Archive pour le 25 mars, 2010
Mystère de Pâques et traditions apocryphes
25 mars, 2010du site:
http://www.esprit-et-vie.com/breve.php3?id_breve=240
Édouard Cothenet
Mystère de Pâques et traditions apocryphes
La proclamation de la résurrection du Christ est au centre de la foi chrétienne. De nombreuses études ont été consacrées à la recherche des plus anciennes formules kérygmatiques, en partant de la tradition citée par Paul en 1 Co 15, 3-5 et des discours des Actes des Apôtres. On trouvera dans le livre de V. Fusco un bilan récent de toutes ces recherches [1]. Comme l’écrit Paul aux Corinthiens, si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine (1 Co 15, 17). On s’étonne alors de la sobriété des évangélistes quand ils nous relatent les apparitions du Christ à ses disciples. Marc, le plus ancien, termine curieusement son récit par la peur et le silence des femmes, après que l’ange leur eut proclamé que le Christ n’est plus ici, mais qu’il précède ses disciples en Galilée (Mc 16, 7).
Dans les autres Évangiles, on trouve des récits plus circonstanciés, mais dont il est difficile d’établir une totale cohérence du point de vue des lieux et de la datation des événements, ce qui préoccupait déjà Eusèbe et Augustin. Ainsi selon Luc, toutes les apparitions se déroulent à Jérusalem ou à Emmaüs le même jour, semble-t-il, à la différence de l’intervalle des quarante jours mentionnés dans les Actes des Apôtres entre Pâques et l’Ascension. Matthieu, hors une manifestation aux saintes femmes (Mt 28, 9 s.), ne connaît qu’une apparition de mission aux disciples en Galilée (Mt 28, 16-20). Le rédacteur final du quatrième Évangile a juxtaposé deux traditions : celle de Jérusalem avec Marie-Madeleine (Jn 20, 11-18) et les apparitions au Cénacle (Jn 20, 19-29) et la tradition galiléenne avec la manifestation du Christ au bord de la mer de Tibériade (Jn 21).
Les Pères de l’Église, au iie siècle, insistent contre les hérétiques sur la réalité de la résurrection, mais ne semblent pas avoir commenté en détail les récits évangéliques [2]. En revanche, on trouve des développements circonstanciés dans deux apocryphes, l’Évangile de Pierre et l’épître des apôtres, dont on trouve la traduction dans l’excellent recueil Écrits apocryphes chrétiens [3]. On peut y ajouter quelques fragments d’Évangiles d’origine judéo-chrétienne et des additions contenues dans quelques manuscrits. La plupart de ces textes sont signalés en traduction française dans la Synopse de la Bible de Jérusalem, et en grec ou latin dans la Synopse de K. Aland. À notre époque qui se passionne pour les apocryphes, il est important de préciser leur contenu ; la comparaison contribuera à mieux percevoir la valeur propre des récits canoniques.
Commençons par présenter les deux œuvres qui nous retiendront le plus.
L’Évangile de Pierre n’est connu que par un seul manuscrit grec fragmentaire, découvert en hiver 1886-87 à Akhmin, en Haute Égypte. Ce fragment commence par le procès de Jésus devant Pilate et Hérode et se clôt par l’apparition du Seigneur, au bord de la mer (de Tibériade). Selon Eusèbe de Césarée, Sérapion, évêque d’Antioche, composa un ouvrage Sur l’Évangile dit selon Pierre, dans lequel il réfuta les mensonges contenus dans cette œuvre à cause de certains fidèles de Rhossos, une ville de Syrie ou de Cilicie, qui l’utilisaient (H. E. VI, XII, 2). Cette notice nous permet de situer l’origine et la diffusion de l’apocryphe en Syrie, vers le milieu du iie siècle. On a accusé cet Évangile de docétisme. L’accusation semble exagérée et l’on trouvera une appréciation plus favorable dans l’édition de M.-G. Mara, publiée dans la collection Sources chrétiennes (n° 201, 1973).
