Archive pour juillet, 2010
Un professeur juif défend le crucifix à la Cour de Strasbourg
1 juillet, 2010du site:
http://www.zenit.org/article-24874?l=french
Un professeur juif défend le crucifix à la Cour de Strasbourg
La tolérance envers l’Autre ne peut se traduire par une intolérance envers sa propre identité
ROME, Mercredi 30 juin 2010 (ZENIT.org) – Joseph Weiler, professeur de droit à la « University School of Law » de New York, a défendu le crucifix, ce mercredi, devant la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (ECHR).
Sa défense a été entendue par 17 juges dont Jean-Paul Costa, président de la Cour, lors d’une audience sur l’affaire Lautsi v. Italy, ou « l’affaire du crucifix », concernant le droit ou non de l’Italie de mettre des crucifix dans les salles de classe des écoles publiques.
Joseph Weiler, qui est également professeur honoraire de l’Université de Londres, représentait à l’audience les gouvernements de l’Arménie, de Bulgarie, de Chypre, de Grèce, de Lituanie, de Malte, de Monaco, de Roumanie, de la Fédération russe et de Saint-Marin, qui se présentaient comme des tiers intervenants.
L’affaire Lautsi a été renvoyée devant la Grande Chambre suite à la décision du gouvernement italien de faire appel, le 28 janvier 2010, après
la publication d’un arrêt de la deuxième section de la Cour, le 3 novembre 2009, donnant raison à une citoyenne italienne d’origine finlandaise, Soile Lautsi qui avait demandé en 2002 que les crucifix soient retirés des salles de classe de l’école que fréquentaient ses enfants à Abano Terme, dans la province de Padoue.
« La Cour estime que l’exposition obligatoire d’un symbole d’une confession donnée dans l’exercice de la fonction publique relativement à des situations spécifiques relevant du contrôle gouvernemental, en particulier dans les salles de classe, restreint le droit des parents d’éduquer leurs enfants selon leurs convictions ainsi que le droit des enfants scolarisés de croire ou de ne pas croire. La Cour considère que cette mesure emporte violation de ces droits car les restrictions sont incompatibles avec le devoir incombant à l’Etat de respecter la neutralité dans l’exercice de la fonction publique, en particulier dans le domaine de l’éducation », précisait cet arrêt.
Le professeur Weiler a expliqué qu’en Europe il n’existe pas de modèle unique de relations Eglise-Etat. Il suffit de voir les différences entre la laïcité en France et la laïcité en Grande-Bretagne où la Reine est chef de l’Eglise anglicane. La Suède, le Danemark ou la Grèce sont d’autres cas.
Il a constaté que « dans beaucoup de ces Etats, des parties importantes de la population, voire même la majorité des habitants, ne se considèrent plus eux-mêmes religieux ». Et pourtant, l’utilisation de « symboles religieux dans l’espace public et par l’Etat, est acceptée par la population laïque comme appartenant à l’identité nationale et comme un acte de tolérance envers les autres citoyens ».
« Il est possible qu’un jour, les habitants de Grande-Bretagne, en exerçant leur souveraineté constitutionnelle, se détachent de l’Eglise d’Angleterre, comme l’ont fait les Suédois », a-t-il expliqué, ajoutant que c’est à eux de le faire et pas à la Cour, la Convention européenne sur les droits de l’homme n’ayant d’ailleurs jamais été conçue pour les forcer à le faire.
« Le message de tolérance envers l’Autre ne doit pas se traduire par un message d’intolérance envers sa propre identité », a-t-il ajouté.
Nicola Lettieri, qui représentait l’Etat italien a affirmé que si « un Etat possède un rapport privilégié avec une religion, s’il épouse des symboles religieux, ceci n’est en rien contraire à la Convention européenne sur les droits de l’homme. La seule limite à ne pas franchir est l’endoctrinement ou le prosélytisme ».
« Si le crucifix est présent dans les classes, ce n’est pas pour une raison d’endoctrinement mais il s’agit de l’expression d’un sentiment populaire qui est à la base de l’identité nationale », a-t-il ajouté.
Le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) était également tiers intervenant à l’audience de ce matin, aux côtés de 79 membres européens de parlements. Le directeur du ECLJ a expliqué à ZENIT qu’il était confiant et convaincu que la Cour comprendrait que « le droit des non-croyants à ne pas croire ne peut pas éclipser les droits des croyants (la « laïcité » n’est pas requise par la Convention) ».
