Archive pour novembre, 2010
Immaculée Conception de la Vierge Marie
29 novembre, 2010Psaume 121 : « Ma confiance dans le secours de Dieu »
29 novembre, 2010Spiritualite2000.com
Février 2005
http://www.spiritualite2000.com/An2005/Psalmiste/fev05.htm
Psaume 121 : « Ma confiance dans le secours de Dieu »
par Christian Eeckhout, o.p.
En février 2004, le frère Hervé Tremblay commentait le psaume 131, extrait du quatrième recueil du Psautier. En cet hiver 2005, il est bon de mettre à nouveau notre confiance totale en Dieu, tant il nous est parfois difficile de tenir dans les épreuves humaines. Tant est grande la pression de la société actuelle sur le besoin de sécurité…parfois bien illusoire en ce monde.
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Le psaume 121 appartient, lui aussi, à la collection des cantiques pour les montées (Ps 120-134), que les pèlerins chantaient en marchant vers Jérusalem aux trois grandes fêtes, ou que priaient les lévites en gravissant les degrés du Temple du Dieu d’Israël.
Nous verrons qu’il place l’accent sur Dieu comme étant vraiment le meilleur secours, un gardien sans faille qui mérite notre confiance pleine et entière.
Le Texte : Cantique pour les montées.
Je lève les yeux vers les montagnes : Mon secours, d’où viendra-t-il ?
Le secours me vient de Yahvé qui a fait le ciel et la terre.
Qu’il ne laisse chanceler ton pied ! qu’il ne dorme, ton gardien !
Vois, il ne dort ni ne sommeille, le gardien d’Israël.
Yahvé est ton gardien, ton ombrage, Yahvé à ta droite.
De jour, le soleil ne te frappe, ni la lune en la nuit.
Yahvé te garde de tout mal, il garde ton âme.
Yahvé te garde au départ, au retour, dès lors et à jamais.
Trad. © La Bible de Jérusalem
Commentaire :
« Les montagnes ». Oui, elles sont nombreuses au pays de la Bible, depuis le mont Sinaï au sud, jusqu’à l’Hermon et la haute Galilée au nord, avec les monts de Samarie et de Judée au centre de la région. Tout comme elles nous appellent à lever les yeux, elles veulent aussi élever l’esprit du croyant. Dans la pensée biblique, elles sont la marque d’une élévation spirituelle de l’auteur. Les montagnes introduisent une parole de grande hauteur d’âme, une réalité spirituelle de haute importance.
De plus, dans la Bible, le Dieu qui fait route avec les siens comme un pasteur avec son troupeau est surnommé « le Dieu montagnard » (El-Shaddai) par les patriarches, ou encore « le Dieu très-haut » (El-Elyôn).
Le psalmiste précise de quel Dieu il s’agit pour lui : le seul secours de la créature vient de son créateur : le Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Un autre cantique des montées, le Ps 124,8 dira de même que le secours de la créature est dans le nom du Dieu créateur. Ce Dieu est écrit quatre fois au moyen du tétragramme YHWH qui est le nom propre du Dieu révélé, selon la tradition élohiste, à Moïse dans l’épisode du buisson ardent (Ex 3,13-14). Le nom caractérise l’être actif, efficace et dynamique qui est là pour sauver le peuple d’Israël, surtout lorsqu’il est opprimé dans sa liberté religieuse.
On parle tant de sécurité dans tous les domaines … mais concrètement, je peux toujours trébucher, ou même être surpris dans mon sommeil. Alors le psalmiste cherche la parade en ces occasions. Il nous appelle à voir que celui qui veille en permanence c’est celui-là qui protège son peuple : c’est « le gardien d’Israël » (v.4). YHWH garde Israël : cette réponse à la question initiale va être reprise quatre fois dans la seconde partie du cantique, utilisant le rythme graduel et devenant à nouveau très personnel.
En premier lieu, « Le Seigneur est ton gardien », là même où tu vis, quel que soit l’environnement astral et sa puissance, comme le chantait déjà le prophète Isaïe dans l’hymne d’action de grâce au Seigneur : « Car tu as été un refuge pour le faible, un refuge pour le malheureux plongé dans la détresse, un abri contre la pluie, un ombrage contre la chaleur » (Is 25,4). Le livre de l’Apocalypse reprendra cette figure de l’ombrage contre les feux du soleil en parlant de la préservation des serviteurs de Dieu (cf. Ap 7,15-17).