? L’épître des apôtres a dû être composée en grec vers la seconde moitié du iie siècle. L’original est perdu. Nous avons une version éthiopienne et des fragments en copte et en latin. J.-N. Pérés l’a traduite dans le recueil Écrits apocryphes chrétiens, p. 359-392. À part le début, il s’agit non d’une épître, mais d’un dialogue où le Christ ressuscité donne un enseignement à ses apôtres sur sa préexistence, son Incarnation, sur la parousie et le jugement. L’écrit expose ainsi la doctrine des apôtres, en réaction contre les gnostiques.
Les objections
De tout temps, les objections contre la résurrection n’ont pas manqué. Déjà les évangélistes s’efforçaient d’y répondre ; à leur suite les Pères apostoliques et les auteurs d’apocryphes.
Pour les Grecs, la résurrection n’est pas croyable. On le constate dans le récit de la prédication de Paul à Athènes (Ac 17, 32), tout comme par les doutes des Corinthiens. Le point de vue grec est exprimé avec virulence par Celse. « Une chair, pleine de ce qu’on ne saurait décemment nommer, Dieu ne voudra ni ne pourra la rendre immortelle contre toute raison. Il est lui-même la raison de tout ce qui existe ; il ne peut donc rien faire ni contre la raison ni contre lui-même [4]. » On notera cet appel au logos : les allégations des chrétiens sont considérées comme fausses, parce qu’elles s’opposent à la Raison.
Dans le monde juif, le bruit courait, selon Mt 28, 11-15 que les disciples avaient volé le corps pour faire croire à la résurrection. Justin fait allusion à ce racontar (Dialogue avec Tryphon, 108, 2). Pour les Sadducéens, principaux responsables du procès contre Jésus, la résurrection d’un mort n’est pas pensable, comme on le constate lors du débat suscité habilement par Paul quand il comparut devant le Sanhédrin (Ac 23, 6 s.).
Les Pharisiens, en revanche, tenaient ferme à la résurrection des morts, sans lien nécessaire avec la personne du Messie. Acte de Dieu, maître de la vie et de la mort, la résurrection aura lieu à la fin des jours, à l’heure solennelle du grand jugement. Citons l’une des bénédictions de la grande prière du Shémoné Esré :
Béni es-tu, Seigneur, Bouclier d’Abraham ! Tu es puissant éternellement, Seigneur, tu fais revivre les morts, débordant de salut… Maintenant les vivants par amour et ressuscitant les morts par grande miséricorde, soutenant ceux qui tombent, [….] et maintenant ta fidélité à ceux qui dorment dans la poussière [5].
Le grand jugement inaugurera le monde à venir, ère de prospérité et de paix, telle que l’ont annoncée les prophètes, et notamment Isaïe. Or, pouvaient dire les Pharisiens, ces promesses de paix et de bonheur ne sont pas réalisées : comment croire à la résurrection de Jésus, le crucifié ? En réponse, Paul dira que le Christ est ressuscité à titre de prémices (aparkhè, 1 Co 15, 20), prémices annonçant la moisson future. Justin développera longuement la théorie des deux parousies, à savoir la première venue dans l’humilité et la seconde dans la gloire : les promesses des prophètes ne se réaliseront pleinement qu’au retour glorieux du Christ (Dialogue avec Tryphon 14, 8 ; 31…).
L’annonciation (Opus dei)
25 mars, 2010du site:
http://fr.be.opusdei.org/art.php?p=5259
L’annonciation
Dans sa lettre apostolique « Le Rosaire de la Vierge Marie », Jean-Paul II a invité les chrétiens à prier cette prière pour apprendre de Marie « à contempler la beauté du visage du Christ et à expérimenter la profondeur de son amour ». Nous allons publier dans cette section des textes de saint Josémaria sur les mystères du Rosaire. Nous vous proposons ci-dessous quelques textes du fondateur de l’Opus Dei sur le premier mystère joyeux : l’annonciation.
2003/02/04
Marie dit à l’ange : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? »
L’ange lui répondit : « L’Esprit-Saint viendra sur toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu ».
