Le « salut », au premier siècle et aujourd’hui
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Le « salut », au premier siècle et aujourd’hui
Quel sens avaient les mots « salut » et « être sauvé » pour les hommes du premier siècle? Quel sens ont-ils pour nous aujourd’hui?
Le salut, pour les juifs
En Marc 10,25-26, Jésus dit: « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu! »;
et les disciples s’interrogent: « Mais alors, qui peut être sauvé? »
Je me suis demandé quelle idée du salut les disciples pouvaient avoir en tête, si du moins ce passage d’évangile rapporte une conversation réelle; et ce que le « royaume de Dieu » pouvait être pour eux.
Les disciples attendaient manifestement un royaume messianique terrestre, comme on le voit encore après la résurrection, où ils demandent:
» … est-ce maintenant que tu vas rétablir le Royaume pour Israël? » (Actes 1,6)
Dans la tradition juive, la richesse était la récompense d’une vie juste: être riche était une bénédiction, être pauvre une malédiction (cf. par exemple Ps 112 v.3). Sans doute les prophètes et certains psaumes avaient-ils introduit la notion de pauvres aimés du Seigneur (p.ex. Ps 74,19 « la vie de tes pauvres ») et d’un reste d’Israël qui est un « peuple de pauvres » (Sophonie 3,12); mais les disciples étaient « lents à croire ce qu’ont annoncé les prophètes » (Luc 24,25)!
Et donc l’idée que les riches ne puissent pas participer au futur « royaume » messianique (terrestre) était pour eux extrêmement déroutante.
Par ailleurs, qu’entendaient-ils par « être sauvés »?
Peut-être faut-il ici se rappeler les prophètes apocalyptiques, qui annonçaient un « jour du Seigneur », jour terrible:
« Qui supportera le jour de sa venue? Qui se tiendra debout lors de son apparition? » (Malachie 3,2)
Mais le texte ajoute:
« Ils seront pour le Seigneur ceux qui présentent l’offrande comme elle doit l’être » (Malachie 3,3)
Donc les prophètes annoncent qu’un « reste » d’Israël subsistera après que Dieu soit venu pour le jour du jugement (voir p.ex. Sophonie 1,14 à 2,3); ce reste ne comprendra que ceux qui auront été préservés de l’anéantissement.
Survie et existence après la mort se mélangent en fait ici.
Or qu’en est-il des morts? C’est assez flou semble-t-il dans la théologie juive de cette époque: il y a le shéol, conçu au départ comme le séjour de tous les morts (cf. par exemple Job 3,13-17); mais peu à peu on distingue plusieurs catégories parmi les morts:
« Beaucoup de ceux qui dorment dans le sol poussiéreux se réveilleront,
les uns pour la vie éternelle,
les autres pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle » (Daniel 12,2) (1)
La « vie éternelle » mentionnée ici n’est peut-être pas différente du royaume messianique évoqué plus haut: Saint Paul lui-même, dans ses premières lettres, suppose encore que certains des chrétiens ne mourront pas, car le Christ reviendra pour instaurer son royaume avant qu’ils ne soient morts.
Donc le salut, pour les apôtres avant la Pentecôte (et aussi un peu après?), c’était sans doute faire partie de ce reste qui ne serait pas détruit lors de la venue définitive du Messie.
Le salut, pour les païens
A l’époque où les premiers chrétiens commencent à répandre la Bonne Nouvelle dans le bassin méditerranéen, la notion de salut existe aussi chez les Grecs et les Romains.
De nombreuses religions de salut, des « mystères » de salut existent dans les villes.
Il s’agit, comme chez les peuples primitifs, de se ménager la faveur des dieux par des actes appropriés.
En fait beaucoup de nos contemporains ne sont pas moins primitifs, lorsqu’ils ont des pratiques ou des croyances superstitieuses…
Le « salut » consiste pour ces païens simplement à espérer que tout se passera bien, qu’ils auront une vie harmonieuse, réussie, heureuse. Qu’ils seront « délivrés » des malheurs, malchances ou « malédictions ».
Mais le fait qu’il faille renouveler souvent ces pratiques montre qu’il s’agit d’un salut bien limité, et qui dépend de la pratique religieuse jour après jour…
Le salut, pour les chrétiens des premiers siècles
On ne fera ici qu’une brève présentation d’un sujet immense, qui demanderait une analyse de tous les textes du Nouveau Testament!
Jésus, selon que nous pouvons en juger d’après les évangiles, s’exprime à la fois pour ses contemporains et pour les générations suivantes; c’est une des raisons sans doute pour lesquelles il approche la question du salut par des touches successives, et non par un exposé direct qui serait incompréhensible à ses interlocuteurs… et peut-être à nous!