« Le ECLJ espère également que la Cour comprendra qu’elle ne peut pas et ne doit pas demander à un Etat de renoncer à son identité profonde au nom de la tolérance et de la philosophie des droits humains », a-t-il ajouté.
« Le vrai pluralisme commence avec le respect entre les pays », a-t-il commenté.
En plus des dix pays représentés par Joseph Weiler, ayant demandé officiellement à pouvoir intervenir, d’autres Etats ont donné leur soutien officiel à l’Italie dont l’Ukraine, la Moldavie, l’Albanie et la Serbie. Grégor Puppinck estime que l’ampleur de ces interventions est sans précédent et que ceci témoigne de l’importance de cette affaire pour l’Europe.
La décision de la Grande Chambre de la Cour ne sera probablement pas rendue publique avant l’automne, peut-être même à la fin de l’année.
Jesús Colina
Éphésiens 4, 11-16 et l’ecclésiologie du Concile Vatican II – 9/12
1 juillet, 2010http://www.diocese-frejus-toulon.com/Ephesiens-4-11-16-et-l.html
Éphésiens 4, 11-16 et l’ecclésiologie du Concile Vatican II – 9/12
Père Mario Saint-Pierre, prêtre et théologien
Publié le jeudi 12 mars 2009 , par Père Mario Saint-Pierre
Paul, l’apôtre des Nations, n’a pas hésité un instant à expérimenter les approches pastorales qui lui permettaient de développer une évangélisation féconde. Les paroles fortes et profondes écrites à la communauté d’Éphèse, grâce à sa riche expérience et au succès connu dans cette ville, ne sont pas uniquement le fruit d’une réflexion théorique sur l’Église, mais aussi le fruit d’une expérience évangélisatrice qui s’est démultipliée avec force. Paul peut écrire dans sa lettre aux Éphésiens (4, 11-16) le passage le plus riche, le plus profond, le plus complexe, le plus articulé et le plus beau sur l’Église en croissance.
11. Et c’est lui [le Christ] qui a donné
aux uns d’être apôtres,
aux autres d’être prophètes,
aux autres d’être évangélisateurs,
et aux autres d’être pasteurs et enseignants,
12. en vue de [1] (pros) la formation des saints
pour (eis) l’œuvre du ministère,
pour (eis) la construction du Corps du Christ,
13. jusqu’à (mekri) ce que nous parvenions
tous ensemble à (eis) l’unité
de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu,
à (eis) l’homme accompli,
à (eis) la taille maximale de la plénitude du Christ,
14. afin que (hina) nous ne soyons plus
des enfants ballottés,
menés à la dérive à tout vent de doctrine
par la tromperie des hommes
par leur ruse dans les moyens de séduction,
15. mais que, vivant la vérité dans l’amour,
nous croissions à (eis) tous égards
[vers] Celui qui est la Tête, le Christ,
16. de qui le corps tout entier
coordonné et bien uni
grâce à toutes les articulations qui le desservent
selon une activité répartie à la mesure de chaque partie
réalise la croissance du corps
pour (eis) sa construction dans l’amour.
Ainsi, le verset 11, qui ouvre une longue et unique phrase jusqu’au verset 16, énumère un ensemble de fonctions : apôtres, prophètes, évangélisateurs, pasteurs et enseignants. Michel Bouttier présente une explication globale de cette liste : « Seules sont retenues les fonctions liées à la révélation, à sa proclamation et à son enseignement. […] Nous sommes à la charnière de l’époque apostolique révolue et de l’Église en voie d’institutionalisation où l’épiscopat deviendra détenteur de l’autorité. » [2] Ici, les 5 fonctions sont toutes en rapport avec l’évangélisation. Les ministères ordonnés ne sont pas mentionnés explicitement, même s’ils peuvent être en quelque sorte pressentis et inclus dans la fonction de « pasteurs ». N’oublions pas que Paul est désormais absent de la communauté d’Éphèse. Il s’assure que les fonctions directement liées à l’engendrement de l’Église dans sa mission évangélisatrice sont maintenues, pour que l’Église continue sa croissance.
