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« Je suis le Bon Pasteur »
15 mai, 2011Jean Paul II, Audience Génerale, 9 mai 1979 – (sur le Thème du Bon Pasteur, ci-dessous la deuxième audience sur le Bon Pasteur)
15 mai, 2011du site:
JEAN-PAUL II
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 9 mai 1979
(sur le thème du Bon Pasteur, 1)
1. Pendant les quarante jours entre la Résurrection et l’Ascension, l’Église vit le mystère pascal en le méditant dans sa liturgie qui, pourrait-on dire, le reflète comme un prisme. Dans cette contemplation pascale de la liturgie, la figure du Bon Pasteur occupe une place particulière. Le quatrième dimanche de Pâques, nous relisons l’allégorie du Bon Pasteur au chapitre 10 de l’Évangile de saint Jean.
Dès les premiers mots, nous en voyons le sens pascal. Le Christ dit : « Je suis le Bon Pasteur. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. » (Jn 10, 11.) Nous savons que ces paroles ont reçu une nouvelle confirmation pendant la passion. Le Christ a offert sa vie sur la croix. Et il l’a fait avec amour. Il a surtout voulu correspondre à l’amour de son Père qui « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16). En accomplissant « ce commandement… reçu de son Père » (Jn 10, 18) et en révélant son amour, le Christ lui-même a connu d’une façon particulière cet amour du Père. Il le dit dans ce même discours : « Le Père m’aime parce que je donne ma vie, pour la reprendre ensuite. » (Jn 10, 17.) Le sacrifice du calvaire est surtout le don de lui-même, le don de sa vie qui, restant au pouvoir du Père, est rendue au Fils sous une forme nouvelle, splendide. Ainsi donc, la résurrection est le don de la vie rendue au Fils en récompense de son sacrifice. Le Christ en est conscient et il le dit dans l’allégorie du Bon Pasteur : « [ma vie] personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre » (Jn 10, 18).
Ces paroles se réfèrent évidemment à la résurrection et elles expriment toute la profondeur du mystère pascal.
2. Jésus est le Bon Pasteur parce qu’il donne sa vie au Père de cette manière : il l’offre en sacrifice pour ses brebis.
Nous nous trouvons ici devant une splendide et fascinante similitude qui était déjà si chère aux prophètes de l’Ancien Testament. Voici ce que dit Ezéchiel : « Ainsi parle le Seigneur Dieu : je vais chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin. Moi-même je ferai paître mon troupeau et je le ferai reposer. » (Ez 34, 11-15 ; cf. Jr 31, 30)
En reprenant cette image, Jésus a révélé un aspect de l’amour du Bon Pasteur que l’Ancien Testament ne pressentait pas encore : offrir sa vie pour ses brebis.
Dans son enseignement, nous le savons, Jésus se servait souvent de paraboles pour faire comprendre aux hommes, généralement simples et habitués à penser en images, la vérité divine qu’il annonçait. L’image du pasteur et du troupeau était familière à son auditoire et elle l’est toujours pour l’homme d’aujourd’hui. Même si la civilisation et la technique font des progrès fulgurants, cette image est encore et toujours actuelle dans notre réalité. Les bergers conduisent leurs troupeaux aux pâturages (comme par exemple dans les montagnes polonaises d’où je viens) et ils y passent l’été avec eux. Ils les accompagnent lorsqu’ils changent de pâturage. Ils font attention à ce qu’ils ne s’égarent pas et en particulier ils les défendent contre les animaux sauvages, comme nous le lisons dans l’Evangile : « Le loup s’empare des brebis et il les disperse. » (Cf. Jn 10, 12.)
Le Bon Pasteur, dans la parabole du Christ, est précisément celui qui, « voyant venir le loup », ne s’enfuit pas mais est prêt à exposer sa vie en luttant contre le prédateur pour qu’aucune de ses brebis ne se perde. S’il n’était pas prêt à agir ainsi il ne mériterait pas d’être appelé Bon Pasteur. Il serait un mercenaire, non un pasteur.
Tel est le discours allégorique de Jésus. Son sens essentiel c’est que « le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10 11). Dans le contexte des événements de la Semaine sainte, cela veut dire que Jésus, en mourant sur la croix, a offert sa vie pour tout homme et pour tous les hommes.
