10) ; il demande au Seigneur la guérison de sa sœur Marie frappée par la lèpre (cf. Nb 12, 9-13), il intercède pour le peuple qui s’était rebellé, effrayé par le compte-rendu des explorateurs (cf. Nb 14, 1-19), il prie quand le feu va dévorer le campement (cf. Nb 11, 1-2) et quand les serpents venimeux font un massacre (cf. Nb 21, 4-9) ; il s’adresse au Seigneur et réagit en protestant quand le poids de sa mission devient trop lourd (cf. Nb 11, 10-15) ; il voit Dieu et parle avec Lui « face à face, comme un homme parle à son ami » (cf. Ex 24, 9-17 ; 33, 7-23 ; 34, 1-10. 28-35).
Même quand le peuple, au Sinaï, demande à Aaron de faire le veau d’or, Moïse prie, en accomplissant de manière emblématique sa propre fonction d’intercesseur. L’épisode est raconté au chapitre 32 du Livre de l’Exode et possède un récit parallèle dans le Deutéronome, au chapitre 9. C’est sur cet épisode que je voudrais m’arrêter dans la catéchèse d’aujourd’hui, et en particulier sur la prière de Moïse que nous trouvons dans le récit de l’Exode. Le peuple d’Israël se trouvait au pied du Sinaï tandis que Moïse, sur le mont, attendait le don des tables de la Loi, jeûnant pendant quarante jours et quarante nuits (cf. Ex 24, 18 ; Dt 9, 9). Le chiffre quarante possède une valeur symbolique et signifie la totalité de l’expérience, alors qu’avec le jeûne on indique que la vie vient de Dieu, que c’est Lui qui la soutient. L’acte de manger, en effet, implique de prendre la nourriture qui nous soutient ; jeûner, en renonçant à la nourriture, acquiert donc, dans ce cas, une signification religieuse : c’est une manière pour indiquer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de chaque parole qui sort de la bouche du Seigneur (cf. Dt 8, 3). En jeûnant, Moïse montre qu’il attend le don de la Loi divine comme source de vie : celle-ci révèle la volonté de Dieu et nourrit le cœur de l’homme, en le faisant entrer dans une alliance avec le Très-Haut, qui est source de la vie, qui est la vie elle-même.
Mais alors que le Seigneur, sur le mont, donne la Loi à Moïse, au pied de la montagne le peuple la transgresse. Incapable de résister à l’attente et à l’absence du médiateur, les juifs demandent à Aaron : « Allons, fais-nous un dieu qui aille devant nous, car ce Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Egypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé » (Ex 32, 1). Las d’un chemin avec un Dieu invisible, à présent que Moïse, le médiateur, a lui aussi disparu, le peuple demande une présence tangible, perceptible, du Seigneur, et il trouve dans le veau de métal fondu fait par Aaron, un dieu rendu accessible, manœuvrable, à la porté de l’homme. C’est une tentation constante sur le chemin de foi : éluder le mystère divin en construisant un dieu compréhensible, correspondant à ses propres conceptions, à ses propres projets. Ce qui se produit au Sinaï révèle toute la stupidité et la vanité illusoire de cette prétention car, comme l’affirme ironiquement le Psaume 106, « ils échangeaient ce qui était leur gloire pour l’image d’un taureau, d’un ruminant » (Ps 106, 20). C’est pourquoi le Seigneur réagit et ordonne à Moïse de descendre de la montagne, en lui révélant ce que fait son peuple et en terminant par ses mots : « Ma colère va s’enflammer. De toi en revanche je ferai une grande nation » (Ex 32, 10). Comme avec Abraham à propos de Sodome et de Gomorrhe, à présent aussi Dieu révèle à Moïse ce qu’il entend faire, comme s’il ne voulait pas agir sans son consentement (cf. Am 3, 7). Il dit : « ma colère va s’enflammer ». En réalité, ce « Ma colère va s’enflammer » est dit précisément pour que Moïse intervienne et lui demande de ne pas le faire, révélant ainsi que le désir de Dieu est toujours celui du salut. Comme pour les deux villes de l’époque d’Abraham, la punition et la destruction, à travers lesquelles s’exprime la colère de Dieu comme refus du mal, indiquent la gravité du péché commis ; dans le même temps, la demande de l’intercesseur entend manifester la volonté de pardon du Seigneur. Tel est le salut de Dieu, qui implique la miséricorde, mais en même temps également la dénonciation de la vérité du péché, du mal qui existe, de sorte que le pécheur, ayant reconnu et refusé son propre mal, puisse se laisser pardonner et transformer par Dieu. La prière d’intercession rend ainsi agissante, au sein de la réalité corrompue de l’homme pécheur, la miséricorde divine, qui trouve voix dans la supplique de l’orant et qui se fait présente à travers lui là où il y a besoin de salut.
