dimanche 10 octobre 2010 – 28e du Temps Ordinaire – Homélie

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dimanche 10 octobre 2010 – 28e  du Temps Ordinaire

Famille de saint Joseph Octobre

Homélie-Messe  

Pour ne pas rendre le maître impur, les dix lépreux s’approchent de Jésus ; mais tout en se tenant à distance, ils crient vers lui leur détresse : « Jésus, maître, prends pitié de nous ! » Qu’attendent-ils au juste ? Sans nul doute nourrissent-ils l’espoir un peu fou d’obtenir leur guérison. Pourtant ils savent bien que Dieu seul peut guérir de la lèpre. Mais ce Rabbi de Nazareth n’a-t-il pas ressuscité la fille de la veuve de Naïm (Lc 7, 11-17) ?
Jésus ne s’avance pas jusqu’à eux pour les toucher, comme il a l’habitude de le faire lorsqu’il guérit ; il ne prononce pas de parole signifiant qu’il prend autorité sur la terrible maladie. Il se contente de leur ordonner d’accomplir les prescriptions légales en cas de purification de la lèpre.
Ce faisant, il est clair que Notre-Seigneur met leur foi à rude épreuve, car ils sont supposés aller se présenter au prêtre du Temple, alors que de fait, ils ne sont toujours pas guéris ! L’épreuve est bien plus grande que celle à laquelle Élisée avait soumis Naaman, en lui ordonnant de se plonger sept fois dans les eaux du Jourdain. Or tous les dix font preuve d’une confiance exemplaire, puisqu’ils s’exécutent sans discussion : sans rien objecter au Seigneur, ils se rendent à Jérusalem pour se présenter aux prêtres.
Ce n’est qu’en cours de route qu’ils obtiennent la grâce demandée, en réponse à leur acte d’obéissance à la parole de Jésus. Cependant, seul le lépreux samaritain revient vers Jésus « en glorifiant Dieu à pleine voix ». La guérison des neuf autres n’a pas changé leur perception de Dieu ou de Jésus : ils sont certes purifiés, mais seul le samaritain s’entendra dire : « ta foi t’a sauvé ».
Les autres n’ont pas su interpréter le signe de leur guérison comme un appel à livrer non seulement leur corps, mais leur âme, leur cœur à ce Jésus qui possède une telle autorité sur le mal. Ils n’ont pas perçu que leur guérison physique était l’invitation que le Seigneur leur adressait, à ne pas rester à distance, mais à s’approcher de lui pour recevoir davantage : son amour et le salut que lui seul peut nous offrir. Or c’est cela précisément « la foi qui sauve » : un acte d’abandon de tout notre être au Christ, reconnu comme Seigneur et Sauveur.
Les dix lépreux ont été purifiés, mais un seul va aller jusqu’au bout de sa guérison, pour obtenir le salut.
On pourrait dire que neuf des dix lépreux n’avaient besoin que d’un sauveteur ; seul le dixième a reconnu en Jésus le sauveur. Les sauveteurs, ce sont les médecins, infirmières et ambulanciers des services d’urgence. De sauveur il n’y en a qu’un : le Christ de Dieu.
Ne faisons-nous pas de Jésus ce genre d’« urgentiste » comme les neuf lépreux de l’évangile de ce dimanche – ou le général syrien Naaman, vexé de se voir prescrire par Élisée un geste aussi anodin qu’un bain dans le Jourdain ?
« Seigneur, je passe un examen ; mon père est malade ; je dois réussir mon permis de conduire… je vais aller brûler un cierge. » Certes, cette attitude n’a rien de répréhensible : Jésus lui-même nous invite à demander avec insistance ; ce qui est plus gênant, c’est que bon nombre de « croyants » ne se tournent vers Dieu qu’à certains moments : lorsqu’ils ont besoin d’un « sauveteur ». Le reste du temps, ils se passent très bien de lui et l’oublient…
Le samaritain par contre a très bien pressenti l’enjeu de la guérison dont il était bénéficiaire : revenant à Jésus, il se prosterne devant lui, et l’adore « en lui rendant grâce ».
Il ne revient pas pour régler une dette : il n’agit pas comme le général syrien Naaman qui insiste auprès d’Élisée pour qu’il accepte un présent. A travers la gratuité du don de Dieu, ce général d’une armée étrangère, ennemie d’Israël, est invité à découvrir qu’il est simplement aimé de Dieu, tout païen qu’il soit.
Notre samaritain, membre d’un peuple jugé hérétique par les Juifs, a compris que sa guérison était une grâce divine ; or qui dit grâce, dit gratuité, don de l’amour. Aussi revient-il pour exprimer sa reconnaissance, pour dire son amour. Et c’est par cet attachement personnel qu’il devient disciple.
On raconte qu’Abraham Lincoln se rendit un jour sur la place où on vendait des esclaves. Une jeune femme noire, très belle, fut mise en vente. Lincoln fit une offre, qui fut contrée. Le prix augmentait rapidement et Lincoln poursuivit jusqu’à l’emporter. La jeune femme lui fut donnée et ils quittèrent ensemble le lieu des marchands. Elle méprisa son acquéreur et se disait en elle-même : « Maintenant commence les abus que je dois subir ». Mais Lincoln l’étonna en disant : « Mademoiselle, vous êtes libre ». « Libre ? » demanda-t-elle, « libre de quoi ? De dire ce que je veux ? » « Oui », répondit Lincoln. « Libre de devenir ce que je veux ? » « Oui », répondit encore Lincoln. « Libre d’aller où je veux ? » « Oui », répondit à nouveau Lincoln. « Alors » dit-elle les larmes aux yeux « si c’est le cas, je veux aller avec toi ».
Croire en Jésus, c’est reconnaître qu’il est Seigneur ; devenir son disciple, signifie que nous sommes à ce point émerveillés de la gratuité du salut qu’il nous offre, que nous ne pouvons plus vivre sans lui ; que nous ressentons le besoin d’établir chaque jour une relation plus profonde avec lui. Si nous nous rassemblons tous les dimanches, n’est-ce pas pour être guéris en profondeur de la lèpre du péché, par l’écoute de sa Parole et la manducation de son Corps très saint ?
Dans une homélie prononcée à Vienne, le pape Benoît XVI faisait référence aux martyrs d’Abitène, arrêtés au cours de la célébration de l’Eucharistie dominicale. Aux juges qui les interrogeaient sur la raison pour laquelle ils transgressaient l’interdit au prix de leur vie, ces chrétiens avaient répondu : « Sans le don du Seigneur, nous ne pouvons pas vivre ». Le Saint-Père commentait :

