LE JOUR DU SHABBAT (par Simon K. DOSSOU, professeur d’Ancien Testament et d’hébreu biblique à la Faculté de Théologie Protestante de Yaoundé)
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LE JOUR DU SHABBAT
par Simon K. DOSSOU, professeur d’Ancien Testament et d’hébreu biblique à la Faculté de Théologie Protestante de Yaoundé
La quatrième stipulation est la dernière qui soit en rapport direct avec Dieu. Mais elle est aussi la première à s’intéresser directement à l’homme.
Qu’est-ce que le Shabbat ? Son origine ? Sa signification et le sens du 4e commandement ?
Notes exégétiques
Zakor est l’impératif qal de zakar qui signifie penser, se souvenir de.
Ne pas confondre avec le substantif zakar qui signifie mâle, sexe, masculin.
D’autres substantifs dérivés sont zékèr : masculin singulier signifie souvenir. Pour la même signification, on rencontre les mots zikeron ou zikaron.
Le manuscrit Pentateuque Samaritain propose que le mot zakor soit remplacé par shamour qui est un qal infinitif absolu de shamar qui signifie garder, surveiller, retenir, conserver.
Il signifie aussi observer, remarquer. Ainsi en optant pour le mot zakar, on peut traduire le texte de la manière suivante : « Souviens-toi du jour du Shabbat ». Et selon le manuscrit Pentateuque Samaritain qui utilise shamar on a : « Garder le jour du Shabbat » ou « Conserver le jour du Shabbat ».
Le mot lequadesho est composé de la particule lamed et de l’infinitif construit Piel de qadosh qui signifie être saint, être pur, séparer, sanctifier, rendre ou déclarer saint, consacrer, purifier, sortir de l’ordinaire. Enfin le mot se termine par le suffixe verbal de la 3e masc sing mis pour shabbat.
C’est cette racine qui a donné le substantif qodesh qui signifie sainteté.
Selon plusieurs manuscrits, ce mot termine la stipulation initiale.
L’expression sheshèt yamim : six jours, fait référence à la création ; mais il est important de remarquer que la stipulation se réfère au jour du Shabbat en vue de sa sanctification.
C’est en 2e position que l’idée de l’achèvement de l’œuvre de la création est avancée et qu’il recommande de ne pas travailler ce jour-là. En d’autres termes, le repos sabbatique est une ordonnance de Dieu, mais la mise à part du jour en vue de l’adoration à rendre à Dieu semble la plus importante.
La version du Deutéronome ne fait pas référence à la création mais plutôt à la situation vécue par les hébreux en Egypte pendant la période d’esclavage.
En effet, le repos qu’offre le ; shabbat permet à l’esclave de cesser toute activité pour le bien de son corps. Après l’installation, des israélites aisés se sont acquis des esclaves qui ont besoin de repos comme c’était le cas de leurs pères esclaves en Egypte.
Mais la question qu’on peut se poser en dépit de tous ces raisonnements est de savoir d’où vient donc l’idée du Shabbat.
Origine du Shabbat
Il existe plusieurs hypothèses sur l’origine probable du Shabbat.
-Origine étymologique
Le substantif shabbat est de la même racine que le verbe. On a donc pensé que le substantif a son origine dans sa propre étymologie.
Le substantif généralement employé dans le cadre religieux désigne le 7e jour de la semaine dans la tradition israélite puis juive ou le dernier jour de la création.
Par extension, 7 ans après le début d’un événement, on parle de l’année Sabbatique.
Cette année permet à certaines personnes de bénéficier de grâce spéciales. Dt 15, 1, 2, Ex 23, 10-11, Lv 25, 25-27.
C’est à partir de là que serait née la pratique de l’année sabbatique. Puisque le mot n’évoque pas seulement l’idée de repos, l’hypothèse de l’origine étymologique n’est pas suffisante.
-Origine babylonienne
Certains ont pensé qu’il faut peut-être trouver l’origine du shabbat chez les Babyloniens.