La supplique de Moïse est entièrement axée sur la fidélité et la grâce du Seigneur. Il se réfère tout d’abord à l’histoire de la rédemption que Dieu a commencée avec la sortie d’Israël d’Égypte, pour ensuite rappeler l’antique promesse faite aux Pères. Le Seigneur a opéré le salut en libérant son peuple de l’esclavage égyptien ; pourquoi alors — demande Moïse — « les Égyptiens devraient-ils dire : “c’est par méchanceté qu’il les a fait sortir, pour les faire périr dans les montagnes et les exterminer de la face de la terre” ? » (Ex 32, 12). L’œuvre de salut commencée doit être complétée ; si Dieu faisait périr son peuple, cela pourrait être interprété comme le signe d’une incapacité divine à mener à bien son projet de salut. Dieu ne peut pas permettre cela : Il est le Seigneur bon qui sauve, le garant de la vie, il est le Dieu de miséricorde et de pardon, de libération du péché qui tue. Et ainsi Moïse fait appel à Dieu, à la vie intérieure de Dieu contre la sentence extérieure. Mais alors, argumente Moïse avec le Seigneur, si ses élus périssent, même s’ils sont coupables, Il pourrait apparaître incapable de vaincre le péché. Et on ne peut pas accepter cela. Moïse a fait l’expérience concrète du Dieu de salut, il a été envoyé comme médiateur de la libération divine et à présent, avec sa prière, il se fait l’interprète d’une double inquiétude, préoccupé pour le sort de son peuple, mais en même temps également préoccupé pour l’honneur que l’on doit au Seigneur, pour la vérité de son nom. En effet, l’intercesseur veut que le peuple d’Israël soit sauf, car il est le troupeau qui lui a été confié, mais également parce que dans ce salut se manifeste la véritable réalité de Dieu. L’amour des frères et l’amour de Dieu se mêlent dans la prière d’intercession. Ils sont inséparables. Moïse, l’intercesseur, est l’homme tendu entre deux amours, qui dans la prière se superposent dans un unique désir de bien.
Moïse en appelle ensuite à la fidélité de Dieu, en lui rappelant ses promesses : « Souviens toi de tes serviteurs Abraham, Isaac et Israël, à qui tu as juré par toi-même et à qui tu as dit : “Je multiplierai votre postérité comme les étoiles du ciel, et tout ce pays dont je vous ai parlé, je le donnerai à vos descendants et il sera votre héritage à jamais” » (Ex 32, 13). Moïse rappelle l’histoire fondatrice des origines, des Pères du peuple et de leur élection, totalement gratuite, dont Dieu seul avait eu l’initiative. Ce n’est pas en raison de leurs mérites qu’ils avaient reçu la promesse, mais par le libre choix de Dieu et de son amour (cf. Dt 10, 15). Et à présent, Moïse demande que le Seigneur continue dans la fidélité son histoire d’élection et de salut, en pardonnant à son peuple. L’intercesseur ne fournit pas d’excuse pour le péché de son peuple, il ne dresse pas la liste de présumés mérites revenant à son peuple ou à lui-même, mais il fait appel à la gratuité de Dieu : un Dieu libre, totalement amour, qui ne cesse de chercher celui qui s’est éloigné, qui reste toujours fidèle à lui-même et offre au pécheur la possibilité de revenir à Lui et de devenir, avec son pardon, juste et capable de fidélité. Moïse demande à Dieu de se montrer plus fort également que le péché et que la mort, et avec sa prière il provoque cette révélation divine. Médiateur de vie, l’intercesseur solidarise avec le peuple ; désirant uniquement le salut que Dieu lui-même désire, il renonce à la perspective de devenir un nouveau peuple agréable au Seigneur. La phrase que Dieu lui avait adressée, « de toi en revanche je ferai une grande nation », n’est pas même prise en considération par l’« ami » de Dieu, qui en revanche est prêt à assumer sur lui non seulement la faute de son peuple, mais toutes ses conséquences. Lorsque, après la destruction du veau d’or, il reviendra sur le mont pour demander à nouveau le salut pour Israël, il dira au Seigneur : « Pourtant, s’il te plaisait de pardonner leur péché… Sinon, efface-moi, de grâce, du livre que tu as écrit » (v. 32). Avec la prière, désirant le désir de Dieu, l’intercesseur entre toujours