Les dix clés de la prière (7) : Prier avec tout son être

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Les dix clés de la prière (7)

Prier avec tout son être

La prière, on le voit, n’a rien de désincarné. Elle sollicite l’être tout entier. S’il est vrai, comme le dit Thérèse d’Avila, qu’elle consiste à «faire attention à Dieu en l’aimant», la Torah et l’Évangile nous rappellent conjointement qu’il s’agit de répondre ainsi de tout son amour à l’amour que Dieu nous porte le premier. Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton pouvoir, dit le Deutéronome (6,5) ; et Jésus ajoute : de tout ton esprit (Mt 22,37). Ainsi l’homme apparaît-il parfaitement décrit dans ses quatre dimensions. Quatre dimensions où l’on reconnaît l’esprit divin, l’âme immortelle, le cœur profond et ce pouvoir concret en qui on reconnaît le corps. Le corps, ce compagnon de l’âme, cet associé du cœur, ce tabernacle de l’esprit, sans lequel on ne peut prier. Car le corps est pour le Seigneur et le Seigneur est pour le corps. Si donc notre corps est le tabernacle du Saint Esprit, c’est aussi avec lui et par lui, avec notre être tout entier en somme, qu’il convient de prier. L’apôtre peut le dire : Glorifiez donc Dieu dans votre corps ! (1 Co 6,13.20). Et ajouter magnifiquement : Celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit (6,17).
Car le corps, ainsi spiritualisé, est aussi fait pour la prière et il faut savoir l’y associer. En Occident, à force de tout situer au niveau du cérébral ou du rationnel, nous avons un peu oublié de faire participer le corps à la prière. Faute de savoir le faire, nous risquons d’éprouver à ce sujet d’inutiles difficultés ou de rattraper cette frustration essentielle par de bien charnelles compensations.
C’est pourquoi une des clefs de la prière consiste aussi à y orienter son corps afin qu’il y soit pleinement participant et que notre vie tout entière loue celui qui nous a faits. Nous pouvons ainsi devenir, par le biais de ce corps humain, qui est le chef d’œuvre de toutes les réalités créées de ce monde visible, le chantre attitré du Cantique des Créatures (Ps 150 ; Dn 3,51-90). Comme il est bel et bon alors d’élever ses bras, de joindre ses mains, d’incliner son buste, de se signer de la tête aux pieds, de s’agenouiller, de s’asseoir, de se prosterner, de se livrer en somme tout entier, pour prier de tout son corps Celui qui nous a faits et qui, lui-même, Verbe éternel, s’est incarné.
Les disciples de Jésus ont été si saisis par son attitude dans la prière qui sollicitait si visiblement son être tout entier, qu’ils lui ont dit un jour : Seigneur, apprends-nous à prier ! (Lc 11,1). Le judaïsme, l’Islam, les religions orientales appellent des attitudes de prière où le corps s’engage pleinement. Nous devons nous aussi réapprendre à prier ainsi. Faute de pouvoir ou de savoir le faire, nous pouvons nous heurter comme à une porte close et risquer de rester longtemps dans l’antichambre de la contemplation. Eh quoi ! va-t-on encore prier longtemps raides comme des piquets et les bras croisés, enraidis sur un dossier de chaise ? Ou bien ne savez-vous pas que votre corps est un Temple du Saint Esprit qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? (1 Co 6,19). Laissons donc l’Esprit, dans la prière, chanter, supplier, gémir, exulter à travers notre corps. Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit aussi nous fasse agir (Ga 5,25).
Saint Ignace de Loyola l’avait parfaitement compris et c’est pourquoi on le voit si souvent proposer dans ses Exercices spirituels de prier «avec l’application des sens» (§ 65). Il faut savoir regarder et entendre, sentir, toucher et goûter jusqu’aux réalités d’En-Haut ; sinon on risque bien de passer à côté de l’essentiel du mystère de l’Incarnation rédemptrice, car ce n’est pas en vain que Jésus a pris chair de la Vierge Marie, comme le Credo le proclame.
Le croyant, invité par la prière et le silence contemplatif à rentrer au plus profond de soi, s’y découvre lui-même en même temps que Dieu. Et puisqu’il est vrai qu’habite corporellement dans le Christ la plénitude de la Divinité, il faut qu’il découvre que c’est aussi corporellement qu’il se trouve associé en lui à cette plénitude (Col 2,9-10). Son oraison n’en sera que plus sentie, plus vraie et plus remplie. L’être ancien en lui a disparu, un être nouveau est là et le tout vient de Dieu (2 Co 5,17). Car le corps est pour le Seigneur et le Seigneur est pour le corps (1 Co 6,13). On peut par conséquent prier véritablement Dieu et avec son âme et avec son corps. C’est là aussi la raison pour laquelle le jeûne reste un des meilleurs alliés de la prière. C’est par le jeûne au désert que Moïse et Élie ont été élevés peu à peu jusqu’aux sommets de la contemplation divine. C’est par le jeûne que Jésus a triomphé du Tentateur. C’est par le jeûne vécu en secret que l’homme touche le cœur de Dieu son Père. Et c’est par le jeûne associé à la prière que les démons peuvent même être expulsés (Mc 9,29). Voilà pourquoi les temps forts de la contemplation, comme l’Avent, le Carême, les vigiles des fêtes, le vendredi mémorial du sacrifice du Calvaire, sont traditionnellement dans l’Église ouverts au jeûne. Le corps ainsi purifié, libéré, laisse mieux encore le cœur s’ouvrir, l’âme s’élever, l’esprit exulter.
On prie alors avec son être tout entier. Ceux qui savent le faire ont en main la septième clef de la prière.

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