Archive pour le 28 mars, 2011
MESSAGE DE BENOÎT XVI AU PARVIS DES GENTILS (PARIS)
28 mars, 2011du site:
http://www.zenit.org/article-27415?l=french
MESSAGE DE BENOÎT XVI AU PARVIS DES GENTILS (PARIS)
ROME, Vendredi 25 mars 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral du message vidéo que le pape Benoît XVI a adressé aux particpants à la veillée de clôture de la rencontre du Parvis des gentils, qui s’est déroulée ce vendredi sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Chers jeunes, chers amis !
Je vous sais nombreux rassemblés sur le parvis de Notre-Dame de Paris, à l’appel du Cardinal André Vingt-Trois, Archevêque de Paris, et du Cardinal Gianfranco Ravasi, Président du Conseil Pontifical de la Culture. Je vous salue tous, sans oublier les frères et les amis de la Communauté de Taizé. Je suis reconnaissant au Conseil pontifical d’avoir repris et développé mon invitation à ouvrir dans l’Église des « Parvis des Gentils », image qui rappelle cet espace ouvert sur la vaste esplanade proche du Temple de Jérusalem, pour permettre à toutes celles et à tous ceux qui ne partageaient pas la foi d’Israël de s’approcher du Temple et de s’interroger sur la religion. Là, ils devaient pouvoir y rencontrer des scribes, parler de la foi et, même, prier le Dieu inconnu. Et si, à l’époque, le Parvis était en même temps un lieu d’exclusion, parce que les « Gentils » n’avaient pas le droit de pénétrer dans l’espace sacré, le Christ Jésus est venu « détruire la barrière qui séparait » juifs et gentils. « Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix : en sa personne il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix … » (cf. Ep 2, 14-17), comme nous dit saint Paul.
Au cœur de la Cité des Lumières, devant ce magnifique chef-d’œuvre de la culture religieuse française, Notre-Dame de Paris, un grand parvis s’ouvre pour qu’une nouvelle impulsion soit donnée à la rencontre respectueuse et amicale entre des personnes de convictions différentes. Jeunes, croyants et non croyants, présents ce soir, vous voulez être ensemble, comme dans la vie de tous les jours, pour vous rencontrer et dialoguer à partir des grandes interrogations de l’existence humaine. Beaucoup aujourd’hui reconnaissent qu’ils n’appartiennent pas à une religion, mais désirent un monde neuf et plus libre, plus juste et plus solidaire, plus en paix et plus joyeux. En m’adressant à vous, je mesure tout ce que vous avez à vous dire : incroyants, vous voulez interpeller les croyants, notamment en exigeant d’eux le témoignage d’une vie qui soit en conformité avec ce qu’ils professent et en refusant toute déviation de la religion qui la rendrait inhumaine. Croyants, vous voulez dire à vos amis que ce trésor qui vous habite mérite un partage, une interpellation, une réflexion. La question de Dieu n’est pas un danger pour la société, elle ne met pas en péril la vie humaine ! La question de Dieu ne doit pas être absente des grandes interrogations de notre temps.
Chers amis, vous avez à construire des ponts entre vous. Sachez saisir la chance qui vous est présentée pour trouver au plus profond de vos consciences, dans une réflexion solide et argumentée, les voies d’un dialogue précurseur et profond. Vous avez tant à vous dire les uns aux autres. Ne fermez pas votre conscience aux défis et aux enjeux qui sont devant vous.
