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4 novembre – Saint Charles Borromée
4 novembre, 2010du site:
http://missel.free.fr/Sanctoral/11/04.php
4 novembre – Saint Charles Borromée
Morceaux choisis
Ayant un grand respect des choses de Dieu et de ses saints, ainsi que de tous les ordres de la sainte Eglise et de votre pasteur, et veillez à les observer intégralement.
Tournez constamment vos regards vers la Providence de Dieu, dans la pensée que rien n’arrive sans sa volonté et que tout doit tourner à bien.
Gardez-vous d’entretenir la curiosité de savoir les actions d’autrui, ou d’être avides de nouveautés, principalement dans les choses de la foi, et ne parlez pas de ce que vous ignorez.
Défendez-vous de croupir dans la paresse, c’est le poison de l’âme : mais efforcez-vous de vos occuper des oeuvres pies, ou tout au moins à des choses utiles.
Evitez de travailler avec l’argent ou les biens d’autrui, à moins que vous n’y soyez contraints par raison de charité. Et ne vous laissez entraîner à aucune action injuste, opposée à la volonté de Dieu, ni pour le gain, ni par amitié, ni par amour des vôtres.
Si la fécondité de la vie conjugale est, certes, chose bonne, meilleure est la chasteté virginale, et par-dessus tout est excellente la fécondité virginale.
On ose dire qu’il faut s’accommoder au temps, comme si l’Esprit de Jésus-Christ et les règles de l’Evangile devaient changer avec le temps, et être asservis aux sentiments et aux affections des hommes. Au lieu que l’on doit travailler au contraire à rendre tous les temps conformes aux ordonnances de l’Eglise, et à réformer tout ce qui s’y trouve défectueux, par la rectitude immuable de l’esprit évangélique et apostolique. Car c’est la chair et le sang et non pas l’Esprit de Dieu qui a fait que notre siècle est devenu incapable de cette vertu si pure et si simple des anciens Pères. C’est l’esprit humain qui, voulant satisfaire ses désirs, trouve toujours mille défenseurs et des raisons apparentes pour se couvrir et se défendre. Mais les paroles de Dieu et les règles des saints demeurent toujours fermes. Elles n’ont pas été établies pour changer avec le temps, mais pour être inviolables et immuables en tous temps, et pour se soumettre et s’assujettir tous les temps.
Pourquoi cette église, qui est la vôtre, demeure-t-elle ainsi sans soins et sans ornements ? Ces murs, ce toit, ce dallage dénoncent votre irréligion. Ils crient (…) Votre église que vous honorez et que vous aimez si peu, vous êtes capable de la négliger à ce point ? O Combien votre indifférence extérieure témoigne de la tiédeur de vos âmes !
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Biographie
Charles Borromée, second fils du comte Gibert et de Marguerite de Medici, sœur du futur Pie IV, naquit sur la rocca (roc ou château fort) Borromeo d’Arona, près du lac Majeur, le 2 octobre 1538. Dès 1550 il reçut l’habit clérical et les revenus de l’abbaye locale de San Gratiniano.
Etudiant à l’université de Pavie, il était sérieux et studieux, précis, net et volontaire plus solide que brillant, avide de livres, mais souvent sans argent. A la fin de 1559, il fut reçu docteur en droit canon et en droit civil.
En janvier 1560, ce jeune homme de vingt-deux ans fut appelé à Rome par son oncle qui venait d’être élu pape sous le nom de Pie IV. Cardinal dès le 31 janvier, bien qu’il ait obligation de résider à Rome, il est nommé administrateur du diocèse de Milan, des légations de Bologne et de Romagne, puis des Marches, en même temps qu’il reçoit en commende plusieurs abbayes. Pie IV qui voulait un homme dévoué et actif au sommet de son administration fait de Charles Borromée ce que sera plus tard le secrétaire d’Etat. Au début, on le trouvait trop regardant, par comparaison avec d’autres princes de l’Eglise, qui gaspillaient avec une prodigalité de grands seigneurs. Pour compléter sa culture, le jeune cardinal fonda chez lui une académie des Nuits vaticanes, allusion au Nuits attiques du païen Aulu-Gelle. Chaos – c’était le pseudonyme de Charles Borromée – commenta la quatrième Béatitude, condamna la luxure et loua la charité.