Le commentaire du père Jean-Noël Aletti va dans le même sens : « Ce n’est pas l’Église qui se donne à elle-même des ministres pour son bon fonctionnement, elle les reçoit du Christ lui-même. […] Le verset [11] énumère une hiérarchie de fonctions, qui sont par ailleurs les unes et les autres mentionnées dans le NT et sont toutes en rapport avec l’Évangile, à sa proclamation, à son interprétation, à sa prédication et à l’enseignement qui en découle. » […] « La liste d’Ép 4, 11 mentionne donc les seuls ministères directement impliqués dans l’annonce et l’explicitation de l’Évangile, du mystère. Car, en réalité, le v. 11 montre comment se réalise le mystère ; c’est en effet du Christ que vient l’initiative de doter l’Église, qui est son corps, d’apôtres et autres ministres qui la feront entrer dans la connaissance du mystère : la dynamique de l’annonce du mystère vient du Christ lui-même, telle est bien la pointe du verset. » [3] Il est très important de relever, à la lumière de ces deux exégètes, la dimension essentiellement évangélisatrice de chacune de ces cinq fonctions qui, comme on le verra dans les versets suivants, permettent la croissance ecclésiale.
Sans entrer dans les détails d’un travail exégétique minutieux, soulignons quelques aspects de cette ecclésiologie de croissance. D’abord, citons deux passages importants du père Aletti concernant l’ensemble de la phrase : « C’est grâce aux ministères directement impliqués dans l’annonce et l’interprétation du mystère, que tous les croyants sont en mesure d’œuvrer pour la croissance du corps ecclésial. L’Église est un ensemble organique où tout est lié. » […] « La croissance organique constitue le bouquet final, car elle exprime la vie, la vitalité du corps ; le texte fournit ici un critère pour juger de l’origine de la vitalité de l’Église : tout ce qui fait croître harmonieusement le corps vient du Christ. » [4] À l’aide de cette interprétation du père Jean-Noël Aletti sur les cinq fonctions pauliniennes (Ép 4, 11), nous comprenons l’importance du lien essentiel existant entre la mission évangélisatrice et la croissance de l’Église.
Paul utilise au verset 12 un verbe substantivé : « katartismon ». Il s’agit d’un emploi unique dans le Nouveau Testament. Ce mot signifie : acte de compléter, de parfaire, de préparer, d’équiper et de former. Michel Bouttier souligne avec raison : « Le substantif « katartismon » n’est employé qu’ici, mais Paul use du verbe qui correspond à ajuster et consolider les éléments divers assemblés pour former un tout – ainsi assembler (les pièces d’un navire). Il s’agit de la formation des saints, de leur équipement ; il n’y a pas d’hésitation possible pour ce passage : les saints, ce sont les fidèles. Cet assemblage comporte une double tâche, extensive et intensive : celle qui nécessite la consolidation en chacun de l’unité de l’être croyant, et celle qui nécessite l’assemblage de tous, destinés à constituer un corps. » [5] Ainsi la diversité des fonctions évangélisatrices a une origine christologique qui s’enracine dans le Mystère trinitaire, une finalité de communion ecclésiale qui se vérifie dans la croissance et une approche d’intégration qui permet une formation totale et unifiante du corps et des membres du corps. Cette approche d’intégration se vérifie dans le verset 16 où il est particulièrement question du « corps tout entier, coordonné et bien uni grâce à toutes les articulations qui le desservent selon une activité proportionnée à la mesure de chaque partie ». L’intégration dans la croissance et la fécondité de la mission évangélisatrice implique équilibre, harmonie, mesure, dosage, proportion, lien, etc. La réalité biologique intégrale s’impose en quelque sorte à la vision ecclésiologique qui, elle aussi, doit être qualifiée « d’intégrale ». Sans cette « mesure », l’Église ne peut croître, être en bonne santé, vivre et se multiplier.
Entre la tête et le corps, la croissance s’inscrit dans un double mouvement réciproque et dynamique :
1. Éphésiens 4, 15 : du corps, la confession de foi permet la croissance vers la Tête, pourvu que toutes les parties du corps restent unies (un membre détaché du corps ne peut plus croître et vivre, il entrave l’équilibre du corps dans l’ensemble de sa croissance) ;
2. Éphésiens 4, 16 : en retour, du Christ Tête, duquel ou de laquelle proviennent nourritures et articulations, le corps reçoit une croissance qualifiée, c’est-à-dire une croissance mesurée, équilibrée, harmonieuse. Ce double mouvement dans la croissance n’est possible que « dans la charité ». Paul utilise l’expression aux versets 15 et 16 : « C’est la charité qui réunit, édifie, cimente ; c’est par elle que nous formons un corps. Si nous voulons donc participer à l’esprit de vie qui descend de la tête, soyons mutuellement unis » (Saint Jean Chrysostome, Homélie sur l’épitre aux Éphésiens). C’est pourquoi, nous prions à propos de l’Église dans la prière eucharistique II du Missel romain : « Fais-la grandir dans ta charité…