Le chant de l’Exsultet

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Pâques

«Ô nuit bienheureuse !»…
«Le Christ est ressuscité !
Le Christ est ressuscité !
Le Christ est ressuscité !» 

Vigiles pascales


Avec le chant de l’Exsultet, dans la pleine lumière du feu nouveau, s’ouvre la plus sainte des nuits, la nuit au centre du temps et de toutes choses : Pâques. Là, tout aboutit et tout commence : la semaine sainte et l’octave, le Carême et les cinquante jours qui mènent à la fête de Pentecôte. Là, en cette heure, en cette nuit, celle du grand passage du Christ de la mort à la vie, tout reçoit son sens ultime. La joie nous est donnée — en plénitude — pour que nous puissions la recevoir et la célébrer : Pâques ! Et monte à nos lèvres, enfin, le chant béni : Alleluia !

L’essence de la veillée pascale, est, par excellence, d’être un office nocturne, la «mère de toutes les saintes veillées» (S. Augustin). C’est la célébration du passage — et c’est ce que signifie le mot Pessah, Pâque en hébreu — de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. C’est pourquoi cette double symbolique y est si présente. Sans la lumen Christi, qui brille au sommet du cierge pascal pendant les cinquante jours du temps pascal, nous sommes des habitants de la ténèbre. Avec le Christ qui a traversé l’ombre de la mort, nous marchons vers le jour sans déclin, ce que figure la procession d’entrée dans l’église au début de la liturgie. C’est dans la nuit qu’il s’est levé du tombeau et c’est notre nuit qu’il vient illuminer de la joie de sa résurrection. Voilà pourquoi nous le célébrons «au milieu de la nuit» car «un cri se fait entendre : ‘Voici l’époux qui vient, venez à sa rencontre !’» (Mt 25,6).

La vigile pascale est aussi mémoire de l’histoire du salut. La résurrection que nous célébrons n’est pas un événement isolé, mais l’accomplissement du dessein éternel et bienveillant de Dieu : accueillir l’homme dans le partage de la plénitude de la gloire divine. La liturgie se poursuit donc par une longue succession de textes bibliques qui, de la Genèse (1,1-2,2 et 22,1-13.15-18) à la lettre aux Romains (6,3-11), sans omettre le passage de la mer Rouge au livre de l’Exode (14,15-15,1), Isaïe prophétisant la délivrance définitive du peuple de Dieu (54,5-14 et 55,1-11), Baruch (3,9-15.32-4,4), et Ézéchiel (36,16-28), retracent, à la manière du poème judaïque des Quatre nuits, l’histoire des hommes que Dieu vient sauver. Une histoire qui est la nôtre et qui, déjà, nous fait exulter de joie : «Ô nuit qui nous rend la grâce et nous ouvre à la communion des saints, nuit où le Christ brisant les liens de la mort, s’est relevé victorieux des enfers. (…) Ô nuit bienheureuse où se rejoignent le ciel et la terre, où s’unissent l’homme et Dieu» (Exsultet de la nuit de Pâques).

Cette union, célébrée et accomplie dans l’eucharistie, sommet de la nuit pascale, est aussi placée sous le signe de la naissance. Illuminés par la résurrection du Christ, intégrés déjà à son corps qui est l’Église, les catéchumènes peuvent s’avancer vers le bain de la régénérescence. Dans l’eau bénie par le célébrant et où le cierge pascal a été le premier plongé, ils renaissent à leur nouvelle identité d’enfant de Dieu. Renés par la grâce du baptême, ils reçoivent un vêtement blanc et un cierge allumé à la flamme pascale. L’assemblée entière s’associe à leur démarche en proclamant sa foi à leur suite et en recevant, par aspersion, l’eau du baptême. «Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés» (Rm 6,3). Mystère du Christ mort et ressuscité, mystère de l’Église-mère qui donne vie à de nouveaux enfants par la puissance vivifiante de la résurrection du Christ. Tous peuvent alors communier d’une seule âme à sa présence offerte sous la forme du pain et du vin, corps et sang vivants du Christ ressuscité.

Jour de Pâques
La nuit s’achève. Une nuit sans nuit, une nuit sans ténèbres, Une nuit qui illumine comme le jour (Ps 138,12). Car le Christ, notre flambeau, s’est levé des ténèbres du tombeau. Et la flamme du cierge pascal, qui a brûlé toute la nuit, est le signe visible de cette lumière de la Résurrection en ce matin de Pâques. Réjouissons-nous car ce jour est «le jour que fit le Seigneur, jour d’allégresse et de joie» (Ps 117,24). C’est le jour de Pâques, jour de la Résurrection, «la fête des fêtes, la solennité des solennités».

