L’aqueduc – Saint Bernard

du site:

http://www.cathoweb.org/catho-bliotheque/lecture-spirituelle/docteurs-et-pere-de-l-eglise/l-aqueduc-saint-bernard.html

L’aqueduc – Saint Bernard

Publié le 23 octobre 2010 par Jean-Baptiste Balleyguier 

1. Le ciel jouit. de la présence de la Vierge féconde, la terre en vénère le souvenir, là-haut se trouvent tous les biens, ici-bas n’en subsiste que le souvenir ; au ciel la satiété, sur la terre à peine un avant-goût des prémices ; là-haut la chose, ici-bas le nom seulement. « Seigneur, dit le Prophète, votre nom est éternel et la mémoire de votre nom passe de race en race (Psal. CI, 13) ; » de race en race d’hommes sans doute, non point d’anges.
Voulez-vous vous convaincre que son nom et son souvenir seul est en nous, et que sa présence est pour les cieux ? Le Sauveur vous dit : « Voici comment vous prierez : Notre Père qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié (Matt. VI, 9). » Voilà une prière digne d’un fidèle, son début nous rappelle, en même temps, notre adoption de Dieu et notre pèlerinage sur la terre ; afin que nous sachions bien que, tant que nous ne sommes point au ciel, nous sommes en exil loin de Dieu, et que nous gémissons au dedans de nous-mêmes, en attendant l’effet de l’adoption des enfants, je veux dire le bonheur de jouir de la présence de notre Père (Rom. VIII, 23).
C’est donc particulièrement du Christ que parle le Prophète quand il dit : « L’esprit, le Christ Notre-Seigneur est devant notre face ; c’est à son ombre que nous vivrons parmi les nations (Thren. VI, 20) ; » car, au sein de la béatitude de cieux, ce n’est point à son ombre, mais à sa splendeur que l’on vit, selon le mot de l’Apôtre : « C’est au milieu de la splendeur des saints que je vous ai engendré aujourd’hui de mon propre sein (Psal. CIX, 4). » Tel est le langage que tient son Père.
2. Mais sa mère ne l’a point enfanté au sein de la splendeur, elle l’a enfanté à l’ombre, mais à l’ombre dont la couvrit le Très-Haut. C’est donc avec raison que l’Église, non point l’Église des saints qui est maintenant dans les cieux, et dans la splendeur, mais celle qui se trouve actuellement en exil sur la terre, s’écrie « Je me suis assise à l’ombre de celui qui était l’objet de tous mes désirs, et son fruit était doux à mon palais (Cant. II, 3). » Elle s’était, en effet, avancée vers la lumière du midi où l’Epoux fait paître son troupeau, mais elle s’est vue refoulée, et elle n’a plus trouvé que l’ombre au lieu de la lumière, et un simple goût, à la place de la satiété. Elle ne dit pas à l’ombre de celui qui était l’objet de tous nos désirs, mais « Je me suis assise à l’ombre de celui qui faisait l’objet de tous mes désirs. » Elle n’avait point recherché son ombre, mais l’éclat du midi, la pleine lumière de la pleine lumière.
« Et son fruit, continue-t-elle, était doux à mon palais. » Jusques à quand diffèrerez-vous de m’épargner, et de me donner quelque relâche, afin que je puisse un peu respirer (Job. VII, 19) ? Jusques à quand sera-t-il dit, « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux ( Psal. XXXIII, 9) ? » Oui il est doux au goût, et agréable au palais, et on comprend après cela – que l’Épouse ait éclaté en paroles d’action de grâces et de louange.
3. Mais quand sera-t-il dit : « mangez, mes amis, buvez, enivrez-vous, mes bien-aimés (Cant. V, 1) ? Que les justes se réjouissent, » dit le prophète, « mais en la présence de Dieu (Psal. LXVII, 3), » non point à mon ombre. Ailleurs, le même prophète dit encore, en parlant de lui « Je serai rassasié quand apparaîtra votre gloire (Psal. XVI, 15), » et le Seigneur, en s’adressant à ses apôtres, dit également : « Pour vous qui êtes toujours demeurés fermes avec moi dans toutes mes épreuves, je vous prépare le royaume céleste comme mon Père me l’a préparé, afin que vous mangiez et que vous buviez à ma table. » Mais où cela ? « Dans mon royaume (Luc. XXII, 28 à 30), » dit-il. Heureux certainement celui qui mangera son pain dans le royaume de Dieu. Que votre nom soit donc sanctifié, Seigneur, votre nom, dis-je, qui fait que vous êtes parai nous, Seigneur, que vous habitez en nous par la foi, car votre nom a été invoqué sur nous. Que votre règne arrive. Oui, que ce qui est parfait nous arrive, et que ce qui est imparfait soit aboli (I Cor. XIII, 10). L’Apôtre nous dit « le fruit que vous recueillez est pour la sanctification, et la fin sera la vie éternelle (Rom. VI, 22). » La vie éternelle est une source intarissable qui arrose, que dis-je qui arrose ? qui enivre le Paradis tout entier. C’est la fontaine des jardins, et le puits des eaux vives qui coulent avec impétuosité du Liban (Cant. IV, 15), c’est le fleuve qui réjouit la cité de Dieu (Psal. XLV, 5). Mais qu’est-ce que cette fontaine de vie, si ce n’est le Seigneur Jésus ? L’Apôtre nous dit, en effet : « Lorsque le Christ qui est votre vie viendra à paraître, vous apparaîtrez aussi dans la gloire avec lui (Coloss. III, 4). » Sans doute la plénitude s’est faite vide pour étre notre justice, notre sanctification, notre rémission ; elle cessa de paraître une vie, une gloire, une béatitude. Sa source s’est détournée vers nous, les eaux se sont répandues sur les places publiques, bien que nul étranger ne puisse en boire ( Prov. V, 16). Ce filet d’eau du Ciel est descendu à nous par un aqueduc, il ne prit point l’apparence d’une source abondante, mais, laissant tomber la grâce goutte à goutte dans nos âmes arides, il a donné aux lins plus, aux autres moins. L’aqueduc est rempli par ce filet, et on recevait de sa plénitude, mais ou ne reçoit pas la plénitude elle-même.
