Archive pour août, 2010

12 août: Sainte Jeanne de Chantal nous apprend à prier

11 août, 2010

du site:

http://catholique-chalons-en-champagne.cef.fr/spip.php?article20

Sainte Jeanne de Chantal nous apprend à prier

jeudi 15 janvier 2009

* Quand nous ne dirions autre chose à Dieu, sinon que nous l’aimons, c’est assez, il n’est pas besoin avec lui de tant de discours.
* Dans l’oraison l’âme a plus à écouter qu’à parler.
* Dieu ne parle au cœur que dans le recueillement.
* Il n’y a que le cœur qui soit absolument nécessaire en l’oraison.
* Plus nous nous viderons de ce qui n’est pas Dieu, plus il nous remplira de lui-même ; perdons le soin de nous-mêmes afin que Dieu s’en charge.
* Mettez votre âme en liberté, dans la paix et le calme.
* Demeurez patiente et souffrante ; c’est une grande oraison.
* Préparez votre âme et l’ouvrez devant Dieu, afin qu’il la remplisse de lui-même.
* Toutes nos actions sont oraisons quand nous les faisons pour Dieu.
* Une seule chose est nécessaire c’est d’avoir Dieu. Quand nous l’avons donc, n’est-ce pas le quitter que d’aller chercher un chemin pour le trouver ?
* Vous adorez mieux Dieu par le silence que par le discours.
* L’oraison est un simple entretien tout cordial de l’âme avec Dieu.

12 août: Sainte Jeanne de Chantal

11 août, 2010

du site:

http://missel.free.fr/Sanctoral/08/12.php

12 août

Sainte Jeanne de Chantal
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Biographie

Jeanne Françoise Frémyot naquit à Dijon le 23 janvier 1572. Orpheline de mère à dix-huit mois, elle reçut de son père, second Président au Parlement de Bourgogne, une éducation forte et brillante, profondément chrétienne. « Dès son jeûne âge l’on remarqua en elle des indices particuliers de la grâce divine, et entre autres une modestie fort majestueuse et une aversion si incomparable aux hérétiques, que si quelqu’un d’eux la voulait toucher ou porter entre ses bras, elle ne cessait de crier qu’il ne l’eût posée. Elle apprenait avec une grande souplesse et vivacité d’esprit tout ce qu’on lui enseignait, et on l’instruisait de tout ce qui est convenable à une demoiselle de sa condition et de son bon esprit : à lire, écrire, danser, sonner des instruments, chanter en musique, faire des ouvrages… »1
Le 29 décembre 1592, elle épousa Christophe II de Rabutin, baron de Chantal. « Ce fut un des plus accomplis mariages qui aient été vus, l’un et l’autre partis étant parfaitement doués de corps et d’esprit, des plus aimables qualités, recommandables en la noblesse. Quant à notre bienheureuse Mère, elle était de riche taille, d’un port généreux et majestueux, sa face ornée de grâces et d’une beauté naturelle fort attrayantes sans artifice et sans mollesse ; son humeur vive et gaie, son esprit clair, prompt et net, son jugement solide ; il n’y avait rien en elle de changeant ni de léger. Bref, elle était telle qu’on la surnomma la dame parfaite… Elle ne portait que du camelot et de l’étamine, et cela avec tant de propreté, de grâce et de bienséance, qu’elle paraissait cent fois plus que plusieurs autres qui ruinent leurs maisons, pour porter des affiquets… Cette femme diligente fut une couronne à son mari Le cœur duquel se fiant en elle entreprit avec joie et générosité de régler sa maison.2 »
Pendant neuf ans ils vécurent un très grand bonheur au château de Bourbilly, jusqu’à ce jour de 1601 où Monsieur de Chantal mourut des suites d’un accident de chasse. Jeanne se retrouva seule, à vingt-huit ans, avec quatre jeunes enfants3. Sa douleur était immense. Un événement décisif orienta toute sa vie : la rencontre, en 1604, de saint François de Sales venu prêcher le carême à Dijon où le président de Frémyot avait invité sa fille. « Elle faisait mettre son siège à l’opposite de la chaire du prédicateur pour le voir et ouïr plus à souhait. Le saint prélat, de son côté, bien qu’attentif à son discours, remarquait cette veuve par-dessus toutes les autres dames4. »  Le frère de la baronne de Chantal qui était archevêque de Bourges5, la présenta à François de Sales ; ce fut le point de départ d’un ardent amour de Dieu et d’un dépouillement radical qui la conduiront à une haute union à Dieu. Entre Jeanne de Chantal et François de Sales se noua une profonde relation, faite d’une totale et affectueuse confiance mutuelle. Elle ne tarda pas à lui confier son désir d’être toute à Dieu. Mais ses responsabilités familiales la retenaient.
Peu à peu, cependant, les obstacles tombèrent6 ; en 1610, elle quitta Dijon pour aller inaugurer à Annecy une nouvelle forme de vie religieuse dont François de Sales était le fondateur : la Visitation. Un double aspect caractérisait le jeune institut : une vie de prière intense et le service des malades. Fait unique à l’époque : ces religieuses n’étaient pas cloîtrées, ce qui fit l’étonnement des malveillants. En 1619, François de Sales dut supprimer la visite aux malades, et la Visitation devint un ordre cloîtré.
1617 fut pour Jeanne de Chantal une année d’épreuves : son gendre mourut à Turin (23 mai), suivi de Marie-Aimée, après un accouchement prématuré (16 septembre). Sur son lit de mort, Marie-Aimée prit l’habit de la Visitation et prononça ses vœux entre les mains de saint François de Sales. La Mère de Chantal, qui avait commencé à souffrir de maux étranges dès 1610 et avait été de nouveau malade en 1615 et 1616, se vit à toute extrémité à la fin de 1617 ; elle guérit à la suite d’un vœu à saint Charles Borromée. Une fois remise, elle partit fonder une Visitation à Grenoble (8 avril 1618), préparée par les prédications de l’évêque de Genève. A l’automne, elle commence un voyage de quatre ans loin d’Annecy. Après la fondation du monastère de Bourges (15 novembre), François de Sales l’appela à Paris où elle resta du 7 avril 1619 au 21 février 1622, s’occupant des débuts de la nouvelle Visitation (l° mai 1619), négociant le mariage de sa fille Françoise avec Antoine de Toulongeon, surveillant les fondations de Montferrand (7 juin 1620), de Nevers (21 juillet), d’Orléans (9 septembre), de Valence (8 juin 1621). Après quelques jours passés à Maubuisson avec Angélique Arnauld et un pèlerinage au tombeau de Marie de l’Incarnation au carmel de Pontoise, elle partit pour la fondation de Dijon (8 mai 1622), par Orléans, Bourges, Nevers et Moulins. Fin octobre, elle était à Lyon où François de Sales lui commanda d’aller visiter les monastères de Montferrand et de Saint-Etienne (établi le 1° octobre). Le 11 décembre, à Lyon, eut lieu le dernier entretien des deux fondateurs, et la Mère repartit aussitôt visiter d’autres monastères. Elle n’apprit la mort de son père spirituel, survenue le 28 décembre 1622, que le 6 janvier 1623 à Belley d’où elle rentra à Annecy pour s’occuper du corps de François de Sales et de ses funérailles.
Désormais Jeanne de Chantal gouverna seule les treize monastères de la Visitation où les vocations affluaient. Elle se démit de son supériorat après l’Ascension 1623 et n’accepta d’être réélue que pour trois ans. Désirant se plier en tout à la Règle comme la plus humble des religieuses, elle ne voulut jamais du titre de mère générale, reprenant après chaque déposition le dernier rang. Cependant son influence spirituelle et morale était immense et incontestée. Rien ne se décidait sans elle. Elle fonda les Visitations de Chambéry (14 janvier 1624), d’Evian (6 août 1625), de Rumilly (29 septembre) et de Pont-à-Mousson (6 mai 1626). En 1627, elle eut la joie de l’ouverture du procès de béatification de François de Sales, et la peine de la mort de Celse-Bénigne, tué au combat de l’Ile de Ré (22 juillet)7. A l’automne 1627, elle fonda la Visitation de Cremieu (21 septembre) et visita les monastères de Paris, d’Orléans et d’Auvergne. En 1634, elle fonda une seconde maison à Annecy pour accueillir l’afflux des postulantes. En juin 1635, pour conférer de l’avenir de son ordre avec les évêques réunis à l’Assemblée du clergé de France, elle gagna Paris où elle passa l’hiver.