Restait à achever le concile de Trente, ouvert en 1545. Pie IV y réussit en 1562-1563, grâce au dévouement de son neveu, qui assuma l’écrasante besogne de la correspondance avec les agents du Saint-Siège, nonces et légats du concile. Plutôt simple exécutant que conseiller, selon un ambassadeur vénitien, il travaillait même la nuit, rédigeait de brefs rapports sur les nouvelles qui lui arrivaient de partout, répontait à toute la correspondance pontificale et s’occupait des affaires courantes.
En novembre 1562, quand mourut Frédéric, son frère aîné, on se demanda si le Charles quitterait les Ordres pour perpétuer sa race, mais, le 17 juillet 1563 il fut ordonné prêtre et, en décembre, il reçut la consécration épiscopale. Il restreignit son train de maison, augmenta ses veilles, ses jeûnes et ses austérités, se refusa tout divertissement, fût-ce une innocente promenade. Les Nuits vaticanes se muèrent en conférences religieuses. Un bref de Pie IV autorisait le cardinal-neveu à faire sortir, pour ses travaux, livres et manuscrits de la Bibliothèque vaticane et Charles Borromée, malgré une certaine timidité, s’exerça à l’éloquence sacrée.
Après que Charles Borromée avait rendu à Rome les services que l’on attendait de lui, fort du concile de Trente qui imposait la résidence aux évêques, il voulut s’installer à Milan où il entra solennellement 23 septembre 1565, après avoir, comme légat, effectué un voyage au centre et au nord de l’Italie. Il dut revenir à Rome près de son oncle mourant et, le conclave ayant élu Pie V, il rentra à Milan (avril 1566). Saint Pie V lui témoigna d’autant plus d’estime et de confiance qu’il était fort lié à Séraphin Grindelli, chanoine régulier du Latran et son aumônier.
Le cardinal de Milan, passa désormais le reste de sa vie dans son vaste archidiocèse, à l’exception de brefs séjours romains. Charles Borromée, à la tête de quinze suffragants, avec juridiction sur des terres vénitiennes, génoises, novaraises et aussi suisses, puisqu’il avait été nommé, en mars 1560, protecteur de la nation helvétique, avec juridiction spirituelle sur plusieurs cantons ; il n’obtint un nonce que sous Grégoire XIII. Charles Borromée visita la Suisse (notamment les trois vallées ou trois lignes du Tessin en 1567, les cantons allemands en 1570, 1581, 1583), s’enquérant des abus, rédigeant des ordonnances, entretenant une lourde correspondance, se bataillant contre des magistrats et des fonctionnaires civils souvent revêches, tandis qu’il restait courtois, souple et habile. En général, il se montra fin connaisseur et manieur d’hommes, sa vertu perfectionnait ses dons naturels. Il lui arrivait cependant de se raidir, par exemple contre l’usage invétéré de suspendre dans les églises des écussons et trophées en mémoire de hauts faits militaires, allant jusqu’à lancer l’interdit contre des paroisses récalcitrantes, mais un ordre exprès de Rome l’obligea à désarmer. Il réussit à maintenir catholique une partie de la Suisse allemande, il favorisa les capucins (à Altdorf en 1581) et les jésuites, dont les collèges de Lucerne et de Fribourg sont en partie le fruit de son zèle.
Si la richesse avait alors gâté dans la chrétienté une partie du haut clergé, la pauvreté avait avili le bas clergé, victime d’un recrutement inconsidéré, de l’abandon où le laissaient ses supérieurs et de l’ignorance.