Cette allégorie de l’ombre protectrice pour parler de la présence de Dieu se retrouve encore en Is 49,10. La présence située « à la droite », c’est-à-dire à la place favorable (cf. Ps 110,5), est déjà vue par le psalmiste pour parler de Dieu comme sauveur du pauvre au Ps 109,31 et comme guide et conseiller aux Ps 16,8 et 73,23.
En deuxième lieu, « le Seigneur te garde de tout mal » : ce qui revient à affirmer la protection contre tout ce qui s’oppose à Dieu. Dès lors que la confiance est placée en Lui, le mal ne peut gagner du terrain en nous.
Ensuite « Il garde ton âme », ton esprit, le souffle de vie, ta personne donc. Après le danger des astres et du mal externe, la protection s’étend au caractère interne, à l’existentiel, au fond de l’être. (Ps 121, 7b = Ps 97,10b).
Enfin, quels que soit notre parcours, les allées et venues, les déplacements en somme,
Pour le psalmiste confiant en Dieu, le Seigneur est celui qui garde ou protège en permanence, dans la durée des jours.
Le psaume 121 chante donc que contre le mal extérieur comme à l’intérieur, dans l’espace et dans le temps, le Seigneur veille, protège et garde la créature qui met en Lui sa confiance. C’est en même temps un appel à Dieu pour qu’Il protège les siens contre tout danger sur les chemins de pèlerinage.
Pour les chrétiens en route vers la Jérusalem du Ciel, pour les baptisés, temples de l’Esprit-Saint, il devient chant de bénédiction de Dieu sur la route de la vie conduisant au Royaume. Le psaume 121 se fait prière de confiance assurée au Christ, vainqueur du monde et du mal, qui nous dit : « Dans le monde, vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! Moi, j’ai bel et bien vaincu le monde. » (Jn 16,33b). Ayant traversé l’épreuve de la croix, Jésus ressuscité est le vrai pasteur, le protecteur fidèle pour toujours.
Le psaume 121 dans la liturgie
Depuis la réforme du deuxième Concile œcuménique de Vatican, la liturgie place le psaume 121 dans la prière des vêpres du vendredi de la deuxième semaine, et le donne à entendre comme psaume responsorial au 29e Dimanche dans l’année (C). Mais ce qui est intéressant est qu’il est placé dans la messe à l’intention des réfugiés et des exilés, eux qui bien souvent n’ont plus que Dieu comme refuge (cf. aussi Ps 16,1) et en qui ils mettent toute leur confiance. Comme pour le psalmiste, le Seigneur restera leur bien suprême. Après l’exode d’égypte et le retour d’exil à Babylone, ce psaume 121 est approprié pour nombre de personnes qui vivent actuellement la vie d’exilé, de réfugié.
Ce psaume de confiance absolue au Dieu de l’univers permet enfin de faire un rapprochement avec la prière de toute l’assemblée à la conclusion de chacune des préfaces de la messe. Lorsque les fidèles entonnent le « Sanctus », ils prient « Hosanna ! », ce qui signifie en hébreu : « Accorde le salut » (Ps 118,25a – v. 26 LXX –). Cette prière est reprise comme une acclamation mais elle est cri d’espoir et de confiance à la fois, lequel a été adressé à Jésus lors de sa descente du mont des oliviers devant Jérusalem (en Mt 21,9 ; Mc 11,9-10 ; Jn 12,13), juste avant sa Passion. Cette espérance présente et tournée vers l’avenir, Jésus l’honorera en osant lui-même l’offrir comme une prière de confiance toute filiale dans sa grande épreuve cloué en croix : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23,46b, qui reprend Ps 30,6a LXX).
En résumé
Grâce au psaume 121, nous pouvons dire ceci : Telle une fontaine de confiance positive surgie du fond de la terre, malgré les apparences parfois contraires, une déclaration, un cri ou un souhait de confiance illimitée du psalmiste envers l’existence de Dieu créateur est la réponse prépondérante à la question lancinante de l’origine du secours. Pour le croyant, « le gardien d’Israël » vient à la rescousse, en véritable bon Pasteur, c’est sûr. C’est là tout l’enjeu de la piété filiale.