Chaque monastère étant placé directement sous l’autorité de l’évêque du diocèse, des amis de la Visitation s’inquiétèrent des moyens de maintenir, dans l’avenir, l’union et l’uniformité entre tant de maisons. A l’occasion de l’Assemblée du clergé, en 1635, se tint une réunion de quelques évêques, avec saint Vincent de Paul, supérieur des Visitations de Paris8, et le commandeur de Sillery9. Appelée à donner son avis, la Mère de Chantal fit nettement comprendre que la volonté formelle du fondateur avait été de laisser les monastères sous l’autorité des évêques, sans supérieure générale, et d’établir « non un moyen d’union d’autorité, mais de charité » entre eux et avec le premier monastère d’Annecy, « estant le dépositaire principal de l’esprit de l’Institut, et de la tradition du sens de la Règle, et des statuts, pour avoir esté réglé et formé par le Fondateur10. » Les prélats se rangèrent à cet avis et approuvèrent le Coutumier avec les additions proposées.
Le problème des moyens d’union entre les monastères ne se régla pas si facilement que semble le dire la préface du Coutumier de 1637. Peu après, en effet, Octave de Bellegarde11 (archevêque de Sens), Vincent de Paul et le commandeur de Sillery proposèrent de demander l’établissement d’un visiteur apostolique. La Mère de Chantal en sentait l’opportunité, d’autant plus que Rome avait failli l’imposer d’office, en 1637, à la suite de rapports faits par des jésuites contre l’ordre pour accuser les supérieures et maîtresses des novices de gêner la libre communication des sœurs avec les confesseurs. De plus, c’était une idée de François de Sales mais, selon lui, le visiteur ne devait agir que par l’autorité des évêques afin de ne pas porter atteinte à leurs prérogatives. La Mère de Chantal maintint fortement cette position et se trouva ainsi en désaccord sur ce point avec Vincent de Paul qui désirait des pouvoirs étendus pour le visiteur. Jeanne de Chantal ne voulait que mettre en œuvre les intentions du fondateur, mais il fallut bien interpréter et compléter pour faire face à des situations nouvelles. Elle le fit avec sa personnalité profondément originale, son bon sens pratique et sa profonde connaissance de la psychologie féminine. Il ne fut plus jamais question de visiteur apostolique.
Au printemps 1636, elle reprit la route pour Troyes, Marseille et Montpellier. A l’automne 1638, elle fonda la Visitation de Turin (21 novembre). Le 11 avril 1641, elle se démit de sa charge de supérieure avec l’intention de ne plus jamais la reprendre. Recrue d’épreuves et de deuils, elle aspirait au repos. Or la duchesse de Montmorency12 voulut prendre le voile à la Visitation de Moulins des mains de son amie la Mère de Chantal qui se mit en route le 28 juillet. En août, elle était à Moulins où Anne d’Autriche13 lui envoya une litière pour la conduire à Saint-Germain-en-Laye où elle désirait s’entretenir avec elle. De Paris, elle regagna Moulins où, en arrivant, elle dut s’aliter (8 décembre). Jeanne de Chantal mourut paisiblement, le 13 décembre 1641, après avoir dicté ses dernières recommandations à ses filles de la Visitation. Elle laissait l’ordre solidement établi avec quatre-vingt-sept monastères. Son corps fut ramené à Annecy (30 décembre) et inhumé dans l’église de la Visitation. la Mère Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal fut béatifiée par Benoît XIV le 21 novembre 1751. Le procès de béatification n’avait commencé qu’en 1722 et les du procès avait été retardée par plusieurs difficultés D’une part, une fausse interprétation du décret d’Urbain VIII avait fait négliger de recueillir dans les formes les dépositions des témoins quand il en était encore temps ; d’autre part, les réaction anti-mystique et antijanséniste, qui sévissait dans les milieux romains, la soupçonnait de quiétisme et de sympathies jansénistes. Elle fut canonisée par Clément XIII le 16 juillet 1767.
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1 Mère Françoise-Madeleine de Chaugy : Mémoire sur la vie et les vertus de Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal.
2 Mère Françoise-Madeleine de Chaugy : Mémoire sur la vie et les vertus de Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal.
3 Ils eurent six enfants dont deux fils moururent en bas âge. Il res­ta Celse-Bénigne (né en 1596, le père de la marquise de Sévi­gné), Marie-Aimée (née en 1598), Françoise (née en 1599) et Charlotte (née en 1601, quinze jours avant la mort de son père).
4 Mère Françoise-Madeleine de Chaugy : Mémoire sur la vie et les vertus de Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal.
5 André Frémyot, né à Dijon le 26 août 1573 ; sa naissance coûta la vie à sa mère. Il fit ses études à Paris. Encore sous-diacre  (1602), il fut élu ar­che­vêque Bour­ges (sacré à Saint-Denis-du-Pas de Paris, le 7 dé­cem­­bre 1603). Démissionnaire en 1621, il re­çut en commende les abbayes de Breteuil et de Ferrières et le prieu­ré de Nogent-le-Ro­trou. Ami de François de Sales, il fut un des trois commissaires apostoliques nommés par Urbain VIII pour l’enquête canonique (1627). Il mourut à Paris le 13 mai 1641.
6 Marie-Aimée est mariée à Bernard de Sales, frère de saint François de Sales (13 octobre 1609). Charlotte meurt à la fin de janvier 1610. Celse-Bénigne est confié à son grand-père avant de commencer une carrière à la cour.
7 Celse-Bénigne, de son mariage avec Marie de Coulanges, laissait une petite fille qui deviendra la marquise de Sévigné.
8 Saint Vincent de Paul, à la demande de saint François de Sales, de sainte Jeanne de Chantal et de l’évêque de Paris fut nommé supérieur des trois monastères parisiens de la Visitation depuis leur fondation, charge qu’il garda jusqu’en 1660.
9 Frère du chancelier Nicolas de Sillery, Noël Brûlart de Sillery, destiné dès l’enfance à la vie religieuse, fut reçu dans l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem (1596) et, au retour de Malte, il reçut la commanderie de Troyes (1600). Appelé par son frère à la Cour, il eut la faveur d’Henri IV et de Marie de Médicis dont il devint le premier écuyer puis le chevalier d’honneur. Il effectua des ambassades en Espagne et à Rome, où « en quittant cette capitale du monde chrétien, il emporta le nom d’ambassadeur aussi dévot que magnifique. » En 1624, à la disgrâce de son frère il renonça à la vie publique. A l’occasion d’un jubilé, il rencontra Vincent de Paul auquel il fit une confession générale et sous la direction duquel il se plaça. C’est sans doute sur ses conseils qu’il se rendit à la Visitation du faubourg Saint-Jacques, mais ce fut un échec : « Quoy qu’il remarqua beaucoup de perfection, et toute la vertu qu’il pouvoit souhaiter à la supérieure et aux religieuses qu’il vit, ce n’estoit point cependant ce qu’il cherchoit pour s’y attacher. » Il vint pour la première fois au monastère de la rue Saint-Antoine, le 28 décembre 1630, pour entendre un panégyrique de François de Sales par le curé de Saint-Jean-en-Grève. Hélène-Angelique Lhuillier, la supérieure, lui consacra par la suite de nombreuses heures d’entretien et entreprit de travailler à son édification spirituelle comme de lutter contre son amour de la gloire et des richesses. Lorsqu’il se fit prêtre en 1634, il choisit de dire sa première messe (13 avril) dans la modeste chapelle de la rue Saint-Antoine. Pour s’associer davantage aux prières des visitandines, le commandeur vint s’établir définitivement dans l’hô­tel du Petit-Bourbon où il vécut jusqu’à sa mort. Parmi ses bienfaits à l’égard de la Visitation, l’histoire a surtout retenu la construction de l’église de la rue Saint-Antoine, mais sa gé­né­ro­sité alla aussi à d’autres maisons de l’ordre. Il mourut à Pa­ris le 26 septembre 1640 et fut inhumé au monastère de la Visitation.