(Lc 1, 34-35)
N’oublie pas, mon ami, que nous sommes des enfants. Marie, la Dame au doux nom, est en prière.
Toi, tu es dans cette maison tout ce que tu voudras : un ami,un serviteur, un curieux, un voisin… – Quant à moi, je n’ose pas être quoi que ce soit en ce moment. Caché derrière toi, je contemple la scène, ébloui :
L’Archange transmet son message… Quomodo fiet istud, quoniam virum non cognosco ? — Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais point d’homme ? (Lc 1, 34).
La voix de notre Mère ramène à ma mémoire, par contraste, toutes les impuretés des hommes…, les miennes aussi :
Saint Rosaire, 1
Notre Mère est un modèle de réponse à la grâce et, si nous contemplons sa vie, le Seigneur nous éclairera pour que nous sachions diviniser notre existence ordinaire. Tout au long de l’année, lorsque nous célébrons les fêtes mariales, et bien souvent chaque jour, nous chrétiens, nous pensons à la Vierge. Si nous profitons de ces instants pour imaginer comment se comporterait Notre Mère dans ces taches qui nous incombent, peu à peu nous imiterons son exemple et nous finirons par lui ressembler, comme les enfants ressemblent à leur mère.
Quand le Christ passe, 173, 1
Efforçons-nous d’imiter son obéissance à la volonté de Dieu, obéissance où se mêlent harmonieusement noblesse et soumission. Chez Marie, rien ne rappelle l’attitude de ces vierges folles qui obéissent, il est vrai, mais sans réfléchir. Notre Dame écoute avec attention ce que Dieu veut d’elle ; elle médite ce qu’elle ne comprend pas ; elle interroge sur ce qu’elle ne sait pas. Ensuite, elle s’applique de tout son être à accomplir la volonté divine : je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole ! Quelle merveille ! Sainte Marie, notre exemple en toutes choses, nous apprend maintenant que l’obéissance à Dieu n’est pas servilité, qu’elle ne subjugue pas notre conscience. Au contraire, elle nous incite intérieurement à découvrir la liberté des fils de Dieu.
Quand le Christ passe, 173, 4
Si nous voulons profiter des grâces que notre Mère attire sur nous aujourd’hui, et suivre à tout moment les inspirations de l’Esprit Saint, pasteur de nos âmes, nous devons nous attacher sérieusement à développer notre vie d’intimité avec Dieu. Nous ne pouvons pas nous dissimuler sous l’anonymat ; si la vie intérieure n’est pas une rencontre personnelle avec Dieu, elle n’existe pas. La superficialité n’est pas chrétienne. Admettre la routine, dans la lutte ascétique, équivaut à signer l’acte de décès de l’âme contemplative. Dieu nous recherche un par un et nous devons Lui répondre, un par un : me voici, Seigneur, puisque tu m’as appelé.
Quand le Christ passe, 174, 2
Que de grâce dans cette scène de l’Annonciation. Marie se recueille en prière… — combien de fois n’avons-nous pas médité cela ! Elle utilise ses cinq sens et toutes ses facultés pour parler avec Dieu. Et c’est dans la prière qu’elle apprend la Volonté divine ; et par la prière elle en f t l d sa vie : n’oublie pas l’exemple de la Sainte Vierge.
Sillon, 481
Considérez le moment sublime où l’Archange saint Gabriel annonce à la Sainte Vierge le dessein du Très-Haut. Notre Mère écoute et interroge pour mieux comprendre ce que le Seigneur lui demande ; aussitôt jaillit la réponse ferme : fiat — qu’il me soit fait selon ta parole ! — fruit de la meilleure liberté : celle de se décider pour Dieu.
Ami de Dieu, 25, 1
Audience générale du 24 mars 2010 : saint Albert le Grand
25 mars, 2010du site:
http://www.zenit.org/article-23894?l=french
Audience générale du 24 mars 2010 : saint Albert le Grand
Texte intégral
ROME, Mercredi 24 mars 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée ce mercredi par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, place Saint-Pierre.