Concluons avec la réflexion vigoureuse de saint Bernard : « Vous priez mal si en priant vous cherchez autre chose que le verbe, ou si vous ne demandez pas l’objet de votre prière par rapport au Verbe. Car tout est en lui : les remèdes à vos blessures, les secours dont vous avez besoin, l’amendement de vos défauts, la source de vos progrès, bref tout ce qu’un homme peut et doit souhaiter. »
Avent en musique. Sept antiennes à redécouvrir (par Sandro Magister)
29 novembre, 2010du site:
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/213008?fr=y
Avent en musique. Sept antiennes à redécouvrir
On en chante une par jour, au Magnificat des vêpres. Elles sont très anciennes et très riches en références aux prophéties relatives au Messie. Leurs initiales forment un acrostiche. Les voici transcrites, avec leur clé de lecture
par Sandro Magister
ROMA, le 17 décembre 2008 – A partir d’aujourd’hui et jusqu’à l’avant-veille de Noël, on chante au Magnificat des vêpres de rite romain sept antiennes, une par jour, qui commencent toutes par une invocation à Jésus, celui-ci n’étant jamais nommé.
Ce temps de sept jours est très ancien: il remonte au pape Grégoire le Grand, vers l’an 600. Les antiennes sont en latin et sont inspirées de textes de l’Ancien Testament qui annoncent le Messie.
Au début de chaque antienne, Jésus est successivement invoqué comme Sagesse, Seigneur, Rejeton, Clé, Astre, Roi, Emmanuel. En latin: Sapientia, Adonai, Radix, Clavis, Oriens, Rex, Emmanuel.
Si on les lit en partant de la dernière, les initiales de ces mots latins forment un acrostiche: « Ero cras », c’est-à-dire: « Je serai [là] demain », annonçant la venue du Seigneur. La dernière antienne, qui termine l’acrostiche, est chantée le 23 décembre. Le lendemain, aux premières vêpres, la fête de Noël commence.
Ces antiennes ont été tirées de l’oubli, inopinément, par « La Civiltà Cattolica », la revue des jésuites de Rome, contrôlée avant impression par la secrétairerie d’état du Vatican.
La place d’honneur donnée à l’article qui présente les sept antiennes est également inhabituelle. Ecrit par le père Maurice Gilbert, directeur de l’Institut biblique pontifical de Jérusalem, cet article ouvre le cahier d’avant Noël de la revue, là où se trouve habituellement l’éditorial.
Dans son article, le père Gilbert explique une à une les antiennes et en montre les très riches références aux textes de l’Ancien Testament. Il souligne un fait remarquable: les trois dernières antiennes – celles de l’acrostiche « Je serai là » –comportent des expressions qui ne s’expliquent qu’à la lumière du Nouveau Testament.
L’antienne « O Oriens » du 21 décembre comporte une référence claire au cantique de Zacharie, le « Benedictus », qu’on lit au chapitre 1 de l’Evangile de Luc: « Nous aurons la visite d’un soleil venu d’en haut afin d’illuminer ceux qui se trouvent dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort ».
L’antienne « O Rex » du 22 décembre inclut un passage de l’hymne à Jésus du chapitre 2 de la lettre de Paul aux Ephésiens: « Celui qui des deux [c’est-à-dire les juifs et les païens] n’a fait qu’un peuple ».
Enfin l’antienne « O Emmanuel » du 23 décembre s’achève par l’invocation « Dominus Deus noster », une invocation exclusivement chrétienne puisque seuls les disciples de Jésus reconnaissent le Seigneur leur Dieu dans l’Emmanuel.
Voici donc le texte intégral des sept antiennes, en latin et traduites. Les initiales qui forment l’acrostiche « Ero cras » sont mises en évidence et les principales références à l’Ancien et au Nouveau Testament sont citées entre parenthèses:
I – 17 décembre
O SAPIENTIA, quae ex ore Altissimi prodiisti,
attingens a fine usque ad finem fortiter suaviterque disponens omnia:
veni ad docendum nos viam prudentiae.
O Sagesse, qui es issue de la bouche du Très-Haut (Ecclésiastique 24, 3),
tu déploies ta force d’un bout du monde à l’autre et tu régis l’univers avec force et douceur (Sagesse 8, 1):
viens nous enseigner la voie de la prudence (Proverbes 9, 6).