4. Vous voyez déjà, si je ne me trompe, de qui je veux parler par cet aqueduc : il a pris au coeur du Père, la plénitude même de la source, et nous l’a donnée ensuite, sinon telle qu’il l’avait reçue, du moins telle que nous pouvions la recevoir. Vous savez bien, en effet, à qui s’adressaient ces paroles : « Je vous salue pleine de grâce. » Faut-il nous étonner qu’on ait pu trouver comment faire un tel et si grand aqueduc ? car, à l’exemple de l’échelle que vit le patriarche Jacob (Gen. XXVIII, 12), par le haut il touche aux cieux, que dis-je, il perce les cieux mêmes, et va prendre à sa source cette eau vive, qui se trouve au dessus des cieux. Salomon, frappé d’étonnement, s’écriait avec une sorte de désespoir : « Qui trouvera la femme forte (Prov. XXXI, 10) ? » Sans doute, si le courant de la grâce fut si longtemps desséché pour, le genre humain, c’est qu’il n’avait pas encore cet, aqueduc si désirable, dont je vous parle. Et vous, rues frères, vous ne, serez point surpris qu’on l’ait attendu longtemps, si vous vous rappelez combien d’années le saint homme Noé a travaillé à la construction d’une arche où si peu d’âmes, huit seulement, se sauvèrent et encore pour bien peu de temps.
5. Mais comment notre aqueduc a-t-il pu aller prendre une source si élevée ? Comment ? par la violence du désir, par la ferveur de la dévotion, par la pureté de la prières, selon ce mot : « La prière du juste pénètre les cieux. » Or qui est ce juste ? si ce n’est Marie, la juste, dont nous est né le Soleil même de justice ? Et comment aurait-elle pu atteindre à cette inaccessible majesté, si ; ce n’est en frappant, en demandant et en cherchant ? En effet, n’avait-elle point, trouvé ce qu’elle cherchait quand il lui a été dit : « Vous avez trouvé grâce devant Dieu. » Mais quoi, elle est pleine de grâce et elle trouve encore la grâce ? Elle. était bien digne de trouver ce qu’elle cherchait, puisqu’elle n’était pas satisfaite encore de la plénitude, et ne pouvait se contenter du bien qu’elle avait, et qui, selon ce mot de l’Écriture : « Celui qui me boit, aura soif encore (Eccli. XXIV, 29), » demande d’être inondée pour contribuer au salut de l’univers. » L’Esprit-Saint, dit l’ange, surviendra en vous, » et ce précieux baume coulera en vous avec une telle abondance, et une telle plénitude, qu’il s’épanchera de tous les côtés.
C’est, en effet, ce qui est arrivé, ainsi que nous le sentons par nous-mêmes, car notre face est inondée des parfums de la joie, et nous nous écrions maintenant : « Votre nom est une huile parfumée qui se répand (Cant. I, 2), » et votre souvenir passe de génération en génération. Et ce n’est point, en pure perte qu’il en est ainsi, car si cette huile se répand, elle n’est point perdue pour cela ; car elle est la cause pour laquelle les jeunes filles, je veux dire nos pauvres petites âmes, aiment l’Époux et l’aiment beaucoup ; ses parfums, en descendant de sa tête n’embaument pas sa barbe seulement, mais embaument jusqu’aux franges de ses vêtements.