* * *
Chers frères et sœurs,
L’un des plus grands maîtres de la théologie médiévale est saint Albert le Grand. Le titre de « grand » (magnus), avec lequel il est passé à l’histoire, indique l’étendue et la profondeur de sa doctrine, qu’il associa à la sainteté de sa vie. Mais ses contemporains déjà n’hésitaient pas à lui attribuer des titres d’excellence ; l’un de ses disciples, Ulrich de Strasbourg, le définit comme « stupeur et miracle de notre temps ».
Il naquit en Allemagne au début du XIIIe siècle, et tout jeune encore, il se rendit en Italie, à Padoue, siège de l’une des plus célèbres facultés du moyen-âge. Il se consacra à l’étude de ce que l’on appelle les « arts libéraux » : grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, géométrie, astronomie et musique, c’est-à-dire de la culture générale, manifestant cet intérêt typique pour les sciences naturelles, qui devait bientôt devenir le domaine de prédilection de sa spécialisation. Au cours de son séjour à Padoue, il fréquenta l’église des dominicains, auxquels il s’unit par la suite avec la profession des vœux religieux. Les sources hagiographiques font comprendre qu’Albert a pris cette décision progressivement. Le rapport intense avec Dieu, l’exemple de sainteté des frères dominicains, l’écoute des sermons du bienheureux Jourdain de Saxe, successeur de saint Dominique à la tête de l’Ordre des prêcheurs, furent les facteurs décisifs qui l’aidèrent à surmonter tout doute, vainquant également les résistances familiales. Souvent, dans les années de notre jeunesse, Dieu nous parle et nous indique le projet de notre vie. Comme pour Albert, pour nous tous aussi, la prière personnelle nourrie par la Parole du Seigneur, l’assiduité aux sacrements et la direction spirituelle donnée par des hommes éclairés sont les moyens pour découvrir et suivre la voix de Dieu. Il reçut l’habit religieux des mains du bienheureux Jourdain de Saxe.
Après son ordination sacerdotale, ses supérieurs le destinèrent à l’enseignement dans divers centres d’études théologiques liés aux couvents des Pères dominicains. Ses brillantes qualités intellectuelles lui permirent de perfectionner l’étude de la théologie à l’Université la plus célèbre de l’époque, celle de Paris. Albert entreprit alors l’activité extraordinaire d’écrivain, qu’il devait poursuivre toute sa vie.
Des tâches prestigieuses lui furent confiées. En 1248, il fut chargé d’ouvrir un bureau de théologie à Cologne, l’un des chefs-lieux les plus importants d’Allemagne, où il vécut à plusieurs reprises, et qui devint sa ville d’adoption. De Paris, il emmena avec lui à Cologne un élève exceptionnel, Thomas d’Aquin. Le seul mérite d’avoir été le maître de saint Thomas d’Aquin suffirait pour que l’on nourrisse une profonde admiration pour saint Albert. Entre ces deux grands théologiens s’instaura un rapport d’estime et d’amitié réciproque, des attitudes humaines qui contribuent beaucoup au développement de la science. En 1254, Albert fut élu Provincial de la « Provincia Teutoniae » – teutonique – des Pères dominicains, qui comprenait des communautés présentes dans un vaste territoire du centre et du nord de l’Europe. Il se distingua par le zèle avec lequel il exerça ce ministère, en visitant les communautés et en rappelant constamment les confrères à la fidélité, aux enseignements et aux exemples de saint Dominique.
Ses qualités n’échappèrent pas au pape de l’époque, Alexandre IV, qui voulut Albert pendant un certain temps à ses côtés à Agnani – où les papes se rendaient fréquemment – à Rome même et à Viterbe, pour bénéficier de ses conseils théologiques. Le même souverain pontife le nomma évêque de Ratisbonne, un grand et célèbre diocèse, qui traversait toutefois une période difficile. De 1260 à 1262, Albert accomplit ce ministère avec un dévouement inlassable, réussissant à apporter la paix et la concorde dans la ville, à réorganiser les paroisses et les couvents, et à donner une nouvelle impulsion aux activités caritatives.
