Le mal-être des jeunes adultes conçus par don de sperme

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Le mal-être des jeunes adultes conçus par don de sperme

ROME, Mercredi 23 juin 2010 (ZENIT.org) – La constante augmentation du recours aux techniques d’insémination artificielle à partir de sperme de donneurs signifie qu’augmente aussi le nombre des enfants qui ignorent l’identité de leur père biologique. A ce propos, un récent rapport américain a examiné les conséquences sur la vie de ceux qui ont désormais atteint l’âge adulte.

L’enquête, publiée par la Commission sur l’avenir de la condition parentale et intitulée « My Daddy’s Name is Donor: A New Study of Young Adults Conceived Through Sperm Donation » (« Le nom de mon père est Donneur : une nouvelle étude sur de jeunes adultes conçus au moyen de dons de sperme »), a été conduite par Elizabeth Marquardt, Norval D. Glenn et Karen Clark.

Selon l’étude, il naîtrait par dons de sperme aux Etats-Unis entre 30.000 et 60.000 enfants chaque année. Il ne s’agit, toutefois, que d’une estimation pondérée, car il n’existe aucun relevé statistique sur de telles pratiques. Cette recherche est, en outre, la toute première étude sérieuse réalisée sur l’évaluation du degré de bien-être des adultes nés de ces techniques.

Le rapport note que la donation de sperme est un phénomène international. Les demandes de dons de sperme aux Etats-Unis proviennent, en effet, du monde entier, en l’absence de toute réglementation. D’autres pays également comme le Danemark, l’Inde et l’Afrique du Sud contribuent avec leurs donneurs à un marché en plein essor du tourisme de la fertilité.

Les auteurs de cette étude développent une intéressante comparaison entre la donation de sperme et l’adoption. L’adoption est strictement réglementée, et les parents adoptifs sont soumis à un examen minutieux avant d’obtenir l’autorisation d’adopter. En revanche, dans le cas de la donation de sperme, il est possible de choisir le donneur sur des catalogues on-line, qui comparent les caractéristiques physiques, d’intelligence et de réussite professionnelle. Il suffit seulement de payer la transaction.

A propos de la comparaison avec l’adoption, les auteurs observent que souvent ce parallèle est proposé par leurs amis et collègues. Le rapport rappelle, toutefois, que ne sont pas prises en compte les difficultés que rencontrent nombre des enfants adoptés du fait de la séparation d’avec leurs origines biologiques. Mais les enfants adoptés peuvent se consoler en pensant que c’est peut-être à contre-cœur que leurs parents ont eu recours à l’adoption à la suite de circonstances exceptionnelles. Au contraire, dans le cas d’une naissance par don de sperme, l’enfant sait qu’il est le fruit d’une simple transaction commerciale, sans que le donneur ait jamais eu une quelconque pensée pour lui.

Conséquences négatives

Pour étudier la situation des personnes conçues par don de sperme et parvenues à l’âge adulte, les auteurs ont sélectionné un panel de plus d’un million de familles, puis un échantillon représentatif de 485 adultes âgés de 18 à 45 ans. L’échantillon a été comparé avec un groupe de 562 adultes qui ont été adoptés dès leur enfance et un autre de 563 adultes ayant grandi avec leurs parents biologiques.

« Nous avons découvert qu’en règle générale, les jeunes adultes conçus par donneur ressentent davantage une blessure, sont dans un plus grand état de confusion et se sentent davantage isolés de leurs familles », affirme le rapport.

Pas moins de 65% de ces adultes reconnaissent que « le donneur représente la moitié » d’eux-mêmes. Les mères aussi avouent être curieuses de connaître l’identité du père.

Près de la moitié de l’échantillon a exprimé un sentiment de malaise par rapport à ses origines, et ils sont nombreux à reconnaître y avoir pensé plus d’une fois. Certains disent se sentir différents, se considérer comme une expérience de laboratoire, d’autres avoir des problèmes d’identité. Pour beaucoup, le fait également que l’argent peut changer de mains au cours du processus les dérange. D’autres ont exprimé leur malaise à l’idée d’être un produit destiné à satisfaire les désirs de leur géniteur, et pas moins de 70% ont reconnu se demander comment est la famille de leur donneur.

