Archive pour le 17 mars, 2010
Saint Patrick, évêque et évangélisateur de l’Irlande
17 mars, 2010du site:
http://www.inxl6.org/article2156.php
AUJOURD’HUI: SAINT PATRICK
Saint Patrick, évêque et évangélisateur de l’Irlande
« Je suis Patrick, pécheur, très peu instruit, le moindre de tous les fidèles et extrêmement méprisé par beaucoup. » C’est ainsi que le Patron d’Irlande commence sa confession. Chaque année, le 17 mars, des milliers d’Irlandais de part le monde fêtent le saint qui évangélisa leur pays au Ve siècle : « Et j’allais par la Force de Dieu qui dirigeait bien ma voie. »
Rubrique Prière
17/03/2005
Sa vie
D’origine anglo-romaine, saint Patrick est né en 390 aux Pays de Galles, avec comme nom de naissance Maewyn Succat. A 16 ans, capturé par des pirates, il est vendu comme esclave en Irlande et devient berger pour le compte d’un chef de clan, Niall of the Nine Hostages qui deviendra plus tard roi d’Irlande. Il est catholique non pratiquant mais, pendant ses années d’esclavage, il semble qu’il ait trouvé réconfort dans la prière. C’est durant sa captivité qu’il adopte le nom de Pàdraig, ou Patrick. En 409, il s’échappe, Dieu lui ayant dit, dans un de ses rêves, de rejoindre le rivage et de s’embarquer sur un bateau. « Dans la lumière, donc, de notre foi en la sainte Trinité, je dois faire ce choix, sans égard au danger, je dois faire connaître le Don de Dieu et sa Consolation éternelle, sans crainte et avec franchise je dois répandre partout le Nom de Dieu, afin qu’après ma mort, je puisse laisser un legs à mes frères et enfants que j’avais baptisés dans le Seigneur – tant de milliers de personnes. » (extrait – Confession de St Patrick)
Rejoignant les côtes anglaises, il devient prêtre, puis gagne les îles de Lérins, près de Cannes en France. Il s’installe au monastère de Saint Honorat où il se consacre à des études théologiques pendant deux années avec saint Germain. Il est sacré évêque vers 432. Convaincu qu’il est appelé à convertir les païens irlandais au christianisme, il retourne en Irlande. Saint Patrick et ses compagnons multiplient les conversions en sillonnant le pays en prêchant, en enseignant, et en fondant des églises, des monastères et des écoles, dans une population dont, par force, il connaît bien les coutumes et la langue. Il fonda vers 444, le siège primatial d’Armagh. Au Rock de Cashel, lors d’un sermon demeuré célèbre, il montre une feuille de trèfle pour expliquer le mystère de Trinité. Les figures de triades étaient familières à la religion celtique : le trèfle deviendra la symbole de l’Irlande.
« La révélation chrétienne de Dieu comporte un paradoxe. Il n’y a qu’un seul Dieu et le monothéisme de l’Ancien Testament est fidèlement maintenu. Ce Dieu se manifeste comme le Père qui a un Fils, avec lequel il est en relation dans l’unité d’un même Esprit. Non pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes, auxquelles l’Ecriture donne trois noms divins, en les distinguant avec précision : Père, Fils et Saint-Esprit, qui accomplissent, dans cette communion divine, un même salut pour les hommes. » (Catéchisme pour adultes – Les évêques de France – 1991)
On pense que la plupart des druides devinrent moines, adoptant la religion chrétienne présentée avec tant de finesse et de conviction. Lorsqu’il meurt vers 461 à Armagh, l’Irlande est chrétienne sans avoir compté un seul martyr et les monastères y sont très nombreux. Depuis lors, les emblèmes traditionnels irlandais, comme le trèfle et le vert, la couleur nationale de l’« île d’émeraude », ont fini par symboliser la fête de saint Patrick. Il est enterré aux côtés de sainte Brigitte et de saint Columcille, tous deux également patrons de l’Irlande. « C’est pourquoi je Lui rends grâce, à Lui qui me fortifia en tout, car Il ne frustra ni la route que j’avais choisie ni l’oeuvre que m’avait enseignée le Christ mon Seigneur; mais je sentis plutôt, après cela une grande force et ma confiance s’est avérée fondée devant Dieu et les hommes. » (extrait – Confession de St Patrick)
