Archive pour le 19 mars, 2011
dimanche 20 mars 2011 – 2e de Carême – Homélie
19 mars, 2011du site:
http://www.homelies.fr/homelie,2e.dimanche.de.careme,3096.html
dimanche 20 mars 2011 - 2e de Carême
Famille de saint Joseph Mars 2011
Homélie-Messe
La Parole de Dieu est bénédiction pour Abraham et pour tous ses fils. Mais en premier lieu, l’appel de Dieu est désappropriation ; Abraham est appelé à quitter ce qu’il connaît pour se lancer vers ce qu’il ne connaît pas. Le Seigneur lui demande en effet : quitte « ton » pays, « ta » famille, la maison de « ton » père et va vers « le pays que je te montrerai ». Par le jeu des pronoms personnels, le Seigneur renseigne Abraham sur la portée de son appel ; plus qu’un nouveau pays, le patriarche devra découvrir une relation nouvelle entre Dieu et l’homme — « je te bénirai » — et entre les hommes — « en toi seront bénies toutes les familles de la terre ». Le cercle des relations d’Abraham dépasse les frontières de son clan et s’ouvre à l’infini, infini de Dieu, immensité des nations.
La bénédiction suit ce mouvement et prend une ampleur nouvelle. Dieu, nous le savons bien, crée en séparant. Le départ d’Abraham annonce donc un épanouissement nouveau de la vie, il est le signe que Dieu ne se laisse pas mettre en échec par le péché de l’homme et ne renonce pas à son projet de salut. Les familles des peuples se sont divisées ; Dieu décide que la bénédiction passera par un seul homme pour les rejoindre tous. La promesse faite à Abraham est ainsi le fondement d’une alliance nouvelle où l’homme est appelé à collaborer à la réalisation de son salut. Quelle audace ! Dieu fait confiance à Abraham pour que sa bénédiction rejoigne l’ensemble des nations ; Dieu confie à un homme ce que tous les autres sont destinés à recevoir.
Voyons comment le Seigneur procède. Il y a d’abord une promesse destinée à Abraham seul. Appelé à quitter son pays pour un autre, que le Seigneur lui fera voir, le patriarche reçoit pour famille une grande nation. Puis, le Seigneur lui promet la bénédiction, récompense pour ceux qui renoncent à la convoitise et à l’autonomie. Cependant, notons que l’attitude d’Abraham seul n’est pas déterminante. Dieu accompagne en effet sa promesse d’une condition : « je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te méprisera ». Pour recevoir la bénédiction confiée à Abraham, il faut le respecter, il faut renoncer à jalouser le don qui lui a été fait. En un mot, pour recevoir la bénédiction, il faut renoncer au meurtre fratricide. Caïn, en effet, n’avait pas compris que son frère était pour lui un chemin de vie ; aveuglé par la souffrance de ses désirs déçus, il a sombré dans la malédiction et dans la mort. Cette condition que Dieu ajoute à sa promesse est une invitation à bénir le frère sur qui repose la bénédiction, pour bénéficier à son tour du don de la vie.
Finalement, l’appel d’Abraham à quitter son pays nous rejoint sous la forme d’un appel à quitter les terres arides de la jalousie et de la convoitise, car la vie ne s’épanouit que dans le partage et l’échange.
Puis le Seigneur dit : « en toi seront bénies toutes les nations de la terre ». En disant cela, Dieu propose une réponse au péché du jardin de l’Éden : il invite les hommes à entrer dans une dynamique d’alliance où la participation de chacun est nécessaire, une dynamique qui s’exprime dans la communion des différences. Chacun à sa manière joue le même jeu de la vie et met ainsi la mort en échec. Chacun coopère à son salut que, tout à la fois, il reçoit de Dieu et d’autrui. L’originalité est que cette alliance tripartite n’a pas de centre. Dieu se met au service des hommes, l’élu de Dieu porte la vie à ses frères et tous les frères bénissent celui que Dieu a choisi, conscients que l’appel qu’il a reçu représente une chance pour tous. Finalement, au centre de ce réseau est l’alliance, qui ne prive personne ni de sa responsabilité ni de sa liberté.