II – 18 décembre
O ADONAI, dux domus Israel,
qui Moysi in igne flammae rubi apparuisti, et in Sina legem dedisti:
veni ad redimendum nos in brachio extenso.
O Seigneur (Exode 6, 2 Vulgate), guide de la maison d’Israël,
qui es apparu à Moïse dans le feu du buisson ardent (Exode 3, 2) et lui as donné tes commandements sur le mont Sinaï (Exode 20):
viens nous sauver avec ton bras puissant (Exode 15, 12-13).
III – 19 décembre
O RADIX Iesse, qui stas in signum populorum,
super quem continebunt reges os suum, quem gentes deprecabuntur:
veni ad liberandum nos, iam noli tardare.
O Rejeton de Jessé, qui te dresses comme un étendard pour les peuples (Isaïe 11, 10),
devant toi les rois de la terre gardent le silence (Isaïe 52, 15) et les nations t’adressent leurs prières:
viens nous délivrer, ne tarde plus (Habacuc 2, 3).
IV – 20 décembre
O CLAVIS David et sceptrum domus Israel,
qui aperis, et nemo claudit; claudis, et nemo aperit:
veni et educ vinctum de domo carceris, sedentem in tenebris et umbra mortis.
O Clé de David (Isaïe 22, 22), sceptre de la maison d’Israël (Genèse 49, 10),
tu ouvres et personne ne peut fermer; tu fermes et personne ne peut ouvrir:
viens, fais sortir de prison le captif plongé dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort (Psaume 107, 10.14).
V – 21 décembre
O ORIENS, splendor lucis aeternae et sol iustitiae:
veni et illumina sedentem in tenebris et umbra mortis.
O Astre montant (Zacharie 3, 8; Jérémie 23, 5), splendeur de la lumière éternelle (Sagesse 7, 26) et soleil de justice (Malachie 3, 20):
viens éclairer ceux qui se trouvent dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort (Isaïe 9, 1; Luc 1, 79).
VI – 22 décembre
O REX gentium et desideratus earum,
lapis angularis qui facis utraque unum:
veni et salva hominem quem de limo formasti.
O Roi des nations (Jérémie 10, 7), objet de leur désir (Aggée 2, 7),
pierre angulaire (Isaïe 28, 16) qui réunis juifs et païens en un seul peuple (Ephésiens 2, 14):
viens sauver l’homme que tu as façonné à partir du limon.
VII – 23 décembre
O EMMANUEL, rex et legifer noster,
expectatio gentium et salvator earum:
veni ad salvandum nos, Dominus Deus noster.
O Emmanuel (Isaïe 7, 14), notre roi et notre législateur (Isaïe 33, 22),
espérance et salut des nations (Genèse 49, 10; Jean 4, 42):
viens nous sauver, Seigneur notre Dieu (Isaïe 37, 20).
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Traduction française par Charles de Pechpeyrou.
bonne nuit
29 novembre, 2010bonne nuit et bonne I dimanche de l’Avent
28 novembre, 2010The ark of Noah (Évangile dimanche 28 novembre 2010: Mt 24,37)
27 novembre, 2010Psaume 122. Pèlerinage vers Jérusalem (dimanche 28 novembre 2010)
27 novembre, 2010du site:
http://www.spiritualite2000.com/page-2266.php
Psaume 122. Pèlerinage vers Jérusalem
Hervé Tremblay
Finalement arrivé aux portes de Jérusalem après une longue marche, un pèlerin exprime sa joie d’entrer bientôt dans la cité de David et dans le temple de Dieu. Puis il exprime son admiration devant la ville magnifique, son attachement pour la cité, à la fois centre de la vie religieuse et de l’activité nationale. Finalement montent des prières pour la paix et la prospérité de la ville et de ses habitants, que le pèlerin étend à ses frères dispersés et au temple lui-même. Il faut se rappeler, en effet, que Jérusalem n’était pas seulement la capitale politique du royaume, mais qu’elle avait aussi une signification religieuse, tant les deux domaines étaient imbriqués pour les anciens. Le Ps 122 invite donc à une expérience de convivialité avec Dieu et avec d’autres croyants.