10 Préface du Coutumier de 1637.

11 Octave de Saint-Lary de Bellegarde naquit à Brouage en Péri­gord, en juillet 1587, quelques mois avant que son père (César, duc de Bel­le­garde et gouverneur de Saintonge) ne mourut de bles­sures reçues à la bataille de Coutras. Il étudia à Bordeaux et à Toulouse puis à la Sorbonne (1606). Destiné à l’état ecclésias­ti­que, il fut pourvu de bonne heure de bénéfices (les abbayes de Saint-Mélaine de Rennes, et de Nisors, la domerie de Notre-Darne d’Aubrat). Son oncle lui céda l’abbaye de Saint-Germain d’Auxerre où il fit profession. Aumônier ordinaire d’Henri IV (1607), abbé de Pothières (1610), il fut nommé évêque de Couserans en 1612. Le 14 novembre 1621, il était appelé à l’archevêché de Sens. Pendant un quart de siècle, tout à sa mission de chef de diocèse, il veilla avec un dévouement absolu aux intérêts spirituels et temporels de son Église. Plein de sollicitude pour l’observation des lois canoniques et pour la restauration de la discipline, il laissa la réputation d’ardente piété et d’une grande douceur. Il installa les visitandines à Provins, à Montargis et à Melun. Il mourut dans sa maison de Montreuil (près de Paris) le 26 juillet 1646. Il couronnait une vie toute de dignité et de zèle par un testament laissant tout ce qu’il possédait aux pauvres et à son Eglise. Son corps, rapporté à Sens, fut inhumé dans le sanctuaire de sa cathédrale.
12 La princesse Marie-Félicité des Ursin avait épousé en 1615 Henri II, duc de Montmorency et d’Amville, pair de France, premier baron, amiral et maréchal de France, gouverneur du Languedoc. Révolté contre Louis XIII et le  cardinal de Richelieu, le duc fut battu à Castelnaudary ; pris et jugé, il fut décapité à Toulouse (1632). Après l’exécution de son époux, la duchesse de Montmorency fut assignée à résidence à Moulins où elle fit construire une église pour les religieuses de la Visitation dans laquelle elle fit élever le mausolée de son mari. Elle prit le voile et fut supérieure du monastère. Elle mourut en 1666.
13 La Reine, habituée de la Visitation du faubourg Saint-Jacques, avait favorisé la fondation de la Visitation de Saint-Denis (1638) ; plus tard (1648) elle mit sous sa protection la fondation de la Visitation de Compiègne.

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Acte d’abandon

O bonté souveraine de la souveraine providence de mon Dieu, je me délaisse pour jamais entre vos bras ; soit que vous me soyez douce ou rigoureuse, menez-moi désormais par où il vous plaira. Je ne regarderai point les chemins par où vous me ferez passer, mais vous, ô mon Dieu, qui me conduisez ; mon cœur ne trouve point de repos hors des bras et du sein de cette céleste Providence, ma vraie mère, ma force et mon rempart ; c’est pourquoi je me résous moyennant votre aide divine, ô mon Sauveur, de suivre vos désirs et ordonnances sans jamais regarder où éplucher les causes pourquoi vous faites ceci plutôt que cela, mais à yeux clos je vous suivrai selon vos volontés divines sans rechercher mon propre goût ; c’est à quoi je me détermine de laisser tout faire à Dieu, ne me mêlant que de me tenir en repos entre ses bras, sans désirer chose quelconque, que selon qu’il m’incitera à désirer, à vouloir et à souhaiter.
Je vous offre ce désir, ô mon Dieu, vous suppliant de le bénir, entreprenant le tout appuyé sur votre bonté, libéralité et miséricorde, en la totale confiance en vous et défiance de moi et de mon infinie misère et infirmité.