Je crois profondément que la rencontre entre la réalité de la foi et celle de la raison permet à l’homme de se trouver lui-même. Mais trop souvent la raison se plie face à la pression des intérêts et à l’attraction de l’utilité, contrainte de reconnaître cette dernière comme critère ultime. La recherche de la vérité n’est pas facile. Et si chacun est appelé au courage de se décider pour la vérité, c’est parce qu’il n’existe pas de raccourcis vers le bonheur et la beauté d’une vie accomplie. Jésus le dit dans l’Évangile : « La vérité vous rendra libre. »
Il vous appartient, chers jeunes, de faire que dans votre pays et en Europe, croyants et non croyants retrouvent le chemin du dialogue. Les religions ne peuvent avoir peur d’une juste laïcité, d’une laïcité ouverte qui permet à chacun et à chacune de vivre ce qu’il croit, en conformité avec sa conscience. S’il s’agit de bâtir un monde de liberté, d’égalité et de fraternité, croyants et non croyants doivent se sentir libres de l’être, égaux dans leurs droits de vivre leur vie personnelle et communautaire en fidélité à leurs convictions, et ils doivent être frères entre eux. L’une des raisons d’être de ce Parvis des Gentils, c’est d’œuvrer pour cette fraternité au-delà des convictions, mais sans en nier les différences. Et, plus profondément encore, reconnaissant que seul Dieu, dans le Christ, libère intérieurement et nous donne de nous rencontrer en vérité comme des frères.
La première des attitudes à avoir ou des actions que vous pouvez faire ensemble est de respecter, aider et aimer tout être humain, parce qu’il est créature de Dieu et d’une certaine manière la route qui mène à Lui. En poursuivant ce que vous vivez ce soir, contribuez à faire tomber les barrières de la peur de l’autre, de l’étranger, de celui qui ne vous ressemble pas, peur qui naît souvent de l’ignorance mutuelle, du scepticisme ou de l’indifférence. Devenez attentifs à resserrer les liens avec tous les jeunes sans distinction, c’est-à-dire en n’oubliant pas ceux qui vivent dans la pauvreté ou la solitude, ceux qui souffrent du chômage, traversent la maladie ou se sentent en marge de la société.
Chers jeunes, ce n’est pas seulement votre expérience de vie que vous pouvez partager, mais aussi votre approche de la prière. Croyants et non croyants, présents sur ce parvis de l’Inconnu, vous êtes invités à pénétrer aussi dans l’espace sacré, à franchir le magnifique portail de Notre-Dame et à entrer dans la cathédrale pour un moment de prière. Cette prière sera pour certains d’entre vous une prière à un Dieu qu’ils connaissent dans la foi, mais elle peut être aussi pour d’autres une prière au Dieu Inconnu. En vous unissant à celles et à ceux qui dans Notre-Dame sont en train de prier, en ce jour de l’Annonciation du Seigneur, chers jeunes qui ne croyez pas, ouvrez vos cœurs aux textes sacrés, laissez-vous interpeller par la beauté des chants, et si vous le voulez bien, laissez s’élever vers le Dieu Inconnu les sentiments qui vous habitent.
Je me réjouis d’avoir pu m’adresser à vous ce soir pour ce moment inaugural du Parvis des Gentils. J’espère que vous voudrez bien répondre à d’autres rendez-vous que je vous donne, notamment aux Journées Mondiales de la Jeunesse, cet été, à Madrid. Le Dieu que les croyants apprennent à connaître vous invite à le découvrir et à en vivre toujours davantage. N’ayez pas peur ! Sur la route d’un monde nouveau que vous parcourez ensemble, soyez des chercheurs d’Absolu et des chercheurs de Dieu, même vous pour qui Dieu est le Dieu Inconnu. Et que Celui-ci, qui aime chacun et chacune d’entre vous, vous bénisse et vous garde. Il compte sur vous pour prendre soin des autres et de l’avenir, et vous pouvez compter sur Lui
(Texte original: Français]
INITIATION AU MONACHISME DES PREMIERS SIÈCLES CHRÉTIENS (Etudes sur l’Orthodoxie Copte en France)
28 mars, 2011du site:
http://eocf.free.fr/text_cours_monachisme_egypte_8.htm
INITIATION AU MONACHISME DES PREMIERS SIÈCLES CHRÉTIENS
Égypte et Palestine
par Soeur Véronique DUPONT, osb, Venière
CHAPITRE VIII
LA PRIERE DE JESUS DANS LA TRADITION DU DESERT D’EGYPTE
L’ébauche d’une théologie du nom de Jésus, post-scripturaire, peut être discernée dans un écrit aussi ancien que Le Pasteur d’Hermas, ouvrage dans lequel on trouve cette phrase : « Le Nom du Fils est grand et immense, et c’est lui qui soutient le monde entier ». Mais c’est dans le désert d’Egypte, au IVe siècle, que se trouvent les racines de cet arbre merveilleux de la « la prière de Jésus ».