« Abraham partit, comme le Seigneur le lui avait dit ». Tout est dans le « comme ». Abraham Abraham souscrit à la volonté de Dieu et entre librement dans l’alliance. Voilà qui force notre admiration et mérite notre louange et fait d’Abraham de premier des croyants. Adam et Ève avaient certes reçu eux aussi un appel de Dieu ; mais Abraham ne possède pas déjà le don de Dieu. Il part pour un pays qu’il ne connaît pas encore. Il est le premier homme à faire totalement confiance à Dieu, à engager sa vie uniquement sur la Parole du Seigneur Dieu.
Dans notre itinéraire scripturaire, la deuxième lecture représente la transition idéale vers l’évangile. Comment ne pas nous émerveiller avec saint Paul « car Dieu (…) nous a donné une vocation sainte » ? Comment ne pas louer le Seigneur pour son Élu, son Messie, car « cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible à nos yeux, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté (…) en faisant resplendir la vie » ?
En effet, au jour de la transfiguration, Dieu nous montre le pays qu’il avait promis à Abraham. Il apparaît clairement que nous sommes en route vers la gloire de Dieu. Là est le lieu où nous sommes appelés à demeurer, selon ce qu’exprime le désir de saint Pierre de monter trois tentes. Mais il est trop tôt pour nous installer, la route est encore à faire qui nous sépare de la pleine jouissance des fruits de la résurrection. Nous ferons cependant cette route le cœur léger car aujourd’hui nous goûtons les prémisses de la victoire du Christ notre sauveur.
Mais comment garder ce trésor pour demain ? Comment l’emporter pour qu’il soit notre force aux jours de la Passion ? En imitant Jésus, tout simplement. Le mystère de la transfiguration nous montre que l’alliance tripartite entre Dieu, son Messie et le reste de l’humanité, s’enracine et se déploie dans la prière. Jésus se transfigure à mesure qu’il prie. Au fur et à mesure qu’il s’abîme dans la contemplation du Père, Jésus s’ouvre intérieurement à la béatitude d’être fils. Pendant qu’il voit ainsi le Père, plus précisément parce qu’il voit ainsi le Père, les disciples, eux, voient le Fils. C’est la vision béatifique du Fils qui fait la leur, parce que c’est dans le Père que la lumière du Fils prend sa source.
Nous comprenons donc que la prière, au fond, n’est pas mercantile ; elle nous transforme. Elle nous transfigure. La prière est l’ouverture à tous les possibles de Dieu en nous, et donc à ce possible par excellence qu’est sa lumière. L’alliance que Dieu scelle avec l’humanité est lumière et vie ; et dans la dynamique tripartite, le Christ agit comme un prisme pour cette lumière. Un prisme qui fonctionne d’abord à l’envers. L’éclatement de nos vies est saisi en lui, Jésus recompose notre être profond en un faisceau unique et l’oriente vers Dieu. C’est de cette manière que, dans la prière, l’image du Fils s’imprime en nous et nous unifie en elle, jusqu’à ce que nous lui soyons semblables.
Mais si nous devenons tous semblables au Christ, nous ne devenons pas tous identiques. En nous transfigurant, le Christ transfigure aussi nos différences qui sont un reflet de sa richesse. En ce sens, le Christ est le prisme de l’humanité, c’est-à-dire qu’il révèle ce qu’il y a en nous d’inaliénable, de distinctif et de radicalement individuel. La transfiguration est l’apogée de l’individu, non pas en tant qu’il s’exalte pour faire montre de lui-même, mais en tant qu’il révèle que sa vie prend sa source en Dieu, que sa vie s’épanouit en Dieu et qu’elle est orientée vers lui.
Récapitulons. L’élection d’Abraham nous a appris que l’alliance de Dieu est vie. La manifestation de Jésus-Christ comme Fils de Dieu nous apprend que la nouvelle alliance est lumière et vie. Mais il reste que nous avons, chacun à notre place, chacun à notre manière, à nous engager dans le combat pour la victoire de la vie et pour la manifestation totale de la lumière du Christ. En louant le Messie de Dieu chaque jour, nous accueillons sa vie ; en priant avec lui et en lui, nous nous transformons en lui. C’est à cette condition que nous vivrons les jours de la Passion pour ce qu’ils sont : une manifestation de la tendresse du père, une victoire de la vie, une apothéose de la lumière de Dieu.
