L’homme de la prière
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L’homme de la prière
« Jamais aucune heure ni aucun instant ne se sont écoulés sans qu’il s’adonnât à la prière ou s’appliquât à la lecture ; et pourtant même au milieu de sa lecture ou de n’importe quelle autre action, jamais il ne donnait de relâche à son esprit en prière. Rien d’extraordinaire à cela : selon l’habitude des forgerons qui frappent sur leur enclume dans l’intervalle de leur travail, en quelque sorte pour alléger leur peine, ainsi Martin priait sans cesse, même quand il avait l’air de faire autre chose ». C’est par ces mots que Sulpice Sévère, à la fin de la Vita, résume le cœur de la vie de Saint Martin, la prière.
La spiritualité du désert
Cet idéal de la prière continue, Martin l’a puisé chez les Pères du désert par le biais d’Hilaire : exilé en Orient, l’évêque de Poitiers avait connu l’expérience ascétique des moines du désert.
On a quelque peine aujourd’hui à comprendre l’extraordinaire attrait exercé par le désert sur les premières générations de chrétiens. Le modèle de perfection, dans les temps de persécution s’était identifié au martyre, témoignage suprême de la foi. La paix constantinienne étant intervenue, le désert prit la place du martyre. Le désert devient donc le symbole d’une vie sacrifiée, totalement offerte à la purification de l’âme et aux renoncements corporels en vue de se laisser « saisir par le Christ » (Ph 3,12). On connaissait la vie de Saint Antoine, écrite par Athanase, évêque d’Alexandrie en Egypte. Nul doute que ce portrait du plus illustre des Pères du désert n’ait servi de catalyseur à tout un mouvement d’ascétisme et d’érémitisme qui gagna de proche en proche les élites chrétiennes des cités, tant en Occident qu’en Orient.
Après Ligugé, Marmoutier devint le lieu de réclusion où Martin et ses disciples s’adonnaient à cette œuvre de Dieu qui les prenaient tout entiers. Sulpice Sévère lui-même dans sa description de Marmoutier établit le parallèle avec les solitudes d’Egypte : « cet endroit était si retiré et si écarté qu’il n’avait point à envier la solitude du désert. D’un côté, il était entouré par les rochers à pic d’une haute falaise ; de l’autre côté, la plaine était fermée par un léger méandre de la Loire. On n’y avait accès que par un seul chemin et très étroit. »
La cohérence d’une vie
Ce désir ardent de rencontrer le Seigneur dans la prière a traversé toute la vie de Martin, lui donnant son unité et sa cohérence. Martin passe insensiblement de la prière à l’action, de la mystique à la mission. Il est moine en même temps qu’il est évêque. Il prie en même temps qu’il évangélise. C’est dans le même mouvement de l’être qu’il est présent à Dieu dans la prière et présent aux hommes par le service apostolique. Il n’y a pas chez lui de fracture entre le dehors et le dedans.
En témoigne le geste de la « charité de Tours », rapporté par Sulpice dans les Dialogues. Alors qu’il s’apprêtait à célébrer la messe dans sa cathédrale de Tours, Martin est interpellé par un homme à demi nu qui le supplie de lui donner un vêtement. L’évêque appelle alors l’archidiacre et lui ordonne de faire vêtir le malheureux. L’archidiacre tardant à accomplir sa tache, le pauvre fait irruption dans la sacristie, se plaignant d’être oublié. Aussitôt, Martin, sans être vu, écarte son surplis et par-dessous tire sa tunique dont il couvre le pauvre en le congédiant. Lorsque revient enfin l’archidiacre, Martin prendra la tunique grossière destinée au pauvre. Au cours de la messe, un globe de feu jaillit de sa tête. Seuls un prêtre, une des vierges, et trois moines peuvent l’apercevoir. Ce globe de feu vient comme attester que Martin vit pleinement du mystère d’amour qu’il célèbre à l’autel.
L’appel à l’intériorité
L’exemple de Martin est un puissant stimulant pour retrouver le sens de l’intériorité. La prière a été chez lui une respiration de l’âme et du cœur. En effet, seule la prière peut donner à tous les instants de notre vie ce souffle cette épaisseur sans les quels les plus beaux actes, aussi nobles et généreux soient-ils manquent de consistance. Habités de l’intérieur par la prière, tous les moments de notre vie voient leur portée démultipliée. Cette prière libère d’une recherche de l’efficacité toute extérieure. Dans la mesure où l’action s’est faite envahissante, la prière l’a été également dans la vie de l’évêque. Il voulait porter haut les bras de la croix et il a solidement fiché la hampe en terre, dans la profondeur de sa vie intérieure. Martin est-il confronté à une sourde hostilité, sa prédication rencontre-t-elle quelque opposition ? C’est dans la prière qu’il puise sa force ; c’est elle son arme de combat préférée. Il prie longuement, dans la confiance la plus totale, même quand le résultat se fait attendre. Puisse Saint Martin être pour chacun un guide sur ce chemin, parfois ardu et néanmoins vivifiant de la prière !
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