Archive pour le 2 avril, 2011

prière pour la carême:

2 avril, 2011

du site:

http://www.spiritualite-chretienne.com/prieres/priere_5.html

prière pour la carême:

Délivre-nous, Seigneur,
de tout ce qui nous encombre,
de nos convoitises et de nos complaisances,
de nos vanités et de nos richesses.
Délivre-nous de la crasse du cœur,
de l’envie, de l’ambition, de l’hypocrisie.
Délivre-nous de la rancune et des arrières-pensées,
de tout esprit de calcul et de concurrence.
Délivre-nous de la colère et de l’agressivité,
de l’orgueil et de la vanité.
Délivre-nous des tentations de la violence.
Délivre-nous des tortures et des assassinats.

Apprends-nous, Seigneur, à aimer les autres, tous les autres.
Apprends-nous à convaincre plutôt qu’à vaincre.
Apprends-nous le silence et la patience.
Apprends-nous la force des moyens pauvres.
Apprends-nous à nous désarmer,
car nous savons, Seigneur, grâce à toi,
qu’on ne triomphe jamais que par l’Amour.

Remplis nos cœurs, Seigneur,
non pas d’attendrissement mais de tendresse.
Remplis-nous de compassion pour les autres,
à commencer par les plus proches.
Apprends-nous à partager la souffrance des affligés
et à porter leur fardeau.
Rends-nous attentifs, Seigneur, à ceux qui pleurent
car c’est par leurs yeux que tu pleures.

Fais de nous, Seigneur,
des hommes de la réconciliation,
libérés de toute hargne, incapables d’injures,
détachés de tout, même de nos idées,
libres de tout, même de nos habitudes.
Nous calculons, nous jugeons, nous condamnons,
tandis que Toi, Seigneur,
tu pardonnes et tu fais confiance.
Tu mises tout sur l’Amour et sur la liberté.
Dieu de tendresse et de générosité,
d’accueil et de gratuité,
communique-nous la folie de ta miséricorde.
Et donne-nous de savoir veiller sans cesse,
avec Marie et tous les saints,
aux portes de ton Royaume.

DANS L’EVANGILE, « LE SEUL QUI VOIT VRAIMENT EST CELUI QUI EST NÉ AVEUGLE » (dimanche 3 avril 2011)

2 avril, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-27460?l=french

DANS L’EVANGILE, « LE SEUL QUI VOIT VRAIMENT EST CELUI QUI EST NÉ AVEUGLE »

Commentaire de l’Evangile du dimanche 3 avril 2011, par le P. le Boulc’h
 
ROME, Jeudi 31 mars 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 3 avril 2011, proposé par le P. Laurent Le Boulc’h.
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (9, 1-41)
En sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance.
Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? »
Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui.
Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ; déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir.
Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »
Cela dit, il cracha sur le sol et, avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle, et il lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » (ce nom signifie : Envoyé). L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.

Ses voisins, et ceux qui étaient habitués à le rencontrer – car il était mendiant – dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »
Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui affirmait : « C’est bien moi. »
Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-il ouverts ? »
Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a frotté les yeux et il m’a dit : ‘Va te laver à la piscine de Siloé.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. »
Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. »

On amène aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle.
Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.
A leur tour, les pharisiens lui demandèrent : « Comment se fait-il que tu voies ? » Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et maintenant je vois. »
Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés.
Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. »
Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents
et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? »
Les parents répondirent : « Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle.
Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. »
Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, les Juifs s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie.
Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! »

Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. »
Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. »
Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? »
Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? »
Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ; quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. »
L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.

Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé. Alors il vint le trouver et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? »
Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Il dit : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui.
Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? »
Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’ votre péché demeure. »
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Ils ne sont pas nombreux à voir clair dans cette histoire. L’évangile ne manque pas d’humour : il se trouve que le seul qui voit vraiment c’est celui qui est né aveugle ! Tous les autres, d’une manière ou d’une autre, demeurent dans l’obscurité. Car ce qui fait qu’on devient clairvoyant dans l’évangile c’est le regard dans la foi, c’est de savoir reconnaître en Jésus l’homme qui vient de Dieu, le Seigneur.
Or, la plupart s’y refusent dans cette histoire. Et pour toutes sortes de raisons. Des raisons qui sont aussi quelques fois les nôtres car il nous arrive de ressembler aux voisins, aux parents ou aux pharisiens de l’évangile. Nous refusons de voir, autrement dit nous refusons de croire car voir et croire c’est ici la même chose.
Nous ressemblons donc aux voisins de l’aveugle-né. Ceux-là sont des rationalistes. Ils cherchent à faire rentrer l’évènement de la guérison de l’aveugle dans un cadre qui soit acceptable pour la raison humaine. Ils veulent trouver une explication qui tienne la route : l’homme qui était aveugle n’est pas celui qui voit maintenant. Ce dernier n’a donc pas été guéri parce qu’il n’a jamais été aveugle. Dieu n’a rien à voir avec cette histoire.
De la même manière aujourd’hui, dans notre culture tellement marquée par la science, nous nous méfions de toute lecture un peu magique ou surnaturelle des événements. Nous n’aimons pas, et nous avons raison, laisser intervenir Dieu trop rapidement dans nos histoires. Nous cherchons des explications à tout. Mais c’est au risque quelques fois de devenir des esprits étroits et matérialistes qui ne savent plus accueillir la part de mystère dans nos vies ni voir l’impact de Dieu dans l’existence d’un homme.
Après les voisins, voici les parents de l’aveugle-né. Ceux-là ne sont pas des courageux. Face à l’adversité, ils préfèrent jouer profil bas.
Nous leur ressemblons aussi quelques fois. Aujourd’hui, il est parfois difficile de dire sa foi chrétienne parce qu’on ne sait pas trop quelle réaction cela va déclencher. Il est aussi difficile de poser un geste évangélique quand il nous démarque de ce que font les autres. Comme les parents nous pouvons être tentés alors d’atténuer notre différence chrétienne et de prendre doucement la fuite face aux questions qui dérangent.
Sur la scène de l’Evangile interviennent alors les pharisiens. Ils se présentent comme les défenseurs de la foi, ils rappellent la loi, celle du Sabbat. Conscients de leur importance, ils ne supportent pas que l’aveugle guéri leur fasse la leçon. Ce faisant, ils passent à côté de la révélation du Christ.
Elle nous menace nous aussi cette tentation d’emprisonner notre vie de croyant dans des règles et des principes, dans des pratiques intangibles. Elle nous guette aussi quelques fois cette incapacité à savoir recevoir de ceux qui nous paraissent moins religieux une leçon d’évangile. Comme les pharisiens nous risquons de ne pas voir l’extraordinaire liberté de l’Esprit de Dieu, capable de rejoindre toutes sortes d’hommes. Il arrive que Dieu fasse du hors pistes, qu’il n’emprunte pas nos passages cloutés et nos chemins balisés et l’on s’étonne alors de voir des hommes dont apparemment la vie semblait si loin, cheminer pourtant avec le Christ.
Nous ressemblons aux voisins de Siloë, aux parents de l’aveugle né ou aux pharisiens de Jérusalem, et à chaque fois, c’est comme si nous ne voyions pas clair, comme si nos yeux étaient empêchés de voir. Il nous manque le regard spirituel qui naît du regard du Christ en nous. Et c’est notre monde qui, pris dans son rationalisme, dans sa suffisance, dans ses peurs et ses habitudes, se fait quelques fois aveugle à la présence de Dieu.
Mais elle est aussi heureusement toute proche de nous l’expérience de l’aveugle né sorti de son obscurité. Un jour, nous avons accueilli en nous la rencontre du Christ Jésus. Une Parole d’Evangile nous a touchés, le témoignage de vie d’un homme nous a marqués, une célébration nous a profondément atteints. Il s’est passé quelque chose en nous. Comme une soudaine ou une lente guérison.
Et c’est comme si nos yeux s’étaient ouverts. Comme si nous regardions autrement la vie, la nôtre et celle du monde, illuminés par la foi en l’Evangile. Ce n’est pas que tout soit devenu facile, évident, sans questions. L’Evangile du Christ est devenu cependant pour nous une lumière pour notre vie. En lui nous découvrons nos vies avec ses ténèbres et ses lumières. Et c’est comme un surcroît de lucidité sur nos esclavages mais, plus encore, une confiance reçue, un grand amour qui nous empêche de désespérer des autres, de désespérer de nous-mêmes et de désespérer de Dieu. C’est la capacité de recevoir à chaque instant la vie comme un don de Dieu. C’est une Pâque, un lavement des yeux dans la piscine de Siloë, autrement dit un Baptême à vivre tout au long de notre vie.
Que notre route de Carême soit pour nous et notre Eglise la grâce de cette ouverture plus grande de nos yeux dans la lumière du Christ qui illumine la vie. Amen.
Le P. Laurent Le Boulc’h est curé de la paroisse de Lannion, secrétaire général du conseil presbytéral du diocèse de Saint Brieuc et Tréguier (Côtes d’Armor – France).

