Archive pour le 23 février, 2011
LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION, PAR LE CARD. CLAUDIO HUMMES
23 février, 2011du site:
http://www.zenit.org/article-27050?l=french
LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION, PAR LE CARD. CLAUDIO HUMMES
« Face au nouveau paganisme »
ROME, Lundi 21 février 2011 (ZENIT.org) – « Face au nouveau paganisme », est le titre de la réflexion sur la nouvelle évangélisation, du cardinal Claudio Hummes, préfet émérite de la Congrégation pour le clergé, publiée par L’Osservatore Romano en langue française du 17 février 2011.
« Face au nouveau paganisme »
Avec le motu proprio Ubicumque et semper, Benoît XVI a institué le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, motivé par l’urgence missionnaire incontestable et complexe face à laquelle se trouve aujourd’hui l’Eglise, et par les circonstances actuelles particulières à affronter. Ainsi, encore une fois, notre bien-aimé Pape nous envoie, avec la force de l’Esprit Saint, pour accomplir joyeusement le mandat du Seigneur Ressuscité : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19).
Depuis le début de son pontificat, Benoît XVI parle de l’urgence missionnaire. En 2005, s’adressant aux évêques allemands, il disait déjà : « Vous-mêmes, chers confrères, vous avez affirmé (…) ‘Nous sommes devenus une terre de mission’. Cela vaut pour de grandes parties de l’Allemagne. C’est pourquoi je considère que dans toute l’Europe (…) nous devrions réfléchir sérieusement sur la façon dont aujourd’hui nous pouvons réaliser une véritable évangélisation, pas seulement une nouvelle évangélisation, mais souvent une véritable et réelle première évangélisation. Les personnes ne connaissent pas Dieu, ne connaissent pas le Christ. Il existe un nouveau paganisme et il n’est pas suffisant que nous cherchions à conserver le troupeau existant, même si cela est très important ». En de nombreuses autres occasions, Benoît XVI est revenu sur le thème de l’urgence missionnaire.
Au Brésil, en inaugurant la cinquième Conférence générale de l’épiscopat de l’Amérique latine et des Caraïbes, en 2007, le Pape affirma : « La foi en Dieu a animé la vie et la culture de ces pays durant plus de cinq siècles. (…) Actuellement, cette même foi doit affronter de sérieux défis, car le développement harmonieux de la société et l’identité catholique de ses peuples sont en jeu ». A la fin, la Conférence décida de lancer une mission continentale permanente.
En effet, en Amérique latine, et en particulier au Brésil, la croissance irréfrénable des sectes pentecôtistes et la déchristianisation, conséquence de l’avènement de la culture post-moderne sécularisée, relativiste et laïciste, sont la cause d’une forte diminution du nombre de personnes qui se déclarent catholiques. Aujourd’hui, sur le continent latino-américain, les catholiques courent le risque réel d’être réduits à moins de la moitié de la population.
Dans son motu proprio, Benoît XVI indique là où la nouvelle évangélisation est la plus urgente, c’est-à-dire « en particulier dans les régions d’antique christianisation », comme l’Europe, et dans d’autres où « sont conservées de manière très vivante des traditions de piété et de religiosité chrétienne, mais ce patrimoine moral et spirituel risque aujourd’hui d’être perdu sous l’impact de multiples processus, dont la sécularisation et la diffusion des sectes ».
« Seule une nouvelle évangélisation peut assurer la croissance d’une foi transparente et profonde », affirme le Pape. Il s’agit tout d’abord de nous lever et d’aller à la rencontre des catholiques qui se sont éloignés: ceux que nous, l’Église, nous avons baptisés et que nous avions alors promis d’évangéliser, mais nous n’avons malheureusement pas fait avec succès, en raison de nombreuses circonstances contraires ou par omission, à accomplir ou à renouveler continuellement.
Le défi est de leur apporter ou de leur porter à nouveau la première annonce du Seigneur ressuscité et de son Royaume, pour les conduire à une rencontre forte, personnelle et communautaire avec Jésus Christ vivant et offrir ainsi l’opportunité d’adhérer profondément et personnellement au Seigneur. Même l’homme et la femme de la post-modernité peuvent être à nouveau touchés par une rencontre personnelle avec le Christ, mort et ressuscité. Les premiers destinataires de la nouvelle évangélisation sont cependant tous les pauvres des villes et des campagnes
L’Osservatore Romano – 17 février 2011
1. LA CONCEPTION DU DESERT CHEZ LES MOINES D’EGYPTE
23 février, 2011du site:
http://eocf.free.fr/text_cours_monachisme_egypte_7.htm
INITIATION AU MONACHISME DES PREMIERS SIÈCLES CHRÉTIENS
Égypte et Palestine
par Soeur Véronique DUPONT, osb, Venière
CHAPITRE VII
BREVE SYNTHESE
DE LASPIRITUALITE DES PERES DU DESERT
1. LA CONCEPTION DU DESERT CHEZ LES MOINES D’EGYPTE
Pour bien comprendre la théologie spirituelle des Pères du désert d’Egypte, il convient d’entrer dans la signification du désert pour les égyptiens.