Amen

Sainte Jeanne de Chantal

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Il y a trois façons de faire oraison

La première se fait en nous servant de l’imagination, nous représentant le divin Jésus en la crèche, entre les bras de sa sainte Mère  et du grand saint Joseph ; le regardant entre un bœuf et un âne ; puis voir comme sa divine Mère l’expose dans la crèche, puis comme elle le reprend pour lui donner son lait virginal et nourrir ce Fils qui est son créateur et son Dieu. Mais il ne faut pas se bander l’esprit à vouloir, sur tout ceci, faire des imaginations particulières, nous voulant figurer comme ce sacré Poupon avait les yeux et comme sa bouche était faite ; mais nous représenter tout simplement le mystère. Cette façon de méditer est bonne pour celles [ les personnes ] qui ont encore l’esprit des pensées du monde, afin que l’imagination, étant remplie de ces objets, rechasse toute autre pensée.

La deuxième façon, c’est de nous servir de la considération, nous représentant les vertus que Notre-Seigneur a pratiquées : son humilité, sa patience, sa douceur, sa charité à l’endroit de ses ennemis, et ainsi des autres. En ces considérations, notre volonté se sentira tout émue en Dieu et produira de fortes affections, desquelles nous devons tirer des résolutions pour la pratique de chaque jour, tâchant toujours de battre sur les passions et inclinations par lesquelles nous sommes les plus sujettes à faillir.

La troisième façon, c’est de nous tenir simplement en la présence de Dieu, le regardant des yeux de la foi en quelque mystère, nous entretenant avec lui par des paroles pleines de confiance, cœur à cœur, mais si secrètement, comme si nous ne voulions pas que notre bon ange le sût. Lorsque vous vous trouverez sèche, qu’il vous semblera que vous ne pourrez pas dire une seule parole, ne laissez pas de lui parler, et dites : Seigneur, je suis une pauvre terre sèche, sans eau ; donnez à ce pauvre cœur votre grâce. Puis demeurez en respect en sa présence, sans jamais vous troubler ni inquiéter pour aucune sécheresse qui puisse arriver. Cette manière d’oraison est plus sujette à distractions que celle de la considération, et, si nous nous rendons bien fidèles, Notre-Seigneur donnera celle de l’union de notre âme avec lui. Que chacune suive le chemin auquel elle est attirée.

Ces trois sortes d’oraison sont très bonnes : que donc celles qui sont attirées à l’imagination la suivent, et de même celles qui le sont à la considération et à la simplicité de la présence de Dieu ; mais, néanmoins, pour cette troisième sorte, il faut bien se garder de s’y porter de soi-même, si Dieu ne nous y attire.

Ste Jeanne de Chantal

bonne nuit

11 août, 2010

bonne nuit dans image bon nuit, jour, dimanche etc. drosera_rotundifolia_ff4

Round-leaved Sundew

http://www.floralimages.co.uk/index2.htm

Tertullien: « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux »

11 août, 2010

du site:

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20100811

Le mercredi de la 19e semaine du temps ordinaire : Mt 18,15-20
Commentaire du jour
Tertullien (v. 155-v. 220), théologien
La Pénitence, 10

« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux »

      Vivant parmi les frères, serviteurs du même maître, et pour qui tout est en commun, l’espérance, la crainte, la joie, la peine, la souffrance (puisqu’ils n’ont qu’une même âme venue du même Seigneur et du même Père), pourquoi les crois-tu différents de toi ? Pourquoi redoutes-tu ceux qui ont connu les mêmes chutes, comme s’ils allaient s’applaudir de tes chutes à toi ? Le corps ne peut pas se réjouir du mal qui arrive à un de ses membres ; il faut bien qu’il s’afflige tout entier et qu’il travaille tout entier à le guérir.

      Là où deux fidèles sont unis, là est l’Eglise, mais l’Eglise c’est le Christ. Donc, lorsque tu embrasses les genoux de tes frères, c’est le Christ que tu touches, c’est le Christ que tu implores. Et quand, de leur côté, tes frères versent des larmes sur toi, c’est le Christ que souffre, c’est le Christ qui supplie son Père. Ce que le Fils demande est vite accordé.

Sainte Claire d’Assisi

10 août, 2010

Sainte Claire d'Assisi dans images sacrée

http://www.santiebeati.it/

Sainte Claire d’Assise

10 août, 2010

du site:

http://damien.jullemier.pagesperso-orange.fr/sts/ste-claire-tce.htm

Sainte Claire d’Assise

Cofondatrice de l’ordre des Pauvres Dames, ou Clarisses, et première abbesse de San Damiano, Claire est née à Assise le 16 juillet 1194 et y est décédée le 11 août 1253.

Claire était la fille aînée de Favorino Scilfi, comte de Sasso-Rosso, riche rejeton d’une ancienne famille romaine, qui possédait un grand palais à Assise et un château sur les pentes du mont Subasio. Ainsi du moins le veut la tradition. Sa mère, la bienheureuse Ortolana, appartenait à la noble famille de Fiumi et était remarquée pour son zèle et sa piété. Depuis ses plus jeunes années, Claire semble avoir été douée des vertus les plus rares. Enfant, elle était assidue à la prière et aux mortifications et, tandis qu’elle entrait dans l’adolescence, son aversion pour le monde et son désir ardent d’une vie plus spirituelle ne faisaient que croître. Elle avait dix-huit ans lorsque saint François vint prêcher le Carême dans l’église de San Giorgio à Assise. Les paroles inspirées du Poverello allumèrent une flamme dans le cœur de Claire ; elle vint le trouver en secret et le supplia de l’aider afin qu’elle aussi puisse vivre « selon le saint Évangile ». Saint François, qui reconnu sur-le-champ en Claire l’une de ces âmes choisies destinées par Dieu à de grandes choses, et qui, aussi, prévoyait sans doute que beaucoup suivraient son exemple, promit de l’aider. Le dimanche des Rameaux, Claire, parée de ses plus beaux atours, assistait à la grand-messe dans la cathédrale, mais alors que les autres se pressaient à la grille de l’autel pour recevoir une palme, elle restait à sa place comme absorbée dans un rêve. Tous les yeux étaient dirigés vers la jeune fille alors que l’évêque descendit du sanctuaire et plaça la palme dans sa main. Ce fut la dernière fois que le monde vit Claire. La nuit suivante, sur le conseil de saint François, elle quitta en secret la maison de son père et, accompagnée par sa tante Bianca et une autre compagne, elle se rendit à l’humble chapelle de la Porziuncula, où saint François et ses disciples l’accueillirent avec des bougies dans leurs mains. Claire se dépouilla alors de sa riche robe et saint François, après avoir coupé ses cheveux, la revêtit d’une grossière tunique et d’un voile épais, et ainsi la jeune héroïne se voua-t-elle au service de Jésus-Christ. C’était le 20 mars 1212.

Claire fut provisoirement placée par saint François chez les sœurs bénédictines de San Paolo, près de Bastia (entre Assise et Pérouse) , mais son père, qui avait espéré qu’elle ferait un splendide mariage, et qui était furieux de sa fuite secrète, ayant découvert où elle s’était retirée, fit tout son possible pour dissuader Claire de ses intentions héroïques et essaya même de la ramener de force à la maison. Mais Claire tint bon, avec une fermeté au-dessus de son âge, et le comte Favorino fut finalement obligé de la laisser en paix. Quelques jours plus tard, saint François, afin d’assurer à Claire la grande solitude qu’elle désirait, la transféra à Sant’ Angelo in Panzo, un autre monastère des soeurs bénédictines sur les flancs du mont Subasio. Ici, environ seize jours après sa propre fuite, Claire fut rejointe par sa jeune sœur Agnès, qu’elle contribua à délivrer de la persécution de ses parents furieux. Claire et sa sœur demeurèrent avec les sœurs de Sant’ Angelo jusqu’à ce qu’elles, et les autres qui avaient fui le monde et les avaient suivies, fussent installées par saint François dans un logis rudimentaire contigu à la pauvre chapelle de San Damiano, située à l’extérieur de la ville et qu’il avait dans une large mesure reconstruite de ses propres mains, et qu’il obtint alors des Bénédictines comme résidence permanente de ses filles spirituelles. Ainsi fut fondée la première communauté de l’ordre des Pauvres Dames, ou des Pauvres Clarisses, comme ce second ordre de saint François en vint à être appelé.

Durant la vie de sainte Claire, on peut distinguer trois phases dans l’histoire compliquée des premiers temps du nouvel ordre. Au début, sainte Claire et ses compagnes n’avaient pas de règle écrite à suivre au delà d’une très courte formula vitae qui leur avait été donnée par saint François et que l’on peut trouver parmi ses œuvres. Quelques années plus tard, apparemment en 1219, durant l’absence de saint François en Orient, le cardinal Ugolino, alors protecteur de l’ordre, futur Gérgoire IX, rédigea une règle écrite pour les Clarisses à Monticelli, prenant comme base la règle de saint Benoît, conservant les points fondamentaux de cette dernière et ajoutant quelques constitutions spéciales. Cette nouvelle règle, qui, en fait sinon en intention, enlevait aux Clarisses la caractéristique franciscaine de la pauvreté absolue si chère au cœur de saint François et en faisait pratiquement une congrégation de Bénédictines, fut approuvée par Honoré III (bulle « Sacrosancta », 9 décembre 1219). Quand Claire découvrit que la nouvelle règle, bien que suffisamment stricte sous d’autres aspects, permettait la propriété détenue en commun, elle résista avec courage, et victorieusement, aux innovations d’Ugolino, faisant valoir qu’elles étaient entièrement opposées aux intentions de saint François. Ce dernier avait interdit aux Pauvres Dames, exactement comme il l’avait interdit à ses frères, de posséder quelque bien matériel que ce soit, même en commun. Ne possédant rien, elles devaient dépendre entièrement de ce que les Frères Mineurs pouvaient mendier pour elles. Cette renonciation complète à la pauvreté était néanmoins considérée par Ugolino comme impraticable pour des femmes cloîtrées. Quand, donc, en 1228, il vint à Assise pour la canonisation de saint François (il était entre temps monté sur le trône pontifical sous le nom de Grégoire IX), il rendit visite à sainte Claire à San Damiano et la pressa d’infléchir la pratique de la pauvreté qui avait prévalu jusque-là à San Damiano, au point d’accepter une provision pour les besoins imprévus de la communauté. Mais Claire refusa fermement. Grégoire, pensant que son refus pouvait être dû à la peur de violer son vœu de stricte pauvreté, lui offrit de l’en absoudre. « Saint Père, je désire ardemment l’absolution de mes péchés », répliqua Claire, « mais je ne souhaite pas être absoute de l’obligation de suivre Jésus-Christ. »

