Archive pour le 2 juin, 2010
Romanos le Mélode: Premier hymne de l’Épiphanie
2 juin, 2010du site:
http://www.spiritualite2000.com/page-2278.php
Premier hymne de l’Épiphanie
Romanos le Mélode
Romanos naquit en Syrie, à Émèse (aujourd’hui Homs), dans une famille d’origine judaïque. Il était diacre quand il vint se fixer à Constantinople, sous le règne d’Anastase 1er (418-518. Selon la tradition, c’est à Constantinople, dans l’église de la Théotokos, que la Vierge Marie lui serait apparue en songe et lui ordonna d’avaler un livre. L’Église orthodoxe grecque a admis au rang de ses saints celui qu’elle considère comme son plus grand hymnographe.
PROOÏMION I
Tu es apparu au monde aujourd’hui, et ta lumière, Seigneur, s’est manifestée sur nous qui, te connaissant, te chantons : «Tu es venu, tu es apparu, lumière inaccessible. »
PROOÏMION II
En te voyant dans les flots du Jourdain quand tu voulus y être baptisé, le grand Précurseur s’écriait avec allégresse, ô Christ : « Tu es venu, tu es apparu, lumière inaccessible. »
1. Dans la Galilée des nations, dans le pays de Zabulon, dans la terre de Nephtali, comme dit le prophète, une grande lumière a brillé : le Christ. Ceux qui étaient dans la nuit ont vu une radieuse clarté qui jaillissait de Bethléem ; ou plutôt le Seigneur né de Marie, le soleil de justice, fait apparaître ses rayons sur le monde entier. Nous donc, les fils d’Adam, qui sommes nus, venons tous le revêtir pour nous réchauffer. Car c’est pour couvrir ceux qui sont nus, illuminer ceux qui sont, dans les ténèbres que tu es venu, que tu es apparu, lumière inaccessible.
2. Dieu n’a pas méprisé celui qui fut dépouillé par ruse dans le paradis et perdit la robe que Dieu lui avait tissée : une fois encore il est venu à lui, de sa voix sainte appelant l’indocile. « Où es-tu, Adam ? Désormais ne te cache plus de moi ; je veux te voir, si nu, si pauvre que tu sois. N’aie pas honte, car je me suis fait semblable à toi. Malgré ton désir, tu n’as pu te faire dieu, mais moi à présent, par ma volonté, je me suis fait chair. Approche-toi donc et reconnais-moi, pour dire : » Tu es venu, tu es apparu, lumière inaccessible. »
3. Vaincu par mes entrailles, en miséricordieux que je suis, je suis venu vers ma créature, tendant les mains pour t’embrasser. N’aie donc pas honte devant moi : c’est pour toi qui es nu, que je me mets nu et reçois le baptême ; déjà le Jourdain s’ouvre à moi, et Jean prépare mes voies dans les eaux et dans les âmes ». Ayant ainsi parlé à l’homme, non en paroles, mais en actes, le Sauveur vint, comme il l’avait dit, et ses pas le menaient au fleuve, mais du Précurseur il s’approchait sous la forme de la lumière inaccessible.
4. Jean, en voyant le fleuve dans le désert, la rosée dans la fournaise, la pluie sur la Vierge, le Christ dans le Jourdain, fut ému de crainte, de même que son père avait tremblé devant Gabriel. En cette heure furent de plus grandes choses qu’il n’en fut jamais, — en cette heure où le maître des anges venait vers un serviteur pour être baptisé ; aussi le Baptiseur, reconnaissant le Créateur et se mesurant lui-même, dit-il en tremblant : « Arrête, Rédempteur ! Que cela te suffise, n’allons pas plus loin. Je sais qui tu es : la lumière inaccessible.
5. Ce que tu m’ordonnes, Sauveur, si je l’accomplis, j’exalterai ma corne ; et cependant je n’usurperai pas ce qui dépasse mon pouvoir. Je sais qui tu es, et je n’ignore pas ce que tu étais, car je te connais depuis le sein maternel. Comment ne reconnaîtrais-je pas maintenant ta manifestation, à toi que, caché moi-même, j’ai contemplé caché, et j’en ai tressailli d’allégresse ? Arrête donc, Sauveur, et ne m’accable pas : il me suffit d’avoir été jugé digne de te voir, c’est assez beau pour moi que tu m’aies dit ton précurseur : car toi, tu es la lumière inaccessible.
