Archive pour le 1 janvier, 2011
PAPE BENOIT- ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR (2008) : HOMÉLIE
1 janvier, 2011du site:
CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DE L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Basilique Vaticane
Dimanche 6 janvier 2008
Chers frères et sœurs,
Nous célébrons aujourd’hui le Christ, Lumière du monde, et sa manifestation aux nations. Le jour de Noël, le message de la liturgie retentissait ainsi: « Hodie descendit lux magna super terram – Aujourd’hui, une grande lumière descend sur la terre » (Missel Romain). A Bethléem, cette « grande lumière » apparut à un petit groupe de personnes, un minuscule « reste d’Israël »: la Vierge Marie, son époux Joseph et quelques pasteurs. Une humble lumière, dans le style du vrai Dieu: une petite flamme allumée dans la nuit: un nouveau-né fragile qui pleure dans le silence du monde… Mais l’hymne de louange des multitudes célestes, qui chantaient gloire et paix, accompagnait cette naissance cachée et inconnue (cf. Lc 2, 13-14).
Ainsi cette lumière, bien que modeste dans son apparition sur la terre, se projetait avec force dans les cieux: la naissance du Roi des Juifs avait été annoncée par l’apparition d’une étoile, visible de très loin. Tel fut le témoignage de « plusieurs Mages » venus d’Orient à Jérusalem, peu après la naissance de Jésus, au temps du roi Hérode (cf. Mt 2, 1-2). Encore une fois, le ciel et la terre, le cosmos et l’histoire s’appellent et se répondent. Les antiques prophéties se retrouvent dans le langage des astres. « Un astre issu de Jacob devient chef, / un sceptre se lève, issu d’Israël » (Nb 24, 17), avait annoncé le voyant païen Balaam, appelé à maudire le peuple d’Israël, mais qui en revanche le bénit, car – Dieu lui révéla – « ce peuple [...] est béni » (Nb 22, 12). Chromace d’Aquilée, dans son commentaire à l’Evangile de Matthieu, mettant en relation Balaam avec les Mages, écrit: « Celui-ci prophétisa que le Christ serait venu; et ces derniers le virent avec les yeux de la foi ». Et il ajoute une observation importante: « L’étoile était vue par tous, mais tous n’en comprirent pas le sens. De la même manière, le Seigneur notre Sauveur est né pour tous, mais tous ne l’ont pas accueilli (ibid., 4, 1-2). Dans une perspective historique, apparaît ici la signification du symbole de la lumière appliqué à la naissance du Christ: il exprime la bénédiction particulière de Dieu sur la descendance d’Abraham, destinée à s’étendre à tous les peuples de la terre.
L’événement évangélique que nous rappelons dans l’Epiphanie – la visite des Mages à l’Enfant Jésus à Bethléem – nous renvoie ainsi aux origines de l’histoire du peuple de Dieu, c’est-à-dire à l’appel d’Abraham. Nous sommes au 12 chapitre du Livre de la Genèse. Les 11 premiers chapitres sont comme de grandes fresques qui répondent à plusieurs questions fondamentales de l’humanité: quelle est l’origine de l’univers et du genre humain? D’où vient le mal? Pourquoi y a-t-il plusieurs langues et civilisations? Parmi les récits du début de la Bible, apparaît une première « alliance », établie par Dieu avec Noé, après le déluge. Il s’agit d’une alliance universelle, qui concerne toute l’humanité: le nouveau pacte avec la famille de Noé est en même temps un pacte avec « toute chair ». Ensuite, avant l’appel d’Abraham, on trouve une autre grande fresque très importante pour comprendre le sens de l’Epiphanie: celle de la tour de Babel. Le texte sacré affirme qu’à l’origine « tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots » (Gn 11, 1). Puis les hommes dirent: « Allons! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre! » (Gn 11, 4). La conséquence de ce péché d’orgueil, semblable à celui d’Adam et Eve, fut la confusion des langues et la dispersion de l’humanité sur toute la terre (cf. Gn 11, 7-8). Voilà ce que signifie « Babel », et ce fut une sorte de malédiction semblable à celle d’Adam et Eve chassés du paradis terrestre.