Dans les années 1263-1264, Albert prêcha en Allemagne et en Bohême, envoyé par le pape Urbain IV, pour retourner ensuite à Cologne et reprendre sa mission d’enseignant, de chercheur et d’écrivain. Etant un homme de prière, de science et de charité, il jouissait d’une grande autorité dans ses interventions, à l’occasion de divers événements concernant l’Eglise et la société de l’époque : ce fut surtout un homme de réconciliation et de paix à Cologne, où l’archevêque était entré en opposition farouche avec les institutions de la ville ; il se prodigua au cours du déroulement du IIe Concile de Lyon, en 1274, convoqué par le pape Grégoire X pour favoriser l’union entre l’Eglise latine et l’Eglise grecque, après la séparation du grand schisme d’Orient de 1054 ; il éclaircit la pensée de Thomas d’Aquin, qui avait rencontré des objections et même fait l’objet de condamnations totalement injustifiées.
Il mourut dans la cellule de son couvent de la Sainte-Croix à Cologne en 1280, et il fut très vite vénéré par ses confrères. L’Eglise le proposa au culte des fidèles avec sa béatification, en 1622, et avec sa canonisation, en 1931, lorsque le pape Pie XI le proclama Docteur de l’Eglise. Il s’agissait d’une reconnaissance sans aucun doute appropriée, pour ce grand homme de Dieu et éminent savant non seulement dans le domaine des vérités de la foi, mais dans de très nombreux autres domaines du savoir. En effet, en regardant le titre de ses très nombreuses œuvres, on se rend compte que sa culture a quelque chose de prodigieux, et que ses intérêts encyclopédiques le conduisirent à s’occuper non seulement de philosophie et de théologie, comme d’autres contemporains, mais également de toute autre discipline alors connue, de la physique à la chimie, de l’astronomie à la minéralogie, de la botanique à la zoologie. C’est pour cette raison que le pape Pie XII le nomma patron de ceux qui aiment les sciences naturelles et qu’il est également appelé « Doctor universalis », précisément en raison de l’ampleur de ses intérêts et de son savoir.
Les méthodes scientifiques utilisées par saint Albert le Grand ne sont assurément pas celles qui devaient s’affirmer au cours des siècles suivants. Sa méthode consistait simplement dans l’observation, dans la description et dans la classification des phénomènes étudiés.
Il a encore beaucoup à nous enseigner. Saint Albert montre surtout qu’entre la foi et la science il n’y a pas d’opposition, malgré certains épisodes d’incompréhension que l’on a enregistrés au cours de l’histoire. Un homme de foi et de prière comme saint Albert le Grand, peut cultiver sereinement l’étude des sciences naturelles et progresser dans la connaissance du micro et du macrocosme, découvrant les lois propres de la matière, car tout cela concourt à nourrir sa soif et son amour de Dieu. La Bible nous parle de la création comme du premier langage à travers lequel Dieu – qui est intelligence suprême, qui est Logos – nous révèle quelque chose de lui. Le Livre de la Sagesse, par exemple, affirme que les phénomènes de la nature, dotés de grandeur et de beauté, sont comme les œuvres d’un artiste, à travers lesquelles, par analogie, nous pouvons connaître l’Auteur de la création (cf. Sg 13, 5). Avec une comparaison classique au Moyen-âge et à la Renaissance, on peut comparer le monde naturel à un livre écrit par Dieu, que nous lisons selon les diverses approches de la science (cf. Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences, 31 octobre 2008). En effet, combien de scientifiques, dans le sillage de saint Albert le Grand, ont mené leurs recherches inspirés par l’émerveillement et la gratitude face au monde qui, à leurs yeux de chercheurs et de croyants, apparaissait et apparaît comme l’œuvre bonne d’un Créateur sage et aimant ! L’étude scientifique se transforme alors en un hymne de louange. C’est ce qu’avait bien compris un grand astrophysicien de notre époque, Enrico Medi, dont la cause de béatification a été introduite, et qui écrivait : « Oh, vous mystérieuses galaxies…, je vous vois, je vous calcule, je vous entends, je vous étudie, je vous découvre, je vous pénètre et je vous recueille. De vous, je prends la lumière et j’en fais de la science, je prends le mouvement et j’en fais de la sagesse, je prends le miroitement des couleurs et j’en fais de la poésie ; je vous prends vous, étoiles, entre mes mains, et tremblant dans l’unité de mon être, je vous élève au-dessus de vous-mêmes, et en prière je vous présente au Créateur, que seulement à travers moi, vous étoiles, vous pouvez adorer » (Le opere. Inno alla creazione).