6. Je voudrais-te céder le rôle de baptiseur, car c’est à toi qu’il convient. Moi, j’ai besoin d’être baptisé par toi, mais c’est toi qui viens à moi, et me préviens en me demandant ce que je veux te demander. Que désires-tu de l’homme, ami des hommes ? Pourquoi inclines-tu la tête sous ma main? Car elle n’a pas l’habitude de tenir du feu, elle est pauvre et ne saurait prêter au riche, elle est faible et ne saurait lutter contre le fort. Les pécheurs, voilà ceux qu’elle sert, selon leurs besoins : quant à toi, tu es la lumière inaccessible.
7. Pourquoi es-tu venu vers ces eaux ? Que veux-tu laver, quelle iniquité, toi qui fus conçu et enfanté sans péché ? Tu viens à moi, mais le ciel et la terre guettent pour voir si je serai téméraire. Tu me dis : » Baptise-moi « , mais de là-haut les anges observent Pour me dire, le moment venu : » Connais-toi toi-même ! Jusqu’où ira ton audace ? » Comme disait Moïse, choisis-en un autre pour cela, Seigneur, que tu exiges de moi. Cela me dépasse et j’ai peur. Je t’en prie ! Comment donc baptiserai-je la lumière inaccessible ? »
8. Celui qui prévoit tout, voyant l’effroi du Précurseur, lui répondit : « Tu fais bien, Jean, tu fais bien de me craindre ; mais laisse à présent, car c’est ainsi qu’il convient d’accomplir ce que j’ai décrété d’avance. Laisse à présent, et secoue maintenant cette peur. Tu me dois ton ministère, et il te faut maintenant l’accomplir. Jadis j’ai envoyé Gabriel, et il a bien rempli sa mission à l’occasion de ta naissance. Laisse donc aller, toi aussi, ta main comme un ange pour baptiser la lumière inaccessible.
9. Tu es maintenant frappé de crainte, Baptiseur, et tu trembles devant ta grandeur de cette action : elle est grande en effet. Mais ta parente en a vu une plus grande encore. Regarde Marie et considère comment elle m’a porté. Bien sûr, tu vas me dire : » Alors tu l’avais voulu. » Eh bien je le veux de même aujourd’hui ! N’hésite pas, baptise-moi, prête-moi seulement ta droite. Ton esprit, je l’habite et je te possède tout entier : pourquoi donc ne me tends-tu pas ta main ? Je suis en toi et hors de toi : pour quelle raison me fuis-tu ? Arrête et prends la lumière inaccessible.
10. Je n’exige pas, Baptiseur, que tu passes les bornes. Je ne te dis pas : » Dis-moi ce que tu dis aux coupables, ce que tu recommandes aux pécheurs. » Baptise-moi simplement, dans le silence et dans l’attente de ce qui suivra le baptême. Car tu accéderas par lui à une dignité que n’ont pas eue les anges : je te ferai plus grand que tous les prophètes. Aucun d’eux ne m’a vu clairement, mais seulement en figures, en ombres et en songes. Mais aujourd’hui tu vois, tu touches, car elle se tient devant toi selon son vouloir, la lumière inaccessible.
11. Laisse là ce que tu dis, et fais ce que tu entends. Ne porte aucun témoignage sur moi, car j’ai toujours dans le ciel un témoin véridique ; ton témoignage, le peuple qui se tient ici ne le reçoit manifestement pas. Laisse donc le ciel leur enseigner qui je suis né et de qui je suis né, quelle grâce je dois accorder à mes bien-aimés. J’ouvrirai les cieux, je ferai descendre l’Esprit, je le leur donnerai en gage. Viens donc maintenant, approche, pour apprendre d’où rayonne la lumière inaccessible. »
12. A ces paroles mystérieuses et redoutables, le fils de la stérile dit au fils de la Vierge : « Si je parle encore, ne te fâche pas contre moi, Rédempteur, car la nécessité me dispose maintenant à prendre de grandes libertés. Quel besoin, Sauveur, pour qu’ils te connaissent, d’attirer le danger sur ma pauvre main en la mettant dans un four ? Autrefois Ozas étendit la main pour retenir l’arche, et il fut brisé. Et aujourd’hui, si je touche la tête de mon Dieu, comment ne serais-je pas brûlé par la lumière inaccessible ?