Dans la philosophie et la spiritualité grecques, le thème du désert est considéré comme étant par excellence l’endroit où l’homme jouit du calme; en effet, on joue sur les mots grecs eremios, eremia qui veut dire : désert, et eremia qui signifie : calme, tranquillité. Nous allons retrouver cela, après Philon et sous son influence, dans toute une lignée d’auteurs chrétiens, entre autres lorsqu’ils parlent de la solitude de Jean-Baptiste, ce prototype des anachorètes. Par exemple, chez Clément d’Alexandrie : « Dans le désert, Jean-Baptiste jouissait de la vie calme et de la solitude », ou chez Origène : « Jean-Baptiste fuyant le tumulte des villes, s’en alla au désert où l’air est plus pur, le ciel plus ouvert et Dieu plus familier », ou chez Méthode d’Olympe qui, dans Le Banquet, évoque le désert comme « un endroit où aucun mal ne peut pousser, où tout genre de corruption est stérilisé, zone d’accès difficile pour la foule ». Ainsi, le désert va apparaître comme l’endroit par excellence où se retirera le sage pour méditer loin de la foule, de la corruption et du bruit des villes. Saint Jérôme va aussi idéaliser – et lui de manière très exagérée – le désert où il n’arrivera d’ailleurs pas à vivre. Mais ce n’est pas ainsi qu’il convient de se représenter, dans sa réalité, le désert des moines d’Egypte.
Les égyptiens, hommes du terroir, paysans de la vallée du Nil ou du delta de ce même fleuve, ont en effet une toute autre conception du désert. Le contraste, en Egypte, est très violent entre la terre cultivée sur une très étroite bande de terrain, de la vallée du Nil et les immenses zones désertiques. La vallée fertile est le domaine du dieu de la vie, Osiris, tandis que le désert, terre hostile, est le lieu du dieu malfaisant. Pour un égyptien, le désert est aussi le lieu des tombeaux et donc le domaine de la mort, dans lequel on va rencontrer des bandes de brigands, des nomades et des animaux dangereux (vipères à cornes, hyènes, chacals…) qui sont, pour les égyptiens chrétiens, de vrais démons. Mais je vous ai déjà parlé de cela lorsque nous avons étudié la vie de saint Antoine.. Le désert va être « fertilisé » par les moines; ils vont l’habiter par milliers et le désert devient une cité, avec des jardins.. Il n’est plus le désert, il sera dépeuplé de ses moines…
2. LE COMBAT DE L’ASCETE AU DESERT
Le combat de l’ascète au désert, contre le démon, évoque le récit de la tentation de Jésus (qui fut conduit au désert pour y être tenté par le diable) parce que c’est au désert que l’on peut rencontrer le diable et se mesurer avec lui.
Jésus remporte la victoire sur Satan et inaugure « publiquement » l’oeuvre rédemptrice. Dans cette perspective, le moine allant au désert lutter contre le démon et triompher de lui, reproduit, continue, d’une certaine manière, l’action rédemptrice. L’assimilation entre le Christ et lui est poussée très loin : le moine est un athlète qui va au désert pour affronter les démons, lutter avec eux « les yeux dans les yeux, à front découvert » comme l’écrit Cassien.
Les embûches du démon vont se présenter sous la forme de huit vices, écrivent Evagre puis Cassien. Ces huit vices se classent ainsi :
- Trois concernent le corps (ou les biens extérieurs) :
. La gourmandise (plutôt d’ailleurs la gloutonnerie : l’excès de boire et de manger)
. la luxure,
. l’avarice.
- Trois résident dans l’âme sensible :
. la colère,
. la tristesse,
. la paresse (ou le dégoût de la vie spirituelle, ou l’acédie).
- Deux sont très gros et difficilement déracinables :
. La vaine gloire,
. l’orgueil
l’orgueil de la chair attaque les commençants
. désobéissance
. jalousie
. critique
l’orgueil de l’esprit attaque les moines avancés
. présumer de ses forces
. mépriser la grâce.
Bien sûr, il ne faut pas attribuer aux démons toutes les difficultés! Il y a eu des exagérations. Cependant, les démons s’attaquaient effectivement aux moines de la manière suivante :
- par des tentations (action sur les sens intérieurs)
- par des obsessions (action sur les sens extérieurs)
- par des illusions (présentation subtile du mal sous l’apparence du bien).
Les armes du combat vont être :
- La prière, premier devoir du moine. La pensée de Dieu doit accompagner le moine partout. Bien sûr, il s’agit en tout premier lieu de la prière des psaumes. Jean Cassien montre les moines se relayant pour chanter les psaumes la nuit afin de ne pas être vaincus par les démons aux premiers temps du monachisme.
- Le travail, qui n’est pas séparé de la prière et remplit les heures de la journée car le moine vit du travail de ses mains.