Il existe en Akkadien le mot Sappatu qui est l’appellation du jour qui marque le milieu du mois c’est-à-dire le 1er jour de la pleine lune. C’est ce jour-là qu’ont choisi les divinités babyloniennes pour apaiser leur colère.
Sappatu désigne donc un jour de joie. Cependant, ceci ne suffit pas pour assimiler sappatu à shabbat ; l’évidence n’est pas très claire.
-Origine Cananéenne
Certains ont pensé que le shabbat serait d’origine cananéenne. En effet, des exégètes avaient constaté que des périodes de 7 jours ou de 7 années avaient une grande signification dans certains documents cananéens. Mais cette hypothèse a dû être abandonnée car on a découvert dans d’autres documents que les marchands phéniciens n’observaient pas le shabbat, (Ne 13. 16), ce qui suppose qu’ils ne le connaissaient pas. Par ailleurs, il ne semble pas avoir de lien entre le shabbat et les calendriers cananéens.
-Origine Quénite
Des recherches faites chez les quénites ont montré qu’il était interdit à leurs forgerons d’allumer les feux de leur forge le 7e jour. On a donc supposé que ce 7e jour mis à part pour l’adoration de la divinité. On a vite fait de penser que ce serait là l’origine du shabbat, jour réservé à l’adoration du Dieu l’Israël. Mais cette hypothèse n’a pas été satisfaisante à la longue et elle a été abandonnée.
En conclusion à toutes ses hypothèses, nous dirons qu’il n’est pas prudent de vouloir trouver coûte que coûte l’origine du shabbat chez les peuples qui environnaient Israël. Ainsi, l’origine du shabbat serait liée à la révélation du Yahvisme à Israël.
-La signification du Shabbat
Selon que l’on veuille étudier le shabbat selon le texte de l’Exode ou selon le texte du Deutoronome, on est amené à lui trouver une signification particulière.
Il est néanmoins plus judicieux de partir des points de vue de ces deux livres pour en dégager la signification.
Le mot lekodesho (le sanctifier) montre que le Sabbat est considéré comme un jour tout à fait à part qu’il faut rendre ou déclarer pur. Ainsi Dieu a crée le Sabbat pour la sanctification, la mise à part du jour lui-même en vue du culte à lui rendre.
Plus qu’aucun autre jour, Sabbat est le jour au cours duquel l’homme créé doit rendre un culte à son Dieu et lui rendre les honneurs qui lui sont dus.
Le Sabbat est également le 7e jour de la création et est par conséquent le dernier jour qui a consacré l’achèvement de l’œuvre créatrice de Dieu.
Il s’est reposé de son œuvre et le livre de l’Exode demande à l’homme de se reposer comme son créateur.
Par contre, le Deuteronome fait remonter le Sabbat à Dieu qui l’a mis de côté en souvenir de la libération qu’il a opérée en Egypte pour le peuple d’Israël. Ici l’institution est liée à l’histoire du Salut et non à la création. Ainsi, le Sabbat est le symbole du jour de la liberté tant pour l’homme que pour tout ce qui lui appartient.
A partir des deux versions du décalogue, on ne peut dire que le Shabbat qui est le jour du repos du Seigneur garantit le caractère sacré du 7e jour. L’homme doit mettre ce jour à part comme devant servir à l’adoration du créateur. Par ailleurs, on découvre le caractère humanitaire du Sabbat. L’homme comme les autres créatures ont besoin de repos afin de refaire leurs énergies. Les esclaves et ceux qui ne peuvent décider de leur propre jour de repos trouvent en ce commandement une garantie pour qu’ils puissent se reposer aussi.
En Israël contemporain, c’est le jour de la gaieté, de la jouissance des grâces de Dieu.
-Shabbat et Dimanche chrétien
Le Sabbat est le dernier jour de la semaine juive. C’est le jour où l’on adore le Seigneur. C’est également le jour de repos officiel. Il est même considéré comme un jour de fête.