13. — O baptiseur, ô disputeur, prépare-toi vite, non pour contredire, mais pour me servir. Car voici que tu vas voir ce que j’accomplis. Je trace ainsi devant toi la figure charmante et splendide de mon Église, accordant à ta droite la même puissance que je donnerai ensuite aux mains de mes disciples et de mes prêtres. Je vais te montrer clairement le Saint-Esprit, et te faire entendre la voix du Père me désignant comme son Fils véritable et clamant : Celui-ci est la lumière inaccessible.»
14. A ce discours redoutable, l’enfant de Zacharie dit au Créateur : « Je ne conteste plus, j’accomplis ton ordre.» Il dit, et alors, s’approchant du Sauveur avec l’humilité d’un esclave, il fixa sur lui son regard, considérant pieusement les membres nus de celui qui ordonne aux nuages d’envelopper le ciel comme un manteau, et regardant encore au milieu des flots celui qui parut au milieu des trois enfants, rosée dans la fournaise et dans le Jourdain feu brillant, jaillissant, lumière inaccessible.
15. Cependant, en voyant ces prodiges, l’enfant de Zacharie, jouant le rôle d’un prêtre, se tient près des flots et impose les mains au Christ, criant aux assistants : « Vous voyez dans le Jourdain la pluie volontaire, le torrent des délices, comme dit l’Écriture, dans le cours des eaux, dans le fleuve la grande mer. Que personne donc ne pense que je suis bien hardi ; je n’agis pas en téméraire, mais en serviteur. Il est le Seigneur et il m’a dit : » Fais cela. » C’est pourquoi je baptise la lumière inaccessible.
16. J’étais débile comme un mortel, mais lui, comme Dieu de l’univers, m’a donné l’énergie en me disant : » Impose-moi ta main, et moi je la fortifierai. » Comment donc pourrais-je, s’il n’y avait pas ce qu’il m’a dit et qui s’est réalisé, comment aurais-je la force de baptiser l’abîme, moi qui suis fait de boue, si je n’avais pas d’abord reçu et pris de là-haut la puissance ? Car je sens, maintenant qu’il est auprès de moi, que je suis plus que ce que j’étais… Non, je suis tout autre : me voici transformé, glorifié d’avoir vu, touché la lumière inaccessible.
17. Je ne dis plus comme avant : » Je ne délie pas le cordon de ses chaussures » car voici que, des pieds, je m’avance jusqu’à la tête. Je ne foule plus la terre, mais le ciel lui-même, car mes actes sont célestes. Bien mieux, j’ai surpassé les cieux : ceux-ci portent, mais sans voir celui qu’ils portent ; moi, maintenant, je vois et je porte. Réjouis-toi, ciel, et toi, terre, exulte ; soyez sanctifiées, sources des eaux, car, en paraissant, elle a tout rempli de bénédiction, elle illumine tous les hommes, la lumière inaccessible. »
18. L’enfant de Zacharie, sur l’ordre divin, éleva donc très haut son esprit et, tendant la main, il l’imposa au roi, le baigna dans les flots, et puis ramena à terre le Seigneur de la terre et du firmament que, du haut du ciel, désigna par la voix, comme par le doigt, celui qui clamait : « Celui-ci est mon fils bien-aimé. » A ce Père, à son Fils baptisé, et à son Esprit je crie : «Brise, Rédempteur, ceux qui oppriment mon âme, mets fin à mes peines, lumière inaccessible. »Romanos le Mélode, Hymnes, tome II, Nouveau Testament, introduction, texte critique, traduction et notes par J. Grosdidier de Matons, Collection Sources Chrétiennes No 110, Éditions du Cerf, Paris 1965.