A ce point, commence l’histoire de la bénédiction, avec l’appel d’Abraham: c’est le commencement du grand dessein de Dieu pour faire de l’humanité une famille, à travers l’alliance avec un peuple nouveau, qu’Il a choisi pour qu’il soit une bénédiction parmi toutes les nations (cf. Gn 12, 1-3). Ce plan divin est encore en cours et a atteint son moment culminant dans le mystère du Christ. Depuis ce moment, les « temps derniers » ont commencé, au sens où le dessein a été pleinement révélé et réalisé dans le Christ, mais il demande à être accueilli par l’histoire humaine, qui reste toujours une histoire de fidélité de la part de Dieu et, malheureusement, également d’infidélité de notre part à nous, les hommes. L’Eglise elle-même, dépositaire de la bénédiction, est sainte et composée de pécheurs, marquée par la tension entre le « déjà » et le « pas encore ». Dans la plénitude des temps, Jésus Christ est venu conduire l’alliance à son accomplissement: Lui-même, vrai Dieu et vrai homme, est le Sacrement de la fidélité de Dieu à son dessein de salut pour l’humanité tout entière, pour nous tous.
L’arrivée des Mages d’Orient à Bethléem, pour adorer le Messie nouveau-né, est le signe de la manifestation du Roi universel aux peuples et à tous les hommes qui cherchent la vérité. C’est le début d’un mouvement opposé à celui de Babel: de la confusion à la compréhension, de la dispersion à la réconciliation. Nous entrevoyons ainsi un lien entre l’Epiphanie et la Pentecôte: si le Noël du Christ, qui est le Chef, est également le Noël de l’Eglise, son corps, nous voyons dans les Mages les peuples qui se joignent au reste d’Israël, préannonçant le grand signe de l’ »Eglise polyglotte », réalisé par l’Esprit Saint cinquante jours après Pâques. L’amour fidèle et tenace de Dieu, qui ne manque jamais à son alliance, de génération en génération. C’est le « mystère » dont parle saint Paul dans ses Lettres, également dans le passage de la Lettre aux Ephésiens qui vient d’être proclamé: l’Apôtre affirme que ce mystère « lui a été fait connaître par révélation » (cf. Ep 3, 3) et qu’il est chargé de le faire connaître.
Ce « mystère » de la fidélité de Dieu constitue l’espérance de l’histoire. Il est certes marqué par des mouvements de divisions et des abus de pouvoir, qui déchirent l’humanité à cause du péché et du conflit des égoïsmes. Dans l’histoire, l’Eglise est au service de ce « mystère » de bénédiction pour l’humanité tout entière. Dans ce mystère de fidélité de Dieu, l’Eglise n’accomplit pleinement sa mission que lorsque se reflète en elle la lumière du Christ Seigneur, et qu’elle aide ainsi les peuples du monde sur la voie de la paix et du progrès authentique. En effet, la parole de Dieu révélée par l’intermédiaire du prophète Isaïe reste toujours valable: « … les ténèbres s’étendent sur la terre, / et l’obscurité sur les peuples » (Is 60, 2). Ce que le prophète annonce à Jérusalem s’accomplit dans l’Eglise du Christ: « Les nations marcheront à ta lumière et les rois à ta clarté naissante » (Is 60, 3).