Saint Albert le Grand nous rappelle qu’entre science et foi une amitié existe et que les hommes de science peuvent parcourir à travers leur vocation à l’étude de la nature, un authentique et fascinant parcours de sainteté.
Son extraordinaire ouverture d’esprit se révèle également dans une opération culturelle qu’il entreprit avec succès : l’accueil et la mise en valeur de la pensée d’Aristote. A l’époque de saint Albert, en effet, la connaissance de beaucoup d’œuvres de ce grand philosophe grec ayant vécu au quatrième siècle avant Jésus Christ, en particulier dans le domaine de l’éthique et de la métaphysique, était en effet en train de se répandre. Celles-ci démontraient la force de la raison, elles expliquaient avec lucidité et clarté le sens et la structure de la réalité, son intelligibilité, la valeur et la fin des actions humaines. Saint Albert le Grand a ouvert la porte à la réception complète de la philosophie d’Aristote dans la philosophie et la théologie médiévales, une réception élaborée ensuite de manière définitive par saint Thomas. Cette réception d’une philosophie, disons, païenne pré-chrétienne, fut une authentique révolution culturelle pour cette époque. Pourtant, beaucoup de penseurs chrétiens craignaient la philosophie d’Aristote, la philosophie non chrétienne, surtout parce que celle-ci, présentée par ses commentateurs arabes, avait été interprétée de manière à apparaître, au moins sur certains points, comme tout à fait inconciliable avec la foi chrétienne. Il se posait donc un dilemme : foi et raison sont-elles ou non en conflit l’une avec l’autre ?
C’est là que réside l’un des grands mérites de saint Albert : avec une rigueur scientifique il étudia les œuvres d’Aristote, convaincu que tout ce qui est vraiment rationnel est compatible avec la foi révélée dans les Saintes Ecritures. En d’autres termes, saint Albert le Grand a ainsi contribué à la formation d’une philosophie autonome, distincte de la théologie et unie avec elle uniquement par l’unité de la vérité. Ainsi est apparue au XIIIe siècle une distinction claire entre ces deux savoirs, philosophie et théologie qui, en dialogue l’un avec l’autre, coopèrent de manière harmonieuse à la découverte de la vocation authentique de l’homme, assoiffé de vérité et de béatitude : et c’est surtout la théologie, définie par saint Albert comme une « science affective », qui indique à l’homme son appel à la joie éternelle, une joie qui jaillit de la pleine adhésion à la vérité.
Saint Albert le Grand fut capable de communiquer ces concepts de manière simple et compréhensible. Authentique fils de saint Dominique, il prêchait volontiers au peuple de Dieu, qui demeurait conquis par sa parole et par l’exemple de sa vie.
Chers frères et sœurs, prions le Seigneur pour que ne viennent jamais à manquer dans la sainte Eglise de doctes théologiens, pieux et savants comme saint Albert le Grand et pour qu’il aide chacun de nous à faire sienne la « formule de la sainteté » qu’il adopta dans sa vie : « Vouloir tout ce que je veux pour la gloire de Dieu, comme Dieu veut pour sa gloire tout ce qu’Il veut », se conformer toujours par conséquent à la volonté de Dieu pour vouloir et faire tout, seulement et toujours pour Sa gloire.