Au petit matin, nos cœurs sont donc prêts pour chanter et louer le Seigneur. Et tout d’abord avec les saintes femmes, porteuses de parfums, qui accourent au tombeau embaumer le corps du Bien-aimé. À peine le message de l’Ange est-il proclamé — «Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité» (Lc 24,5-6) — que les alleluia jaillissent comme en écho. Plus besoin de la myrrhe réservée aux défunts, mais que l’encens brûle en signe de notre action de grâces ; plus de larmes mais des chants de joie ; plus de deuil mais l’or des ornements liturgiques et la lumière qui remplit le chœur. Oui, Christ est ressuscité ! «Jour de la Résurrection, peuples, rayonnons de joie : c’est la Pâque, la Pâque du Seigneur ! De la mort à la vie, de la terre jusqu’au ciel, le Christ notre Dieu nous conduit : chantons la victoire du Seigneur» (tropaire byzantin).

La joie est bien le maître-mot de cet Office de la Résurrection, chanté au matin. La joie de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. Des anges aux myrrophores, de Marie Madeleine aux apôtres, du jardinier à la pécheresse pardonnée, la Bonne Nouvelle se répand comme un feu qui embrase toute la terre. Toute la création se laisse entraîner dans cette louange, comme le chantent les psaumes de ce jour : le ciel et la terre, l’oiseau qui vole et les monstres marins, les vieillards et les enfants, tous «louent le nom de Dieu» (Ps 148). Oui, «par tout ce qui vit et respire, louange au Seigneur» (Ps 150,6), car par sa Résurrection, le Christ recrée tout. «Si quelqu’un est dans le Christ, il est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là» (2 Co 5,17).

La louange pour ce jour nouveau que nous sommes, avec et par le Christ glorifié, ne peut que s’élever en action de grâces, c’est-à-dire en eucharistie. En ce dimanche de Pâques, la messe solennelle nous ramène aux sources de notre foi. Chaque geste, chaque signe, chaque parole retrouve son sens plénier. Alors que dans la nuit pascale a été célébré, par la liturgie baptismale, le passage de la mort à la vie, la liturgie du jour commence par le rappel et le renouvellement de la grâce de notre baptême. «Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ» (Ga 3,27). Tandis que l’eau bénie durant la nuit ruisselle sur les visages comme mémorial de notre baptême, la lumière du Christ ressuscité, symbolisé par le cierge pascal, se répand dans toute l’assemblée. «Vous avez été autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur» (Ep 5,8). Quoi de plus manifeste, dans le regard rempli de joie des néophytes qui, revêtus de leur robe baptismale, peuvent désormais communier à la Pâque du Christ, que cette vie nouvelle dont la source a été ouverte pour nous par la résurrection du Christ ?

Si la liturgie de la Parole de ce jour met en lumière les fondements de notre foi, en nous rappelant que nous sommes morts et ressuscités avec le Christ, elle ne fait que préparer le «paschale mysterium». «Car voici que s’avance le roi de gloire…, approchons avec foi afin de participer à la vie éternelle» (Grande Entrée). La tradition chrétienne a toujours fait le lien entre l’eucharistie et la Pâque du Seigneur, qui est mystère à la fois de mort, de résurrection et de présence au monde. Ignace d’Antioche, au IIe siècle, reconnaît dans ce sacrement «la chair de notre sauveur Jésus Christ, chair qui a souffert pour nos péchés et que, dans sa bonté, le Père a ressuscité». Qu’il est grand le mystère de la foi ! Le Christ ressuscité est là, présent au milieu de nous, en nous.

Un tel mystère ne peut se célébrer en un seul jour, aussi l’Église prolonge-t-elle durant toute une octave la fête de Pâques. Un jour qui dure une semaine ! Un avant-goût de l’éternité ! «Oh ! que nous serons heureux de chanter l’alleluia dans le ciel !», nous dit saint Augustin. Mais nos chants, au rythme des alleluia, anticipent cette liturgie céleste. Aujourd’hui le Royaume de Dieu est advenu au milieu de nous. Voici le jour qu’a fait le Seigneur, jour d’allégresse et jour de joie, alleluia !

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