6. O homme, considère le dessein de Dieu , reconnais le dessein de sa sagesse, le dessein de sa bonté. Avant de répandre la rosée du ciel sur la terre, il la fait tomber tout entière sur la toiture ; avant de racheter le genre humain , il en dépose tout le prix en Marie. Pourquoi agit-il ainsi ? Peut-être n’est-ce que pour excuser Ève par sa fille, et pour ne plus laisser à (homme un prétexte de, se plaindre désormais de la femme. Ne dis plus maintenant ô Adam : « La femme que vous m’avez donnée m’a présenté du fruit défendu (Gen. III, 12) : » dis plutôt, la femme que vous m’avez donnée m’a nourri d’un fruit béni. C’est là déjà un très-pieux mystère ; mais peut-être n’est-ce point tout, peut-être en est-il un autre caché dessous. Celui-là est fondé, mais, si je ne me trompe, il ne suffit pas à vos désirs. Vous y trouverez la douceur du lait, peut-être, en le pressant d’avantage, pourrons-nous en exprimer le beurre. Reprenons donc les choses de plus haut, et voyons avec quels sentiments dé piété et de dévotion celui qui a déposé la plénitude du bien en Marie, veut que nous l’honorions, comme il veut que nous sachions bien que tout, espérance, grâce, salut, tout, dis-je, déborde sur nous de celle qui monte à nos yeux comblée de délices.
Elle est un jardin de délices ; que le divin Auster, non-seulement a caressé de son souffle, en passant , mais qu’il a tout agité, en fondant sur lui d’en haut, afin que ses odeurs parfumées, je veux dire l’onction de ses grâces, s’écoulent et soient emportées au loin. Otez ce soleil qui éclaire le monde , c’en est fait du jour. Enlevez Marie, cette étoile de la mer, mais de notre grande et vaste mer à nous, que reste-t-il , sinon un voile de ténèbres, une ombre de mort, une extrême obscurité.
7. C’est donc du plus intime de nos coeurs, du fond même de nos entrailles et de tous nos voeux que nous devons honorer la vierge Marie, c’est la volonté de celui qui a voulu que tout nous vint par Marie. Oui, c’est ce qu’il a voulu, mais il ne l’a voulu que pour nous, car en toutes choses et de mille manières, elle pourvoit à nos misères, elle nous console dans nos appréhensions , elle excite notre foi, fortifie notre espérance, chasse le désespoir, et relève notre courage. Vous craigniez de vous approcher du père ; effrayé au seul son de sa voix, vous alliez vous cacher sous les feuilles, il vous a donné Jésus pour médiateur. Qu’est-ce qu’un tel fils n’obtiendra point d’un tel père ? Il sera donc exaucé, ou égard à la déférence dont il est digne, car le Père aime son Fils. Est-ce que vous craindriez aussi de vous présenter devant le Fils ? Il est votre frère, il est de votre sang, il a passé par toutes vos épreuves, sauf celle du péché, pour apprendre à devenir miséricordieux.
C’est Marie qui vous l’a donné pour frère. Mais peut-être est-ce sa majesté divine que vous redoutez en lui, attendu que pour s’être fait homme, il n’en est pas moins demeuré Dieu. Vous voulez avoir un avocat auprès de lui, allez à Marie ; en elle, il n’y a rien que l’humanité toute pure , non.-seulement toute pure de toute souillure, mais toute pure de tout mélange d’une autre nature. Or, je n’hésite point à le dire, elle aussi sera exaucée à cause de la considération dont elle est digne. Oui, le fils exaucera sa mère, et le Père exaucera son Fils. Mes petits enfants, voilà l’échelle des pécheurs, là est ma plus grande confiance, là se trouvé toute la raison de nos espérances.
Et quoi, en effet, ce Fils peut-il faire entendre ou essuyer lui-même un refus ? Peut-il se montrer sourd ou ne se point faire écouter. Non, non mille fois. « Vous avez trouvé grâce devant Dieu (Luc. 1, 30), » dit l’ange ; et c’est un bonheur. Toujours elle trouvera grâce, et nous n’avons besoin que de la grâce. Notre Vierge prudente ne demandait point la sagesse comme Salomon, elle ne cherchait ni les richesses ni les honneurs, ni la puissance, elle ne cherchait que la grâce, car il n’y a que la grâce qui nous sauve.
8. Pourquoi désirons-nous autre chose, mes frères ? Cherchons la grâce, mais cherchons-la par Marie, attendu qu’elle trouve ce qu’elle cherche, et qu’elle ne peut être frustrée dans ses désirs. Oui, cherchons la grâce, mais la grâce auprès de Dieu, car la grâce qui n’existe qu’aux yeux des hommes est trompeuse. Que d’autres recherchent le mérite, pour nous, mettons tous nos soins à trouver la grâce. Eh quoi, en effet, n’est-ce pas à la grâce que nous devons d’être ici ? On ne saurait douter que c’est un effet de la miséricorde de Dieu que nous n’ayons point été consumés. Mais de qui parlé-je ainsi ? De nous qui sommes parjures, adultères, homicides et ravisseurs ; de nous, enfin, vrais rebuts du monde. Rentrez dans vos consciences, mes frères, et reconnaissez que la grâce a surabondé là où l’iniquité a été abondante.
