Les apocryphes et le dogme de l’Assomption

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Les apocryphes et le dogme de l’Assomption

Le dogme de l’Assomption corporelle de Marie au ciel a été promulgué le 1er novembre 1950 par Pie XII dans la constitution apostolique « Munificentissimus Deus ». Le pape insiste avec force sur l’importance des célébrations liturgiques du 15 août, en Orient comme en Occident, et en tire argument pour affirmer que « le dogme de l’Assomption de la Vierge Marie au ciel est contenu dans le dépôt de la foi chrétienne confié à l’Église ».

Cette définition dogmatique s’est accompagnée d’une impressionnante réflexion exégétique, historique et systématique, menée par les meilleurs érudits catholiques du moment. Plusieurs d’entre eux se sont penchés sur les « Transitus » apocryphes – dont la bulle papale tait l’existence –, faisant grandement avancer la recherche sur ces textes. Au terme de ces études, ces savants se sont souvent interrogés sur la valeur historique et doctrinale des traditions apocryphes sur la mort de Marie. Voici l’opinion de Martin Jugie, professeur à l’Athénée pontificale du Latran et à l’Institut catholique de Lyon, qui a publié une étude de référence sur le sujet.
 
Martin Jugie, La mort et l’assomption de la sainte Vierge, p. 167-171

Du point de vue historique, [la] valeur [des apocryphes] est absolument nulle. […] L’historien n’est pas plus renseigné, nous ne disons pas seulement sur les circonstances du passage de la Sainte Vierge de la terre à la vie du ciel mais sur le fait même de sa mort, que ne l’était saint Épiphane à la fin du IVe s. quand il écrivait : « Personne ne sait quelle a été la fin de Marie. » […] Les divergences et les contradictions perpétuelles que nous révèle leur confrontation […] sont bien faites pour augmenter notre scepticisme et nous confirmer dans la conviction qu’aucune tradition positive authentique et remontant jusqu’aux apôtres n’a existé dans l’ancienne Église sur la manière dont la Mère de Dieu a quitté la terre. […]

Au point de vue doctrinal, ces récits méritent d’attirer l’attention de l’historien du dogme, parce qu’ils nous renseignent sur les premières solutions que donna la piété chrétienne au problème posé par la mort de la Mère de Dieu. Du moment qu’on admet que celle-ci est morte – et sur ce point tous les apocryphes du Transitus sont d’accord – la question surgit du sort ultérieur du corps. […] Après le concile d’Éphèse, quand l’attention fut attirée sur l’éminente dignité que confère à Marie la maternité divine, on ne pouvait rester indéfiniment sur l’attitude agnostique qu’avait adoptée [Épiphane]. Le sens chrétien répugnait à admettre que la Vierge toute-sainte, Mère de Dieu, ait pu avoir le sort commun à tous les mortels et que son corps virginal ait connu la corruption du tombeau. Sûrement le Fils de Dieu avait dû soustraire sa Mère à cette humiliation. C’est ce qu’ont senti à peu près tous les auteurs du Transitus. Mais leur solution n’a pas été identique en tout. […]

Les récits apocryphes les plus anciens ont précédé l’institution d’une fête de la Dormition dans les Églises orientales, et il est vraisemblable que leur influence n’a pas été étrangère à cette institution. […] En parlant de la doctrine des Pères grecs sur l’Assomption à partir du VIIe s., nous aurons l’occasion de constater que plusieurs homélistes ont fait des emprunts discrets aux apocryphes […]. Il va sans dire que les représentations sculpturales et picturales de la mort et de l’assomption de la Vierge sont, la plupart du temps, en étroite dépendance des récits apocryphes […].

Ces brèves considérations nous montrent qu’il ne faut ni exagérer ni minimiser l’importance et l’influence des récits apocryphes du Transitus Mariae. Dans le domaine de la doctrine, ils sont, à leur manière, des témoins de l’ancienne tradition, des échos de la pensée chrétienne, à l’époque où ils ont été composés. Presque tous ceux qui sont parvenus jusqu’à nous ont pour auteurs des catholiques ou des monophysites*, qui rivalisaient de vénération et d’amour pour la sainte Theotokos. S’ils n’ont pas tous trouvé du premier coup la vraie solution qui s’impose à l’égard du sort final de la Mère de Dieu, il faut se souvenir de l’absence de tout témoignage explicite sur ce point dans les sources de la Révélation. Ceux qui se sont trompés, qui n’ont pas vu que, si Marie était morte, elle avait dû nécessairement ressusciter, ont, du moins, accordé à son corps le privilège de l’incorruption. 

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