La patience est la vertu des forts

du site:

http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=107

La patience est la vertu des forts

Fr. Paul-Dominique Marcovits

Sg 12, 13. 16-19 – Ps 85 – Rm 8, 26-27 – Mt 13, 24-43 (lire la lecture brève)

Esprit & Vie n°60 / juin 2002 – 2e quinzaine, p. 42.

Cette parabole relate un drame : du bon grain a été semé… Et voilà que de l’ivraie pousse aussi ! Drame des disciples : les foules suivaient Jésus et elles étaient attentives à son enseignement… Et voilà que des gens arrivent, se mettent à critiquer tout et à jeter la suspicion dans les esprits ! C’est le trouble. Drame aussi dans nos vies ensemble : notre communauté, notre famille ou notre entreprise vivaient dans l’harmonie… Et voilà que la zizanie s’infiltre, on ne sait pourquoi ! Tout était calme et l’on se réveille un matin, c’est la guerre !
D’où cela vient-il ? C’est la première question des serviteurs de la parabole et c’est aussi la nôtre. La réponse, lapidaire, est simple. « C’est quelque ennemi qui a fait cela. » Il ne faut pas mésestimer cette réponse. Un « ennemi », dit pudiquement la parabole, « l’accusateur de nos frères », dit l’Apocalypse (Ap 12, 10), le « diable », dit Jésus aussi (Mt 13, 39), « l’auteur du mal », dit la liturgie du baptême… il est toujours là lorsque le bien se développe. Il s’infiltre pour corrompre les plus belles choses. Expérience parfois désespérante ! Nous voulons le bien et voilà que le mal s’approche. Les histoires de fondations des ordres religieux sont pleines de ces épreuves terribles de la division qu’il faut surmonter. Expériences difficiles aussi pour nous qui voyons nos plus belles actions troublées tout d’un coup par le mal. Comment se défaire de cela qui nous entrave, comment se libérer de ce mal ? Que faire aussi de ces gens qui apportent le trouble ?
La solution est simple. Il faut arracher l’ivraie. Il faut retirer du milieu de nous les fauteurs de trouble. Bien sûr, il faut aussi arracher du dedans de nous-mêmes les sources du mal. Voilà l’opinion des disciples. Quand Jésus fut mal reçu par les Samaritains, ils lui proposent la solution radicale : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions au feu de descendre du ciel et de les consumer ? » (Lc 9, 54). Nous sommes de leur avis, surtout lorsque l’ivraie est trop envahissante, lorsque l’atmosphère du mal semble tout recouvrir autour de nous : comment ne pas se révolter devant certains gâchis de la vie ? Comment ne pas vouloir tout assainir ? « Celui-là, il faut le mettre dehors ! » Et c’est parfois la seule solution. Jésus n’a-t-il pas chassé les vendeurs du Temple (voir Mt 21, 12-17) ? N’hésitons pas à le dire : ce désir d’agir radicalement est le signe d’un grand attachement à la vérité, au bien des gens. Un zèle en effet nous saisit de mettre dehors tout ce qui trouble cette terre.
Pourtant, ce n’est pas la solution préconisée ici par Jésus. Il propose une manière d’agir plus souple et en fait plus forte. « Laissez-les pousser ensemble. » Arracher l’ivraie, mettre dehors les impurs, peut être une solution de faiblesse. « Laissez-les pousser ensemble », c’est faire confiance au temps, et le temps, c’est la vie. Empêcher l’œuvre du temps, c’est interdire à la vie de montrer tout son pouvoir. Oui, il y a suffisamment de force dans le bon grain pour se développer malgré la présence de l’ivraie. Jésus pense qu’il y a assez de puissance de vie dans le cœur de ses disciples pour pouvoir vivre même dans un environnement hostile. C’est bien l’expérience de tant d’entre nous qui nous fortifions et qui grandissons dans la foi alors que tant de choses autour de nous voudraient nous en éloigner. Oui, la force du baptême ne s’évapore pas au premier coup de chaleur ! Jésus nous fait confiance. « Tu es capable de tenir ! », nous affirme-t-il. Combien le disent aussi : « Je ne regrette rien. Ces épreuves furent dures pour moi. J’ai tenu car j’ai découvert la force de Dieu en moi. Il y a aussi tant de choses de la vie que j’ai découvertes ! » Oui, l’ivraie n’a pas eu le dessus ; la patience est la vertu des forts.
La parabole se termine bien. Il y a un jugement : l’ivraie est jetée au feu et le bon grain est mis au grenier du Royaume de Dieu. Attention encore là au piège ! Qui annonce ce jugement ? Le maître de la parabole, Dieu, le seul qui puisse juger, et non pas nous. C’est Dieu qui est le maître du temps de la semence, du temps de la germination et de la croissance, du temps de la moisson. Demeurons dans l’humilité, laissons-nous conduire, laissons-nous envahir par la vie de Dieu. Il moissonnera et jugera quand il lui plaira, et ce temps sera toujours celui de la miséricorde. Laissons agir Dieu en nous, sinon nous deviendrons vite de l’ivraie.
Voilà l’espérance extraordinaire de cette parabole. Jésus a mis en nous un dynamisme puissant, il nous fait vivre de sa force. N’ayons pas peur de l’adversité qui vient toujours, ombre de nos vies. Avec le Seigneur, nous tiendrons et nous parviendrons au but : demeurer enfin chez Dieu.

Laisser un commentaire