L’héroïque détachement de ce monde manifesté par Claire remplit le pape d’admiration, ce dont les lettres qu’il lui adressa, encore existantes, portent un éloquent témoignage, et il accéda à ses vues, au point de lui octroyer, le 17 septembre 1228, le célèbre Privilegium Paupertatis que certains considèrent comme un correctif à la règle de 1219. La copie autographe originale de ce « privilège » unique – le premier de son genre jamais émis par le Saint Siège – est conservée dans les archives de Santa Chiara à Assise. Le texte en est le suivant : « Grégoire, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu. À nos filles aimées en Christ, Claire et les autres servantes du Christ demeurant ensemble en l’église de San Damiano dans le diocèse d’Assise. Salut et bénédiction apostolique. Il est évident que le désir de vous consacrer à Dieu seul vous a conduites à abandonner tout souhait de biens matériels. C’est pourquoi, après avoir vendu tous vos biens et les avoir distribués aux pauvres, vous proposez de n’avoir absolument aucune possession, afin de suivre en toutes choses l’exemple de Celui Qui se fit pauvre et Qui est le chemin, la vérité et la vie. Le manque des choses nécessaires ne vous détourne point d’une telle proposition, car le bras gauche de votre Époux Céleste est sous votre tête pour soutenir la faiblesse de votre corps que, selon l’ordre de la charité, vous avez soumis à la loi de l’esprit. Finalement, Celui qui nourrit les oiseaux du ciel et qui donne aux lis des champs leurs vêtements et leur alimentation, ne vous laissera pas manquer d’habits ou de nourriture jusqu’à ce qu’Il vienne Lui-même prendre soin de vous pour l’éternité quand la main droite de Ses consolations vous étreindra dans la plénitude de la Vision Béatifique. Puisque, donc, vous l’avez demandé, nous confirmons par faveur Apostolique votre résolution de suivre la pauvreté la plus élevée, et par l’autorité des présentes lettres nous vous accordons que vous ne pourrez être contraintes par quiconque de recevoir des possessions. Qu’à nul ne soit permis, donc, d’enfreindre cette page de notre concession, ou de s’y opposer avec une témérité inconsidérée. Mais si quiconque se montrait assez présomptueux pour essayer de le faire, qu’il sache qu’il encourra le courroux de Dieu Tout-Puissant et des bienheureux Apôtres Pierre et Paul. Donné à Pérouse le quinzième jour des calendes d’octobre, la seconde année de notre pontificat. »

Que sainte Claire ait pu solliciter un « privilège » similaire à celui-là à une date antérieure et l’ait obtenu vivâ voce, ce n’est pas improbable. Ce qui est certain, c’est qu’après la mort de Grégoire IX, Claire dut une fois de plus lutter pour le principe de la pauvreté absolue prescrite par saint François, parce que Innocent IV aurait volontiers donné aux Clarisses une nouvelle règle moins stricte, et la fermeté avec laquelle elle tint bon convainquit le pape. Finalement, deux jours avant la mort de Claire, Innocent, sans doute à la requête réitérée de l’abbesse mourante, confirma solennellement la règle définitive des Clarisses (Bulle « Solet Annuere », 9 août 1253) et leur garantit ainsi le précieux trésor de la pauvreté que Claire, à l’imitation de saint François, avait choisi comme destin dès le début de sa conversion. L’auteur de cette dernière règle, qui est largement une adaptation mutatis mutandis de la règle que saint François avait composée pour les Frères Mineurs en 1223, semble avoir été le cardinal Rainaldo, évêque d’Ostie et protecteur de l’ordre, futur Alexandre IV, bien qu’il soit très probable que sainte Claire elle-même ait participé à sa compilation. Quoi qu’il en soit, il ne peut plus être soutenu que saint François ait été en aucune manière l’auteur de cette règle formelle des Clarisses ; il a seulement donné à Claire et à ses compagnes au commencement de leur vie religieuse la brève formula vivendi déjà mentionnée.

Sainte Claire, qui en 1215 avait, contre sa volonté, été faite supérieure à San Damiano par saint François, continua à régir l’abbaye comme abbesse jusqu’à sa mort en 1253, presque quarante ans plus tard. Il n’y pas de bonne raison de penser qu’elle ait quitté une seule fois les limites de San Damiano pendant tout ce temps. Il ne faut donc pas s’étonner que si peu de détails de la vie de sainte Claire cloîtrée, « cachée avec le Christ en Dieu » soient parvenus jusqu’à nous. Nous savons qu’elle devint un exemple vivant de la pauvreté, de l’humilité et de la mortification de saint François, qu’elle avait une dévotion spéciale à la sainte eucharistie, et qu’afin d’accroître son amour pour le Christ crucifié elle apprit par cœur l’office de la Passion composé par saint François, et que durant le temps qui lui restait après ses exercices de dévotion elle se consacrait au travail manuel. Il est inutile d’ajouter que sous la conduite de Claire, la communauté de San Damiano devint le sanctuaire de toute vertu, un vrai vivier de saintes. Claire eut la consolation de voir non seulement sa jeune sœur Béatrice, sa mère Ortolana et sa fidèle tante Bianca suivre Agnès dans l’ordre, mais aussi d’assister à la fondation de monastères de Clarisses à travers toute l’Europe. Il serait difficile, cependant, d’estimer la part de l’influence silencieuse de la douce abbesse dans la conduite des femmes de l’Italie médiéval vers des idéaux supérieurs. En particulier, Claire enveloppa la pauvreté de ce charme irrésistible que seules les femmes peuvent communiquer à l’héroïsme religieux ou civique, et elle devient une aide très efficace pour saint François dans la promotion de cet esprit de détachement qui, dans les desseins de Dieu, « était d’amener une restauration de la discipline dans l’Église et de la morale et de la civilisation dans les peuples d’Europe occidentale ». Non moins importante dans l’œuvre de Claire furent l’aide et l’encouragement qu’elle apporta à saint François. C’était vers elle qu’il se tournait quand il doutait, et c’est elle qui le pressait de continuer sa mission auprès du peuple au moment où il pensait que sa vocation était plutôt dans une vie de contemplation. Quand, aveugle et malade, saint François vint pour la dernière fois visiter San Damiano, Claire édifia pour lui une petite hutte de clayonnage dans une oliveraie près du monastère, et c’est là qu’il composa son glorieux « Cantique du Soleil » ou « Cantique des Créatures ». Après la mort de saint François, la procession qui accompagna sa dépouille de la Porziuncula en ville s’arrêta sur le chemin à San Damiano afin que Claire et ses filles puissent vénérer les mains et les pieds stigmatisés de celui qui les avait formées à l’amour du Christ crucifié – une scène pathétique que Giotto a commémoré dans une de ses plus belles fresques. Pour Claire, cependant, saint François était toujours vivant, et rien peut-être dans sa vie « après  » n’est plus frappant que sa constante loyauté aux idéaux du Poverello et que le soin jaloux avec lequel elle resta attachée à sa règle et à son enseignement.

Quand, en 1234, l’armée de Frédéric II dévasta la vallée de Spolète, les soldats, en préparation d’un assaut d’Assise, escaladèrent les murs de San Damiano une nuit, répandant la terreur parmi la communauté. Claire, se levant calmement de son lit de malade, et prenant le ciboire de la petite chapelle contiguë à sa chambre, vint faire face aux envahisseurs à une fenêtre ouverte contre laquelle ils avaient déjà placé une échelle. On relate que, alors qu’elle élevait le Saint Sacrement, les soldats qui étaient sur le point de pénétrer dans le monastère tombèrent en arrière, comme aveuglés, et que les autres qui étaient prêts à les suivre prirent la fuite. C’est en référence à cet incident que sainte Claire est généralement représentée portant un ciboire.

Quand, quelque temps plus tard, une force plus importante revint pour prendre d’assaut Assise, force dirigée par le général Vitale di Aversa qui n’avait pas été présent à la première attaque, Claire, rassemblant ses filles autour d’elle, s’agenouilla avec elles, priant que la ville soit épargnée. Alors une violente tempête se déchaîna, dispersant les tentes des soldats dans toutes les directions et causant une telle panique qu’ils prirent à nouveau refuge dans la fuite. La gratitude des habitants d’Assise, qui à l’unisson attribuèrent leur délivrance à l’intercession de Claire, accrut leur amour pour la « Mère Séraphique ». Claire était depuis longtemps dans le cœur des gens comme en une châsse, et leur vénération devint plus apparente encore lorsque, usée par la maladie et les privations, elle vit sa fin approcher. Courageuse et joyeuse jusqu’au bout, malgré sa longue et pénible maladie, Claire demanda qu’on la redresse dans son lit et ainsi, à demi couchée, raconte son biographe contemporain, « elle fila le fil le plus fin afin de le faire tisser en le tissu le plus délicat dont elle fit ensuite plus de cent corporaux, et, les enfermant dans une bourse de soie, elle ordonna qu’ils fussent donnés aux églises dans la plaine et les montagnes d’Assise. » Quand enfin elle sentit le jour de sa mort approcher, Claire, appelant ses religieuses affligées autour d’elles, leur rappela les nombreux bienfaits qu’elles avaient reçus de Dieu et les exhorta à persévérer fidèlement dans l’observance de la pauvreté évangélique. Le pape Innocent IV vint de Pérouse pour visiter la sainte mourante, qui avait déjà reçu les derniers sacrements des mains du cardinal Rainaldo. Sa propre sœur, sainte Agnès, était revenue de Florence pour consoler Claire ; Léo, Angelo et Juniper, trois des premiers compagnons de saint François étaient aussi présents auprès du lit de mort de la sainte, et à la requête de sainte Claire, ils lurent à haute voix la Passion de Notre Seigneur selon saint Jean, exactement comme ils l’avaient fait vingt-sept ans plus tôt, lorsque François était mourant à la Porziuncula. Enfin, avant l’aube, le 11 août 1253, la sainte fondatrice des Pauvres Dames rendit l’âme paisiblement. Le pape, avec sa cour, vint à San Damiano pour les funérailles de la sainte, qui participèrent plutôt de la nature d’une procession triomphale.