Selon le genre littéraire, le Ps 122 est généralement classifié dans les cantiques de Sion (on en compte cinq autres : Ps 46; 48; 76; 84; 87). Toutefois, à l’intérieur du psautier, il fait partie des 15 « chants des montées » ou « cantiques des degrés » (Ps 120–134), qui seraient des chants de pèlerinage chantés sans doute pendant la montée à Jérusalem (cf. Is 2,3; Jr 31,6; Ps 84). On a aussi suggéré qu’il s’agissait de chants de pèlerinage repris par des lévites placés sur les « quinze degrés » ou marches, de l’entrée du temple, ou encore d’une suite de chants pour couvrir « graduellement » l’ensemble des célébrations du pèlerinage.
Le texte du psaume comporte deux difficultés. Au v. 3b, on a littéralement : « qui est liée à elle ensemble ». On traduit habituellement : « ville où tout ensemble ne fait qu’un », « ville d’un seul tenant ». L’idée serait celle d’une ville bien construite où toutes les parties sont liées entre elles, qui associe tout en elle. On peut aussi comprendre, d’après les versions anciennes, qu’il s’agit de la cohésion des personnes (« où la communauté est une »). Au v. 6b, pour respecter le parallélisme avec le v. 7a (« Que la paix règne dans tes murs ») certains corrigent « paix à ceux qui t’aiment » par un mot semblable en hébreu « paix à tes tentes ».
La structure du poème, en trois strophes, est assez évidente. La première strophe (v. 1-2) oppose un hier (v. 1) à un aujourd’hui (v. 2). Quelqu’un, parti à Jérusalem avec un groupe de pèlerins après un cri de ralliement, exprime sa joie d’arriver enfin à destination. On y passe de la perception auditive (le cri) à la perception visuelle (la beauté de la ville). La deuxième strophe (v. 3-5) contient un approfondissement théologique sur Jérusalem symbole d’unité dans deux domaines : religieux d’abord, à cause du temple, lieu de rassemblement cultuel (v. 4) ; politique, ensuite, à cause du palais royal, lieu du pouvoir central (v. 5). La troisième strophe (v. 6-9) se répand en souhaits et prières pour le bonheur et la paix (v. 6-9).
Sur le plan littéraire, le psaume est un chef-d’œuvre. On note immédiatement la répétition de certains mots soulignant les thèmes centraux : « Jérusalem » (v. 2-3.6), l’adverbe « là » (v. 4-5), « à cause de » (v. 8-9), mais surtout la reprise des termes avec un complément différent : « tribus » (v. 4); « trônes » ou « sièges » (v. 5); « paix, prospérité » (v. 6-8). Aux v. 4-5 la séquence des formes est la même : adverbe, verbe, substantif redoublé pour l’emphase : « C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur. C’est là le siège du droit, le siège de la maison de David ». Ce n’est pas tout. Dans l’hébreu, il y a également des allitérations et des jeux de sonorité plutôt uniques (v. 4c; v. 4d-5a), surtout la cascade de syllabes chuintantes du v. 6 : « demandez » (sha’alu), « la paix » (shalôm), « Jérusalem » (yerûshalaïm), « que la paix règne » (yishlayû).