Marie n’a point mis en avant son mérite, mais elle a cherché la grâce. En un mot, elle mit tellement sa confiance dans la grâce, elle eut si peu une haute estime d’elle-même, qu’elle se montra effrayée du salut qu’un ange lui adressa. En effet, l’Évangéliste nous dit : « Marie songeait quelle pouvait être cette salutation. » Elle se regardait comme indigne d’être saluée par un ange, et peut-être se disait-elle en elle-même . D’où me vient cet honneur, qu’un ange du Seigneur vienne à moi ?
O Marie, ne craignez rien, ne soyez point étonnée de la visite de cet ange, car il en est un plus grand que lui qui vient aussi à vous. Après tout, pourquoi ne recevriez-vous point la visite d’un ange, puisque vous menez la vie des anges ; pourquoi un des anges ne rendrait-il point visite à celle qui partage leur genre de vie ? Pourquoi ne saluerait-il point une concitoyenne des saints, une domestique de Dieu ? La virginité n’est point autre chose que la vie des anges, car ceux qui n’ont ni femmes, ni maris, seront comme les anges de Dieu.
9. Voyez-vous que c’est ainsi que notre aqueduc monte jusqu’à la source, mais il ne pénètre pas les cieux seulement par la prière, il y entre aussi par l’absence de toute corruption : or la parfaite pureté approche l’homme de Dieu (Sap. VI, 20). » Oui, elle était sainte de corps et d’esprit, ne doutez point qu’en cela il ait rien manqué à cet aqueduc. Il était fort élevé, j’en conviens, mais il n’en était pas moins parfaitement entier.
Elle est donc, en même temps, un jardin fermé, une source scellée, le temple du Seigneur, le sanctuaire même du Saint-Esprit, car on ne saurait la prendre pour une vierge folle, puisqu’elle avait non-seulement de l’huile, mais toute l’huile renfermée dans sa lampe. Elle a disposé des degrés dans son coeur, où elle s’élève en même temps, comme je l’ai déjà dit, par son genre de vie, et par la prière. Enfin elle s’en va par les montagnes en toute hâte, salue Élisabeth, à qui elle prodigue ses services pendant trois mois environ, de manière à pouvoir, elle la mère de Dieu, emprunter, en parlant à cette autre mère, le langage que son fils doit, un jour, faire entendre au fils d’Elisabeth, quand il lui dira : « Laissez-moi faire pour cette heure ; car c’est ainsi qu’il faut que nous accomplissions toute justice (Matt. III, 15). » On peut bien dire qu’elle s’est, en effet, élevée sur la montagne, cette vierge dont la justice est élevée au dessus des montagnes mêmes de Dieu.
La vierge s’élèvera par un troisième degré, c’est comme le triple lien qui se rompt difficilement (Eccli. IV, 12). Si les ardeurs de la charité se faisaient sentir dans sa recherche de la grâce, sa virginité éclatait dans son corps, et son humilité s’élevait dans ses services à Élisabeth, car s’il est vrai que quiconque s’abaisse doit être élevé, que peut-on voir de plus élevé que cette humilité ? Élisabeth s’étonnait de voir que Marie vint à elle, et s’écriait : « D’où me vient cet honneur que la mère de mon Seigneur vienne à moi (Luc. I, 43) ? » Mais ce qui doit l’étonner bien davantage, c’est que Marie, ainsi que son fils le fera un jour, soit venue pour servir, non pour être servie.
Aussi, est-ce avec raison qu’un chantre divin disait à son sujet, dans son admiration prophétique : « Quelle est cette femme qui monte comme l’aurore à son lever ; belle comme la lune, éclatante comme le soleil, et terrible comme une armée rangée en bataille (Cant. VI, 8) ? » Elle s’élève, en effet, bien au dessus du genre humain, elle monte jusques aux anges, elle les dépasse même et s’avance plus haut que toute créature. Il faut d’ailleurs qu’elle aille puiser au dessus des anges cette eau vive qu’elle doit répandre sur les hommes.
10. « Comment cela se fera-t-il, dit-elle, car je ne connais point d’homme ? » Non-seulement cette femme, sainte de corps et d’esprit, avait conservé sa chair vierge, mais elle avait. formé le dessein de la conserver toujours ainsi. L’ange, en lui répondant : « Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, » semble dire, ne m’interrogez point sur ce sujet, il est trop au dessus de moi, et je ne saurais vous répondre.
