Paques. D’un point de vue spatial, le lieu de la crucifixion et de l’ensevelissement sont les mêmes.
du site:
http://www.ssccpicpus.fr/article.asp?contenu_ssrub=Bible&contenu_rub=RESSOURCES
MEDITATION POUR LA SEMAINE SAINTE 2009
Le Jardin du Crucifié
D’un point de vue spatial, le lieu de la crucifixion et de l’ensevelissement sont les mêmes.
Jésus est crucifié au Golgotha, au lieu dit du Crâne (Jn 19,17). Sur la Croix, Pilate fait placer un écriteau où est écrit ce qu’il a rédigé: « Jésus le Narôréen, le roi des juifs » (Jn 19,19).
Quand tout fut achevé, Jésus remit l’Esprit. Vient ensuite le coup de lance. Alors, après ces événements, Joseph d’Arimathie et Nicodème prirent le corps de Jésus. Ils le déposèrent dans un tombeau neuf qui se trouvait dans le jardin « où il avait été crucifié » (19,41). La Passion avait commencé dans un jardin, celui des Oliviers, elle se termine dans un autre.
Avec Jean, le règne végétal permet l’accomplissement des Ecritures, et cela depuis l’entrée à Jérusalem où le peuple prend des branches de palmiers pour acclamer Jésus (Jn 12,13). Mais, plus on s’approche de la mort de Jésus, plus les végétaux indiquent un bouleversement dans la création. Ils servent à tourner en dérision Jésus. Par là, ils soulignent sa mort ignominieuse. La couronne tressée par les soldats est faite avec des épines (19,2). Jésus est suspendu au bois de la Croix. La branche d’hysope, qui sert à approcher de la bouche de Jésus une éponge imbibée d’un vinaigre pour calmer et apaiser les souffrances (19,29), prend un sens différent de celui donné dans l’Ancien Testament. Elle était utilisée dans les célébrations liturgiques pour la purification (Ps 50,9; Lv 14,52) et lors de la Pâque (Ex 12,21-23). Même si elle souligne l’accomplissement du rituel pascal, il n’en demeure pas moins que le règne végétal est bouleversé. Une tige d’hysope ne peut supporter à elle seule le poids d’une éponge imbibée de liquide, fut-ce d’un vinaigre.
Après avoir bu le vinaigre, Jésus meurt. Il ne meurt pas de façon banale. Il dit: « Tout est achevé ». Il incline la tête puis remet l’esprit, son souffle (Jn 19,30). Dans la mort de Jésus, l’heure de sa glorification est arrivée. L’Esprit est donné. Il est donné aux croyants, à tout homme, et aussi à toute la création.
Afin que les corps ne restent pas en Croix le jour du sabbat, les soldats décidèrent d’accélérer la mort des crucifiés en leur brisant les jambes. Seul Jésus n’aura pas les os brisés. Il recevra un coup de lance. L’Écriture s’accomplit (Jn 19,37). Du côté transpercé, il sortit du sang et de l’eau (19,35). Ce récit est propre à Jean.
Plusieurs interprétations théologiques ont été proposées. Nous actualisons cela dans l’Église: dans l’eucharistie avec le sang de la nouvelle alliance, et au baptême avec l’eau. La symbolique est très forte. Nous la retrouvons dans l’Ancien Testament. Chez Zacharie, dans le bouleversement cosmique, les eaux sortent de Jérusalem par le Mont des Oliviers (Za 14). Dans Ézéchiel, le fleuve sort du côté droit du Temple, qui est un lieu clos, tout comme le jardin (Ez 47). Du temple, du corps de Jésus sort un fleuve. Jésus avait promis l’eau vive (Jn 7,37-39). Celui qui rend témoignage (Jn 19,35) a vu l’eau jaillissant du cœur du Crucifié. Désormais, notre jardin est tout irrigué.
En fait, la condition essentielle pour avoir un jardin est d’avoir de l’eau. Nous retrouvons cela dans les jardins bibliques (Is 28,11; Jr 31,12). Quand l’eau vient à manquer, c’est le signe d’une malédiction, d’une désolation (Is 1,30). Le jardin non irrigué signifie le châtiment de Dieu pour Israël, entraînant la perte de récolte, une vie difficile, voire la mort (Am 4,9). Un jardin tout irrigué est signe de bénédiction de la part de Dieu et source de bonheur (Gn 13,10; Is 51,3; Ez 28,2,13.31,8; et Jr 31,12).