« Lui seul pouvait le faire ; lui seul pouvait porter le poids du monde entier, le poids d’un monde coupable, le fardeau du péché de l’homme, la dette accumulée du passé, du présent et de l’avenir, les souffrances que nous aurions dû mais que nous ne pouvions payer, « dans son propre corps, sur le bois de la croix » (1 P 2, 24), « par l’esprit éternel, s’offrant lui-même à Dieu comme une victime sans tache… pour servir le Dieu vivant » (He 9, 14). Voilà ce qu’a fait le Christ. Il a donné sa vie pour tous et c’est pourquoi on l’appelle le Bon Pasteur (card. J. H. Newman Parochial and Plain Sermons, 16, Londres 1899, p. 235). Par le sacrifice pascal, tous sont devenus son troupeau parce qu’à chacun il a assuré la vie divine et surnaturelle qui avait été perdue depuis la chute de l’homme à cause du péché originel. Lui seul pouvait la rendre à l’homme.
3. L’allégorie du Bon Pasteur et l’image des brebis qu’elle nous donne sont fondamentales pour comprendre ce qu’est l’Église et sa mission dans l’histoire de l’homme. L’Église ne doit pas seulement être un « troupeau » mais elle doit réaliser le mystère qui s’accomplit toujours entre le Christ et l’homme : le mystère du Bon Pasteur qui offre sa vie pour ses brebis. Saint Augustin dit : « Celui qui t’a cherchée le premier alors que tu le méprisais au lieu de le chercher te méprisera-t-il, ô brebis, si tu le cherches ? Commence donc à le chercher lui qui le premier t’a cherchée et t’a ramenée sur ses épaules. Fais que se réalisent ses paroles : les brebis qui sont à moi écoutent ma voix et elles me suivent. » (Enarrationes in Psalmos, Ps. LXIX, 6.)
L’Église, qui est le Peuple de Dieu, est en même temps une réalité historique et sociale où ce mystère se renouvelle et se réalise continuellement et de diverses manières. Différentes personnes ont une part active dans cette sollicitude pour le salut du monde, pour la sanctification du prochain qui est et ne cesse d’être la sollicitude propre du Christ crucifié et ressuscité. Telle est certainement, par exemple, la sollicitude des parents à l’égard de leurs enfants. Et même la sollicitude de tout chrétien, sans aucune différence, à l’égard de son prochain, de ses frères et de ses sœurs que Dieu met sur son chemin.
Cette sollicitude pastorale est évidemment d’une façon particulière la vocation des pasteurs : prêtres et évêques. Ils doivent d’une façon particulière avoir devant les yeux l’image du Bon Pasteur, méditer toutes les paroles du discours du Christ et y conformer leur vie.
Donnons encore une fois la parole à saint Augustin : « Que les bons pasteurs ne viennent pas à manquer ! Qu’ils ne manquent pas par notre faute et que la miséricorde divine ne cesse de les susciter et de les établir. Il est certain que s’il y a de bonnes brebis il y aura aussi de bons pasteurs. Ce sont en effet les bonnes brebis qui donnent les bons pasteurs. » (Sermones ad populum, I, Sermo XLIV, XIII, 30.)
4. Avec l’évangile du Bon Pasteur, la liturgie de l’Église retrace chaque année la vie et la mort de saint Stanislas, évêque de Cracovie. Dans le calendrier liturgique de l’Église universelle, sa fête tombe le 11 avril, date de son meurtre en 1079, par le roi Boleslas le Hardi. Mais, en Pologne, c’est le 8 mai qu’est célébrée la fête de celui qui est son patron principal.
Il y a cette année neuf cents ans, neuf siècles, qu’avec la liturgie nous pouvons redire qu’il a offert sa vie pour ses brebis (cf. Jn 10, 11). Et même si elle est si loin de nous dans le temps, sa mort ne cesse d’être un témoignage particulièrement éloquent.
Tout au long de leur histoire, mes compatriotes se sont unis spirituellement autour de la figure de saint Stanislas, surtout dans les périodes difficiles.
Cette année, qui est l’année du grand jubilé, en tant que premier Pape polonais et successeur — il y a encore peu de temps — de saint Stanislas sur le siège de Cracovie, je désire participer aux solennités en l’honneur du saint patron de la Pologne.
Avec tous ceux qui célèbrent cette solennité, nous voulons nous rapprocher de nouveau du Christ Bon Pasteur qui « donne sa vie pour ses brebis » afin qu’il soit notre force pour les siècles à venir et pour les nouvelles générations.