L’Esprit-Saint, non point un esprit angélique, surviendra cri vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, ce n’est pas moi qui ferai cela. Ne vous arrêtez point parmi les anges. vierge sainte, la terre altérée de soif attend de vous, pour se désaltérer, une eau qui vienne de plus haut ; à peine les aurez-vous dépassés que votre âme trouvera son bien aimé ; si je dis : vous les aurez à peine dépassés, que. vous le trouverez, ce n’est pas que votre Bien-aimé ne soit à une hauteur infinie au dessus d’eux, mais c’est parce que vous ne trouverez plus aucun être entre eux et lui. Passez donc les vertus, les dominations, les chérubins même et les séraphins, et vous arriverez ensuite à Celui dont ils parlent quand ils se disent les uns aux autres : « Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu de Sabaoth (Isa. VI, 3). Le fruit saint qui doit naître de vous sera appelé le Fils de Dieu (Luc. I, 35). » C’est la fontaine de sagesse, le verbe du Père, au plus haut des cieux.. Par votre moyen, ce Verbe se fera chair, et Celui qui dit : « Je suis en mon Père, et mon Père est en moi (Joan. XIV, 10), » dira aussi : « Je suis sorti de Dieu, et je viens de lui. Dans le principe, est-il dit, le Verbe était (Joan. I, 1. »
Dès lors, la source avait jailli, mais, jusqu’à présent, elle n’a jailli qu’en elle-même. Enfin « le Verbe était eu Dieu, » où il habitait une. lumière inaccessible, et le Seigneur disait depuis le commencement : « Les pensées que j’ai sont des pensées de paix, non point des pensées d’affliction (Jerem. XIX, 11). » Mais votre pensée est en vous, et nous ne la connaissons point. Qui connaissait, en effet, la pensée de Dieu, et qui était son conseiller ? La pensée de paix est donc descendue dans une oeuvre de paix ; le Verbe s’est fait chair, et il habite parmi nous.
Oui, il habite, en effet, par la foi, dans nos coeurs, il habite dans notre mémoire, il habite dans notre pensée, il est même descendu jusque dans notre imagination. En effet, quelle idée l’homme se faisait-il de Dieu auparavant ? Ne se le représentait-il point. dans son coeur sous la forme d’une idole ? Il. Il était incompréhensible et inaccessible, invisible et tout à fait insaisissable à la pensée ; mais maintenant il a voulu être saisi, vu et pensé. Comment cela, me direz-vous ? On le verra placé dans une crèche, couché sur le sein d’une vierge, prêchant sur une montagne, passant des nuits en prière, attaché à la croix, dans les pâleurs de la mort, entre les morts, et commandant aux enfers, puis ressuscitant le troisième jour, montrant à ses apôtres les marques de ses clous, en signe de sa. victoire, et enfin s’élevant, devant eux, au plus haut des cieux.
Auquel de ces faits ne peut-on penser avec vérité, avec piété, avec sainteté même ? Toutes les fois que je songé à l’un d’eux, c’est à Dieu que je songe, et, dans tous ces faits, il est toujours mon Dieu. Méditer sur ces choses, c’est pour moi la sagesse, en annoncer le souvenir, dont la douceur est comme l’amande du fruit abondant produit par la verge sacerdotale que Marie est allée cueillir dans les hauteurs des cieux, pour le répandre à profusion sur nous, c’est, à nos yeux, de la prudence.
Oui, c’est bien au plus haut des cieux qu’elle est allée le prendre, et par delà les anges, quand elle a reçu le Verbe du sein de Dieu même, selon ce qui est écrit : « Le jour l’annonce au jour (Psal. XVIII, 2). » Or, par ce mot le jour, il faut entendre le Père, puisque le jour du jour signifie le salut de Dieu. Mais ne peut-on entendre aussi la Vierge, par le même mot ? Oui certes, et elle est même un bien beau jour. Oui, elle est un jour ..plein de vives clartés ; elle s’avance comme l’aurore à son lever, belle comme la lune, élevée comme le soleil.
12. Considérez donc comment elle s’est élevée jusques aux anges par la plénitude de la grâce, et par delà les anges, par la plénitude du Saint-Esprit qui est survenu en elle. On trouve dans les anges charité, pureté, humilité. Laquelle de ces vertus a fait défaut en Marie ? D’ailleurs, je vous en ai parlé tout à l’heure du mieux que j’ai pu ; élevons-nous maintenant jusqu’à sa suréminente.
Or, à qui, parmi les anges, a-t-il jamais été dit : « L’Esprit-Saint surviendra cri vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira. Voilà pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous, sera appelé le Fils de Dieu ? » Après tout, c’est de la terre, non des anges que la vérité est née ; elle n’a pas fait choix des anges, mais de la race d’Abraham. La grandeur de l’ange, c’est d’être le serviteur du Seigneur ; Marie a obtenu quelque chose de bien plus élevé, elle a mérité d’être sa mère.
La fécondité de la Vierge fait, donc toute, la suréminence de sa gloire, et, par ce privilège unique, elle s’est trouvée. placée bien plus haut que les anges, d’autant plus haut qu’elle a reçu un nom bien préférable à celui de simples ministres, dans le nom de mère.
Voilà la grâce qu’a trouvée celle qui est déjà pleine de grâce, elle a eu le bonheur dans sa fervente charité, dans sa virginité, et dans sa pieuse humilité, de devenir grosse sans connaître l’homme, et mère sans connaître les douleurs de l’enfantement, C’est peu encore, le fruit qui est né d’elle est appelé saint, et est le Fils de Dieu (Luc. I, 35).