L’Eglise avait pâti, et pâtissait encore, en ce temps-là, des empiétements parfois scandaleux du civil sur l’ecclésiastique dans les territoires espagnols, et même dans les Etats pontificaux. Les évêques avaient trop pris l’habitude de vivre hors de leur diocèse, et le clergé volontiers flagornait le pouvoir civil pour en tirer des avantages matériels. En Lombardie administrée par les Espagnols, il souffrit de la morgue des hidalgos et de leurs prétentions. Ses contre-attaques pour sa liberté embarrassèrent parfois la Cour romaine, obligée de ménager le tout-puissant Philippe II. Appuyé par son peuple, Charles Borromée s’opposa net à l’introduction chez lui de l’Inquisition espagnole, au profit de la romaine. Il lutta contre les gouverneurs de Milan : Alburquerque, Requesens, qu’il excommunia en 1573, Ayamonte. Pour se rendre populaire, Ayamonte donna en 1579 un grand éclat aux fêtes du carnaval. Borromée riposta par un édit excommuniant tous ceux qui y assisteraient. L’année suivante, seul un escadron de cavalerie, en service commandé, fit les frais des réjouissances, tandis que la femme du gouverneur interdisait à ses fils d’y participer. Ayamonte mourut en avril 1580 réconcilié avec l’Eglise ; ses furent pacifiques et pleins de déférence pour le redoutable cardinal.
Ce chef austère payait de sa personne. Il suffisait de le voir pour sentir ce qu’était la discipline ecclésiastique. Devant les décadences, il était une résurrection. Il sut consolider dans son diocèse la religion, développer le culte eucharistique et le sens moral. Son peuple, dans l’ensemble, l’admirait et le soutenait, mais ses réformes, exécutées d’une main forte, soulevèrent quelques résistances dans le clergé : en août 1569, les chanoines de Santa Maria della Scala, à Milan, soutenus par Alburquerque, le repoussèrent quand il voulut entrer dans leur basilique. Les Humiliés, congrégation milanaise enrichie par le commerce de la laine, avaient perdu la ferveur. Borromée voulut y ramener l’ordre. Un religieux du couvent de Milan, Jérôme Donato, dit Farina, tira un coup d’arquebuse presque à bout portant sur le cardinal qui priait dans sa chapelle avec le personnel de sa maison (26 octobre 1569). Borromée eut ses vêtements troués sur l’épine dorsale, mais, n’étant pas blessé, il fit achever la prière. Peu après, une bulle supprimait le premier ordre des Humiliés. Par la suite, leur tiers ordre fusionna avec des confréries similaires. Quant aux Humiliés du second ordre, qui étaient restées saines, elles survécurent jusque vers 1807.
L’archevêque voulait des auxiliaires intelligents et dévoués : il les choisit volontiers parmi les nouveaux ordres de clercs réguliers récemment créés. Charles Borromée était très personnel dans son gouvernement ; il essaya d’imposer un général de son choix aux dominicains, et aux jésuites. Il voulait que chez lui les religieux fussent à lui. Il écrivait en décembre 1577 : Eux (les prêtres de l’Oratoire) entendent que cette congrégation de Pères qui s’établira ici existe comme membre de celle de Rome et dépende de là-bas, et moi j’entends qu’elle dépende absolument d’ici, tout en désirant utiliser ces Pères de Rome pour commencer et diriger cette œuvre. Charles Borromée retira aux Jésuites la direction de son grand séminaire, trop indépendants, et créa à son usage les oblats de Saint-Ambroise dont il composa lui-même la règle. Après sa canonisation, en 1611, la congrégation s’intitula des Saints-Ambroise-et-Charles.