Jean Paul II, Audience Génerale, 16 mai 1979 – (sur le Thème du Bon Pasteur, 2)
15 mai, 2011du site:
JEAN-PAUL II
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 16 mai 1979
(sur le Thème du Bon Pasteur, 2)
1. Je voudrais aujourd’hui revenir encore une fois sur l’image du Bon Pasteur. Cette image, comme nous l’avons dit la semaine dernière, est profondément gravée dans la liturgie du temps pascal. Il en est ainsi parce qu’elle imprègne profondément la conscience de l’Église, en particulier de l’Église des premières générations chrétiennes. Nous en avons un témoignage, entre autres, dans les représentations du Bon Pasteur qui datent de cette période historique. Cette image constitue évidemment une singulière synthèse du mystère du Christ et, en même temps, de sa mission qui se poursuit toujours. « Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. » (Jn 10, 11.)
Pour nous qui participons constamment à l’Eucharistie, qui obtenons la rémission de nos péchés dans le sacrement de la réconciliation ; pour nous qui connaissons l’incessante sollicitude du Christ pour l’homme, pour le salut des âmes, pour la dignité de la personne humaine, pour la rectitude et la limpidité des cheminements terrestres de la vie humaine, la figure du Bon Pasteur est aussi éloquente qu’elle l’était pour les premiers chrétiens qui, dans les peintures des catacombes représentant le Christ sous forme du Bon Pasteur, exprimaient la même foi, le même amour et la même gratitude. Et ils les exprimaient en des temps de persécutions où ils étaient menacés de mort à cause de leur foi au Christ ; où ils étaient obligés de chercher des cimetières souterrains pour y prier ensemble et y participer aux saints mystères. Les catacombes de Rome et des autres villes de l’ancien Empire constituent toujours un éloquent témoignage du droit de l’homme à professer publiquement la foi au Christ. Elles sont aussi toujours le témoignage de la force spirituelle qui émane du Bon Pasteur. Il s’est avéré plus puissant que l’ancien empereur, et le secret de cette force c’est la vérité et l’amour dont l’homme a toujours la même faim et dont il n’est jamais rassasié.
2. « Je suis le Bon Pasteur, dit Jésus ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père. » (Jn 10, 14-15) Combien merveilleuse est cette connaissance ! Elle va jusqu’à l’éternelle vérité et à l’amour, dont le nom est le « Père ». C’est précisément de cette source que vient la connaissance particulière qui fait naître la pure confiance. C’est une connaissance réciproque : « Je connais… et elles connaissent. »
Ce n’est pas une connaissance abstraite, une certitude purement intellectuelle qui s’exprime en disant : « Je sais tout de toi. » Une telle connaissance suscite la peur, elle conduit plutôt à se refermer : « Ne touchez pas à mes secrets, laissez- moi tranquille. » « Malheur à la connaissance… qui ne tourne pas à aimer. » (Bossuet, De la connaissance de Dieu et de soi-même, œuvres complètes, Bar-le-Duc 1870, Guérin, p. 86.) Mais le Christ, lui, dit : « Je connais mes brebis », et il s’agit d’une connaissance libératrice qui suscite la confiance. Parce que si l’homme défend l’accès de ses secrets, s’il veut les conserver pour lui seul, il a encore un besoin plus grand : il a « faim et soif » de quelqu’un devant qui il pourrait s’ouvrir, auquel il pourrait se manifester et se révéler lui-même. L’homme est personne et il est de la nature de la personne d’avoir besoin et de garder son secret et de se dévoiler. Ces deux besoins sont étroitement unis, liés l’un à l’autre. L’un se révèle à travers l’autre, et les deux ensemble manifestent le besoin de quelqu’un devant lequel l’homme pourrait se dévoiler. Et plus encore, ils manifestent le besoin de quelqu’un qui pourrait aider l’homme à entrer dans son propre mystère. Mais ce « quelqu’un » doit se gagner la confiance absolue. En se révélant lui-même, il doit confirmer qu’il est digne de cette confiance. Il doit confirmer et révéler qu’il est à la fois Seigneur et serviteur du mystère intérieur de l’homme.