Les problèmes de celui qui est né d’un don de sperme ne se limitent pas aux questions d’identité et de famille, mais concernent également les aspects médicaux. Selon le rapport, de certains donneurs sont nés des douzaines d’enfants, certains dépassant presque les cent procréations. En conséquence, les adultes actuels, enfants de donneurs, redoutent une éventuelle union avec leurs demi-frères ou demi-soeurs, ou que leurs enfants puissent s’unir à leurs cousins.

Ces dernières années, la question de la donation anonyme de sperme a été très controversée dans différents pays. Les critiques de cette pratique ont conduit le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, la Suisse et certains Etats en Australie et en Nouvelle-Zélande à les interdire, selon le rapport. En revanche, aux Etats-Unis et au Canada, ces restrictions n’existent pas.

L’Eglise catholique est fortement contraire à toute pratique d’insémination artificielle, mais – comme explique le rapport – même si on ne partage pas cette position, il existe de bonnes raisons pour défendre les droits des enfants à connaître leur père et à mettre fin à la paternité anonyme.

L’étude s’est également penchée sur les problèmes sociaux et psychologiques. 21% des personnes nées d’un donneur font état de problèmes avec la loi avant l’âge de 25 ans, contre respectivement 18% et 11% des personnes adoptées et de celles ayant grandi avec leurs parents biologiques. Résultats analogues pour les problèmes d’alcool et de stupéfiants. Les données restent inchangées si on prend en compte la situation socio-économique et autres variables.

Concernant les facteurs variables, une donnée intéressante ressort de l’étude: 36% des enfants de donneurs ont dit avoir grandi comme catholiques, contre 2% des enfants adoptifs et 28% des enfants biologiques. Une donnée surprenante, observe le rapport, compte tenu de l’opposition de l’Eglise catholique à de telles pratiques. En outre, 32% des enfants de donneurs se déclarent toujours catholiques, alors qu’un bon nombre des sondés des deux autres groupes affirment avoir abandonné l’Eglise.

Le secret sur les origines

Le secret qui pèse sur leurs origines constitue un autre élément de souffrance pour les enfants issus de donneurs. Très souvent, les deux géniteurs font croire, au départ, à ces enfants qu’ils ont des liens biologiques avec eux. Quand ensuite l’enfant découvre la vérité, il se sent trahi et la relation avec ses parents se dégrade. D’où un sentiment de méfiance, au point que 47% d’entre eux ont déclaré que leur mère leur a probablement menti sur d’autres questions importantes quand ils étaient petits. Une proportion bien plus élevée comparée aux 27% des personnes adoptées et aux 18% de celles qui ont grandi avec leurs parents biologiques. Des résultats analogues portent sur la probabilité que l’autre géniteur également ait pu mentir.

Rien d’étonnant à ce qu’une majorité substantielle des adultes conçus par don de sperme se soit exprimée en faveur du droit à tout savoir, aussi bien le droit de connaître l’identité du donneur que le droit d’avoir une relation avec cette personne. Savoir aussi s’il y a des frères et sœurs, et combien. A ce jour, la législation aux Etats-Unis ne concède aucun de ces droits. Au contraire, elle protège les donneurs et les cliniques de la fertilité, au détriment des enfants conçus.

Mais les problèmes ne finissent pas avec celui du secret. Il ressort des résultats du sondage que 44% des enfants de donneurs accepte ce mode de conception à condition que les géniteurs leur disent la vérité, de préférence à un âge précoce. D’un autre côté, des personnes ont exprimé leur contrariété lorsque les parents ont dit la vérité, et 11% ont affirmé que ce serait difficile pour les enfants même si les parents se montraient capables de bien gérer la situation.

En ce sens, le rapport fait observer que « la transparence à elle seule ne semble pas régler les éventuels préjudices, l’état de confusion et les risques qui peuvent découler de la décision de concevoir des enfants qui vont grandir sans un des deux parents biologiques ».

Le rapport conclut par une série de recommandations. Parmi elles, il y a l’observation selon laquelle aucune procédure clinique ne présente des implications aussi lourdes pour les personnes qui n’ont rien demandé : les enfants. Et on s’interroge : « une société saine peut-elle créer intentionnellement de cette façon ? ». Une question sur laquelle il vaudrait la peine de réfléchir.

Père John Flynn, LC

Traduction française : Elisabeth de Lavigne

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