Seigneur Jésus, nous te bénissons et nous t’adorons parce que tu es l’Envoyé de Dieu qui transmet la vie à toutes les familles de la terre. Nous t’acclamons et nous te glorifions car, par ton sacrifice, tu nous donnes en partage ta gloire, tu nous donnes d’être enfants de lumière. Pour que nous puissions te suivre jusqu’au bout, nous nous offrons maintenant à toi, transfigure-nous, transforme-nous à ta parfaite ressemblance, et Dieu notre Père sera tout en tous.
Frère Dominique
Le Carême selon Enzo Bianchi, prieur de Bose
19 mars, 2011du site:
http://viechretienne.eglisejura.com/index.php?p=191
Le Carême selon Enzo Bianchi, prieur de Bose
Chaque année revient le Carême, un « temps plein » de quarante jours que les chrétiens ont à vivre tous ensemble comme un temps de conversion, de retour à Dieu. Toujours les chrétiens doivent vivre en luttant contre les idoles séduisantes, toujours le temps est favorable pour accueillir la grâce et la miséricorde du Seigneur. Pourtant, l’Eglise demande qu’il y ait un temps précis, qui se détache du quotidien, un temps , « autre », un temps fort durant lequel on peut faire converger dans l’effort de conversion la majeure partie des énergies que chacun possède. Car, avec intelligence, elle connaît l’incapacité de notre humanité à vivre dans une tension forte le chemin quotidien vers le Royaume.
Et l’Eglise demande que ce temps s soit vécu simultanément de la part de tous les chrétiens, que tous accomplissent ainsi cet effort ensemble, en communion et en solidarité. Ce sont donc quarante jours pour retourner au Seigneur, pour répudier les idoles séduisantes mais aliénantes, pour connaître mieux la miséricorde infinie du Seigneur.
La conversion, en effet, n’est pas événement réalisé une fois pour toutes. confondre. C’est un dynamisme qui doit être renouvelé dans les divers moments de l’existence, aux différents âges, et surtout quand le temps qui passe conduit le chrétien à s’adapter à la mondanité, à être gagné par la fatigue, à perdre le sens et le but de sa vocatIon, à vivre ainsi sa foi dans une sorte de schizophrénie.
Oui, le Carême est le temps pour retrouver sa propre vérité et sa propre authenticité, avant même d’être un temps de pénitence. Ce n’est pas un temps où « faire » quelque œuvre particulière de charité ou de mortification, mais c’est un temps pour redécouvrir la vérité de son propre être. Jésus affirme que même les hypocrites jeûnent, même les hypocrites font la charité (cf. Mt 6, 1-6 et 16-18) : pour cette raison, précisément, il s’agit d’unifier sa vie devant Dieu et d’ordonner la fin et les moyens de la vie chrétienne, sans les confondre.
Le Carême veut réactualiser les quarante ans d’Israël au désert, en guidant le croyant à la connaissance de soi, c’est-à-dire à la connaissance de ce que le Seigneur déjà connaît du croyant lui-même : une connaissance qui n’est pas faite d’introspection psychologique, mais qui trouve sa lumière et son orientation dans la Parole de Dieu.
Comme le Christ, durant quarante jours au désert, a combattu et vaincu le tentateur grâce à la Parole de Dieu (cf. Mt 4,1-11), de même le chrétien est appelé à écouter, à lire, à prier plus intensément et plus assidûment la Parole de Dieu contenue dans les Ecritures, dans la solitude comme dans la liturgie. La lutte du Christ au désert devient alors vraiment exemplaire et, luttant contre les idoles, le chrétien renonce à faire le mal qu’il est habitué à faire et commence à faire le bien qu’il ne fait pas ! Emerge ainsi la « différence chrétienne », ce qui constitue le chrétien et le rend éloquent dans le compagnonnage avec les hommes, qui le rend capable de montrer l’Evangile vécu, l’Evangile fait chair et vie.