Audience générale du 2 juin : saint Thomas d´Aquin
2 juin, 2010du site:
http://www.zenit.org/article-24633?l=french
Audience générale du 2 juin : saint Thomas d´Aquin
Texte intégral
ROME, Mercredi 2 juin 2010 (ZENIT.org
Chers frères et sœurs,
Après quelques catéchèses sur le sacerdoce et mes derniers voyages, nous revenons aujourd’hui à notre thème principal, c’est-à-dire la méditation de certains grands penseurs du Moyen-Age. Nous avions vu dernièrement la grande figure de saint Bonaventure, franciscain, et je voudrais aujourd’hui parler de celui que l’Eglise appelle le Doctor communis : c’est-à-dire saint Thomas d’Aquin. Mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, dans son encyclique Fides et ratio, a rappelé que saint Thomas « a toujours été proposé à juste titre par l’Eglise comme un maître de pensée et le modèle d’une façon correcte de faire de la théologie » (n. 43). Il n’est donc pas surprenant que, après saint Augustin, parmi les écrivains ecclésiastiques mentionnés dans le Catéchisme de l’Eglise catholique, saint Thomas soit cité plus que tout autre, pas moins de soixante et une fois ! Il a également été appelé Doctor Angelicus, sans doute en raison de ses vertus, en particulier le caractère sublime de sa pensée et la pureté de sa vie.
Thomas naquit entre 1224 et 1225 dans le château que sa famille, noble et riche, possédait à Roccasecca, près d’Aquin, à côté de la célèbre abbaye du Mont Cassin, où il fut envoyé par ses parents pour recevoir les premiers éléments de son instruction. Quelques années plus tard, il se rendit dans la capitale du Royaume de Sicile, Naples, où Frédéric II avait fondé une prestigieuse Université. On y enseignait, sans les limitations imposées ailleurs, la pensée du philosophe grec Aristote, auquel le jeune Thomas fut introduit, et dont il comprit immédiatement la grande valeur. Mais surtout, c’est au cours de ces années passées à Naples, que naquit sa vocation dominicaine. Thomas fut en effet attiré par l’idéal de l’Ordre fondé quelques années auparavant par saint Dominique. Toutefois, lorsqu’il revêtit l’habit dominicain, sa famille s’opposa à ce choix, et il fut contraint de quitter le couvent et de passer un certain temps auprès de sa famille.
En 1245, désormais majeur, il put reprendre son chemin de réponse à l’appel de Dieu. Il fut envoyé à Paris pour étudier la théologie sous la direction d’un autre saint, Albert le Grand, dont j’ai récemment parlé. Albert et Thomas nouèrent une véritable et profonde amitié, et apprirent à s’estimer et à s’aimer, au point qu’Albert voulut que son disciple le suivît également à Cologne, où il avait été envoyé par les Supérieurs de l’Ordre pour fonder une école de théologie. Thomas se familiarisa alors avec toutes les œuvres d’Aristote et de ses commentateurs arabes, qu’Albert illustrait et expliquait.
A cette époque, la culture du monde latin avait été profondément stimulée par la rencontre avec les œuvres d’Aristote, qui étaient demeurées longtemps inconnues. Il s’agissait d’écrits sur la nature de la connaissance, sur les sciences naturelles, sur la métaphysique, sur l’âme et sur l’éthique, riches d’informations et d’intuitions, qui apparaissaient de grande valeur et convaincants. Il s’agissait d’une vision complète du monde, développée sans et avant le Christ, à travers la raison pure, et elle semblait s’imposer à la raison comme « la » vision elle-même : c’était donc une incroyable attraction pour les jeunes de voir et de connaître cette philosophie. De nombreuses personnes accueillirent avec enthousiasme, et même avec un enthousiasme acritique, cet immense bagage de savoir antique, qui semblait pouvoir renouveler avantageusement la culture, ouvrir des horizons entièrement nouveaux. D’autres, toutefois, craignaient que la pensée païenne d’Aristote fût en opposition avec la foi chrétienne, et se refusaient de l’étudier. Deux cultures se rencontrèrent : la culture pré-chrétienne d’Aristote, avec sa rationalité radicale, et la culture chrétienne classique. Certains milieux étaient conduits à rejeter Aristote également en raison de la présentation qui était faite de ce philosophe par les commentateurs arabes Avicenne et Averroès. En effet, c’était eux qui avaient transmis la philosophie d’Aristote au monde latin. Par exemple, ces commentateurs avaient enseigné que les hommes ne disposaient pas d’une intelligence personnelle, mais qu’il existe un unique esprit universel, une substance spirituelle commune à tous, qui œuvre en tous comme « unique » : par conséquent, une dépersonnalisation de l’homme. Un autre point discutable véhiculé par les commentateurs arabes était celui selon lequel le monde est éternel comme Dieu. De façon compréhensible, des discussions sans fin se déchaînèrent dans le monde universitaire et dans le monde ecclésiastique. La philosophie d’Aristote se diffusait même parmi les gens ordinaires.