Les Clarisses désiraient conserver le corps de leur fondatrice parmi elles à San Damiano, mais les magistrats d’Assise intervinrent et prirent des mesures pour garder à la ville les restes vénérés de celle dont les prières l’avaient en deux occasions sauvée de la destruction. De tous côtés aussi l’on parlait des miracles de Claire. Il n’était donc pas sans danger, firent valoir les Assisiens, de laisser le corps de Claire dans un endroit solitaire hors des murs ; il n’était que juste, également, que Claire, « la principale émule du bienheureux François dans l’observance de la perfection évangélique » ait aussi une église à Assise construite en son honneur. En attendant, la dépouille de Claire fut placée dans la chapelle de San Giorgio, où son jeune cœur avait été touché pour la première fois par le prêche de saint François, et où, de manière similaire, le corps du saint avait été enterré pendant l’édification de la Basilique de San Francisco. Deux ans plus tard, le 26 septembre 1255, jour de la Saint-Damien, Claire fut solennellement canonisée par Alexandre IV, et peu de temps après commença la construction de l’église de Santa Chiara, sous la direction de Filippo Campello, l’un des principaux architectes du temps. Le 3 octobre 1260, les restes de Claire furent transférés de la chapelle de San Giorgio et inhumés profondément en pleine terre, sous le maître-autel de la nouvelle église, hors de vue et d’atteinte. Après être restée cachée pendant six siècles – comme les restes de saint François – et après de nombreuses recherches, la tombe de Claire fut retrouvée en 1850, à la grande joie des Assisiens. Le 23 septembre de cette année, le cercueil fut exhumé et ouvert, la chair et les vêtements de la sainte étaient tombés en poussière, mais le squelette était en parfait état de conservation. Finalement, le 29 septembre 1872, les ossements de la sainte furent transférés en grande pompe, par l’archevêque Pecci, futur Léon XIII, dans la châsse dans la crypte de Santa Chiara construite pour les recevoir et où on peut maintenant les voir. La fête de sainte Claire est célébrée dans toute l’Église le 11 août.

BIBLIOGRAPHIE  Les sources de l’histoire de sainte Claire à notre disposition sont peu nombreuses. Elles incluent : (1) un Testament attribué à la sainte et quelques charmantes Lettres qui qu’elle écrivit à la bienheureuse Agnès, princesse de Bohême ; (2) la Règle des Clarisses, et un certain nombre d’anciennes Bulles Pontificales relatives à l’ordre ; (3) une Biographie contemporaine écrite en 1256 sur l’ordre d’Alexandre IV. Cette vie, qui est maintenant généralement attribuée à Thomas de Celano, est la source dont les biographes ultérieures de sainte Claire ont tiré la majorité de leurs renseignements.

10 août : Saint Laurent martyr de Rome

9 août, 2010

10 août : Saint Laurent martyr de Rome dans images sacrée

http://www.santiebeati.it/

Saint Laurent, diacre et martyr (Homélie)

9 août, 2010

du site:

http://www.catholique.org/vie_chretienne/homelie-2961-Saint-Laurent-diacre-et-martyr

Homélie

Saint Laurent, diacre et martyr

Une hymne Ambrosienne du Vème siècle célèbre ainsi la mémoire de saint Laurent : « La Foi des chrétiens de Rome a mis l’archidiacre Laurent au même rang de sainteté que les Apôtres pour une même couronne de martyr ». Il est vrai que dans les premiers siècles de l’Eglise, saint Laurent était en grand honneur. En témoigne à Rome le fait que plus de trente églises portent son nom. La basilique construite à l’emplacement de sa sépulture par Constantin a toujours été l’une des plus visitées par les pèlerins après les tombeaux de saint Pierre et de saint Paul.

Saint Laurent est mort martyr au temps de la persécution de Dèce en 285. Les textes de sa fête nous ramènent aux vertus qui le caractérisaient d’une façon toute particulière. La première lecture nous dit : « L’homme qui donne aux pauvres à pleines mains demeure juste pour toujours. » Nul doute que saint Paul se réfère ici au verset suivant du psaume que la liturgie a retenu pour ce jour : « A pleines mains, il donne au pauvre ; à jamais se maintiendra sa justice, sa puissance grandira, et sa gloire ! » Saint Laurent avait, en effet, en tant que diacre la charge d’administrer les biens de l’Eglise et particulièrement celle de veiller aux plus nécessiteux de la communauté. Il l’assuma avec sainteté gardant toujours au cœur le souci des plus pauvres et des plus démunis. Sa passion s’en fait l’écho lorsqu’elle rapporte qu’il subit son martyre après avoir distribué aux pauvres les biens de la communauté chrétienne de Rome.

Saint Laurent vivait ainsi dans la dynamique du don qui allait pour lui s’exprimer de la façon la plus haute. Il n’est pas fortuit que les textes de la liturgie de ce jour insistent sur le don. C’est là le secret de la sainteté, le témoignage de la vie divine accueillie en plénitude dans une existence. Car c’est bien la vie divine que vise à partager le chrétien. Et pour atteindre cet objectif, il n’y a qu’un chemin : celui que Jésus a ouvert devant nous en donnant sa vie par amour des pécheurs : « Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. » (Cf. Evangile) Il s’agit de mourir à soi pour porter un fruit de vie et un jour avoir part soi-même en plénitude à la vie même de Dieu. Jésus nous le rappelle : « Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit. » (Cf. Evangile) Saint Laurent a compris cela et il en a témoigné jusque dans sa mort. Diacre, ministre du sang du Christ, il le fut en répandant son propre sang pour le nom du Christ.

Saint Laurent et les martyrs ont suivi le Christ. Nous aussi, à leur exemple, nous sommes appelés à marcher sur ses traces. Saint Augustin nous dit : « Et nous frères, si nous aimons vraiment, nous devons imiter. Car nous ne pourrons produire un meilleur fruit de notre amour qu’en nous montrant nous aussi des imitateurs. Le Christ a souffert pour nous et nous a laissé son exemple pour que nous suivions ses traces. Par cette phrase, il semble que, pour l’Apôtre Pierre, le Christ a souffert seulement pour ceux qui suivent ses traces, que la passion du Christ ne sert à rien, sinon à ceux qui suivent ses traces. En effet, les saints martyrs l’ont suivi jusqu’à répandre leur sang, jusqu’à imiter sa passion ; les martyrs l’ont suivi, mais ils ne sont pas les seuls. Après leur passage, le pont n’a pas été coupé ; après qu’ils ont bu, la source n’a pas tari ».

Alors nous aussi, n’ayons pas peur de nous engager derrière cette foule immense de témoins. Les martyrs n’ont pas souffert pour souffrir. Ils ont souffert par amour de Jésus et de leurs frères, dans la foi que leur chemin de croix déboucherait sur la gloire de la résurrection.

« Seigneur, à ta suite et à l’image de saint Laurent ton martyr, donne-nous la grâce d’entrer dans la même dynamique de don de nous-mêmes. Donner par Amour est la seule chose qui puisse donner sens à toute une vie dans un monde où il ne semble y avoir d’autres valeurs que la logique du profit et de l’intérêt personnel ou de groupe. Seigneur, que ton Esprit d’Amour vienne dilater nos cœurs et ouvrir nos mains ! »

Saint Laurent de Rome

9 août, 2010

du site:

http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1652/Saint-Laurent-de-Rome.html

Saint Laurent de Rome

Diacre et martyr à Rome (+ 258)La « passio » de St Laurent, rédigée au moins un siècle après sa mort, n’est pas crédible. Le récit prétend que Laurent, diacre du pape saint Sixte II, fut mis à mort trois jours après le martyre de ce dernier et qu’il fut brûlé à petit feu sur un gril, ce qu’on ne souhaite à personne. La plupart des auteurs modernes estiment qu’il fut décapité, comme Sixte. Quoiqu’on pense de la valeur des « acta », il n’en reste pas moins que Laurent a toujours été vénéré, en Orient comme en Occident, comme le plus célèbre des nombreux martyrs romains (voir la liste chronologique, autour des années 258-259…). Les écrits des saints Ambroise, Léon le Grand, Augustin et Prudence témoignent de ce culte.
Son nom est cité dans la première prière eucharistique. Il est représenté comme diacre, tenant un gril ou couché dessus.
Diacre de l’Eglise de Rome, auprès du pape saint Sixte II, il a pour fonction d’être le gardien des biens de l’Eglise. Lorsque l’empereur Valérien prend un édit de persécution interdisant le culte chrétien, même dans les cimetières, il est arrêté en même temps que le pape et les autres diacres. Ils sont immédiatement mis à mort, mais lui est épargné dans l’espoir qu’il va livrer les trésors de l’Eglise. Voyant le pape marcher à la mort, Laurent pleure. Est-il donc indigne de donner sa vie pour le Christ? Saint Sixte le rassure, il ne tardera pas à le suivre. Sommé de livrer les trésors, il rassemble les pauvres, les infirmes, les boiteux, les aveugles. « Voilà les trésors de l’Eglise. » Il est condamné à être brûlé vif sur le gril. Il a encore le sens de l’humour et un courage extraordinaire : « C’est bien grillé de ce côté, tu peux retourner, » dira-t-il au bourreau. Il fut l’un des martyrs les plus célèbres de la chrétienté. Au Moyen Age, avec saint Pierre et saint Paul, il était le patron de la Ville éternelle où 34 églises s’élevaient en son honneur. 84 communes françaises portent son nom.
Dans son désir de partager le sort du pape Sixte II jusque dans son martyre, comme le rapporte saint Léon le Grand, quand il reçut l’ordre de livrer les trésors de l’Église, il montra au tyran les pauvres, nourris et vêtus aux frais de l’Église, et au bout de trois jours, il triompha des flammes et même les instruments de son supplice devinrent les signes de sa victoire. Ses restes furent déposés à Rome, sur la voie Tiburtine, au cimetière de Cyriaque (le Campo Verano).
Martyrologe romain