LES PLUS ANCIENS TEMOIGNAGES
On trouve dans la littérature du désert l’évocation de guérisons et d’exorcismes « au nom de Jésus », par exemple dans la vie d’Antoine ou celle de Synclétique. Mais c’est le murmure du nom de Jésus qui fera naître la prière de Jésus.
Pour les Pères du désert, la prière, c’est la prière au sens biblique, évangélique du terme, c’est-à-dire la prière vocale de demande (même si elle est silencieuse, tacite, implicite). C’est aussi une oeuvre, une activité particulière, une occupation dans la journée du moine. Et vous connaissez bien les apophtegmes, on prie en travaillant. La prière tend à devenir continuelle jusque dans le travail et dans toutes les occupations du moine. Cette prière est courte, c’est pourquoi on l’appelle monologiste : une seule parole. Elle est souvent accompagnée de gestes, mais pas toujours; on se lève, on se prosterne, on lève les mains, les yeux… Cette prière se caractérise par la brièveté de sa formule et aussi par sa répétition afin de tendre à la prière continuelle selon le précepte de l’Evangile « Priez sans cesse », repris par Paul (1Th.5,17). Cette prière courte, dont la formule peut varier, est distincte de la psalmodie ou de l’oraison.
Chez les premiers Pères du monachisme égyptien, cette prière a consisté en la répétition quasi incessante du verset du psaume 69 « Deus in adjutorium… ». Elle visait à protéger le moine de toutes les attaques du démon certes, mais elle visait aussi à le purifier « en le dépouillant des richesses de toutes les pensées et en le réduisant à la pauvreté de ce verset ». C’est une monologie verbale et mentale qui assure la continuité du souvenir de Dieu et la continuité de la prière.
Peu à peu, les Anciens du désert vont prendre non plus seulement ce verset mais l’un ou l’autre verset psalmique. Au fil de notre lecture des apophtegmes, nous en indiquons quelques-uns :
Amoun : « Reste assis dans ta cellule, mange un peu chaque jour, aie continuellement la parole du publicain dans ton cœur et tu pourras être sauvé ».
» O Dieu, sois-moi propice à moi pécheur ».
Arsène : » Seigneur, conduis-moi de façon que je sois sauvé ».
Lucius: « Aie pitié de moi , ô mon Dieu ».
Abba Paul : « Aie pitié de moi ».
Abba Sisoès : « Seigneur protège-moi de ma langue ».
Amma Sara: « O Dieu, donne-moi la force ».
Jean Kolobos: « Seigneur, donne-moi l’endurance dans les combats ».
Anonyme: « Seigneur, secours-moi ».
Abba Macaire: « Seigneur, comme tu veux, comme tu sais, aie pitié ».
Un Ancien : « Fils de Dieu, secours-moi ».`
Sérapion: « Seigneur, apprends-moi à faire ta volonté ».
Vous me direz que dans ces invocations il est bien peu question du nom de Jésus. En fait, Dom Régnault démontre très savamment que « Seigneur » désigne généralement le Christ. N’oublions pas, en effet, que nous sommes en pleine hérésie arienne.
Toutes ces expressions de prières ont la même structure générale, à savoir :
. C’est une formule courte et simple,
. qui est une prière, au moins implicitement sinon dans sa forme classique,
. qui est répétée fréquemment, sinon continuellement.