A l’école d’Albert le Grand, Thomas d’Aquin fit une chose d’une importance fondamentale pour l’histoire de la philosophie et de la théologie, je dirais même pour l’histoire de la culture : il étudia à fond Aristote et ses interprètes, se procurant de nouvelles traductions latines des textes originaux en grec. Ainsi, il ne s’appuyait plus seulement sur les commentateurs arabes, mais il pouvait également lire personnellement les textes originaux, et commenta une grande partie des œuvres d’Aristote, en y distinguant ce qui était juste de ce qui était sujet au doute ou devant même être entièrement rejeté, en montrant la correspondance avec les données de la Révélation chrétienne et en faisant un usage ample et précis de la pensée d’Aristote dans l’exposition des écrits théologiques qu’il composa. En définitive, Thomas d’Aquin démontra qu’entre foi chrétienne et raison, subsiste une harmonie naturelle. Et ceci a été la grande œuvre de Thomas qui, à cette époque de conflit entre deux cultures – époque où il semblait que la foi devait capituler face à la raison – a montré que les deux vont de pair, que ce qui apparaissait comme de la raison non compatible avec la foi n’était pas raison, et que ce qui apparaissait comme de la foi ne l’était pas, si elle s’opposait à la véritable rationalité ; il a ainsi créé une nouvelle synthèse, qui a formé la culture des siècles qui ont suivi.
En raison de ses excellentes capacités intellectuelles, Thomas fut rappelé à Paris comme professeur de théologie sur la chaire dominicaine. C’est là aussi que débuta sa production littéraire, qui se poursuivit jusqu’à sa mort, et qui tient du prodige : commentaires des Saintes Ecritures, parce que le professeur de théologie était surtout un interprète de l’Ecriture, commentaires des écrits d’Aristote, œuvres systématiques volumineuses, parmi elles l’excellente Summa Theologiae, traités et discours sur divers sujets. Pour la composition de ses écrits, il était aidé par des secrétaires, au nombre desquels Réginald de Piperno, qui le suivit fidèlement et auquel il fut lié par une amitié sincère et fraternelle, caractérisée par une grande proximité et confiance. C’est là une caractéristique des saints : ils cultivent l’amitié, parce qu’elle est une des manifestations les plus nobles du cœur humain et elle a quelque chose de divin, comme Thomas l’a lui-même expliqué dans certaines quaestiones de la Summa Theologiae, où il écrit : « La charité est l’amitié de l’homme avec Dieu principalement, et avec les êtres qui lui appartiennent » (II, q. 23, a. 1).
Il ne demeura pas longtemps ni de façon stable à Paris. En 1259, il participa au Chapitre général des Dominicains à Valenciennes où il fut membre d’une commission qui établit le programme des études dans l’Ordre. De 1261 à 1265, ensuite, Thomas était à Orvieto. Le pape Urbain IV, qui avait pour lui une grande estime, lui commanda la composition de textes liturgiques pour la fête du Corpus Domini, qui nous célébrons demain, instituée suite au miracle eucharistique de Bolsena. Thomas eut une âme d’une grande sensibilité eucharistique. Les très beaux hymnes que la liturgie de l’Eglise chante pour célébrer le mystère de la présence réelle du Corps et du Sang du Seigneur dans l’Eucharistie sont attribués à sa foi et à sa sagesse théologique. De 1265 à 1268 Thomas résida à Rome où, probablement, il dirigeait un Studium, c’est-à-dire une maison d’étude de l’Ordre, et où il commença à écrire sa Summa Theologiae (cf. Jean-Pierre Torell, Thomas d’Aquin. L’homme et le théologien, Casale Monf., 1994).
