Lire l’Ancien Testament, nécessité pour le chrétien

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Lire l’Ancien Testament, nécessité pour le chrétien

  » Lire l’Ancien Testament, une nécessité pour le chrétien  » : c’est le titre de l’intervention qui m’a été demandée. Comment justifier cette nécessité de lire l’Ancien Testament ? Il me semble qu’un passage de l’évangile selon saint Luc (Lc 4,16-21) énonce de manière claire les deux raisons qui justifient la lecture chrétienne de l’Ancien Testament. La première, c’est que Jésus a lu ce que nous appelons aujourd’hui l’Ancien Testament. La seconde, c’est qu’il l’a lu en termes d’accomplissement :  » Aujour-d’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez « . Voilà les deux points que je voudrais développer.

Le Christ fait l’unité entre l’Ancien et le Nouveau Testament

Jésus a lu l’Ancien Testament ou plus exactement la Loi, les Prophètes et les Écrits. Or, ceux qui se réclament de lui vont constituer une littérature nouvelle, que l’on nommera Nouveau Testament, dont la caractéristique, commune à tous les livres, sera d’avoir Jésus pour objet. C’est dire que les chrétiens vont constituer un corps d’Écritures, composé de l’Ancien et du Nouveau Testament, de L’un et l’autre Testament, pour reprendre le titre du livre de Paul Beauchamp..

Arrêtons-nous justement sur le mot Testament. Que signifie donc ce terme ? Il est la traduction du mot grec diatheke, qui signifie alliance. La Bible est ainsi la succession de deux livres ou, plus exactement, elle est formée de deux livres, que l’on nomme l’un Ancien Testament, c’est-à-dire Ancienne Alliance, et l’autre Nouveau Testament, c’est-à-dire Nouvelle Alliance.

Et pourtant il ne faut pas se précipiter sur un sens trop spiritualisé du mot  » Alliance « , au risque d’oublier le mot  » testament « , qui en français désigne un  » acte authentique par lequel on désigne ses dernières volontés « , selon la définition du Littré. La Bible partage par là avec tous les livres une caractéristique commune : tout livre et donc toute Écriture a un caractère testamentaire.

L’originalité chrétienne, car il y en a une, c’est justement de n’avoir pas considéré que le second Testament annulait le premier, même si le Nouveau faisait devenir le premier Ancien.

Comme l’a rappelé la Commission Biblique Pontificale en 2001,  » les Saintes Écritures du peuple juif sont une partie fondamentale de la Bible chrétienne  » (Titre du chapitre 1). La raison en est simple : c’est que la révélation est une. La manifestation du Fils n’abolit en rien la révélation au peuple juif. Et les Écritures juives sont inspirées au même titre que le Nouveau Testament. Selon la perspective chrétienne, le même Esprit y est à l’œuvre, même si l’Ancien Testament doit être  » accompli  » par le Nouveau. Inversement, l’événement Jésus Christ s’inscrit dans la postérité des Écritures juives.

Le témoignage apostolique montre que la foi chrétienne n’est pas seulement fondée sur la mort et la résurrection du Christ mais aussi sur la  » conformité  » de cet événement avec la révélation contenue dans les Écritures. C’est ce qu’atteste d’ailleurs la formule néo-testamentaire  » selon les Écritures « , lue par exemple en 1 Co 15,3b-5.

Mais comment dire en toute vérité  » selon les Écritures « , si on les ignore ? Les chrétiens lisent la Bible juive parce qu’ils y trouvent les clés pour déchiffrer l’événement Jésus-Christ mais aussi parce qu’ils y trouvent  » les mots pour le dire « . Faut-il répéter la phrase de saint Jérôme :  » Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ  » ?

De ce point de vue, c’est bien le Christ qui fait l’unité entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, puisqu’il est lui-même la Parole de Dieu :  » Au commencement était la Parole. Et la Parole était auprès de Dieu et la Parole était Dieu  » (Jn 1,1). L’Écriture a un référent, le Christ, qui est Parole de Dieu avant même que la Parole de Dieu ne soit consignée dans les Écritures.

C’est dire que, dans le christianisme, l’interprétation de l’Ancien Testament est résolument christologique, même s’il garde valeur en lui-même et pour lui-même. Au fond, le Christ, Parole de Dieu, dévoile en plénitude  » ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu et ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme  » (1 Co 2,9).

 » Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir « 

Cela nous amène au deuxième point. Jésus a lu le prophète Isaïe qu’il a interprété en termes d’accomplissement. Si l’on adopte cette perspective, on  peut exprimer la relation entre l’Ancien et le Nouveau Testament en reprenant les paroles que Matthieu met sur les lèvres de Jésus :  » N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes ; je ne suis pas venu abolir mais accomplir  » (Mt 5,17). On peut dire que le Nouveau Testament est à comprendre en termes d’accomplissement par rapport à l’Ancien.