Marc l’Ermite lui donne le nom de monologistos parce qu’elle exclut la multiplicité des paroles et surtout la multiplicité et la variété des pensées. Cette « monologie » de la prière vocale est ordonnée à l’unification et à la purification de l’esprit en vue de la prière du coeur qui est, pour les anciens, une « vraie prière ».
Ainsi, peu à peu, la pratique des Vieillards va s’unifier, et de cela va jaillir une pratique particulière, recommandée par plusieurs Anciens et qui va se répandre de plus en plus; c’est ce que l’on va appeler « la triple formule », à savoir :
« Jésus, aie pitié de moi,
Jésus, secours-moi,
Je te bénis mon Dieu ».
Au Ve siècle, Barsanuphe dira « Kyrie eleison, je te bénis mon Dieu »; Dorothée avait appris à Dosithée, son jeune disciple de Gaza, à garder toujours le souvenir de Dieu en disant sans cesse : « Seigneur Jésus, aie pitié de moi ». Mais déjà pour Diadoque de Photicée (milieu du Ve siècle) et pour Nil (qui est sans doute Evagre, comme vous le savez), cette prière monologiste est l’invocation constante du Nom de Jésus, laquelle est la meilleure arme à employer nuit et jour contre les démons, le moyen excellent pour purifier son coeur, pour y entretenir un fervent souvenir de Dieu et l’élever à la contemplation.
Saint Augustin affirme, dans sa Lettre 20 , que les moines d’Egypte font des prières fréquentes mais brèves, pareilles à des jets « quodammodos iaculas » (d’où l’expression « prière jaculatoire »). Cassien, pour sa part, rapporte qu’il a reçu de l’Abba Isaac cette prière monologiste comme un secret transmis depuis la première génération des moines des Kellia et de Scété.
Comme l’écrit le Père Régnault, ce n’est pas un hasard si cette prière monologiste est apparue dans le monde monastique d’Egypte et si elle s’est ensuite propagée partout où les Paroles des Vieillards étaient à l’honneur (par exemple et très spécialement à Gaza au VIe siècle). Les Vieillards en effet, s’expriment avec la même concision pour s’adresser à Dieu et pour parler aux hommes. Leurs conditions de vie les y portent : dans la solitude et le silence du désert ces pionniers du monachisme sont parvenus à une merveilleuse simplicité de coeur qui se reflète dans le peu de mots de leurs frères et de leurs sentences.
Plus profondément encore, cette prière monologiste se rattache à l’esprit évangélique des pères du désert : « Quand vous priez,….. ne multipliez pas vos paroles… car votre Père sait ce dont vous avez besoin… »(Mt. 6,7-8). Ainsi une formulation brève exprime la confiance filiale du moine qui sait qu’il peut compter sur son Père et n’a pas à se tracasser, à multiplier les demandes, ni à les détailler : « Ne vous faites pas de soucis… Cherchez d’abord le Royaume de Dieu… » Cela devient l’unique nécessaire auquel aspirent ces hommes épris d’absolu. Dans leur prière simple et courte, inlassablement répétée, ils ne demandent que le salut procuré au monde par le Seigneur Jésus.
Vous vous souvenez qu’Evagre a mis par écrit l’enseignement et la pratique des pères du désert d’Egypte, c’est donc à lui que nous devons d’avoir reçu la Prière de Jésus dont il vivait lui-même. L’influence d’Evagre sur le développement ultérieur de la spiritualité monastique – et donc sur la pratique de la prière de Jésus est indéniable. Mais pour bien saisir la floraison hésychaste il conviendrait d’évoquer, avec l’influence d’Evagre, celle du pseudo-Denys, celle du pseudo-Macaire et de toute sa descendance spirituelle jusqu’à Syméon le Nouveau théologien, puis, plus tard, Grégoire Palamas. Mais cela sort du cadre de notre cours.
Etudes sur l’Orthodoxie Copte en France