En 1269 il fut rappelé à Paris pour un second cycle d’enseignement. Les étudiants – on les comprend – étaient enthousiastes de ses leçons. L’un de ses anciens élèves déclara qu’une très grande foule d’étudiants suivaient les cours de Thomas, au point que les salles parvenaient à peine à tous les contenir et il ajoutait dans une remarque personnelle que « l’écouter était pour lui un profond bonheur ». L’interprétation d’Aristote donnée par Thomas n’était pas acceptée par tous, mais même ses adversaires dans le domaine académique, comme Godefroid de Fontaines, par exemple, admettaient que la doctrine du frère Thomas était supérieure à d’autres par son utilité et sa valeur et permettait de corriger celles de tous les autres docteurs. Peut-être aussi pour le soustraire aux vives discussions en cours, ses supérieurs l’envoyèrent encore une fois à Naples, pour être à mis à la disposition du roi Charles Ier, qui entendait réorganiser les études universitaires.
Outre les études et l’enseignement, Thomas se consacra également à la prédication au peuple. Et le peuple aussi venait volontiers l’écouter. Je dirais que c’est vraiment une grande grâce lorsque les théologiens savent parler avec simplicité et ferveur aux fidèles. Le ministère de la prédication, d’autre part, aide à son tour les chercheurs en théologie à faire preuve d’un sain réalisme pastoral, et enrichit leur recherche de vifs élans.
Les derniers mois de la vie terrestre de Thomas restent entourés d’un climat particulier, mystérieux dirais-je. En décembre 1273, il appela son ami et secrétaire Réginald pour lui communiquer sa décision d’interrompre tout travail, parce que, pendant la célébration de la messe, il avait compris, suite à une révélation surnaturelle, que tout ce qu’il avait écrit jusqu’alors n’était qu’« un tas de paille ». C’est un épisode mystérieux, qui nous aide à comprendre non seulement l’humilité personnelle de Thomas, mais aussi le fait que tout ce que nous réussissons à penser et à dire sur la foi, aussi élevé et pur que ce soit, est infiniment dépassé par la grandeur et par la beauté de Dieu, qui nous sera révélée en plénitude au Paradis. Quelques mois plus tard, absorbé toujours davantage dans une profonde méditation, Thomas mourut alors qu’il était en route vers Lyon, où il se rendait pour prendre part au Concile œcuménique convoqué par le pape Grégoire X. Il s’éteignit dans l’Abbaye cistercienne de Fossanova, après avoir reçu le Viatique avec des sentiments de grande piété.
La vie et l’enseignement de saint Thomas d’Aquin pourrait être résumés dans un épisode rapporté par les anciens biographes. Tandis que le saint, comme il en avait l’habitude, était en prière devant le crucifix, tôt le matin dans la chapelle « San Nicola » à Naples, Domenico da Caserta, le sacristain de l’Eglise, entendit un dialogue. Thomas demandait inquiet, si ce qu’il avait écrit sur les mystères de la foi chrétienne était juste. Et le Crucifié répondit : « Tu as bien parlé de moi, Thomas. Quelle sera ta récompense ? ». Et la réponse que Thomas donna est celle que nous aussi, amis et disciples de Jésus, nous voudrions toujours lui dire : « Rien d’autre que Toi, Seigneur ! » (Ibid., p. 320).
Puis le pape s’est adressé aux pèlerins dans différentes langues. Voici ce qu’il a dit en français :
Sœurs et frères, je poursuis ma catéchèse sur les grands théologiens du Moyen-âge. Surnommé le Docteur Angélique à cause de la sublimité de sa pensée et de la pureté de sa vie, Thomas est né vers 1224 à Aquin, près du Mont Cassin. Désireux très tôt d’embrasser l’idéal dominicain, il connut l’opposition de sa famille. Une fois majeur, il se mit sous la conduite de Saint Albert le Grand qui devint son maître et son grand ami. En étudiant Aristote, il démontra l’harmonie naturelle entre la foi chrétienne et la raison. Il enseigna la dogmatique à Paris, qui vit le début de sa prodigieuse production littéraire qui culmine dans la Summa Theologiae, la Somme théologique avec ses célèbres quaestiones. Pour Thomas, la charité est principalement l’amitié de l’homme pour Dieu, et pour les êtres qui lui appartiennent. Il composa aussi des hymnes liturgiques au Saint Sacrement. Sa grande humilité l’entraînait à considérer la grandeur et la beauté de Dieu infiniment supérieures à toute pensée sur la foi. Il encouragea les prédicateurs à parler avec simplicité et ferveur. Préoccupé jusqu’à la fin par la justesse de sa doctrine, Thomas eut un dialogue émouvant avec le Crucifié qui lui dit : « Tu as bien parlé de moi, Thomas ! Quelle sera ta récompense ? », le Saint répondit d’une manière exemplaire pour nous tous : « rien d’autre que toi, Seigneur » !