Mais que signifie le mot  » accomplissement  » ? Ou plus exactement, quelles en sont les conséquences ?

Il y en a deux. L’accomplissement implique d’abord la continuité entre les deux Testaments. On dira par exemple que l’Ancien Testament est à la fois l’annonce et la préparation de ce que la venue de Jésus réalisera définitivement; le Nouveau Testament est ainsi l’achèvement de l’Ancien Testament. Dans cette perspective de la continuité, on peut faire appel évidemment aussi bien aux citations d’accomplissement, telles qu’on les trouve en Matthieu, qu’aux figures de l’Ancien Testament qui ont une valeur typologique et que Jésus mène à leur achèvement. La continuité vaut surtout dans la perspective d’une relecture christologique de l’Ancien Testament : on ne part pas directement des Écritures juives comme telles mais on en fait une lecture rétrospective à la lumière de l’événement Jésus-Christ, à la manière d’ailleurs dont Jésus procède lui-même lorsqu’il explique aux disciples d’Emmaüs tout ce qui le concernait dans les Écritures. Ou à la manière d’un Matthieu qui montre qu’il y a continuité entre Israël et l’Église, puisque Jésus  » accomplit  » la Loi et les Prophètes, sans les abolir (Mt 5,17).

Mais – et c’est la deuxième conséquence – l’accomplissement provoque, par le fait même de son accomplissement, une rupture. Car dire d’un événement ou d’une parole qu’il se trouve maintenant accompli, c’est dire que le premier événement ou la première parole ne se suffisait pas à lui-même mais était en attente d’une réalisation. Ce fut d’ailleurs ce qui se passa du point de vue de l’histoire entre la Synagogue et l’Église, à l’image des relations parfois conflictuelles entre Ancien Testament et Nouveau Testament.

Même si on m’a demandé de parler de la nécessité pour les Chrétiens de lire l’Ancien Testament, je tiens à dire aussi cet aspect de rupture entre Ancien et Nouveau Testament pour souligner deux points.

Le premier, c’est que tout l’Ancien Testament ne conduit pas au Nouveau : il y a des pistes qui n’aboutissent nulle part dans une relecture chrétienne de l’Ancien Testament.

Le second, c’est que l’Ancien Testament a valeur en lui-même, indépendamment de toute interprétation chrétienne. Non seulement parce que des Juifs lisent aujourd’hui la Bible sans avoir besoin de faire appel à un élément qui, à leurs yeux, lui est étranger mais aussi parce que l’Ancien Testament garde sa valeur intrinsèque, comme le dit d’ailleurs la Commission Biblique Pontificale :  » Les écrits du Nouveau Testament reconnaissent que les Écritures du peuple juif ont une valeur permanente de révélation divine  » (Ch. 1, I, B,  § 8). Cela est particulièrement vrai de certains livres, des psaumes en tout premier lieu.

La même Commission Biblique Pontificale parle de  » lente progression de la révélation divine  » (Cocnlusion B, § 87). J’aime moins ce terme de  » progression  » qui dit la continuité sans laisser place à la rupture.

Je voudrais conclure en plaidant évidemment pour une lecture de l’Ancien Testament par les chrétiens en proposant deux champs d’application.

• Nous connaissons l’importance de la déclaration conciliaire Nostra Aetate (1965), selon laquelle les études bibliques et théologiques sont un des lieux d’une estime réciproque entre chrétiens et juifs. Or, il n’y a pas d’estime sans connaissance. Lire l’Ancien Testament relève d’une nécessité et d’une urgence à l’heure où l’on parle tant de dialogue inter-religieux, celui entre juifs et chrétiens étant pour nous un dialogue privilégié, puisque les Juifs sont  » en quelque sorte nos frères aînés « , selon l’expression de Jean-Paul II lors de sa visite à la synagogue de Rome en 1981. C’est le premier champ d’application ad extra.
• Le second champ d’application est ad intra. Une des richesses de la réforme liturgique issue de Vatican II concerne évidemment la valorisation de la Parole de Dieu. Un des acquis est l’introduction de trois lectures bibliques lors de l’Eucharistie dominicale du temps ordinaire (et même quatre avec le psaume). La première lecture est choisie en fonction de l’évangile du jour. Peut-être pourrions-nous nous interroger sur la mise en pratique du lien qui doit – ou plutôt devrait – être fait entre la première lecture tirée la plupart du temps de l’Ancien Testament et l’évangile. Il y a là, je crois, un beau chantier non pas à ouvrir mais à explorer. Puisqu’il nous en donne l’occasion et les moyens, je souhaite que Pour lire l’Ancien Testament nous permette de nous mettre au travail.

 Jean-François Baudoz, Lire l’Ancien Testament, une nécessité pour le chrétien. B.I.B. n° 70 (avril 2008), pages 1-3.

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