. Le jeûne, excellent moyen d’asservir la chair à l’esprit, mais attention à la vaine gloire et à l’orgueil!
Les victoires :
Car le moine ainsi affermi remporte des victoires, il acquiert peu à peu la maîtrise de soi, la paix du coeur et entre dans la paix de Dieu. Au cours de ses luttes comme de ses victoires, il découvre et vit la contemplation de Dieu.
Le moine ne part pas au désert pour lutter contre le démon mais pour trouver Dieu et c’est bien parce qu’il cherche Dieu que les démons l’attaquent.
3. CHERCHER DIEU
Les moines d’Egypte restent très discrets sur leur vie intérieure. Le moine, comme son nom l’indique, recherche l’unité, l’unification, c’est-à-dire qu’il renonce à tout ce qui est source de division, de partage dans ses activités extérieures certes, mais surtout dans sa vie psychique. Cette exigence essentielle correspond à la fuite au désert. Autrement dit, dans le désert, le moine cherche l’hesychia. Ce mot, difficile à traduire, intraduisible… désigne la tranquillité, la solitude, l’état intérieur dans lequel on peut pratiquer sans distraction le souvenir de Dieu (vivre en présence de Dieu). L’invocation constante « Dieu, viens à mon aide… »tellement mise à l’honneur par Cassien, fait revenir le moine au souvenir constant de Dieu. C’est, pour nous occidentaux, l’inhabitation divine et pour les orientaux la déification. Cette vie avec Dieu peut conduire jusqu’à la transfiguration du corps et de l’âme, ce qui est arrivé à Arsène, au sujet duquel je vous rapporterai l’apophtegme suivant :
Un jour un frère se rendit à la cellule d’Arsène. Mais avant d’entrer, il se tint un moment devant la porte et il aperçut le Vieillard comme entièrement revêtu de feu. Quand celui-ci vint l’accueillir, il le vit fortement ému et lui demanda aussitôt s’il avait vu quelque chose, à quoi le frère répondit qu’il n’avait rien vu, voulant respecter, au prix d’un pieux mensonge, le secret du Veillard.
Certains ont des extases, mais ne consentent pas volontiers à dire ce qu’ils ont vu : c’est leur vie intime, personnelle, avec le Seigneur. Ils ont une grande pudeur à la laisser entrevoir; ils le feront toutefois, s’ils jugent que cela peut être utile à leurs frères. Mais relatons présentement un épisode de la vie de Sylvanos qui dira cela mieux que des explications.
Un jour le disciple de Sylvanos, Zaccharias, entrant dans la cellule, trouva Sylvanos en extase, les mains tendues vers le ciel. Il referma la porte et sortit. Il revint à la sixième heure, puis à la neuvième heure (l’heure du repas!…) et le trouva de même. A la dixième heure, il revint et cette fois-ci, il le trouva assis. Il lui dit :’Qu’as-tu aujourd’hui, Père?’ lL vieillard lui répondit : ‘J’ai été malade mon fils’. Mais le frère lui saisit les pieds et lui dit : ‘je ne te lâcherai pas que tu ne m’aies dit ce que tu as vu’. Alors le Vieillard dit : ‘J’ai été ravi au ciel et j’ai vu la gloire de Dieu; je me suis tenu là jusqu’à présent, et me voici maintenant congédié’.
Mais ce que voient les moines dans leurs visions ce sont… des attributs de Dieu, car « nul ne peut voir Dieu sans mourir ».
Ces visions nous laissent entrevoir la pureté du coeur des Anciens. Libérés de leurs passions, ils « parviennent » à la prière pure dont la vision est la pure lumière. Vous retrouvez là notre ami Evagre. Quelle est cette lumière? C’est la lumière sans forme, la lumière de la Trinité, la lumière « du lieu de Dieu », et ce lieu de Dieu c’est l’intime du coeur (le coeur au sens de centre de l’être, pas à celui de tout l’affectif), c’est l’intellect lui-même revêtu de la lumière qui est celle même de Dieu, qui est Dieu même car « Dieu est lumière ». En son essence, Dieu est lumière et c’est cette lumière qui imprègne le lieu de Dieu. Ce que le moine voit, dans l’état de la prière pure, c’est le reflet lumineux de Dieu sur lui.
Nous sommes là au point le plus élevé de la vision mystique chez les moines d’Orient. Et souvenons-nous que dans leur quête de Dieu, les moines ont toujours dans le coeur le grand désir de la sixième béatitude : « Bienheureux les coeurs purs car ils verront Dieu », et que la vision de Dieu leur sera donnée à l’heure de leur mort, à l’heure de leur Pâque.
Nous atteignons là un sommet spirituel. Sa présentation n’est pas faite pour nous décourager, loin de là. Ce don de Dieu est très marquant d’une période fondatrice unique dans laquelle la suite de la spiritualité monastique a sa racine. Ce sommet est un don tout gratuit de Dieu.
Etudes sur l’Orthodoxie Copte en France