Charles Borromée créa des sanctuaires devenus célèbres, des séminaires, des collèges laïcs, un refuge pour repenties, un mont-de-piété. Il avait revu soigneusement les premiers statuts du mont-de-piété de Rome, vers 1565, en qualité de protecteur de l’ordre franciscain. Il fit adopter des sages mesures de contrôle contre la fraude ou les malversations : il fut le bienfaiteur de l’institution. Il organisa des confraternités comme celles du Saint-Sacrement, du Saint-Rosaire. Il mit beaucoup d’ardeur à promouvoir l’œuvre catéchétique du saint prêtre Castellino da Castello. Lui-même commentait volontiers l’Evangile : par les moyens les plus simples, il en tirait des applications très variées pour ses auditeurs et, par son exemple, il sut réveiller chez son clergé le goût de l’éloquence sacrée. Avec un grand dévouement, il visita les peuples de son diocèse et des diocèses suffragants ; comme les vivres étaient chers, il avait stipulé que l’entretien de sa suite ne serait pas à la charge de la mense épiscopale.
Au total, le cardinal vit plus de mille paroisses, convoqua onze synodes diocésains et six conciles provinciaux. Lors de la terrible peste de 1576-1577, compliquée d’une famine, Charles Borromée vendit sa principauté napolitaine d’Oria pour soulager la misère publique.
Il mourut à Milan le samedi 3 novembre 1584 au soir. Dans une lettre d’Arona, datée du 1er novembre, il disait que la fièvre le dévorait et qu’il allait cesser ses visites pastorales pour regagner Milan afin de recevoir son beau-frère le comte Annibal d’Altaemps et lui faire fête quatre ou cinq jours. Il venait d’inaugurer un séminaire (30 octobre) et de consoler les gens de Locarno où la peste avait fait passer la population de 4800 à 700 habitants.
Pour lui, Charles Borromée fut dur : peu de nourriture et peu de sommeil, aucun confort ni aucun luxe personnel. Intelligence claire et administrateur plutôt que de penseur, sa bibliothèque était un instrument de travail. Il priait profondément et largement. Il reste, dans l’Eglise militante, une grande figure de chef. Son blason portait : Humilitas. Au physique, il était de belle taille, avec de vastes yeux bleus, un nez aquilin puissant, le teint pâle sous des cheveux bruns ; jusqu’en 1574, il porta une barbe courte, rousse, négligée ; puis, ayant ordonné au clergé de se raser, il donna l’exemple.
Le 4 novembre 1601, à Milan, au lieu de chanter le service accoutumé pour son anniversaire, on organisa, sur le conseil de Baronius, une grandiose manifestation de vénération publique. En 1602, et les années suivantes, ce témoignage fut de plus en plus éclatant. En 1610, Rome canonisa Charles Borromée qui obtint vite un culte populaire : son origine patricienne, sa dignité cardinalice, son génie réformateur, les œuvres de son zèle pastoral pour le clergé et le peuple, sa charité pour les pauvres, son dévouement lors de la peste le redirent rapidement cher au peuple chrétien, notamment aux Pays-Bas espagnols où l’imagerie anversoise vulgarisa l’homme de prière ou le consolateur des pestiférés. Son influence fut très grande en France.
En toute situation, Dieu mendie notre amour !
4 novembre, 2010du site:
http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=1078
En toute situation, Dieu mendie notre amour !
Fr. Pierre Hugo, o.p.
Esprit et Vie n°120 – janvier 2005 – 2e quinzaine, p. 34-36.
Fatigué, Dieu nous rejoint dans nos fragilités
Dimanche dernier, on contemplait Jésus transfiguré sur la montagne. Aujourd’hui, on le voit assis au bord d’un puits, épuisé de fatigue. Après la gloire d’hier, cette fatigue de Jésus nous étonne peut-être. N’est-ce pas le lieu d’admirer la merveilleuse humanité de Dieu ? À travers cette bouleversante rencontre de Jésus avec la Samaritaine, c’est nous-mêmes que le Christ rejoint au cœur même de nos fatigues, de nos fragilités, de nos soucis, voire de nos drames, pour nous permettre de reprendre souffle ?