Je confie à votre prière, chers pèlerins francophones, mon Voyage Apostolique à Chypre et tous les Chrétiens du Moyen Orient. Priez aussi pour les prêtres et les séminaristes. Puisse le Seigneur Jésus vous accompagner dans votre vie ! Que Dieu vous bénisse !
APPEL DE BENOIT XVI
C’est avec une anxiété profonde que je suis les événements tragiques survenus près de la Bande de Gaza. Je ressens le besoin d’exprimer mes sincères condoléances pour les victimes de ces événements très douloureux qui préoccupent ceux qui ont à cœur la paix dans la région. Je répète une fois encore, du fond du cœur, que la violence ne résout pas les conflits, mais en attise les conséquences dramatiques et engendre une autre violence. Je lance un appel à ceux qui ont des responsabilités politiques au niveau local et international afin qu’ils recherchent sans cesse des solutions justes par le dialogue, de façon à garantir aux populations de la région des conditions de vie meilleures, dans la concorde et la sérénité. Je vous invite à vous unir à moi dans la prière pour les victimes, pour leurs familles et ceux qui souffrent. Que le Seigneur soutienne les efforts de ceux qui ne se lassent pas de travailler à la réconciliation et à la paix.
Saint Justin : « Je crois à la résurrection de la chair » (Credo)
2 juin, 2010du site:
http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20100602
Le mercredi de la 9e semaine du Temps Ordinaire : Mc 12,18-27
Commentaire du jour
Saint Justin (v. 100-160), philosophe, martyr
Traité sur la résurrection, 2.4.7-9 (trad. OC, Migne, 1994, p. 345s)
« Je crois à la résurrection de la chair » (Credo)
Ceux qui sont dans l’erreur disent qu’il n’y a pas de résurrection de la chair, qu’il est impossible en effet que celle-ci, après avoir été détruite et réduite en poussière, retrouve son intégrité. Toujours d’après eux, le salut de la chair serait non seulement impossible, mais même nuisible : ils blâment la chair, dénoncent ses défauts, la rendent responsable des péchés ; ils disent donc que si cette chair doit ressusciter, ses défauts aussi ressusciteront… En plus, le Sauveur a dit : « Lorsqu’on ressuscite d’entre les morts, on ne se marie pas, mais on est comme les anges dans les cieux ». Or les anges, disent-ils, n’ont pas de chair, ils ne mangent ni ne s’unissent. Donc, disent-ils, il n’y aura pas de résurrection de la chair…
Qu’ils sont aveugles, les yeux du seul intellect ! Car ils n’ont pas vu sur terre « les aveugles voir, les boiteux marcher » (Mt 11,5) grâce à la parole du Sauveur…, pour nous faire croire qu’à la résurrection la chair ressuscitera complète. Si sur cette terre il a guéri les infirmités de la chair et il a rendu au corps son intégrité, combien plus le fera-t-il au moment de la résurrection, afin que la chair ressuscite sans défaut, intégralement… Ces gens-là me paraissent ignorer l’action divine dans son ensemble, à l’origine de la création, dans la fabrication de l’homme ; ils ignorent pourquoi les choses terrestres ont été faites.
Le Verbe a dit : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance » (Gn 1,26)… Il est évident que l’homme, modelé à l’image de Dieu, était de chair. Alors quelle absurdité de prétendre méprisable, sans aucun mérite, la chair modelée par Dieu selon sa propre image ! Que la chair soit précieuse aux yeux de Dieu, c’est évident parce que c’est son oeuvre. Et parce que là se trouve le principe de son projet pour le reste de la création, c’est ce qu’il y a de plus précieux aux yeux du créateur.