Lié à la situation vécue par les hébreux en Egypte le sabbat rappelle l’histoire du salut. Le dimanche chrétien est aussi appelé jour du Seigneur. Dans plusieurs régions du monde il est aujourd’hui considéré comme le jour de repos.
Mais comment le dimanche a-t-il fait pour prendre la place du Sabbat, dernier jour de la semaine juive alors qu’il est le premier jour de la semaine ?
Sur le plan historique, il aurait été l’œuvre de « l’empereur Constantin qui a promulgué un décret en 321 pour que le dimanche devienne le jour de repos officiel du monde romain. L’empereur Constantin à Helpidus, préfet de la ville de Rome. Que tous les juges, les populations des villes et tous les corps de métier cessent le travail le jour vénérable du Soleil. Pourtant, les agriculteurs se consacrent librement et sans entraves à la culture des champs ».
Mais comment a-t-on pris dimanche pour ce jour d’adoration alors que le texte ne fait nulle mention du culte chrétien ? Plusieurs hypothèses sont émises :
1ère : Le sabbat était jour d’adoration du Seigneur Dieu.
- Le dimanche devient par conséquent le jour de l’adoration du Christ ressuscité, pour les premiers chrétiens.
2e : Le Sabbat faisait allusion à la libération de la servitude de l’Egypte.
- Le dimanche de son côté est le jour où le Christ a libéré l’humanité de la mort par sa propre mort et sa résurrection.
3e : Les premiers chrétiens n’avaient pas abandonné immédiatement le jour du Sabbat comme jour d’adoration. La foi en Christ était la chose primordiale pour eux. Même au départ, les juifs qui devenaient chrétiens n’abandonnaient pas les pratiques juives automatiquement. Ils allaient toujours à la synagogue comme à l’accoutumée (Ac 31,8 ; 5, 42).
L’apôtre Paul profitait même des jours de Sabbat pour évangéliser dans les Synagogues. (Ac 13, 42 ; 44, 17, 2).
Mais puisqu’il devenait de plus en plus difficile d’adorer tranquillement les autres jours de la semaine comme ils avaient pris l’habitude de le faire chaque jour ; Il fallait trouver un jour de la semaine pour l’adoration afin qu’il soit en même temps jour de fête comme le Sabbat l’était.
Le premier jour de la semaine semblait répondre le mieux aux diverses aspirations des premiers chrétiens, c’était le jour de la résurrection Jn 20.
Huit jours plus tard, c’est-à-dire le 1er jour de la semaine il est apparu aux disciples réunis Jn20, 19-26.
Si les circonstances ont amené les premiers chrétiens à changer leur jour d’adoration du Sabbat au dimanche, il y avait un autre sens assez significatif pour eux. Avec la foi fort nouvelle, il fallait un changement et ne pas se contenter des formes anciennes. Ce christianisme n’est pas le judaïsme ainsi que le christianisme ne peut se contenter du Sabbat pour l’adoration du judaïsme.
Le sens du 4e commandement
Des éléments développés se dégage le sens du 4e commandement :
Sanctification ou mis à part du jour du sabbat pour le culte à rendre à Yahvey. C’est le jour consacré à l’adoration. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas adorer les autres jours de la semaine. Le croyant doit rendre un culte à son Dieu chaque jour à travers chaque aspect de sa vie.
Par ailleurs, le jour du Sabbat est aussi le jour du repos. Toute personne libre ou esclave a droit au repos bienfaisant qu’offre l’occasion du jour du Sabbat. Toute personne doit s’en souvenir et l’observer quoi qu’il ne semble pas avoir une continuité logique entre le jour du Sabbat et le dimanche chrétien : l’un comme l’autre servent à l’adoration de Dieu et de Christ et permettent aux hommes de se reposer de leur activités aussi.
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Simon K. DOSSOU, est professeur d’Ancien Testament et d’hébreu biblique à la Faculté de Théologie Protestante de Yaoundé. Il est aussi enseignant associé à l’Institut Catholique de Yaoundé et depuis peu à l’Université Adventiste Consendai de Nanga Eboko (Cameroun).
Collection TODAH n° 2
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