Avec Jésus Christ, la bénédiction d’Abraham s’est étendue à tous les peuples, à l’Eglise universelle comme nouvel Israël qui accueille dans son sein l’humanité tout entière. Aujourd’hui aussi, pourtant, ce que disait le prophète reste vrai dans beaucoup de sens: « l’obscurité s’étend sur les peuples » et notre histoire. On ne peut pas dire, en effet, que la mondialisation soit synonyme d’ordre mondial, bien au contraire. Les conflits pour la suprématie économique et la domination des ressources énergétiques, hydriques et des matières premières rendent difficile le travail de ceux qui, à tous les niveaux, s’efforcent de construire un monde juste et solidaire. Il y a besoin d’une espérance plus grande, qui permette de préférer le bien commun de tous au luxe d’un petit nombre et à la misère d’un grand nombre. « Cette grande espérance ne peut être que Dieu… non pas n’importe quel dieu, mais le Dieu qui possède un visage humain » (Spe salvi, n. 31): le Dieu qui s’est manifesté dans l’Enfant de Bethléem et dans le Crucifié-Ressuscité. S’il existe une grande espérance, on peut persévérer dans la sobriété. Si la véritable espérance manque, on recherche le bonheur dans l’ivresse du superflu, dans les excès, et l’on se ruine soi-même, ainsi que le monde. La modération n’est donc pas seulement une règle ascétique, mais également une voie de salut pour l’humanité. Il est désormais évident que ce n’est qu’en adoptant un style de vie sobre, accompagné par un engagement sérieux pour une distribution équitable des richesses, qu’il sera possible d’instaurer une ordre de développement juste et durable. C’est pourquoi il y a besoin d’hommes qui nourrissent une grande espérance et qui possèdent donc beaucoup de courage. Le courage des Mages, qui entreprirent un long voyage en suivant une étoile, et qui surent s’agenouiller devant un Enfant et lui offrir leurs dons précieux. Nous avons tous besoin de ce courage, ancré à une solide espérance. Que Marie nous l’obtienne, en nous accompagnant au cours de notre pèlerinage terrestre par sa protection maternelle. Amen!
dimanche 2 janvier 2011 – Epiphanie: Homélie
1 janvier, 2011du site:
http://www.homelies.fr/homelie,epiphanie,3026.html
dimanche 2 janvier 2011 – Epiphanie
Famille de saint Joseph
Janvier 2011
Homélie
Le récit évangélique qui marque la fête de l’Epiphanie, nous invite à nous mettre nous aussi en marche à la suite des Mages, à refaire leur itinéraire spirituel pour nous approcher de l’Enfant de la crèche et venir cueillir auprès de lui le fruit de notre salut. Quelles sont donc les étapes sur la route qui conduit les Mages jusqu’à Bethléem ?
Tout d’abord, nous observons qu’ils se mettent en marche sur un signe qui est celui de l’étoile, celui d’un « astre à son lever ». Il est intéressant de noter que ce signe s’inscrit pleinement dans le contexte où vivent ces savants, celui de l’observation des astres qu’ils connaissent bien. Autrement dit, Dieu nous parle, nous fait signe dans ce constitue le quotidien de nos vies, il nous parle dans u langage que nous connaissons, autrement dit que nous sommes susceptibles de déchiffrer, il nous rejoint dans ce que nous vivons. Mais répondre à ce signe de Dieu présuppose une attitude de réceptivité. Les Mages ont pu reconnaître que Dieu leur faisait signe parce qu’ils étaient à l’écoute, en attente, en recherche de la vérité.
Vient alors le temps de la mise en route. Les Mages alors ne perdent pas leur temps dans les préparatifs. Ils partent tels qu’ils sont, avec comme bagage leur seul désir de connaître la vérité. Le récit ne mentionne même pas les présents que nous découvririons seulement à leur arrivé à Bethléem, comme pour insister sur le fait que notre désir de connaître Dieu est la seule chose dont nous pourrons nous nourrir durant notre marche vers lui, tout le reste étant superflu, encombrant.