C’est Jésus qui apporte le salut (p.ex. Lc 19,9): après sa mort, entré dans sa gloire (Luc 24,26), il nous « prendra avec lui » (Jn 14,3).
Il s’agit de croire en Jésus (Actes 16,31), et, par le baptême, de recevoir le pardon de ses péchés et le don de l’Esprit (Actes 2,38). On devient alors destinataire de la promesse (Actes 2,39).
« Sauvez-vous (…) de cette génération dévoyée » (Actes 2,40)
Nous sommes libérés du péché (Rom 6,22); le salut est une réalité à la fois encore à venir et déjà présente:
« Nous avons été sauvés, mais c’est en espérance » (Romains 8,24)
« Autrefois vous étiez ténèbres; maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur » (Ephésiens 5,8)
Le message adressé aux païens est en substance le suivant: le vrai Dieu s’est manifesté (Actes 17,24-30); il vous propose d’entrer dans son amour.
« Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pierre 2,9)
Le salut, aujourd’hui
Plutôt que de partir, pour cette réflexion, de la théologie développée par l’Eglise depuis 20 siècles, et de chercher à expliquer par exemple ce que cela veut dire que « Jésus-Christ, mort pour nos péchés » et quel genre de salut cela nous apporte, on adoptera ici une approche plus empirique, plus proche peut-être de la notion de salut que peuvent avoir les hommes d’aujourd’hui.
- Le salut, cela veut dire mettre son amour en Jésus et espérer: l’histoire collective, l’histoire individuelle, prennent un tout autre sens quand on devient croyant, quand on croit que Jésus est vraiment ressuscité, et qu’il est vraiment le témoin d’une puissance d’amour avec laquelle nous pouvons entrer en relation.
- Le salut, c’est vivre autrement dès aujourd’hui: l’Esprit d’amour, que nous accueillons en nous, transforme peu à peu notre comportement; le salut, c’est de sentir que l’on n’est plus bloqué indéfiniment dans les mêmes échecs dans notre vie personnelle et nos relations; que tout peut s’ouvrir, s’assouplir, s’illuminer.
- Le salut, c’est penser que l’existence continue à s’épanouir après la mort: le chrétien, de même qu’il a quatre mille ans d’histoire judéo-chrétienne derrière lui, a une éternité d’amour devant lui; la mort est une étape, non une fin et un échec définitif; nous continuerons ensuite à monter dans l’amour mutuel, dans l’amour infini révélé en Jésus-Christ.
Jésus apporte le salut parce qu’il nous découvre toutes ces perspectives; il est à la fois lumière et point d’appui: ce qu’il a vécu, il nous propose de le vivre; il nous fait comprendre les richesses de bonheur auxquelles cela conduit.
Le contraire du salut, c’est l’enfer… mement, en nous mêmes (au lieu de nous ouvrir à la rencontre avec les autres), en nos problèmes. C’est pourquoi certains chrétiens disent « Jésus est la solution »!
Le royaume, exactement comme à l’époque de Jésus, est à la fois une réalité présente et une réalité « de l’au-delà »: chaque acte qui est fait dans un véritable esprit d’amour est signe et présence du royaume; il y a de grands témoins, comme Mère Teresa ou Guy Gilbert, et chacun d’entre nous est amené aussi à poser de tels actes, à vivre le royaume par son comportement. Le royaume est aussi la perspective dans laquelle nous vivons nos vies, et vers laquelle nous pensons continuer à aller dans l’au-delà.
Dire que « les riches ne peuvent pas entrer dans le royaume, être sauvés », c’est au fond un peu ce que disent aussi les Béatitudes (Luc 6,20-26): il faut se reconnaître pauvre devant Dieu, et ne pas tenir plus à nos richesses qu’à l’amour (Mt 6,24).
Entrer dans le royaume, c’est entrer dans un mode de vie basé sur l’amour, en dialogue avec Dieu qui est la source de cet amour. C’est vivre le salut, tel qu’il a été décrit ci-dessus.
Qu’en est-il enfin des non-chrétiens? S’ils ne deviennent pas chrétiens, ou n’ont jamais entendu parler de Jésus, ou le refusent, sont-ils « sauvés »?
D’une part bien entendu chacun d’eux peut poser de véritables actes d’amour et donc participer ainsi à la réalité du royaume: il y a des saints « laïques » ou anticléricaux! D’autre part le plan de Dieu sur le monde est mystérieux, c’est à dire qu’il dépasse notre compréhension; il paraît logique que, si ce n’est pas dans cette vie, au moins au delà, chacun puisse bénéficier de ces « torrents d’amour » que Dieu nous a révélés.
Qu’il est précieux ton amour, ô mon Dieu!
A l’ombre de tes ailes tu abrites les hommes:
ils savourent les festins de ta maison;
aux torrents du paradis tu les abreuves.
Ps. 36 (35),8-9 (Traduction liturgique)
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