La pauvreté dans le judaïsme: Midrach Rabba sur Ruth
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La pauvreté dans le judaïsme: Midrach Rabba sur Ruth
La Bible présente très souvent l’Eternel aux côtés du pauvre, prêt à entendre sa plainte et à punir ceux qui ne le traiteraient pas bien. S’il est dit que dans les temps futurs sur la Terre d’Israël il n’y aura plus de pauvres (certes nous n’en sommes pas là aujourd’hui avec un enfant sur quatre en Israël qui vit en dessous du seuil de pauvreté), il est dit pour ainsi dire en même temps qu’il y aura des pauvres et qu’il faudra en prendre soin. Derrière cette apparente contradiction il y a la vie et ses imprévus, ses accidents, ses maisons qui brûlent, ses inondations et ces affaires qui ratent : toujours il ya aura des pauvres par accident car il faudrait que l’homme ne fasse plus aucune entreprise, ne prenne plus de risque si l’on voulait qu’il n’y ait jamais de pauvres.Dans le Midrach Rabba sur Ruth (chapitre 5) on explique que tout homme peut s’attendre à devenir pauvre soudain : « Cela, c’est la pauvreté qui est semblable à une roue qui tourne autour de tous et tout autour du monde, comme la roue d’une pompe, qui vide ce qui est plein et emplit ce qui est vide. Bar Kappara a dit : il n’y a pas d’homme qui n’en vienne un jour ou l’autre à connaître cette expérience, et si ce n’est lui, c’est son fils que la rencontrera un jour, et si ce n’est son fils, son petit-fils. » La question est : combien de temps quelqu’un va-t-il rester pauvre, avant que quelqu’un l’aide à s’en sortir de telle sorte qu’il ne soit plus pauvre ?
Le riche doit faire attention avant de se glorifier de sa richesse. Ainsi, « on a enseigné au nom de R. Yehosua : le pauvre fait plus pour le riche que le riche pour le pauvre, car Ruth fit connaître à sa belle-mère chez qui elle avait travaillé ; elle dit : l’homme pour qui J’AI travaillé aujourd’hui s’appelle Boaz. Elle n’a pas dit : qui a travaillé pour moi, mais pour qui [j’ai travaillé]. Je lui ai rapporté de grands bénéfices en retour du seul morceau de nourriture qu’il m’a donné. » (Midrach Rabba Ruth, chap. 5,9). On voit ici que la plus pauvre des pauvres, Ruth, la femme obligée de glaner pour nourrir sa belle-mère et elle, est considérée comme celle qui permet la prospérité de celui chez qui elle glane, à savoir le riche Boaz. Le texte ose nous dire que les riches ne sont riches que parce que les pauvres sont là. D’ailleurs le texte continue en mettant en évidence le « parce que » de la richesse comme en relation avec le pauvre : ce qui prouve que le pauvre est la cause de la richesse du riche est la langue même : « R. Yossi a dit : ya’an ubeya’an : le mot ya’an [« parce que »] a les mêmes lettres que ‘ani [« pauvre »]. On voit par là que le pauvre est LA cause. Et le texte conclut : « R. Shilo de Nové a dit : ta richesse repose sur l’homme pauvre. » (ibid.) D’ailleurs n’est-ce pas grâce à la pauvreté volontaire de Ruth que le Messie d’Israël viendra ? Ruth est en effet un des ancêtres du Messie, comme Tamar qui étant veuve fait aussi partie par là même de ceux qui sont voués à la pauvreté. Ruth a choisi en venant en Eretz Israël et en adoptant le Dieu et la religion de sa belle-mère juive Noémi de se retrouver dans le plus grand dénuement, vivant en veuve avec sa belle-mère veuve. Qu’il travaille ou qu’il ne travaille pas, le pauvre travaille de toute façon pour le riche et la richesse collective : il en est la raison d’être sans doute.
Il ne faut pas offenser la dignité du pauvre. Le Midrach nous dit que cette dignité était particulièrement présente chez Ruth : elle s’asseyait au lieu de se pencher, signe de volonté de décence, elle ne soulevait pas sa jupe, elle ne riait pas avec les moissonneurs : elle avait pu garder sa dignité, menacée par la pauvreté chez les autres glaneuses. Il faut aider, nous dit le Midrach, les pauvres à garder leur dignité. Pour nous dire cela on nous raconte deux histoires : « R. Yo’hanan avait coutume de répandre des pièces alentour afin qu’elles reviennent à R. Shimon b. Abba » (pour qu’il puisse les ramasser discrètement et ne soit pas humilié en mendiant), « et R. Yehuda avait l’habitude d’abandonner des lentilles alentour pour que R. Shimon b. Halfta les ramasse ». On voit des rabbins chercher l’équivalent de la possiblité de glaner en milieu urbain : s’il n’y a pas de champs comment le pauvre va-t-il se nourrir ? Quel peut être l’équivalent de la mitsva consistant à laisser les coins du champ aux pauvres ? C’est à chacun de nous de chercher ce qu’il peut trouver. A nous de voir comment parfois le pauvre peut trouver ce dont il a besoin sans avoir à mendier.
Il y a lieu de craindre la colère de l’Eternel si l’on regarde les pauvres avec méchanceté et si l’on ne donne pas de bon cœur. Il ne s’agit pas seulement de donner de quoi sortir de la pauvreté aux pauvres, il s’agit de faire preuve de bonne volonté par rapport à cela et de ne pas tenir de propos méchants sur les pauvres. On connaît certains discours : les pauvres supposés idiots, fainéants, moqués s’ils boivent, et même parfois haïs comme profitant de l’argent des autres ! Voilà ce que dit le Midrach (chapitre 5) « R. Abun a dit : le pauvre se tient à ta porte et le Saint, béni soit-il, se tient à sa droite. Si tu lui donnes quelque chose, celui qui se tient à sa droite te bénira, sinon, il tirera châtiment de toi, ainsi qu’il est écrit : car il se tient à la droite du pauvre (Ps. 109,31). » (Voir aussi dans la Bible, citée par le Midrach, Deut. 15,9).
On en arrive à ce paradoxe : nous avons de la chance qu’il y ait des riches qui se fassent passer pour pauvres en mendiant : ils nous servent à nous excuser de ne pas donner à chaque fois : deux sages dirent à un mendiant : nous allons te donner quelque chose mais seulement tout à l’heure. En ressortant ils le trouvent mort, et vont l’ensevelir. Alors ils découvrent qu’il était riche d’un sac de dinars. « R. Abbahu dit : nous devrions même remercier les imposteurs parmi les pauvres, car s’il n’y avait pas parfois quelques imposteurs parmi eux, un homme qui verrait un mendiant demander une aumône et la lui refuserait serait immédiatement puni de mort. » (Midrach Rabba Ruth, 5,9). Ce n’est évidemment pas une raison pour se sentir autorisé à être dur et soupçonneux avec tout le monde par avarice !
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