Le v. 1 du psaume s’ouvre sur la joie. En communion avec tous ses prédécesseurs, le psalmiste fait sien l’enthousiasme qui soulevait les Israélites à la pensée de voir Jérusalem et son temple (Ps 16,9-11; 27,4; 42,3-7; 43,3-4; 48,12; 84,2-8; Dt 12,18; 14,26; 1 Ch 12,41; 15,16.25; 2 Ch 30,21-26; Is 30,29; Jr 31,12-13; So 3,14-15). À l’annonce du pèlerinage qu’il va entreprendre, il se remémore les paroles des prophètes « Levez-vous et montons à Sion, vers le Seigneur notre Dieu » (Jr 31,6; cf. Is 2,1; 30,29). Dès le v. 2 le psalmiste s’adresse directement à la ville (« tes portes »). Sa marche dans la poussière et sous un soleil de plomb a pris fin, ses pieds foulent maintenant la terre sacrée. Au v. 3 le pèlerin admire Jérusalem solidement reconstruite, avec ses douze portes monumentales, remplie d’une nombreuse population. Pour un provincial habitué aux villages aux petites maisons isolées et sans ordre, c’est un émerveillement de découvrir l’ordonnance harmonieuse des habitations en pierre et des palais. Nous avons parlé du problème textuel de ce verset. Le verbe est au passif, qui pourrait être interprété d’un passif divin au sens où c’est Dieu qui a réalisé l’unité du peuple autour de la ville sainte. Mais rapidement cet enthousiasme esthétique s’élève au niveau des valeurs nationales et religieuses qu’évoque la ville. Elle est le signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple, le gage de sa prédilection, le centre des tribus où toutes viennent prendre conscience de leur solidarité et resserrer leur unité nationale. Le v. 4 évoque les tribus montant trois fois par année à Jérusalem, pour la Pâque, Pentecôte et la fête des Tentes (Ex 23,17; 34,23; Dt 12,4-14; 16,16). Le v. 5 parle des « sièges », une référence aux rois d’Israël qui jugeaient au nom du Seigneur tout citoyen faisant appel à eux (Dt 7,8; 1 R 3,7-11; 7,7; Pr 20,8; Ps 9; 43,1-3; 118,9-21; Is 11,3; 16,5; 26,1-3; Jr 21,12). C’est que, à côté du temple, résidence de Dieu, s’élevait le palais des rois, symbole de la dynastie davidique et représentation visible de la présence de Dieu sur terre. C’est pourquoi le psaume parle de la « maison de David », la dynastie choisie par le Seigneur qui a reçu les promesses divines (2 S 7; 1 R 12,28; 2 R 2,45; Ps 89,5.30.37; 132,11). Comme le psaume est probablement postexilique, les grandes traditions royales cèdent le pas à un messianisme plus spiritualisé. Depuis le retour d’exil, Jérusalem garde le trône vacant pour le nouveau David promis.
Dans un changement de tonalité assez net, la dernière étape (v. 6-9) se développe tout entière sous le mode volitif avec des prières et des souhaits. Le psalmiste s’adresse successivement aux autres pèlerins (v. 6a), puis encore à Jérusalem (v. 6b-9). D’autres ont supposé un dialogue entre un prêtre (v.6a.7a.8a) et les fidèles (v. 6b.7b.8b), terminé par la prière du prêtre (v. 9). Que rien ne vienne troubler le calme de la ville, de ses tentes, de ses palais et de ses murailles! En jouant sur l’étymologie populaire du nom de la ville (« cité / vision de paix »), le psalmiste souhaite paix et bonheur à la ville. La salutation s’exprime selon la formula bien connue: « Shalôm! Paix à toi! ». C’est un souhait non seulement d’absence de trouble et de malheur, mais encore d’obtention des biens les plus importants comme la santé et le bien-être (Gn 29,6; 43,7; 2 S 11,7; 2 R 20,9; Ps 84,5). En effet, la racine hébraïque signifie d’abord « intégrité » : que Jérusalem garde toujours son intégrité territoriale, morale, religieuse et politique. Il faut donc que la ville voit la réalisation intégrale de tout ce que signifie son nom, qu’elle demeure, à travers toutes les tragédies, la patrie de la paix où l’on vit en bonne entente dans l’amour du vrai Dieu. Une dernière considération achève de donner à ces vœux pour Jérusalem leur plénitude de sens, à savoir le rôle communautaire que la cité exerce à l’égard de ceux qui se recommandent d’elle. Jérusalem est la ville de tous. Le psalmiste étend ses prières à tous ses frères de race et de religion, à tous ceux qui participent au pèlerinage, à ceux qui ont dû rester chez eux, à ceux qui résident ailleurs dans le pays et même à ceux qui sont dispersés dans la diaspora.
La relecture chrétienne permet, pour une rare fois, une application littérale du psaume. En effet, la coutume des pèlerinages semble plus vivante que jamais : Rome, la terre sainte, Compostelle, Fatima, Lourdes, etc. Depuis des siècles, des milliers de pèlerins ont marché de grandes distances afin d’aller vers ces lieux significatifs où Dieu s’est manifesté au monde, signifiant du coup leur cheminement intérieur vers lui. Même s’il est vrai que « les vrais adorateurs adorent le Père en esprit et en vérité » (Jn 4,21), il reste que les hommes ont besoin de ces signes visibles qui pointent vers une autre cité et donnent un sens à leur marche vers elle.