Olivier Clément, philosophe de la lumière

2 avril, 2011

du site:

http://www.pagesorthodoxes.net/theologiens/clement/olivier-clement-intro.htm#mathieu

Olivier Clément, philosophe de la lumière

par Rafaël Mathieu

Ce portrait d’Olivier Clément est extrait d’un recueil d’une trentaine de textes réunis par Rafaël Mathieu sous le titre Les identités remarquables, qui vient de paraître aux éditions du Moulin de l’Étoile (1). On le sait : l’art du portrait est tout entier dans l’alchimie d’une rencontre, qui suppose, de la part du chroniqueur, autant d’humilité que de psychologie et d’intelligence des situations — outre une parfaite connaissance de l’œuvre de la personnalité qui lui ouvre sa porte. Journaliste aux talents multiples, Rafaël Mathieu se fait ici tour à tour peintre, écrivain, romancier, photographe, architecte, hermétiste ou métaphysicien pour mieux nous donner à découvrir et comprendre l’itinéraire et l’œuvre d’une trentaine d’artistes, au sens premier du terme. Tous sont très éloignés des circuits balisés d’une certaine notoriété frelatée, mais tous, ou presque, sont auteurs d’une œuvre forte et originale, faite « de main d’ouvrier » — et, chacun dans son domaine, une voix libre parmi lesquels plusieurs sont de proches collaborateurs de Symbole, de Frédérick Tristan à Gérard de Sorval et de Jean Biès à Michel Random… (Jean-Marie Beaume)
« J’aime écouter les autres parler d’eux. Je n’aime pas parler de moi », écrivait Olivier Clément il y a trente ans dans l’un de ses maîtres livres, L’Autre soleil. Alors que paraissent ses Mémoires d’espérance, l’homme n’a pas tellement changé. Il a vieilli, bien sûr, les jambes ne le portent plus guère, mais l’esprit a conservé sa fraîcheur. Tellement moins préoccupé par ses propres rides « que de celles qui marquent le visage du christianisme ». Le visage, le christianisme, ces deux mots résument d’ailleurs, pour ses lecteurs, l’oeuvre de ce personnage à part dont la seule autobiographie possible semble être spirituelle. Sa vie est pourtant exemplaire. De tous les penseurs chrétiens de son temps, Olivier Clément est l’un des rares à avoir vécu le christianisme comme une nouveauté. À avoir éprouvé aussi toutes les angoisses et les contradictions du siècle, à être passé par « le grand creuset du doute ». Pour paraphraser Chesterton, l’immense avantage d’Olivier Clément sur les autres théologiens, c’est que lui a un jour été athée…

