Archive pour le 18 janvier, 2011
Jésus qui prie (P. Raniero Cantalamessa)
18 janvier, 2011du site:
http://www.cantalamessa.org/fr/omelieView.php?id=118
P. Raniero Cantalamessa, ofmcap
Jésus qui prie
Dimanche 29 juillet
C – 2007-07-29
Luc 11,1-13
L’Evangile du XVIIe dimanche du temps ordinaire commence par ces paroles : « Un jour, quelque part, Jésus était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : ‘Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste l’a appris à ses disciples’. Il leur répondit : ‘Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne.’ ».
Le fait qu’il ait suffit aux disciples de voir Jésus prier, pour tomber amoureux de la prière et demander au Maître de leur enseigner à prier, nous aide à imaginer comment devenait le visage et toute la personne de Jésus lorsqu’il était plongé dans la prière. Jésus leur donne satisfaction, comme nous l’avons vu, en leur enseignant la prière du Notre Père.
Cette réflexion sur l’Evangile est encore une fois inspirée du livre du pape Benoît XVI sur Jésus. « Sans l’enracinement en Dieu, écrit le pape, la personne de Jésus reste fugitive, irréelle et inexplicable. C’est ce sur quoi se base mon livre : celui-ci considère Jésus à partir de sa communion avec le Père. C’est le véritable centre de sa personnalité ».
Les Evangiles justifient amplement ces affirmations. Personne ne peut donc nier, historiquement, que le Jésus des Evangiles vit et agit en faisant continuellement référence à son Père céleste, qu’il prie et enseigne à prier, qu’il fonde tout sur la foi en Dieu. Si l’on élimine cette dimension de Jésus des Evangiles, il ne reste absolument rien de lui.
Une conséquence fondamentale dérive de ce fait historique : il n’est pas possible de connaître le véritable Jésus si l’on fait abstraction de la foi, si on s’approche de lui en tant que non croyant ou athée déclaré. Je ne parle pas ici de la foi dans le Christ, en sa divinité (qui vient après), mais de la foi en Dieu, dans l’acception la plus courante du terme. De nombreux non croyants écrivent aujourd’hui sur Jésus, convaincus d’être ceux qui connaissent le véritable Jésus, et non l’Eglise, et non les croyants. Loin de moi (et je crois aussi du pape), l’idée que les non croyants n’ont pas le droit de s’intéresser à Jésus. Jésus est « patrimoine de l’humanité » et personne, pas même l’Eglise, n’a le monopole sur lui. Le fait que des non croyants également écrivent sur Jésus et se passionnent pour lui ne peut que nous réjouir.
Ce que je voudrais souligner, ce sont les conséquences d’un tel point de départ. Si l’on nie la foi en Dieu ou si l’on fait abstraction de cette foi, on n’élimine pas seulement la divinité, ou le Christ de la foi, mais aussi le Jésus historique tout court. L’homme Jésus ne se sauve même pas. Si Dieu n’existe pas, Jésus n’est qu’un pauvre naïf parmi tant d’autres, qui a prié, adoré, parlé avec son ombre ou la projection de son être, pour reprendre Feuerbach. Mais comment expliquer alors que la vie de cet homme ait « changé le monde » ? Ceci équivaudrait à dire que ce n’est pas la vérité et la raison qui ont changé le monde mais l’illusion et l’irrationalité. Comment expliquer que cet homme continue, après deux mille ans, à interpeller les esprits comme personne d’autre ? Tout cela peut-il être le fruit d’une équivoque, d’une illusion ?
Il n’y a qu’une seule issue à ce dilemme et il faut reconnaître la cohérence de ceux qui (souvent dans le cadre du « Séminaire sur Jésus » californien), se sont engagés sur cette voie. Selon eux, Jésus n’était pas un croyant juif ; il était au fond un philosophe qui avait le style des cyniques ; Il n’a pas prêché un royaume de Dieu, ni une fin du monde prochaine ; il n’a fait que prononcer des maximes sages dans le style d’un maître Zen. Son but était de redonner aux hommes la conscience de soi, les convaincre qu’ils n’avaient besoin ni de lui ni d’un autre dieu, car ils portaient en eux-mêmes une étincelle divine. Il s’agit – quel hasard – de ce que prêche le New Age depuis des décennies !
Le pape a vu juste : sans l’enracinement en Dieu, la figure de Jésus reste fugitive, irréelle, j’ajouterais contradictoire. Je ne crois pas que ceci signifie que seul celui qui adhère intérieurement au christianisme peut comprendre quelque chose, mais cela devrait certes mettre en garde contre le fait de croire que l’on ne peut faire des affirmations objectives sur lui, que si l’on se place à l’extérieur, en dehors des dogmes de l’Eglise.