« Pour ces chrétiens, la célébration eucharistique dominicale n’était pas un précepte, mais une nécessité intérieure. Sans celui qui soutient notre vie, la vie elle-même est vide. Abandonner ou trahir ce centre ôterait à la vie elle-même son fondement, sa dignité intérieure et sa beauté. Nous aussi nous avons besoin du contact avec le Ressuscité, qui nous soutient jusqu’au-delà de la mort. Nous avons besoin de cette rencontre qui nous réunit, qui nous donne un espace de liberté, qui nous fait regarder au-delà de l’activisme de la vie quotidienne vers l’amour créateur de Dieu, dont nous provenons et vers lequel nous sommes en marche. »

L’Évangile de ce jour nous enseigne que le salut se reçoit au bout d’un chemin que nous commençons à parcourir lorsque, prenant conscience de la guérison opérée dans nos vies par le Christ, nous revenons à lui pour lui rendre grâce.
Célébrer l’« Eucharistie » signifie précisément rendre grâce ; c’est-à-dire reconnaître les signes par lesquels tout au long de la semaine, le Seigneur a manifesté sa présence agissante à nos côtés. Pour partager ensuite dans le Pain et le Vin consacrés, la vie même de Jésus, qui nous fait participer ainsi à la relation d’amour qui l’unit au Père dans l’Esprit.

Père Joseph-Marie

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