Un christianisme « libérateur »
Il est né en 1921 en pays combiste, le Languedoc, « dans une famille qui ne parlait jamais de Dieu ». Son enfance telle qu’il l’a évoquée dans L’autre soleil est celle d’un « païen méditerranéen », bercé par une culture oublieuse de ses racines chrétiennes mais vivace. « Les êtres dit-il, étaient portés, ils vivaient, sans le savoir, sur une ancienne et savoureuse cuisson des choses de la terre au feu de l’Évangile. »
Même le socialisme de son grand-père, « n’était pas une haine de classe, mais une exigence morale. Il ignorait le ressentiment. Mon grand-père était socialiste à l’intérieur d’une civilisation. » Par certains côtés, son parcours fait écho à celui des chrétiens convertis des premiers siècles : la Méditerranée, une culture laïque ou plutôt publique, des hommes enracinés dans leur terre, et puis ici et là, la marque du christianisme, autrefois naissant, désormais disparaissant, malgré les églises romanes de Saint-Guilhem-le-Désert ou de Maguelone. Lui revient un lointain souvenir, une immense croix vert-de-grisée. Sur la croix, un homme mort. Au-dessus de sa tête, une inscription : I.N.R.I. « Je pensais que c’était le nom de l’homme. » Pourtant c’est aussi ce monde qui l’éveille au premier stade de sa vie spirituelle, la découverte de la beauté : « Comme j’ai pu haïr la trop verte Île-de-France, où tout est végétal, mouillé, même la roche, même le ciel – une chair opaque, omnipotente. Tandis qu’en pays méditerranéen, dès qu’on accède aux plateaux solitaires, c’est le feu qui se cristallise. La chair elle-même est céleste. »
Pour passer de cette lumière de l’enfance, à celle, incréée, des Pères de l’Église, il devra pourtant encore se libérer des « maîtres du soupçon » (Marx, Nietzsche, Freud), vaincre son nihilisme, surmonter la tentation du suicide. Si certains doutent encore qu’un livre peut changer une vie, il faut l’entendre parler de sa découverte, pendant la guerre, d’Esprit et Liberté du philosophe russe Nicolas Berdiaev. Le jeune homme s’apprêtait à rejoindre la Résistance. Le germe de sa re-naissance était planté même si toutes les digues de son éducation « laïciste » n’étaient pas encore rompues à commencer par cette « répugnance instinctive et qui s’enracinait dans (s)on enfance ».
« Le catholicisme, on me l’avait présenté comme une énorme et sournoise puissance terrestre, répressive, castratrice. La lecture de Nicolas Berdiaev a été pour moi déterminante car elle m’a permis d’entrevoir un christianisme non pas moralisateur – tel que mes parents et tant d’autres l’imaginaient –, mais profondément libérateur ». Ce n’est donc pas vers le catholicisme qu’il se tournera, ni vers le protestantisme de ses ancêtres cévenols, mais vers cette église orthodoxe et ses grands penseurs (Berdiaev, Lossky, Boulgakov…) exilés par la révolution d’Octobre, dont il est devenu – ironie du destin – l’un des principaux continuateurs.

Une relation charnelle avec le divin
Olivier Clément reçoit le baptême à trente ans (« désormais la lumière était en dedans »); l’agrégé d’histoire – il enseignera longtemps au lycée Louis-le-Grand – se révèle un philosophe religieux de premier plan, affranchi des scléroses et des tabous du christianisme occidental. Le sien passe par le mystère des visages, une relation presque charnelle avec le divin comme dans ses traditions de l’Inde au sein desquelles il dit s’être un temps « dilaté ». Car Olivier Clément n’a rien du penseur en chambre, rien d’éthéré. Chez lui la révélation chrétienne est d’abord une révélation de l’humain, l’avènement de la personne, « un accomplissement de l’humain dans le divin ». Il n’est pas sûr d’ailleurs qu’au sein même du monde orthodoxe, ses audaces aient toujours été jugées très canoniques à commencer par son rejet du confessionnalisme… Peu importe d’ailleurs, c’est à travers lui que toute une tradition théologique négligée a été diffusée en France. De même que la découverte de ses livres et d’un christianisme débarrassé des scories de l’histoire ou des pesanteurs sociologiques a été pour beaucoup une décisive révélation. Mais Olivier Clément est plus qu’un passeur. Son œuvre est une invitation à revenir à la source, souvent ignorée des chrétiens eux-mêmes, du message évangélique. Dans une perspective de sursaut créateur.
Ses contemporains se tournent-ils vers les philosophies orientales, qu’il y puise une nouvelle espérance : « On peut imaginer un christianisme renouvelé par cette connaissance des Orients, comme les Pères de l’Église ont été irrigués par la pensée antique… » Dans les dernières pages des Mémoires d’espérance il évoque Plotin. « Âgé, malade, il parlait de la beauté d’une telle manière que les disciples affluaient. »
Olivier Clément n’est peut-être pas Plotin mais de la beauté, ce vieil homme irradié du dedans en parle comme personne. Témoin ce jour en Grèce, où, dit-il, « baigné par une lumière encore plus intense que celle de mon enfance, je suis entré dans la fraîcheur d’une église : la coupole reprenait la ronde bénédiction du ciel, mais un visage s’y inscrivait. Entrer dans cette église avait résumé mon chemin : de l’azur vide à l’azur plein, de l’azur fermé sur sa propre beauté, mais au-delà tout est ténèbres, à l’azur rayonnant autour du Visage des visages. De la lumière à l’autre Lumière. »

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