NOËL 2010 : DÉFENSE DE LA VIE HUMAINE, PAR LE CARD. VINGT-TROIS
18 janvier, 2011du site:
http://www.zenit.org/article-26531?l=french
NOËL 2010 : DÉFENSE DE LA VIE HUMAINE, PAR LE CARD. VINGT-TROIS
Homélie de la Messe de minuit à Notre-Dame de Paris
ROME, Mercredi 29 décembre 2010 (ZENIT.org) – « Dans l’enfant de Bethléem, le Salut est donné aux hommes à travers le signe fragile d’un enfant nouveau né. Une société qui refuse la vie de l’enfant non attendu ou qui cherche à fabriquer l’enfant selon son désir est-elle capable d’accueillir la joie de Noël ? » : c’est la question posée par le cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris, le jour de Noël.
Le président de la conférence des évêques de France a aussi traité la question de la recherche sur l’embryon et celle des enjeux de la révision des lois de bioéthique dans une interview donnée à la télévision LCI que l’on peut trouver en cliquant sur ce lien :
http://www.paris.catholique.fr/Le-cardinal-Andre-Vingt-Trois,16714.html
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Vendredi 24 décembre 2010, messe de minuit
Notre-Dame de Paris
Homélie du cardinal André Vingt-Trois
- Is 9, 1-6 ; Ps 95, 1-3.11-13 ; Tt 2, 11-14
Au cœur de la nuit du monde une lumière s’est levée. La prophétie d’Isaïe ne parlait pas seulement d’Israël, mais selon la mission universelle du Peuple élu, elle vaut pour l’humanité entière : « Une lumière a resplendi sur les habitants du pays de la mort » (Is 9, 1), et elle resplendit aujourd’hui pour nous en ces premières années du troisième millénaire. Saurons-nous en reconnaître et en déchiffrer le signe ?
1. Un « enfant nouveau-né ».
Dieu donne un signe de son amour pour l’humanité. Il manifeste sa grâce pour le salut de tous les hommes. Devant les forces mauvaises qui frappent l’humanité et qui provoquent les drames de l’existence humaine, il est compréhensible que les hommes attendent un signe de puissance, d’une puissance exceptionnelle, qui seule pourrait nous convaincre de cette volonté de salut universel de Dieu. L’humanité attend un signe à la hauteur de ses craintes et de ses angoisses. Elle espère que Dieu, lui au moins, pourrait surmonter ses malheurs et les vaincre. C’est ainsi que tout un courant de la tradition juive attendait, -et attend encore-, un Messie puissant qui rétablirait Israël dans ses prérogatives de Peuple de Dieu. C’est ainsi que Hérode aura du mal à comprendre qu’un Messie puisse naître loin des lieux de puissance. C’est ainsi que les contemporains du Christ douteront que du village perdu de Nazareth en Galilée puisse sortir quelque chose de bon. C’est ainsi que les peuples, aujourd’hui encore, se laissent si facilement séduire par la magie des hommes providentiels ou des systèmes miraculeux qui pourraient leur assurer un avenir meilleur à moindres frais. Quelle est la réponse de Dieu à cette attente de l’intervention d’une puissance supérieure ?
« Voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » (Lc 2, 12) L’ange annonce aux bergers, veilleurs de la nuit, « une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. » (Lc 2, 10-11). Ce Messie surprenant n’apparaît avec aucun des attributs de la puissance qu’on attendrait de lui, mais dans la fragilité d’un enfant nouveau-né. Et, pour ce nouveau-né, à la fragilité habituelle de la naissance s’ajoutent l’inconfort et les aléas d’une naissance au hasard d’un voyage. Qui d’autre que de pauvres bergers habitués à vivre près de leur troupeau à l’écart des villages aurait pu reconnaître le Messie dans les incertitudes de cette naissance aventureuse ?
Seul un acte de foi dans la puissance de Dieu qui agit à travers la faiblesse humaine et les incertitudes de l’avenir permet de reconnaître en cet enfant démuni le signe du Sauveur. Par l’Incarnation du Verbe Eternel de Dieu en cet enfant nouveau-né, méconnu et ignoré de ceux-là mêmes auxquels il apporte le salut, tout nouveau-né est devenu, de quelque manière, un signe de la victoire de la vie sur la mort. Nous comprenons ainsi que la joie de Noël qui traverse le peuple chrétien et, au-delà de lui, atteint tous les hommes, a donné à nos cultures chrétiennes un regard nouveau sur l’être humain venant en ce monde. A travers la faiblesse du nouveau-né de la crèche, nous avons appris à reconnaître le signe de la puissance agissante de Dieu et l’accomplissement de ses promesses dans et par l’humanité. De même, la venue au monde d’un petit d’homme devient un signe et une promesse de vie et d’avenir. Elle porte toujours, dans sa fragilité même, quelque chose de sacré. Elle suscite toujours un émerveillement.