Certains auteurs ont imaginé Jésus récitant ce psaume lors de ses montées à Jérusalem (Lc 2,41; Jn 2,23; 5,1; 7,2-10). Il faut noter spécialement Lc 19,41-44 qui joue aussi sur « Jérusalem » et « paix » (cf. Hé 7,2). À un autre niveau, le Ps 122 pointent vers l’Église, nouvelle fondation de paix. De même que Jérusalem signifiait l’unité de tout Israël, ainsi l’Église fait l’unité de tous les croyants en Jésus Christ. « Il a voulu tout réconcilier [...] en faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1,20). C’est pourquoi tous les cantiques de Sion sont généralement interprétés de l’Église, Jérusalem nouvelle (Ap 21,2-27), que toutes les nations de la terre sont appelées à construire (Ép 2,20-22; Hb 12,22-24), où tout se tient uni par le lien de la charité (Col 3,14) et de la paix (Ép 4,3; Ph 4,7). On a aussi développer l’image de Jésus temple nouveau (Jn 2,19-22) ainsi que les textes apostoliques sur le temple vivant de Dieu composé des fidèles (1 Co 3,11-17; 1 P 2,5). Ainsi donc, si la motivation politique du Ps 122 est d’une application plus délicate dans le monde d’aujourd’hui, sa motivation religieuse, au service de l’unité, reste toujours valide.
Fr. Hervé Tremblay o.p.
Collège universitaire dominicain
Ottawa
Homélie : 1er dimanche de l’Avent – 28 novembre 2010
27 novembre, 2010du site:
http://www.homelies.fr/homelie,1er.dimanche.de.l/.avent,2978.html
1er dimanche de l’Avent – 28 novembre 2010
Famille de saint Joseph
HOMÉLIE
L’automne, et bientôt l’hiver, étendent leur manteau de brouillard et de bruines sur la terre. Les arbres se sont dépouillés de leurs feuilles ; la sève se retire des branches : la nature s’intériorise, se recueille. Le chant des oiseaux se fait plus discret comme pour ne pas interrompre le silence de la nuit qui se prolonge. Tout nous porte à entrer nous aussi en « retraite », comme nous y invite le temps liturgique de l’Avent. Le mot « retraite » est à prendre au sens étymologique : il s’agit de nous retirer autant que faire se peut de l’éparpillement dans nos activités débordantes, pour nous tourner vers l’intérieur, et nous mettre à l’écoute du silence.
La première lecture peut nous aider à orienter notre effort : « Venez, famille de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur ». Quelle est la lumière qui nous guide dans notre vie quotidienne ? Celle des spots publicitaires ? des flash-infos ? des bandes annonces du dernier film ? des devantures ruisselantes des magasins ? Réussissons-nous à prendre de la distance par rapport à ces multiples sollicitations extérieures ? Gardons-nous notre liberté intérieure ou sommes-nous prisonniers de notre société de consommation qui érige le bien-être et la jouissance en valeurs suprêmes ?
Paradoxalement, saint Paul dans la seconde lecture compare l’agitation de cette vie trépidante à un « sommeil » dont il nous presse de sortir. L’insistance de l’apôtre nous laisse présager que la démarche ne sera pas aisée : il s’agit d’une véritable conversion, qui exige un « combat » contre la partie obscure de nous-mêmes – celle qui est complice des « activités des ténèbres » : ripailles, beuveries, orgies, débauches, disputes, jalousies – entendons : toutes les œuvres qui ne procèdent pas d’une conscience droite, c’est-à-dire d’une conscience éclairée par la lumière de l’Esprit, et qui par conséquent sont ténébreuses.
Nous ne sommes pas invités à nous soustraire au monde, mais à redécouvrir notre intériorité spirituelle, afin de nous conduire comme « des fils de la lumière, des fils du jour » ; car « nous n’appartenons pas à la nuit et aux ténèbres. Dès lors – insiste à nouveau saint Paul – ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres » (1 Th 5, 5-6).
Le message est clair : « Veillez » ; tel est le mot d’ordre de tout ce temps béni de l’Avent. La sobriété – signifiée par la couleur liturgique violette – a pour but de nous soustraire à la fascination des sollicitations extérieures ; la vigilance doit nous garder attentifs aux motions intérieures de l’Esprit.
Pour qu’une telle attitude devienne habituelle, il faut bien sûr s’y exercer en des temps privilégiés durant lesquels nous nous efforçons de nous recueillir, de nous intérioriser, de revenir à nous-mêmes.