On connaît l’admirable commentaire de saint Augustin sur cette scène : « Ce n’est pas en vain que se fatigue Jésus ; ce n’est pas en vain que se fatigue la force de Dieu. Ce n’est pas en vain qu’il se fatigue celui par qui les fatigués reprennent vigueur. Il ne se fatigue pas en vain, car nous qui sommes fatigués dès qu’il n’est plus là, retrouvons nos forces avec sa présence. »
C’est donc au cœur du plus quotidien de nos vies, avec leur lassitude, que Dieu nous cherche pour nous révéler l’essentiel : cette eau source de vie jaillissant en vie éternelle.
Un amour vrai est toujours mendiant !
Le point de départ du dialogue de Jésus avec la Samaritaine et avec chacun de nous a quelque chose de bouleversant : c’est une demande, j’oserais dire, une prière : « Donne-moi à boire ». Quel paradoxe ! Lui le détenteur de la source demande à boire. Dieu ne vient pas à nous comme un bienfaiteur. Il vient d’abord à nous comme un mendiant qui a besoin de nous, de notre amour. Ainsi en sera-t-il dans tout l’Évangile. Jésus n’adopte jamais une attitude de surplomb comme quelqu’un qui sait, qui domine. Devant les disciples Zachée et Pierre, il se fait petit, en attente d’une réponse, d’un amour : « veux-tu ? », « m’aimes-tu ? ».
Nous le savons et c’est vrai dans toutes nos relations humaines : un amour vrai est toujours mendiant. C’est à partir du moment où un être sent qu’on a besoin de lui qu’il commence à vivre ou à revivre. À un homme de quarante ans qui voulait mourir parce qu’il n’avait plus rien, l’abbé Pierre ne dit pas : « Tu es malheureux, je vais te donner », il dit au contraire : « Je ne peux rien te donner, mais toi tu peux me donner pour qu’ensemble nous donnions tout. » Ainsi naquit Emmaüs. Ainsi commence tout amour vrai. Ainsi fait le Christ avec chacun de nous : il restera toujours le mendiant d’amour.
Devant Dieu, personne n’est exclu !
Toutefois, le plus étonnant dans cette page n’est pas seulement que Jésus demande à boire, c’est surtout que lui qui est juif s’adresse à une femme, une samaritaine, une étrangère, et même une pécheresse ! « Comment oses-tu m’adresser la parole, toi qui es juif, à moi, une samaritaine ? »
Nous sommes là devant la souveraine liberté de Jésus qui ne cessera de surprendre et de scandaliser les pharisiens ! Nous sommes là devant la profondeur du mystère de l’Incarnation, devant le message d’amour et de miséricorde de Jésus destiné à tous les hommes, à toutes les femmes, à commencer par les plus pauvres, les plus démunis, les plus perdus !
Si Jésus transgresse toutes les conventions et les barrières, c’est que devant lui il n’y a pas d’exclus, il n’y a pas d’impasses définitives. Quelle que soit notre situation sociale, morale ou religieuse, quel que soit notre passé, il est toujours possible de rencontrer Jésus et de surmonter les conflits les plus profonds entre nous, pourvu que l’on consente à purifier nos faims et nos soifs humaines, pourvu qu’on accepte d’accueillir le Don de Dieu.
C’est une grâce d’oser faire la vérité en nous ! Si Jésus, en effet, nous cherche et nous prie, c’est toujours pour nous offrir le don prodigieux de son amour, c’est pour nous donner l’eau vive, c’est-à-dire une vie autrement plus intense, plus profonde que toutes nos petites vies médiocres ou stagnantes dont nous risquons de nous satisfaire.