plus profondément dans la connaissance du Seigneur et de sa miséricorde et il devient capable d’un amour qui arrive jusqu’au don total de soi. En Moïse, qui se trouve sur la cime du mont face à face avec Dieu et qui se fait l’intercesseur pour son peuple et s’offre lui-même — « efface-moi » —, les Pères de l’Eglise ont vu une préfiguration du Christ, qui sur la haute cime de la croix se trouve réellement devant Dieu, non seulement comme ami mais comme Fils. Et il ne s’offre pas seulement — « efface-moi » —, mais avec son cœur transpercé, il se fait effacer, il devient, comme le dit saint Paul lui-même, péché, il porte sur lui nos péchés pour nous sauver ; son intercession est non seulement solidarité, mais identification avec nous : il nous porte tous dans son corps. Et ainsi toute son existence d’homme et de Fils est un cri au cœur de Dieu, est pardon, mais un pardon qui transforme et qui renouvelle.
Je pense que nous devons méditer cette réalité. Le Christ se trouve devant la face du Seigneur et prie pour moi. Sa prière sur la Croix est contemporaine de tous les hommes. Elle m’est contemporaine : Il prie pour moi, il a souffert et il souffre pour moi, il s’est identifié avec moi en prenant notre corps et l’âme humaine. Et il nous invite à entrer dans son identité, en nous faisant un corps, un esprit avec Lui, car du haut de la cime de la Croix il a apporté non de nouvelles lois, des tables de pierre, mais il a apporté lui-même, son corps et son sang, comme nouvelle alliance. Ainsi, il nous fait devenir ses consanguins, un corps avec Lui, identifiés à Lui. Il nous invite à entrer dans cette identification ; à être unis avec Lui dans notre désir d’être un corps, un esprit avec Lui. Prions le Seigneur afin que cette identification nous transforme, nous renouvelle, car le pardon est renouveau, transformation.
Je voudrais conclure cette catéchèse avec les paroles de l’apôtre Paul aux chrétiens de Rome : « Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Puisque c’est Dieu qui justifie. Qui pourra condamner ? Puisque Jésus Christ est mort ; plus encore : il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous. Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? [...] Ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances [...] ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 8, 33-35.38.39).
A l’issue de l’audience générale le pape a résumé sa catéchèse en différentes langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :
Chers frères et sœurs, Moïse est une figure centrale de l’Ancien Testament. Alors que sur le Mont Sinaï Dieu lui donne la Loi, le peuple, fatigué de marcher avec un Dieu invisible, la transgresse en demandant à Aaron un dieu qui soit à sa portée. Le veau d’or est une tentation constante sur le chemin de la foi : se construire un dieu compréhensible, conforme à nos projets ! Dieu ayant révélé sa colère à Moïse, celui-ci intervient en faveur du peuple pécheur. Sa prière d’intercession est toute centrée sur la fidélité et la grâce du Seigneur. Moïse est préoccupé à la fois par le sort de son peuple et par l’honneur qui est dû au Seigneur, pour la vérité de son nom. Amour des frères et amour de Dieu sont inséparables dans sa prière. En cherchant le désir de Dieu, l’intercesseur entre toujours plus profondément dans la connaissance du Seigneur et de sa miséricorde et il devient capable d’un amour qui conduit au don de soi. Chers amis, Moïse nous a indiqué le chemin de la prière qui trouve sa réalisation parfaite dans le Seigneur Jésus, l’intercesseur par excellence. Par lui notre péché est pardonné et la vie nous est donnée en plénitude et pour toujours. En lui la miséricorde de Dieu s’est manifestée dans le monde et nous devenons enfants du Très-Haut !
J’accueille avec joie les pèlerins francophones ! Comme Moïse, soyons aussi des intercesseurs auprès de Dieu, en étant solidaires de nos frères. Désirons ardemment le salut qu’il veut pour tous. Connaissant sa miséricorde, nous serons capables d’aimer jusqu’au don de nous-mêmes. Avec ma Bénédiction !
Traduction : Zenit