C’est précisément ainsi que le Christ s’est révélé. Lorsqu’il dit: « Je connais mes brebis et mes brebis méconnaissent », ses paroles sont définitivement confirmées par celles qui suivent: « Je donne ma vie pour mes brebis. » (Cf. Jn 10, 11-15.)
Voilà l’image intérieure du Bon Pasteur.
3. Dans l’histoire de l’Église et du christianisme n’ont jamais manqué les hommes qui ont suivi le Christ Bon Pasteur, et ils ne manquent certainement pas aujourd’hui encore. Plus d’une fois, la liturgie se réfère à cette allégorie pour nous présenter certains saints lorsque le calendrier liturgique propose leur fête. Mercredi dernier, nous avons rappelé saint Stanislas, patron de la Pologne, dont nous célébrons cette année le IXe centenaire. Le jour de la fête de cet évêque martyr, nous relisons l’Évangile du Bon Pasteur.
Je voudrais aujourd’hui évoquer un autre personnage dont on célèbre cette année le 250e anniversaire de la canonisation : saint Jean Népomucène. À cette occasion, à la demande du cardinal Tomasek, archevêque de Prague, je lui ai adressé personnellement une lettre spéciale pour l’Église qui est en Tchécoslovaquie et dont je cite quelques phrases : « La grandiose figure de saint Jean est un exemple et un don pour tous. L’histoire nous le montre d’abord comme consacré à l’étude et à la préparation au sacerdoce. Conscient que, selon l’expression de saint Paul, il doit être un autre Christ, il incarne l’idéal de celui qui connaît les mystères de Dieu et qui tend vers la perfection : la perfection des vertus du curé qui sanctifie ses fidèles par l’exemple de ses vertus et de son zèle pour les âmes, et la perfection des vertus du Vicaire général qui s’acquitte scrupuleusement de ses devoirs en esprit d’obéissance à l’Église.
« C’est dans l’exercice de cette charge qu’il trouva le martyre pour la défense des droits et de la légitime liberté de l’Église face aux volontés du roi Venceslas IV, lequel participa personnellement à sa torture, puis le fit jeter du haut d’un pont dans la Moldau.
« Quelques dizaines d’années après sa mort, on commença à dire que le roi l’avait fait tuer parce qu’il n’avait pas voulu violer le secret de la confession. C’est ainsi que, martyr pour la liberté de l’Église, il fut aussi vénéré comme témoin du sceau sacramentel. « Parce qu’il fut prêtre, il semble naturel que les prêtres doivent être les premiers à s’abreuver à sa source, imiter ses vertus et être d’excellents pasteurs. Le Bon Pasteur connaît ses brebis, leurs exigences, leurs besoins. Il les aide à se dégager du péché, à vaincre les obstacles et les difficultés qu’ils rencontrent. À la différence du mercenaire, il va à leur recherche, il les aide à porter leur fardeau et il sait toujours les encourager. Il panse leurs blessures et il les soigne avec sa grâce, surtout au moyen du sacrement de la réconciliation.
« En effet, le Pape, l’évêque et le prêtre ne vivent pas pour eux-mêmes, mais pour les fidèles, de même que les parents vivent pour leurs enfants et que le Christ se donne au service de ses apôtres: « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mt 20, 28.)
4. Dans l’allégorie du Bon Pasteur, le Christ dit aussi : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. » (Jn 10, 16.)
On peut facilement deviner que Jésus-Christ, parlant directement aux enfants d’Israël, ait souligné la nécessité de la diffusion de l’Évangile et de l’Église, par laquelle la sollicitude du Bon Pasteur s’étendait au-delà des limites du Peuple de l’Ancienne Alliance.
Nous savons que ce processus a commencé dès les temps apostoliques, qu’il s’est poursuivi ensuite et qu’il continue à se poursuivre. Nous avons conscience de l’extension universelle du mystère de la rédemption et aussi de la mission de l’Église.
C’est pourquoi, en terminant notre méditation d’aujourd’hui sur le Bon Pasteur, nous prierons avec une force particulière pour toutes « les autres brebis » que le Christ doit encore conduire à l’unité du bercail, qu’il s’agisse de celles qui ne connaissent pas encore l’Évangile, de celles qui l’ont abandonné pour un motif ou pour un autre ou même de celles qui sont devenues ses adversaires acharnés : les persécuteurs.
Que le Christ prenne sur ses épaules et serre près de lui celles qui, d’elles-mêmes, ne sont pas capables de revenir.
Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis, pour toutes.