« Si tu savais le don de Dieu, dit Jésus à cette femme, et qui est celui qui te demande à boire, c’est toi qui l’en aurais prié et il t’aurait donné de l’eau vive. Quiconque boit de cette eau du puits aura soif à nouveau, mais qui boira de l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle. »
Certes, nos faims et nos soifs humaines sont inscrites au cœur de nos existences et Jésus les prend toujours au sérieux : il multiplie les pains pour les foules affamées, et il nous apprend à prier : « Donne-nous le pain de ce jour ». Mais Jésus entend creuser tous nos désirs. Il y a mystérieusement en nous une faim d’amour et une soif de Dieu que chante, notamment, toute la prière des Psaumes : « Mon âme a soif du Dieu vivant, quand le verrai-je face à face ? » (Ps 42).
L’essentiel est là : la rencontre de Dieu, la découverte prodigieuse de son amour. Mais cette rencontre suppose toujours un moment de vérité. On ne triche pas avec un amour. Surtout, on ne prend pas de masque devant Dieu !
C’est alors que Jésus reprend le dialogue avec la Samaritaine, mais sur des bases plus profondes, en l’obligeant à sonder la qualité de son cœur. « Va, dit-il à la femme, appelle ton mari… Mais, je n’ai pas de mari » répond-elle. Dans cet entretien, il ne s’agit pas pour Jésus d’humilier cette femme, de la culpabiliser, mais de l’aider à grandir, à s’ouvrir à la vérité, finalement au respect et à l’admiration.
Devant le Christ, il nous faut toujours oser reconnaître, sans faux-fuyant, nos blessures, la profondeur de nos fragilités, pour admirer jusqu’où l’amour nous rejoint, à quel point nous sommes acceptés, aimés, sauvés, recréés. Il ne s’agit pas seulement de nous interroger dans quel lieu de culte – à Jérusalem ou en Samarie – il nous faut aller adorer Dieu. L’essentiel pour Jésus est ailleurs… « Si tu savais le don de Dieu ! », si tu acceptais d’accueillir en toi cette eau vive qui jaillit en vie éternelle, en un mot, Dieu lui-même qui veut faire en toi sa demeure ! Là est l’essentiel, le commencement et le point d’arrivée de toute une vie !
Il n’y a plus de repos pour qui a trouvé un trésor !
À partir de ce moment, la Samaritaine ne discute plus, elle laisse sa cruche, abandonne ses passions dérisoires, elle court à la ville partager son trésor, le don de Dieu qu’elle a trouvé. Éveillés par la Samaritaine qui doit consentir à disparaître, mis en présence du Christ dont la rencontre personnelle est toujours irremplaçable, les gens de Samarie proclament alors leur foi : « Ce n’est plus sur tes dires que nous croyons, nous l’avons nous-mêmes entendu, nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Le don de Dieu et la rencontre du Christ ne pourront jamais nous laisser tranquilles et rester notre propriété. Sous le souffle de l’Esprit, nous devons accepter d’être bousculés, arrachés à nos passions dérisoires, nos étroitesses d’esprit pour communier à la passion du salut de tous les hommes qui depuis toujours habite le cœur de Dieu.
Confesser aujourd’hui que Jésus est le Sauveur du monde, c’est aller à la rencontre de tout homme, de toute femme, avec cette conviction que quelle que soit leur condition ou leur histoire, ils sont cherchés, aimés et sauvés par Jésus.
Confesser aujourd’hui que Jésus est le Sauveur du monde, c’est ne plus désespérer de nos inimitiés, de nos conflits, mais croire que Jésus est capable de faire craquer toutes les barrières pour tout rassembler dans l’unité de son amour.
Confesser aujourd’hui que Jésus est le Sauveur du monde, c’est contempler en Jésus fatigué l’Homme-Dieu seul capable de réconforter tous ceux que la vie a blessés, fragilisés, épuisés. Sur la croix du vendredi saint, l’une des dernières paroles du Christ sera sa première parole à la Samaritaine : « J’ai soif ». Il mendiera notre amour. Mais aussi, de son cœur ouvert jailliront des sources d’eau vive où viendront puiser tous les assoiffés de la terre.