13. Après cela, mes frères, nous devons particulièrement veiller à ce que le Verbe de Dieu, qui est sorti de la bouche de son père pour venir à nous, par le moyen de la Vierge, ne s’en retourne point vide, et que, par l’intercession de la même Vierge, nous rendions grâce pour grâce. Célébrons son souvenir tant que nous soupirons après sa présence. Faisons ainsi remonter à leur source les courants de la grâce, afin qu’ils nous reviennent encore plus abondants.
Autrement s’ils ne retournent vers leur source, ils se dessécheront, et trouvés infidèles en de moindres grâces, nous ne mériterons point d’en recevoir de plus grandes. Or, c’est bien peu que le simple souvenir dans le présent, c’est peu en comparaison de ce que nous espérons, mais c’est beaucoup par rapport à ce que nous méritons. Oui, le souvenir est bien au dessous du désir, mais il faut avouer qu’il est bien au dessus du mérite.
Aussi, est-ce avec sagesse que l’Épouse se félicite beaucoup d’avoir obtenu ce peu. En effet, après avoir dit : « Dites-moi où vous faites paître vos troupeaux, où vous vous reposez durant le midi (Cant. I, 6), » ne recevant que bien peu, en comparaison de ce qu’elle avait demandé, car au lieu du pâturage de midi, elle ne goûte qu’au sacrifice du soir, au lieu d’éclater en murmures ou de se laisser aller à la tristesse, comme cela ne se voit que trop souvent, elle rend grâces à son bien-aimé, et se montre en tout plus dévouée encore qu’auparavant.
Elle savait bien que si elle se montrait reconnaissante à l’ombre du simple souvenir, elle obtiendrait certainement la lumière de sa présence. Ne demeurez donc point en silence, ô vous qui vous souvenez du Seigneur, ne restez point muets. Il est certain que ceux qui jouissent de la présence de Dieu n’ont pas besoin d’exhortation, et ces paroles du Prophète, « Jérusalem loue le Seigneur, Sion célèbre les louanges de ton Dieu (Psal. CXLVII, 1), » sont des paroles de félicitation, plutôt que des mots d’exhortation ; mais ceux qui vivent encore dans la foi ont besoin qu’on les engage à ne point demeurer muets et à ne pas répondre à Dieu par le silence.
Car pour lui, il fait entendre sa voix, il a des paroles de paix sur son peuple, sur ses saints, sur tous ceux qui se convertissent du fond du coeur. Après tout, il est dit : « Vous serez saint, Seigneur, avec les saints, et innocent avec l’innocent (Psal. XVII, 26). » Dieu écoutera donc ceux qui l’écoutent et adressera fa parole à ceux qui lui parlent. Si vous gardez le silence, vous le forcez donc à le garder aussi lui-même. Mais de. quel silence parlé-je ?
Du silence que gardent ceux qui ne parlent point de sa gloire. Il est dit, en effet. « Ne vous taisez point, et ne demeurez point en silence devant lui, jusqu’à ce qu’il ait affermi Jérusalem et qu’il l’ait rendue un objet de louanges sur la terre (Is. LXII, 7). » Les louanges de Jérusalem sont des louanges aussi douces que belles (Psal. CXLVI, 1). A moins peut-être que nous ne pensions que les anges, qui sont les citoyens de la Jérusalem céleste, s’enivrent les uns les autres de leurs louanges, et se trompent mutuellement dans leurs vains compliments (Psal. LXII, 10).
14. Que votre volonté, ô notre Père, se fasse donc sur la terre comme dans les cieux, pour que Jérusalem soit affermie sur la terre. Mais quoi, l’ange ne désire-t-il point recueillir de la gloire de la bouche de l’ange dans la Jérusalem céleste, et sur la terre l’homme ne brûle-t-il point du désir d’être loué par l’homme ?
O perversité exécrable ! Que ce soit le partage de ceux qui ne connaissent point Dieu et qui ont oublié le Seigneur, mais pour vous, qui vous souvenez du Seigneur, ne vous taisez point et ne demeurez point en silence devant lui (Is. LXII, 6), jusqu’à ce qu’il ait affermi Jérusalem, et qu’il l’ait rendue parfaite sur la terre. Il y a un silence irrépréhensible, il y en a même un qui est louable, de même qu’il y a des paroles qui sont bonnes. Autrement le Prophète ne dirait pas : « Il est bon d’entendre en silence. le salut de Dieu (Thren. III, 27). »
Il est bon que la jactance fasse silence, que le blasphème se taise, que le murmure et la détraction demeurent silencieux. Celui-ci, sous la grandeur de sa tâche et sous le poids du jour, murmure dans son âme, et juge ceux qui sont établis pour veiller à son salut, et qui rendront, compte de son âme. Ce murmure est un cri, et ce cri d’un coeur endurci fait taire. plus que tous les silences possibles, la voix de Dieu qu’elle ne permet plus d’entendre.