A l’issue de l’Audience générale, le Saint-Père a adressé les paroles suivantes aux pèlerins francophones :
Chers frères et sœurs,
Saint Albert le Grand fut l’un des grands maîtres de la théologie scolastique. Né en Allemagne au début du treizième siècle, il étudia d’abord à Padoue, où il fréquenta l’église des Dominicains chez lesquels il fit profession. Après son ordination sacerdotale, il fut envoyé à Paris pour perfectionner ses études de théologie. Il entreprit alors une extraordinaire activité d’écrivain. En 1254, il fut élu Provincial des Dominicains pour un vaste territoire d’Europe du Nord. Archevêque de Ratisbonne de 1260 à 1264, il demandera ensuite au Pape d’être déchargé de ce ministère pour reprendre sa mission d’enseignement et d’étude. Homme de prière, de science et de charité, Albert jouissait d’une grande autorité dans la vie de l’Eglise et de la société de son temps. Il meurt en 1280 dans son couvent de Cologne. Albert le Grand nous rappelle qu’il n’y a pas d’opposition entre science et foi, et que ceux qui étudient les sciences de la nature peuvent parcourir un véritable chemin de sainteté. Il met en lumière le fait que la philosophie et la théologie ont des méthodes différentes, mais que leur dialogue coopère harmonieusement à la découverte de l’authentique vocation de l’homme. Prions pour que l’Eglise ne manque jamais de théologiens qui soient enracinés dans la prière, compétents et pleins de sagesse, et pour qu’en tout, nous sachions nous conformer à la volonté de Dieu pour ne rechercher que sa Gloire.
* * *
C’est avec joie que j’accueille ce matin les pèlerins francophones, en particulier les jeunes venus de France et le groupe du diocèse de Vannes. A tous je souhaite de vivre une fervente Semaine Sainte afin de découvrir toujours plus la profondeur de l’amour de Dieu pour les hommes. Que Dieu vous bénisse !
Traduction : Zenit
Luk-01,26_Annunciation_L Annonce a Marie
25 mars, 2010Saint Bède le Vénérable : « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin »
25 mars, 2010du site:
http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20100325
Solennité de l’Annonciation du Seigneur : Lc 1,26-38
Commentaire du jour
Saint Bède le Vénérable (v. 673-735), moine, docteur de l’Église
Homélies pour l’Avent, n°3 ; CCL 122, 14-17 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 170)
« Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin »
« L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille, une vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. » Ce qui est dit de la maison de David ne concerne pas seulement Joseph, mais aussi Marie. Car la Loi prescrivait que chacun devait épouser une femme de sa tribu et de sa famille, au témoignage de l’apôtre Paul, qui écrit à Timothée : « Souviens-toi de Jésus Christ, le descendant de David : il est ressuscité d’entre les morts, voilà mon évangile » (2Tm 2,8)…
« Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père. » Le trône de David désigne ici le pouvoir sur le peuple d’Israël, que David gouverna en son temps avec un zèle plein de foi… Ce peuple, que David dirigea par son pouvoir temporel, le Christ va l’entraîner par une grâce spirituelle vers le royaume éternel…
« Il régnera pour toujours sur la maison de Jacob. » La maison de Jacob désigne l’Église universelle qui, par la foi et le témoignage rendus au Christ, se rattache à la destinée des patriarches, soit chez ceux qui ont tiré leur origine charnelle de leur souche, soit chez ceux qui, nés charnellement d’une autre nation, sont renés dans le Christ, par le baptême dans l’Esprit. C’est sur cette maison de Jacob qu’il régnera éternellement : « et son règne n’aura pas de fin ». Oui, il règne sur elle dans la vie présente, lorsqu’il gouverne le coeur des élus où il habite, par leur foi et leur amour envers lui ; et il les gouverne par sa continuelle protection, pour leur faire parvenir les dons de la rétribution céleste ; il règne dans l’avenir, lorsque, une fois achevé l’état de l’exil temporel, il les introduit dans le séjour de la patrie céleste. Et là, ils se réjouissent de ce que sa présence visible leur rappelle continuellement qu’ils n’ont rien à faire d’autre que de chanter ses louanges.