Cette avancée vers le Seigneur se fait dans la foi qui purifie le désir de Dieu. Dans l’évangile, le voyage, les prestigieuses personnalités des mages qui viennent d’une terre lointaine, leur royauté, l’étoile, sa disparition, sa réapparition, l’hommage, les dons, les difficultés, le songe sont autant d’éléments qui illustrent le chemin de foi qui amènera ces hommes venus d’Orient jusqu’à l’Enfant de la Crèche. La foi est véritablement un long voyage où l’on doit dépasser des difficultés, où il y a des déserts à traverser, où l’on doit faire face à des incompréhensions ou des pièges tendus par l’ennemi, comme ce fut le cas pour les Mages avec Hérode. Il faut du courage pour affronter un chemin sur lequel nous ne retrouvons plus nos repères familiers, les sécurités que nous nous étions construites. Il faut de la persévérance pour ne pas se décourager, surtout quand on ne perçoit pas clairement où nous mène ce chemin. Il est ici important d’apprendre à scruter et reconnaître les signes par lesquels Dieu nous appelle et nous guide. Le texte de l’évangile nous dit qu’« à la vue de l’astre » ils « se réjouirent d’une très grande joie ». Comme pour les mages, la joie est un bon critère de discernement pour vérifier si la lumière que nous suivons est bien celle de l’Esprit Saint qui veut nous conduire au Christ. Cette joie n’est pas une joie superficielle qui renferme sur soi mais une joie authentique et profonde. C’est une joie qui avive et dynamise en nous le désir de rencontrer le Seigneur et qui fortifie notre persévérance dans la foi pour le suivre docilement.
Il est aussi à remarquer que les rois Mages partent ensemble pour l’aventure de la foi. Ils auraient pu choisir de faire route chacun de leur côté mais non. L’Ecriture dit quelque chose d’essentiel en parlant d’eux au pluriel. Même si la démarche de foi pour aller rencontre du Christ implique chacun de façon personnelle, elle demeure une démarche communautaire où nous nous accompagnons et soutenons les uns les autres.
Le récit évangélique poursuit : «Ils virent l’enfant avec Marie sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; puis ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présents de l’or, de l’encens et de la myrrhe.» C’est le moment fondamental. L’Adoration des Mages, l’achèvement de leur conversion au Christ.
Au départ, ils ont suivi un astre. En tant que païens, c’est ce même astre qu’ils auraient dû adorer. En fait, ils se prosternent devant un nouveau-né, entre les mains duquel ils déposent toute leur vie dans un abandon total. «Les présents qu’offrent les mages symbolisent la véritable adoration, confiait pour sa part Jean-Paul II aux jeunes durant la préparation aux JMJ de Cologne. Par l’or, ils soulignent sa divinité royale ; par l’encens, ils confessent qu’il est prêtre de la Nouvelle Alliance ; en lui offrant la myrrhe, ils célèbrent le prophète qui versera son sang pour réconcilier l’humanité avec son Père.»
Au sens théologique de la splendeur de ses cadeaux répond le sens théologique de l’extrême pauvreté de la crèche et du dénuement de cet enfant. C’est la seule présence aimante de cet enfant, dont il leur fait le don gratuit qui vient en retour, combler les Mages.
Lorsqu’on rencontre ainsi le Christ, la vie change et l’on est conduit à communiquer aux autres sa propre expérience. Après avoir adoré l’Enfant-Dieu, l’évangéliste Matthieu nous dit que les Mages s’en retournèrent chez eux par un autre chemin. Jean-Paul II soulignait que « ce changement de route pouvait symboliser la conversion à laquelle étaient appelés ceux qui rencontrent Jésus, pour devenir les vrais adorateurs qu’il désire (cf. Jn 4, 23-24) ». Autrement dit, les mages convertis, changés par leur rencontre avec l’Enfant-Dieu qu’ils ont adoré, ne peuvent reprendre la même route pour porter cette lumière.
« Tant de nos contemporains ne connaissent pas encore l’amour de Dieu ou cherchent à remplir leur cœur de succédanés insignifiants. Puissions-nous, après avoir été conduit dans la foi à rencontrer le Christ, être les témoins de l’amour que nous aurons contemplé en lui. Alors toute notre vie sera épiphanie, manifestation de Dieu pour le salut du monde. Car seul l’amour du Christ peut combler le cœur de l’homme, seul cet amour peut le guérir de la blessure du péché, seul cet amour peut le sauver. »
Frère Elie