De nombreux exégètes font le rapprochement avec un écrit de sagesse: « Et moi, je suis comme un canal issu d’un fleuve, comme un cours d’eau conduisant au paradis. » (Si 24,30). Le Siracide nous renvoie ici au jardin de la Genèse. L’homme sage peut avoir deux attitudes qui sont vues comme paradis de bénédictions: la charité et la crainte du Seigneur (Si 40,17.27). La Loi irrigue le jardin par la Sagesse. Loi et Sagesse sont indissociables. Par la bonté du Seigneur, les eaux seront abondantes. Nous pouvons, par ailleurs, mettre en parallèle ce texte avec celui de la Samaritaine en Jn 4,14: […] « l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissante. »
Enfin, le sang qui sort accompagné de l’eau ne font qu’un seul fleuve. Tous les deux symboles de vie (Lv 17,11). Par rapport au jardin de la Genèse qui en compte quatre, un seul suffit, celui du Christ en Croix (Gn 2, 10-14). De son cœur sort un fleuve qui irrigue le jardin une fois pour toutes. Toute la création en bénéficie.
Joseph d’Arimathie vient avec Nicodème pour ensevelir le corps de Jésus avant le sabbat. Le jour du sabbat, le travail aurait été impossible. Jésus est enseveli dans un tombeau neuf situé dans un jardin qui se trouvait là où il avait été crucifié (Jn 19,41).
Jean précise que Nicodème avait apporté un mélange d’aromates, de myrrhe et d’aloès, d’une très grande valeur (Jn 19,39). Avec les linges, ces aromates servaient à accomplir le rite juif de l’ensevelissement. En fait, la myrrhe est une gomme-résine produite par l’exsudation sous l’écorce de certains arbustes (burburacées). Elle est employée pour parfumer le lit et les vêtements. En l’additionnant à du vin, on en faisait une boisson qui procurait une grande ivresse. Quant à l’aloès, c’est une plante grasse des pays chauds et désertiques, aux feuilles charnues, contenant un suc amer. Elle est connue en médecine pour ses facultés laxatives. Le parfum d’aloès est très rare et cher. Myrrhe et aloès sont souvent mélangés. On retrouve l’aloès dans l’Ancien Testament. La plante est le signe d’une bénédiction de la part de Dieu pour le peuple (Nb 24,6). Elle est mentionnée aussi dans un psaume s’adressant au Roi-Messie (Ps 45,9). Dans les écrits de Sagesse, elle souligne la richesse dans la relation amoureuse entre un homme et une femme (Pr 7,17; Ct 4,14). Avec la myrrhe et l’aloès, Jean souligne non seulement la Royauté messianique de Jésus, mais aussi, une certaine espérance.
L’ensevelissement du « roi des Juifs » se fait donc dans un jardin. Ce n’était pas une habitude en Israël, semble-il, d’enterrer un roi dans un jardin. Dans l’Histoire, deux seulement furent ainsi ensevelis: Manassé (687-642) et Amon (642-640), que l’historiographie deutéronomique condamne pour impies, pour avoir pactisé avec l’Assyrie et pour avoir adoré des idoles étrangères. Tous deux avaient été enterrés dans le jardin du Palais, le jardin d’Uzza (2R 21,18-26; 2Ch 33). Ce jardin d’Uzza était en fait un lieu de mort. Uzza avait été frappé de mort en voulant toucher l’Arche pendant que David dansait autour (2S 6; 1Ch 13). Les deux rois avaient péché ; or Jésus n’a pas péché. De plus, dans sa mort, il nous sauve et sauve toute l’humanité. Le « Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures » (1Co 15,3).
Le corps de Jésus est déposé dans le tombeau du jardin. Alors, commence le sabbat. Le premier homme, Adam, selon certaines traditions rabbiniques, avait vécu le sabbat en dehors du jardin. En Jésus, l’homme pécheur est réintroduit dans le sabbat. Le sabbat, qui est un « Jour du Souvenir » du septième jour de la création et de la sortie d’Égypte, n’est donc pas seulement un temps de repos et de pleurs. Il est un temps de préparation à la vie. Pour Jésus, le jour du sabbat marque un temps, un intervalle entre la mort et la résurrection. En s’inscrivant dans le jardin et dans la création, le sabbat est achèvement mais aussi promesse d’un avenir.
Cette lecture de l’ensevelissement de Jésus dans un jardin, compris comme espace de création, permet de souligner les liens très forts qui existent entre création et sabbat, entre création et salut de l’homme, cela depuis la Genèse (Gn 1-3).
Frère Eric, ss.cc
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.