Celui-là, dans la pusillanimité de son âme, se fatigue d’attendre, sa défaillance est un affreux blasphème, qui ne sera remis ni en cette vie ni en l’autre. Un troisième s’élève dans ses pensées orgueilleuses au dessus de lui (Psal. CXXX, 1), en disant : ma main est puissante (Dent. XXXII, 27), il se croit quelque chose, et n’est rien. Que pourrait lui dire celui qui ne parle que de paix ? En effet, il dit, je suis riche, je n’ai besoin de rien ; or la vérité a dit : « malheur à vous qui êtes riches, parce que vous avez reçu votre consolation ici bas (Luc. VI, 24), » et encore : » Heureux au contraire ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés (Matt. V, 5). »
Que la voix de la médisance, que celle du blasphème et celle de l’orgueil fassent donc silence en nous, car il est bon d’entendre dans ce triple silence les paroles de salut du Seigneur, et de pouvoir lui dire : « Parlez, mou Dieu, votre serviteur écoute (I Reg. III, 10). » Ces trois voix, en effet, ne s’élèvent point vers Dieu, mais contre Dieu, selon ce que le législateur disait aux murmurateurs : « Ce n’est pas nous, que vos murmures attaquent, c’est le Seigneur (Exod. XVI, 8). »
15. Si vous devez imposer silence à ces trois voix, vous ne devez pourtant point demeurer muets vous-mêmes, et ne parler à Dieu que par le silence. Parlez-lui contre la jactance dans la confession, afin d’obtenir ainsi le pardon du passé. Parlez-lui dans l’action de grâces contre le murmure, afin d’obtenir des grâces plus abondantes en cette vie, Parlez lui, enfin, dans l’oraison contre le découragement, si vous voulez obtenir la gloire dans l’autre monde.
Oui, confessez-vous, dis-je, pour le passé, rendez grâces, pour le présent, et priez avec plus de ferveur pour l’avenir, si vous voulez qu’il ne garde point le silence lui-même sur la rémission, sur le pardon et sur la promesse. Non, non, ne demeurez pas muets, vous dis-je, et ne restez point en silence devant lui ; parlez-lui, et il vous parlera, et il vous dira : « Mon bien-aimé est à moi, et moi je suis à lui (Cant. II, 16). » C’est là un mot bien agréable, une parole bien douce ; on ne peut pas dire que c’est un murmure, à moins que ce ne soit le murmure même de la tourterelle. Ne me dites pas : « Comment pourrions-nous chanter un cantique sur la terre étrangère (Psal. CXXXVI, 5) ? »
Car on ne saurait appeler ainsi la terre dont l’Époux a dit : « La voix de la tourterelle s’est fait entendre dans notre terre (Cant. II, 12). » Elle l’avait entendu dire . « prenez-nous ces petits renards (Ibidem, 15), » et peut-être, est-ce là ce qui la fit éclater en paroles d’allégresse et s’écrier : « Mon bien-aimé est à moi, et moi je suis tout à lui. » Assurément, c’est bien la voix de la tourterelle que celle qui continue à se faire entendre avec une admirable pureté, auprès de son compagnon, soit vivant, soit mort ; et c’est bien la tourterelle qui ne peut se séparer de la charité de Jésus-Christ, ni par la vie ni par la mort. Regardez, en effet, s’il est quelque chose qui puisse éloigner ce bien-aimé de celle qu’il aime, quand on voit qu’il lui demeure encore attaché, même quand elle l’offense et l’abandonne.
Des nuages amoncelés allaient offusquer ses rayons, et nos iniquités creusaient un abîme entre Dieu et nous ; mais le soleil a pris de la chaleur, et il a fondu toutes nos glaces. Autrement, quand seriez-vous revenu à lui, mon frère, s’il n’était demeuré constamment auprès de vous, et s’il n’avait continué à vous dire : « Revenez, revenez, Sunamite, revenez, revenez, que je vous revoie (Cant. VI, 12) ? » Demeurez lui donc, vous aussi, constamment attaché, et que ni les fatigues, ni le fouet même ne vous éloignent de lui.
16. Luttez contre l’ange, et ne faiblissez point ; car le royaume des cieux souffre violence, et il n’y a que les violents qui s’en rendent maîtres. N’est-ce point une lutte, « mon bien-aimé est à moi et moi je suis à lui ? » Il vous a fait connaître son amour (Matt. XI, 12), il lui reste à recevoir des preuves du vôtre. Le Seigneur votre Dieu, vous soumet à bien des épreuves ; souvent il s’éloigne un peu, il détourne son visage, mais ce n’est point dans un mouvement de colère. C’est pour vous éprouver, non pour vous réprouver.
Votre bien-aimé vous a attendu avec patience, attendez-le à votre tour, attendez le Seigneur, agissez en homme. Vos péchés ne l’ont point vaincu, que le fouet dont il s’arme, ne vous éloigne pas non plus, et vous finirez par être béni. Mais quand sera-ce ? Au lever de l’aurore, quand le jour commencera à poindre, quand il aura établi fermement Jérusalem dans la gloire sur la terre. « Et un homme, dit l’historien sacré, lutta contre lui jusqu’au matin (Gen. XXXII, 25). » Mais au matin, Seigneur, faites moi entendre un mot de miséricorde, parce que j’ai mis en vous mon espérance. Je ne garderai point le silence, je ne demeurerai pas muet devant vous jusqu’au matin. Fasse le ciel que je ne demeure pas non plus à jeûn.