2. Le nouveau-né « dangereux ».
Mais que peut-il rester de cette joie et de cette espérance dans une société qui développe le fantasme de l’enfant objet du simple désir ou source de danger ? Là où nous est donné un signe de salut et d’espérance, elle risque de ne voir qu’un produit de notre ingénierie procréative ou un signe de malheur ! Comment pouvons-nous annoncer la bonne nouvelle de la Nativité dans un monde où une nouvelle vie est considérée comme une production manipulable au gré de nos attentes ou comme une catastrophe à éviter ? Comment entrer dans la joie de Noël si le petit enfant à naître devient celui qu’il faut éliminer par tous les moyens quand on ne l’a pas désiré ou quand il ne correspond pas à nos désirs?
Pour tant d’hommes et de femmes, l’annonce d’une nouvelle naissance devrait être la reconnaissance du fruit de leur amour dans l’émerveillement et la joie commune de recevoir leur enfant comme un don inconnu et non comme le produit qu’ils fabriquent, aménagent ou rejettent. Quelle malédiction frappe notre société pour qu’elle en arrive à redouter cette joie ? Quelles mœurs avons-nous développées pour n’être d’abord sensibles qu’aux inconvénients et aux risques d’une telle promesse ? Quelle indifférence habite nos cœurs pour que la femme qui attend un enfant dans la détresse et l’anxiété ne trouve autour d’elle que le conseil pressant de s’en débarrasser ?
Il n’est pas étonnant que se perde peu à peu le sens de la Nativité et que sombre la joie de Noël si nous ne savons plus nous réjouir de la venue d’un enfant et si nous ne sommes plus disposés à courir l’aventure d’une nouvelle vie avec tout ce qu’elle comporte naturellement d’imprévisible à découvrir et à accueillir, et si nous ne sommes pas résolus à venir en aide à celles qui portent cette promesse. Nous sommes dans l’angoisse maladive devant l’avenir et ses incertitudes. Nous sommes saisis de panique devant les changements qui résulteront de cette naissance. Nous veillons sur nos carrières, notre environnement, notre équilibre financier et les conditions de notre bien-être. Nous ne sommes plus capables de risquer notre tranquillité dans une relation à construire avec un être nouveau qui n’est pas simplement le double ou le clone de notre propre personne ou le produit de la satisfaction de nos désirs. C’est une autre personne qui se propose à notre accueil, à notre découverte, à notre respect et à notre amour. Comment nous étonner que nous soyons aussi gênés devant la joie de la Nativité ?
3. Ouvrir notre vie à la vie.
Pour que le signe du « nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2, 12) devienne vraiment pour nous source de joie et d’espérance, il nous faut à nouveau ouvrir notre vie à la vie de tout être qui vient à nous avec toutes ses potentialités de talents et de qualités, mais aussi de faiblesses de fragilités et de défauts, et avec sa liberté à construire. Si le temps de Noël est un temps de générosité, ce n’est pas d’abord pour nous excuser de nos dépenses des fêtes en donnant quelques billets de banque à droite et à gauche. C’est un temps de générosité, parce que seule la générosité envers notre prochain peut ouvrir notre cœur pour accueillir de nouveaux convives à la table de notre prospérité. Sans ce retournement du cœur nous ne pouvons plus vraiment reconnaître la venue du Fils de Dieu en ce nouveau-né.
Ecoutons la parole de l’ange qui annonce cette naissance : « Ne craignez pas, car je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple. » (Lc 2, 10) N’ayons pas peur d’ouvrir nos maisons et nos cœurs ! Ne nous laissons pas submerger par la crainte de l’avenir. N’ayons pas peur d’ouvrir notre vie à l’irruption de la vie ! Comme la vie de Marie et de Joseph va être bouleversée et transformée par la naissance de Jésus, chacune de nos vies est dérangée et transformée par ceux que Dieu nous donne à accueillir : les enfants à naître, mais aussi tous ceux qui attendent d’être reconnus comme nos semblables et nos frères. N’ayons pas peur d’être dérangés, de nous serrer un peu pour faire place à celui qui vient, de partager, donc de réduire nos moyens financiers, bref, de laisser l’amour déborder nos égoïsmes. Alors, nous pourrons vraiment rendre gloire à Dieu et construire la paix sur la terre. Amen !
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