SAINT LAURENT : PROTO DIACRE DE L’EGLISE ROMAINE

9 août, 2010

du site:

http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cclergy/documents/rc_con_cclergy_doc_19022000_slaur_fr.html

SAINT LAURENT

PROTO DIACRE DE L’EGLISE ROMAINE

Don Francesco Moraglia

Docteur de théologie systématique

Gênes

L’histoire de l’Eglise nous a laissé de grandes figures d’évêques et de prêtres qui ont contribué à illustrer, sur le plan théologique et pastoral, le sens profond du ministère ordonné. Pour l’épiscopat, on distingue, entre autres, les figures d’Irénée, Augustin, Winfrid, Boniface, Bartolomé Las Casas et Ildephonse Schuster; pour la prêtrise, l’époque moderne et contemporaine a été marquée par Philippe Néri, Jean-Marie Vianney, Jean Bosco, Pierre Chanel et Maximilien Kolbe. Le ministère diaconal acquiert lui aussi des contours plus nets si on le considère à la lumière de la figure de grands diacres; c’est le cas, par exemple, du martyr Laurent, proto diacre de l’Eglise romaine qui, avec Etienne et Philippe, est certainement l’un des plus célèbres de l’antiquité.
Le diaconat considéré en lui-même, en tant que ministère permanent, non finalisé à la prêtrise, disparaît en Occident après avoir été une institution florissante jusqu’au Ve siècle; à partir de cette époque – principalement à cause de l’engagement plus grand des prêtres dans l’activité pastorale -, le premier degré du sacrement de l’ordre se réduit à une simple étape d’accès au degré suivant, la prêtrise. On peut alors aisément comprendre pourquoi l’institution diaconale, sur le plan de la réflexion théologique et de la pratique pastorale, est restée inhibée, presque fossilisée.
Dès le XVIe siècle, le concile de Trente tenta de réagir à cette situation, sans succès; il faudra attendre le concile Vatican II, dans la seconde moitié du XXe siècle, pour assister au rétablissement du diaconat « en tant que degré propre et permanent de la hiérarchie… »; le texte de la constitution dogmatique Lumen Gentium, toujours au n. 29, précise immédiatement après: « …avec l’accord du pontife romain ce diaconat pourra être conféré à des hommes mûrs, même s’ils vivent dans le mariage, ainsi qu’à des jeunes gens idoines, pour lesquels, cependant, la loi du célibat doit rester ferme » (EV. 1/360).
Paul VI, dans la lettre apostolique Sacrum diaconatus ordinem – 18 juin 1967 -, réaffirme que l’ordre du diaconat « …ne doit pas être considéré comme un pur et simple degré d’accès au sacerdoce; celui-ci, insigne par son caractère indélébile et sa grâce particulière, s’enrichit d’autant plus que ceux qui y sont appelés peuvent se consacrer de manière stable aux mystères du Christ et de l’Eglise » (EV. 2/369).
Le seul fait que pendant une période aussi longue – quinze siècles -, le diaconat ne se soit pas réalisé sous une forme permanente dans l’Eglise latine, laisse deviner qu’il est nécessaire, sur le plan de la réflexion théologique et de la pratique pastorale, de récupérer le temps perdu à travers une ample réflexion de la part de toute la communauté ecclésiale. Le diaconat permanent, en effet, représente un important enrichissement pour la mission de l’Eglise.
Naturellement, le rétablissement du diaconat permanent, sollicité avec autorité par le dernier concile, ne pourra se réaliser qu’en harmonie et continuité avec la tradition ancienne. A ce sujet, la récente déclaration conjointe – 22 fevrier 1998 – de la Congrégation pour l’Education catholique et de la Congrégation pour le Clergé est extrêmement significative; elle se trouve au début des « Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents » et du « Directoire pour le ministère et la vie des prêtres »; le contenu de cette déclaration apporte une clarification et une orientation pour le futur: « c’est la réalité diaconale toute entière (vision doctrinale fondamentale, discernement vocationnel et préparation, vie, ministère, spiritualité et formation permanente) qui postule une révision du chemin de formation jusqu’ici parcouru, pour obtenir une clarification globale, indispensable à une nouvelle impulsion de ce degré de l’Ordre sacré, en correspondance avec les vœux et les intentions du Concile Œcuménique Vatican II » (Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents, Directoire pour le ministère et la vie des diacres permanents. Cité du Vatican, page 7).
Pour reprendre ce qui a été dit au sujet des grandes figures d’évêques, de prêtres et de diacres qui ont illustré et influencé le ministère ordonné, permettant une compréhension plus vraie et plus approfondie de celui-ci, il est raisonnable de s’arrêter sur la figure du diacre Laurent dont l’histoire personnelle incite à repenser le premier degré du ministère ordonné; lequel, en raison de l’évolution historique évoquée plus haut, attend encore aujourd’hui d’être pleinement compris et mis en valeur. Il s’agit de donner une nouvelle vigueur à un ministère permanent en mesure de s’exprimer avec une plus grande fécondité dans la vie de l’Eglise.
Les vicissitudes personnelles de saint Laurent, archidiacre de l’Eglise de Rome, nous sont parvenues à travers une tradition ancienne divulguée dès le IVe siècle; cette tradition accueillie par l’Eglise a également été admise dans les textes liturgiques.
Les épisodes les plus connus du martyre de Laurent sont décrits, avec richesse de détails, dans la Passio Polychromi dont nous avons trois rédactions (V-VIIe siècle); De fait, ce récit renferme des éléments légendaires, même si certaines informations que nous rapportons ici figurent dans des témoignages précédents comme celui de saint Ambroise dans De Officiis (cf. PL XVL 89-92).
Nous commençons, avec l’intention de les développer, par les courtes annotations reportées pour la fête du martyr qui – selon la « Depositio martyrum » (année 354) – tombe le 10 août; voici les expressions du Missel Romain: « Laurent, célèbre diacre de l’Eglise de Rome, confirma son service de charité par le martyre sous Valérien (258), quatre jours après la décapitation du pape Sixte II. Selon une tradition divulguée dès le IVe siècle, il soutint, intrépide, un atroce martyre sur le gril, après avoir distribué les biens de la comunauté aux pauvres qu’il considérait comme les vrais trésors de l’Eglise… ». Ces annotations se terminent en rappelant que le nom de Laurent figure également dans le Canon Romain.
L’Eglise, dans ses textes liturgiques, prend donc à son compte ce que rapporte la tradition ancienne qui, cependant, connaît en son sein des versions différentes. Ici, nous n’avons pas l’intention d’entrer dans le vif des hypothèses récemment avancées par la critique historiographique qui aurait tendance à reporter la date du martyre de saint Laurent au début du IVe siècle et à se démarquer des contours traditionnels pour le caractériser; par exemple, Laurent ne serait pas espagnol mais romain et, à ce propos, la Prefazio della mensa XII del Sacramniario leoniano le présente comme civis romain. Mais, comme le remarque Paolo Toschi, toutes ces nouvelles études « n’enlèvent pas a priori la possibilité qu’il existe, à Rome, une véritable tradition, exposée avec d’évidents embellissements réthoriques par saint Ambroise, sur la tragique capture et la fin de saint Laurent par le feu, supplice qui a été infligé sous Valérien, comme on le sait, à saint Fructuosus et aux diacres Euloge et Augure à Tarragone. D’autre part, le verbe animadvertere utilisé dans le décret de persécution dans la rédaction de Cyprien peut également faire référence à d’autres formes d’exécutions capitales en dehors de la « décapitation » (Bibliotheca Sanctorum, vol….1539).
Nous accueillons ici les données traditionnelles telles qu’elles sont rapportées dans les textes liturgiques, en nous limitant à les proposer de manière plus articulée.
Laurent serait donc né en Espagne, à Osca une petite ville de l’Aragon qui surgit aux pieds des Pyrénées. Afin de compléter ses études humanistiques et liturgiques il fut envoyé, tout jeune encore, dans la ville de Saragosse, où il fit la connaissance du futur pape Sixte II. Ce dernier – originaire de la Grèce -, était investi d’une charge d’enseignant dans l’un des plus importants centres d’études de l’époque et, parmi ses maîtres, le pape était l’un des plus connus et des plus appréciés.
Pour sa part, Laurent, qui devait devenir un jour le chef des diacres de l’Eglise de Rome, s’imposait par ses qualités humaines, par sa délicatesse d’âme et son intelligence. Entre le maître et l’élève s’instaura une communion et une familiarité qui, avec le passage du temps, augmenta et se cimenta; entre temps, l’amour qu’il portaient tous les deux pour Rome, centre de la chrétienté et ville-siège du vicaire du Christ, augmenta au point de suivre un flux migratoire alors très intense et de quitter l’Espagne pour la ville où l’apôtre Pierre avait établi sa chaire et rendu le témoignage suprême. C’est donc à Rome, au cœur de la catholicité, que maître et élève purent réaliser leur idéal d’évangélisation et de mission… jusqu’à l’effusion du sang. Lorsque le 30 août de l’année 257, Sixte II monta sur le trône de Pierre – pour un pontificat qui devait durer moins d’un an – , immédiatement et sans hésiter, il voulut à ses côtés son ancien élève et ami Laurent, en lui confiant la charge délicate de proto diacre.
Les deux hommes, à la fin, scellèrent leur vie de comunion et d’amitié en mourant par les mains du même persécuteur, séparés seulement par quelques jours.
Nous avons des informations sur la fin du pape Sixte II dans une lettre de saint Cyprien, évêque de Carthage. Cyprien, en parlant de la situation de grande incertitude et de malaise dans laquelle versaient les Eglises à cause de l’hostilité croissante à l’égard des chrétiens, remarque: « L’empereur Valérien a envoyé au sénat son rescrit par lequel il a décidé que les évêques, les prêtres et les diacres doivent être immédiatement mis à mort… – le témoignage de Cyprien continue – … je vous communique que Sixte a subi le martyre avec quatre diacres le 6 août, alors qu’il se trouvait dans la zone du cimetière. Les autorités romaines ont pour règle que ceux qui sont dénoncés comme chrétiens doivent être jugés et subir la confiscation de leurs biens au bénéfice du trésor public impérial » (Lettre 80, CSEL 3,839-840).
Le cimetière auquel le saint évêque de Carthage fait allusion est celui de Callixte, où Sixte fut capturé tandis qu’il célébrait la sainte liturgie et où il fut enterré après son martyre.
En revanche, pour le martyre du diacre Laurent, nous possédons un témoignage particulièrement éloquent de saint Ambroise dans De Officiis (1 41, 205-2079), repris ensuite par Prudence et saint Augustin, puis par saint Maxime de Turin, saint Pierre Chrisologue, saint Léon le Grand et, enfin, par certaines formules liturgiques renfermées dans les Sacramentaux romains, dans le Missale gothicum et dans l’Ormionale Visigotico (Bibliotheca Sanctorum, vol. …, 1538-1539).
Ambroise s’étend tout d’abord sur la rencontre et sur le dialogue entre Laurent et le pape, il évoque ensuite la distribution des biens de l’Eglise aux pauvres, il mentionne enfin le gril, l’instrument du supplice, en rapportant la phrase que le proto diacre de l’Eglise de Rome prononça en s’adressant à ses bourreaux: assum est, … versa et manduca (cf. Bibliotheca Sanctorum, vol. … col. 1538-1539).
C’est au texte d’Ambroise tiré du De Officiis (chap. 41, nn. 205-206-207), bouleversant par son intensité et sa force expressive, que nous nous référons; saint Ambroise s’exprime ainsi:
205. « … saint Laurent,… voyant son évêque Sixte conduit au martyre, commença à pleurer non pas parce que celui-ci était conduit à la mort, mais parce qu’il devait lui survivre. Il commença donc à lui dire de vive voix: « Où vas-tu, père, sans ton fils? Où t’empresses-tu, o saint évêque, sans ton diacre? Tu n’offrais jamais le sacrifice sans ministre. Qu’est-ce qui t’as donc déplu en moi, o père? Tu m’as peut-être trouvé indigne? Vérifie au moins si tu as choisi un ministre approprié. Ne désires-tu pas que celui auquel tu as confié le sang du Seigneur, celui que tu as associé à la célébration des mystères sacrés, verse son sang avec toi? Sois attentif à ce que ton discernement ne vacille pas tandis que ta force est louée. Le mépris du disciple porte préjudice au maître. Faut-il rappeler que les grands hommes remportent la victoire par les épreuves victorieuses de leurs disciples plus que par les leurs? Et puis Abraham a offert son fils, Pierre a envoyé Etienne en avant. Toi aussi, o mon père, montre en ton fils ta vertu; offre celui que tu as éduqué, pour obtenir la récompense éternelle en glorieuse compagnie, sûr de ton jugement ».
206. Sixte lui répondit: « Je ne te quitte pas, je ne t’abandonne pas, o mon fils; mais des épreuves plus difficiles te sont réservées. Comme nous sommes vieux, il nous a été donné de parcourir une épreuve plus facile; Comme tu es jeune, tu es destiné à un triomphe plus glorieux sur le tyran. Tu viendras bientôt, cesse de pleurer: tu me suivras dans trois jours. Cet intervalle entre un évêque et un lévite est convenable. Tu n’aurais pas été digne de vaincre sous la conduite de ton maître, comme si tu cherchais une aide. Pourquoi demandes-tu à partager mon martyre? Je t’en laisse l’entière succession. Pourquoi exiges-tu ma présence? Les disciples encore faibles précèdent leur maître, ceux qui sont déjà forts, qui n’ont plus besoin d’enseignements, le suivent pour vaincre sans lui. C’est pourquoi Elie quitta Elisée. Je te confie la succession de ma vertu ».
207. Il existait entre eux une rivalité véritablement digne d’être combattue par un évêque et par un diacre: celui qui, le premier, devait souffrir pour Jésus-Christ. On raconte que lors des représentations tragiques, les spectateurs éclataient en applaudissements bruyants lorsque Pilade disait qu’il était Oreste et Oreste, comme c’était le cas, affirmait qu’il était Oreste, le premier pour être tué à la place d’Oreste, le second pour empêcher que Pilade fut tué à sa place. Mais ces derniers ne devaient pas vivre, car ils étaient tous les deux coupables de parricide: l’un parce qu’il l’avait commis, l’autre parce qu’il était son complice. Dans notre cas, le seul désir qui animait saint Laurent était celui de s’immoler pour le Seigneur. Et lui aussi, trois jours après, ayant ridiculisé le tyran, sera brûlé sur un gril: « Cette partie est cuite, dit-il, retourne-la et mange-la ». Il triomphait ainsi, avec sa force d’âme, de l’ardeur du feu » (saint Ambroise, De Officiis, libri tres, Milan, Bibliothèque ambrosienne, Rome Città Nuova Editrice 1977, pp. 148-151).
Si l’on s’en tient au témoignage de saint Ambroise, le diacre apparaît caractérisé ainsi:
1) comme celui qui, constitué sacramentellement au service de l’offrande (diaconie), vit son ministère diaconal en exprimant dans le martyre le témoignage suprême de Jésus-Christ, le sens théologique du service de la charité, à travers l’accueil de cet amour-charité plus grand qu’est le martyre.
2) comme celui qui, en vertu du lien structurel qui le lie sacramentellement à l’évêque, (premier degré de l’ordre), vit la « communion ecclésiale », à travers un service spécifique à l’épiscopat, à partir de l’eucharistie et en référence à celui-ci.
3) comme celui qui, en vertu du sacrement (c’est-à-dire dans la mesure où il est enraciné dans le premier degré de l’ordre), se consacre au service d’une charité intégrale, à 360 degrés – par conséquent pas seulement une solidarité humaine et sociale -, et manifeste de la sorte le caractère le plus typique de la diaconie.