La difficulté est que nous avons perdu la clé de notre chambre intérieure ; lorsque nous essayons de faire silence, nous sommes bientôt submergés par le bruit de nos pensées en cavale et par le tintamarre de nos émotions débridées. Aussi risquons-nous de nous décourager : comment pourrions-nous revenir à nous-mêmes alors que nous ne savons plus qui nous sommes ?
C’est bien pourquoi saint Paul nous invite à « revêtir le Seigneur Jésus Christ pour le combat de la lumière ». N’est-il pas le vrai visage de l’homme réconcilié avec Dieu et rétabli dans la lumière de la grâce ? N’est-il pas le chemin qui nous conduit à notre vérité profonde et à la source de la vie ?
Revêtir le Seigneur Jésus Christ signifie épouser sa manière de voir les personnes, les événements ; évaluer les situations à la lumière de ses critères ; pour agir conformément à ce qu’il attend de nous.
Autrement dit : pas d’oraison chrétienne qui ne soit enracinée dans la lectio divina, c’est-à-dire dans une « lecture savoureuse de la Parole », qui nous fasse entrer dans l’intimité du Seigneur Jésus, et nous donne de le connaître « en Esprit et vérité » (Jn 4, 23) – comme nous y invite le Saint Père dans sa récente Exhortation apostolique post-synodale Dei Verbum.
Tel est bien le cœur de la conversion à laquelle nous sommes invités en ce temps béni de l’Avent : nous laisser conduire jour après jour par les textes de la liturgie, afin de retrouver l’attitude de vigilance intérieure qui convient à un disciple en attente du retour de son Maître. Comme Noé, il nous faut « entrer dans l’arche » de l’Église – de notre « église intérieure », c’est-à-dire de notre cœur – pour nous y tenir prêts à « l’avènement du Fils de l’Homme ».
Veiller intérieurement pour demeurer en présence du Seigneur, afin de le reconnaître quand il viendra, mais aussi afin de le découvrir dans le visage de ceux qui nous entourent et qui sont confiés à notre vigilance. Nous avons à veiller sur eux comme le Seigneur veille sur nous. Plus exactement : le Seigneur veut se servir de notre vigilance pour les entourer la sienne.
Le discernement des signes du Royaume qui vient implique que nous acceptions de devenir nous-mêmes ces signes, en nous laissant conduire par l’Esprit de charité.
« Deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé. Deux femmes seront au moulin : l’une est prise, l’autre laissée ». Risquons une interprétation de ce verset mystérieux. Nous suggérons que les hommes représentent la dimension extérieure de notre humanité – l’être « charnel » dont parle saint Paul ; et que les femmes symbolisent notre intériorité psychique, c’est-à-dire notre dimension affective et nos facultés. Chacune de ces polarités – masculine et féminine – est présentée en binôme, pour signifier que nous sommes « doubles » : notre être psychique et notre être charnel sont en partie autonomes, et en partie soumis à l’être spirituel, c’est-à-dire à l’homme nouveau, au Christ intérieur. « L’un(e) est pris(e), l’autre laissé(e) » : l’être naturel en nous ne subsistera que dans la mesure où il se sera soumis à l’Esprit, c’est-à-dire dans la mesure où il aura accueilli la grâce du salut.
Peut-être pouvons-nous deviner, en filigrane des personnages masculins et féminins qui « sont pris », Joseph et Marie chez qui l’être charnel et psychique sont pleinement intégrés dans l’être spirituel, et mis au service du dessein de Dieu. Tous deux vivent dans le monde, mais ne sont pas du monde : leurs pensées, leurs paroles, leurs actions sont entièrement finalisées sur l’accueil du Sauveur. Qui mieux que Marie et Joseph pourrait nous introduire dans ce temps de conversion à l’unique nécessaire ?
« Vierge Marie, apprends-nous à tourner nos regards vers l’intérieur et à cultiver la vigilance du cœur. Saint Joseph, enseigne-nous comment travailler dans le monde sans nous disperser ou nous laisser accaparer par nos activités. De sorte que « tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons, soit toujours accompli au nom du Seigneur Jésus Christ, en offrant par lui notre action de grâce à Dieu le Père » (Col 3, 17). »
Père Joseph-Marie