Vous daignez me faire paître, et même au milieu des lis. « Mon bien-aimé est à moi, et moi je suis à lui, parce qu’il se nourrit parmi les lis (Cant. II, 16). » Vous vous rappelez, je pense, que dans le même cantique il est marqué d’une tisanière expresse, que l’apparition des fleurs accompagne le chant des tourterelles (Carat. II, 11). Mais remarquez bien qu’il ne parle que dé l’endroit bû il est, non de la nourriture qu’il y trouve, car il ne dit point ce qu’il mange, il dit seulement au milieu de quelles fleurs il se nourrit.
Peut-être ne se nourrit-il point des lis en les mangeant, mais seulement en jouissant de leur entourage car il n’est pas dit qu’il s’en nourrit, mais seulement qu’il se trouve au milieu d’eux. d’est donc le parfum plutôt que le goût des lis qui lui plaît, et s’il s’en nourrit c’est plutôt par la vue que par le goût.
17. Aussi il paît au milieu des lis ; jusqu’à ce que le jour commence à poindre, et que la richesse des fruits succède à là beauté des fleurs. Mais, en attendant, comme c’est le temps des fleurs, non celui des fruits, puisque nous ne sommes encore que dans l’attente, non dans la réalité, que nous ne marchons que par la foi, non point encore par une claire vue (Cor. V, 7), et que nous nous félicitons plutôt de l’espérance, que de la possession ; considérez combien ces fleurs sont tendres encore, et rappelez-vous l’observation de l’Apôtre : « C’est dans des vases bien fragiles que nous portons notre trésor (II Cor. IV, 7). »
A combien de périls, en effet, ne sont point exposées des fleurs ? Avec quelle facilité les épines déchirent la tige des lis ! combien le bien-aimé a-t-il raison de dire : « Mon amie est comme les lis au milieu des épines (Cant. II, 2) ? » N’était-ce pas aussi un lis au milieu des épines celui qui disait « Pour moi je gardais un esprit de paix avec ceux qui haïssaient la paix (Psal. CXIX, 6) ? »
D’ailleurs, si le juste germe comme un lis, ce n’est pourtant point de lis que se nourrit l’Époux, et de plus il n’aime point la singularité. Entendez-le parler celui qui demeure au milieu des lis : « En quelque lieu que se trouvent deux ou trois personnes assemblées en mon nom, je m’y trouve au milieu d’elles (Matt. XVIII, 20). » Toujours Jésus a aimé le milieu, toujours le Fils de l’homme, le médiateur entre Dieu et lés hommes, a réprouvé les lieux écartés, les endroits solitaires. « Mon bien-aimé est à moi, et moi je suis à lui, qui paît entre les lis. »
Ayons soin de cultiver des lis ; mes frères, arrachons les ronces et les épines, et plantons des lis à la place. Peut-être un jour le bien-aimé daignera-t-il descendre chez nous, pour y prendre sa nourriture.
18. Il la trouvait chez Marie, il la trouvait même là en une abondance extraordinaire, eu égard au nombre des lis. Ne sont-ce point des lis, que la gloire de la virginité, que les insignes de l’humilité ; que la suréminence de la charité ? Nous pouvons aussi avoir nos lis quoique beaucoup moins beaux, mais quels qu’ils soient, l’Époux ne dédaignera certainement pas de venir se nourrir au milieu d’eux, si la gaieté de dévotion fait fleurir les actions de grâce, ont je vous ai parlé, si le pureté d’intention blanchit notre prière, et l’indulgence de notre confession, selon ce qui est écrit : « Quand même vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendraient blancs comme de la neige, et quand ils seraient rouges comme du vermillon, ils seront blancs comme la laine la plus blanche (Isa. I, 18). »
D’ailleurs, recommandez à Marie tout ce que vous offrez à Dieu, afin que la grâce retourne à celui qui nous l’a donnée, par le même lit qu’elle a coulé vers nous. Dieu n’était pas hors d’état de nous verser la grâce ; sans faire passer par ce conduit, s’il l’avait voulu, mais il a voulu nous donner un moyen de la faire descendre jusqu’à nous.
Peut-être vos mains sont-elles pleines de sang, eau gâtées par des présents, parce que vous ne les en avez pas encore complètement débarrassées ; ayez donc soin de lui présenter le peu que vous avez à lui offrir par les mains parfaitement pures, et dignes de Marie, si vous voulez ne point essuyer un refus. Les mains de Marie sont des lis d’une éclatante blancheur, et le Dieu qui aime les lis, ne se plaindra pas que ce que vous aurez placé entre les mains de Marie ; ne se trouve point au milieu des lis. Ainsi soit-il.

Laisser un commentaire