Examinons l’une après l’autre ces caractéristiques:

1) Le diacre se présente comme celui qui, constitué sacramentellement au service de l’offrande (diaconie), vit son ministère diaconal en exprimant dans le martyre le témoignage suprême de Jésus-Christ, le sens théologique du service de la charité, à travers l’accueil de cet amour-charité plus grand qu’est le martyre.
Si la caractéristique principale qui identifie le diacre, en soi et dans son ministère, est celle d’être ordonné au service de la charité, le martyre – témoignage jusqu’à l’effusion du sang -, doit être considéré comme l’expression d’un amour-charité plus grand, à savoir le service d’une charité qui ne connaît pas de limites. Le ministère de la charité auquel le diacre est délégué à travers l’ordination ne s’arrête donc pas au service des « cantines » ou, comme on avait coutume de dire autrefois, dans un langage catéchétique, aux œuvres de miséricorde corporelles, ni même aux œuvres spirituelles, mais le service diaconal de la charité doit parvenir, par l’inconditionnel don de soi, à l’imitation du Christ, le témoin fidèle par antonomase (cf. Ap 1,5;3,14).
Dans le cas de Laurent – explique Ambroise- « aucun désir ne l’animait sinon le désir de s’immoler pour le Seigneur » (cf. saint Ambroise, De Officiis, I, 41, n. 207); à travers le témoignage rendu face à ses persécuteurs, il apparaît évident que l’exercice du ministère diaconal ne s’identifie pas ici avec le service du prochain, réduit aux seules nécessités matérielles; puisque dans ce geste qui exprime un amour plus grand pour Jésus-Christ et qui porte à donner sa propre vie, Laurent fait en sorte que ses bourreaux puissent également, au sens réel, faire « une certaine » expérience du Verbe incarné qui, en dernière instance, est le destin personnel et commun de tout homme; c’est le service théologique de la charité auquel chaque diacre doit tendre ou, tout au moins, rester disponible.
Ceci ne signifie pas que le diacre épuise dans son ministère le témoignage de la charité qui est, et reste toujours, vocation et mission de toute l’Eglise, mais on entend affirmer qu’en vertu de son ordination, le diacre porte en soi, de manière sacramentelle-spécifique, la « forme Christi » pour le service de la charité; ce qui revient à dire un « exercice ministériel » de la charité qui se réalise envers Jésus-Christ et les frères et qui peut aller jusqu’à exiger le don de soi… jusqu’au sacrifice de la vie. Les mots que Laurent adresse à l’évêque Sixte résonnent clairement: « Et puis Abraham a offert son fils, Pierre a envoyé Etienne en avant. Toi aussi, o mon père, montre en ton fils ta vertu; offre celui que tu as éduqué, pour obtenir la récompense éternelle en glorieuse compagnie, sûr de ton jugement » (saint Ambroise, De Oficiis, I, 41, n. 205).
Il est utile de rappeler, cependant, que le témoignage d’un « amour-charité » plus grand de la part de celui qui est ordonné au service de la charité, ne dispensera jamais l’Eglise-Epouse de s’offrir au Christ-Epoux, dans le don de la « martyria » par lequel, au delà de toute réticence et ambiguité, se manifeste la valeur absolue et l’union inséparable que « vérité » et « charité » revêtent dans la vie du disciple du Seigneur (cf. 1 Cor 13,4-5, Phil 4,15).
A cet effet, il est utile de relire le texte de Lumen Gentium 42, dans lequel on affirme. « … le martyre, par lequel le disciple est rendu semblable au maître qui accepte librement la mort pour le salut du monde, et se conforme à lui dans l’effusion du sang, est estimé par l’Eglise comme le don exeptionnel et la preuve suprême de la charité… si le martyre est accordé à peu, tous doivent cependant être prêts à confesser Jésus-Christ devant les hommes, et à le suivre sur le chemin de la croix à travers les persécutions, qui ne font jamais défaut à l’Eglise » (EV, 1/398).
A présent – malgré l’appel universel à la charité même héroïque -, un fait reste incontestable: dans l’Eglise il existe un « ministère ordonné » spécifique, par conséquent des hommes sacramentellement constitués au service de la charité.
2) Le diacre se présente comme celui qui, en vertu du lien structurel qui le lie sacramentellement à l’évêque, (premier degré de l’ordre), vit la « communion ecclésiale », à travers un service spécifique à l’épiscopat, à partir de l’eucharistie et en référence à celui-ci.
C’est l’autre caractéristique qui ressort du dialogue entre Sixte et Laurent au cimetière de Callixte; le dialogue met en évidence le fait que c’est justement dans le lien sacramentel qui unit le diacre à l’évêque, que le diacre apparaît comme l’ »homme de la communion » à travers le service spécifique qu’il rend à l’évêque; ce service, ensuite, se réalise, concrètement, par l’accomplissement fidèle de ce que l’évêque, en vertu de la plénitude du sacerdoce et du gouvernement qu’il a sur l’Eglise – toujours en communion avec l’évêque de Rome -, exige de son diacre selon les nécessités et les urgences ecclésiales.
Dans le ministère du diacre, enfin, toute chose fait référence à l’autel, dans la mesure où dans l’Eglise toute chose, à commencer par la charité, tire son origine de la S.S. Eucharistie. Voici le point où le témoignage d’Ambroise, à cet égard, se fait particulièrement significatif: « … Laurent,… voyant son évêque Sixte conduit au martyre, commença… à lui dire de vive voix: « Où vas-tu, père, sans ton fils? Où t’empresses-tu, o saint évêque, sans ton diacre? Tu n’offrais jamais le sacrifice sans ministre… ? …Ne désires-tu pas que celui auquel tu as confié le sang du Seigneur, celui que tu as associé à la célébration des mystères sacrés, verse son sang avec toi? » (saint Ambroise, De Officiis, 1.41, n.205).
La communion et l’affection entre l’évêque et le diacre, qui se manifestent dans leur commune dépendance et dans leur lien commun à l’eucharistie, expriment une vision ecclésiale profondémente théologique qui va au delà des conceptions qui abaissent et réduisent l’Eglise-Epouse à une simple dimension politique et sociologique, en l’assimilant, de fait, à l’une des nombreuses institutions humaines; il est donc nécessaire de se libérer de toute perspective secularisée et sécularisante, qui conduit inéluctablement à perdre et à compromettre le sens et la force régénérante du Mystère; le risque est celui de voir aussi bien dans le pape que dans les évêques, les prêtres et les diacres, autant de degrés d’une bureaucratie infinie semblable à celle de l’administration publique et chargée, comme cette dernière, de veiller au bon ordre de l’ensemble guère mieux précisé.
La rencontre du pape Sixte avec le diacre Laurent nous invite, le cas échéant, à renverser une telle vision et à redécouvrir au cœur de l’Institution-Eglise, toujours indispensable, et des structures ecclésiales, pareillement nécessaires, la réalité vive et vivifiante de la grâce qui les anime et, par là même, nous invite à redécouvrir le lien théologique qui les lie au Christ, unique, véritable Evêque, Prêtre et Diacre. D’autre part, dans le Nouveau Testament – dans la lettre aux Philippiens (cf. Phil 1,1) et dans la première lettre à Timothée (cf. Tim 3,1-13) -, nous trouvons associés l’évêque et le diacre; par la suite, leur lien étroit est attesté dans la « Traditio apostolica » – début du IIIe siècle (Hyppolite de Rome) -, où la grâce conférée au diacre par le rite de l’ordination est définie comme « simple service de l’évêque », sans sacerdoce; quelques années après – dans la moitié du IIIe siècle, en Syrie -, la « Didascalie des Apôtres » présente le diacre comme le « serviteur de l’évêque et des pauvres ».
Enfin, la relation qui lie structurellement le diacre à l’évêque aujourd’hui est exprimée de manière transparente à travers la liturgie de l’ordination; dans ce cérémonial, en effet, à la différence de celui de l’ordination des évêques et des prêtres, le geste de l’imposition des mains est réalisé uniquement par l’évêque qui ordonne pour indiquer le lien caractéristique et singulier qui lie le diacre à l’évêque.
3) Le diacre se présente comme celui qui, en vertu du sacrement (c’est-à-dire dans la mesure où il est enraciné dans le premier degré de l’ordre), se consacre au service d’une charité intégrale, à 360 degrés – par conséquent pas seulement une solidarité humaine et sociale -, et manifeste de la sorte le caractère le plus typique de la diaconie.
Dans son témoignage, Ambroise nous présente encore Laurent comme celui qui, en vertu du sacrement reçu, est pleinement consacré au service de la charité dans une situation concrète: la Rome impériale du troisième siècle, tandis que la persécution fait fureur; dans cette conjoncture, Laurent est appelé à réaliser, face à la communauté ecclésiale et au monde, des gestes concrets destinés à se transformer en autant de signes de l’Amour-Charité de Dieu, à savoir de cette Charité dont toute chose provient et vers laquelle toute chose se dirige; et c’est dans ce service que le diacre exprime le ministère le plus typique de sa diaconie qui consiste, justement, dans le service de la charité réalisé en vertu du mandat sacramentel; en définitive une animation qui concerne l’Eglise ou des secteurs de la vie ecclésiale et qui se présente selon les caractères de la catholicité (kat’olon = selon la totalité, sans rien exclure); l’aspiration de ce service est la totalité des hommes sans exeption, le contenu, un bien qui répond à toutes les attentes de l’homme – esprit, âme et corps (cf. I Ts 5,23) – excluant toute partialité et unilatéralité.
En outre, dans le texte ambrosien on relève une allusion qui aide à la réflexion. Sixte, désormais prisonnier, confie à Laurent, le premier de ses diacres, l’Eglise entière et la lui laisse pour une période de trois jours. « … Comme nous sommes vieux, il nous a été donné de parcourir une épreuve plus facile; comme tu es jeune, tu es destiné à un triomphe plus glorieux sur le tyran. Tu viendras bientôt, cesse de pleurer: tu me suivras dans trois jours. Cet intervalle entre un évêque et un lévite est convenable… » (saint ambroise, De Officiis, n.206). Laurent, pendant ces trois jours, et en tant que diacre, en esprit de service et d’obéissance à son évêque – désormais définitivement arraché à son peuple -, devra prendre soin de l’Eglise, et pour la dernière fois il administrera les biens de l’Epouse du Christ en le faisant par un geste qui porte en soi la force d’une définition et qui dit comment, dans l’Eglise, tout est finalisé et prend de la valeur à partir du service de la charité, réalité destinée à perdurer quand tout aura disparu et la scène de ce monde sera passée (cf. 1 Cor 13,8).
Pour ceux qui regardent de loin, de façon approximative – et, somme toute, superficielle -, ce geste peut sembler être exclusivemnet lié aux nécessités matérielles et au temps présent; il s’agit, en effet, de la distribution de biens matériels à des pauvres; en réalité, l’acte que Laurent réalise, en esprit de fidélité au dépôt qu’il a reçu de l’évêque et au ministère ecclésial dans lequel il est constitué, est un acte qui le projette, et avec lui projette toute l’Eglise – qui lui a été confiée jusqu’au moment du martyre -, au-delà de l’histoire, dans l’escathologie, c’est-à-dire dans le « temps » et dans « l’espace » dans lequel Dieu manifeste la plénitude de sa charité et de son amour.
Le diacre laurent, ministre ordonné de la charité, achève la tâche qu’il avait reçue, non seulement dans la mesure où il suit son évêque dans le martyre mais parce qu’à travers le geste par lequel il donne aux pauvres toutes les ressources de la communauté – ici exprimées par des biens matériels -, il montre comment, dans l’Eglise, chaque chose a de la valeur si elle est orientée vers la charité, si elle devient service à la charité, si elle peut se transformer en charité.
Et ce service – comme le rappelle la première lettre aux Théssaloniciens (cf. 1 Ts 5,23) -, s’étend non seulement au « corps » mais aussi à l’ »esprit » et à l’ »âme », pour se manifester en toute clarté dans la prière que – selon la Passio Polychromi (les actes du martyre de Laurent) -, le saint diacre voulut réciter pour la ville de Rome avant de monter sur le gril.
Et la ville, qui lui attribuait la victoire définitive sur le paganisme, le lui rendit en le choisissant comme son troisième patron et en célébrant sa fête dès le IVe siècle, en second, par odre d’importance, après la fête des bienheureux Pierre et Paul et en élevant, en honneur du saint diacre, dans l’antiquité et au moyen-âge, au moins trente quatre églises et chapelles, signe tangible de reconnaissance envers celui qui, fidèle à son ministère, avait été, en son sein, véritable ministre et serviteur de la charité.
A présent, au terme de ces réflexions sur le ministère du diaconat essentiellement envisagé sous sa forme « permanente », nous pouvons dire:
1) il faut savoir considérer avec un esprit critique toutes les perspectives – désormais dépassées, en vérité -, qui, de fait, interprètent et présentent le diaconat comme un ministère qui conduit à la cléricalisation des laïcs et à la laïcisation des clercs, parvenant ainsi à l’affaiblissement de l’identité des uns et des autres.
2) le diacre, qui se distingue des évêques et des prêtres dans la mesure où il n’est pas ordonné « ad sacerdotium, sed ad ministerium », est constitué dans un degré authentique de la hiérarchie et ne peut être compris comme pur accès au sacerdoce.
3) le diacre est habilité au service de la charité en étroite dépendance avec l’Eucharistie et au soin privilégié des pauvres, aussi bien par le service des « cantines » (œuvres de miséricorde corporelles), que par le service de la parole (œuvres de miséricorde spirituelles) en restant ouvert au service d’un amour-charité plus grand, le martyre.
Enfin, l’institution du « diaconat permanent », représente et marque un important enrichissement pour l’Eglise et sa mission, notamment en vue de la nouvelle évangélisation que le Saint-Père rappelle continuellement de ce début du troisième millénaire de l’ère chrétienne; et c’est la beauté, la force et le caractère héroïque de figures de diacres comme saint Laurent qui aident à découvrir et à mieux comprendre la particularité du ministère diaconal.

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