Extraits de la Confession de saint Patrick
« Soyez donc émerveillés, vous, petits et grands qui craignez Dieu, et vous, hommes de lettres dans vos domaines, écoutez et considérez ceci. Qui était celui qui m’éleva, l’insensé que je suis, du milieu de ceux qui, aux yeux des hommes, sont sages et experts dans la loi et puissants en paroles et en toutes choses ? Et Il m’inspira – moi, le rebut du monde – avant d’autres, pour que je sois l’homme (si seulement je le pouvais !) qui, avec crainte et vénération et sans reproche, serve le peuple auquel l’amour du Christ m’a conduit et m’a donné de les servir ma vie durant avec humilité et droiture. »
« Car je suis bien en dette envers Dieu qui me donna une telle grâce que beaucoup de gens naquirent à nouveau en Dieu par moi et furent confirmés ensuite, et des prêtres furent ordonnés pour eux partout, pour un peuple qui venait juste d’acquérir la foi, peuple que le Seigneur prit des extrémités de la terre, comme Il l’avait promis autrefois par ses prophètes : Les nations viendront à Toi des extrémités de la terre et diront : « Qu’elles sont fausses, les idoles que nos pères s’étaient faites et il n’y a pas de profit en eux »; et encore : « Je T’ai établi comme une lumière parmi les nations pour que Tu puisses être leur salut jusqu’aux extrémités de la terre. »
Et c’est là que je souhaite attendre l’accomplissement de sa Promesse, à Lui qui ne trompe certainement jamais, comme Il le promet dans l’évangile : Ils viendront de l’orient et de l’occident et vont s’asseoir avec Abraham, Isaac et Jacob – comme nous croyons que les fidèles viendront de tous les coins du monde. »
« Que lui rendrai-je pour toute sa Bonté envers moi ? Que puis-je dire ou que puis-je promettre à mon Seigneur puisque toute aptitude que j’ai vient de Lui ? Qu’il Lui suffise de regarder dans mon coeur et ma raison; car je suis prêt et en vérité, je désire beaucoup qu’Il me donne sa coupe à boire, comme Il l’a donné à d’autres qui L’ont aimé. Ma seule prière à Dieu est qu’il n’arrive jamais que je laisse son peuple qu’Il a gagné pour Lui au bout de la terre. Je prie Dieu pour la persévérance, qu’Il m’accorde à rester son témoin fidèle par amour pour Lui jusqu’à mon départ de cette vie. »
La saint Patrick, fête et traditions
La saint Patrick est célébrée pour la première fois en 1737 à Boston. L’histoire des Irlandais est en effet étroitement liée au continent nord américain où la fuite de la misère et de la famine développera une diaspora irlandaise très importante.
Ce jour-là, les Irlandais se rendent à l’église. Ils dégustent le plat traditionnel, du corned-beef avec du chou. La population habillée de vert descend dans les rues où de grandes parades sont organisées. La bière coule à flots dans les pubs ! Avec la forte implantation de population de souche irlandaise un peu partout dans le monde, cette fête est devenue internationale. Dans certaines régions, on peut pincer les gens qui ne respectent pas la tradition d’être habillé en vert.
Depuis des siècles, le dernier dimanche de juillet, des pèlerins affluent pour gravir souvent pieds nus, le Croagh Patrick, la montagne sacrée de l’Irlande dans le comté de Mayo. Durant quarante jours de retraite et de pénitence, saint Patrick aurait précipité dans une fissure profonde ouverte dans le rocher toutes les vermines monstrueuses et venimeuses de l’île. Voilà pourquoi, dit-on, il n’y a plus de serpents en Irlande.
Deuxième prédication de Carême, par le P. Raniero Cantalamessa:
17 mars, 2010du site:
http://www.zenit.org/article-23772?l=french
Deuxième prédication de Carême, par le P. Raniero Cantalamessa
En présence du pape Benoît XVI et de la curie romaine
ROME, Vendredi 12 mars 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la deuxième prédication de Carême prononcée ce vendredi matin par le P. Raniero Cantalamessa O.F.M. Cap., prédicateur de la Maison pontificale, en présence du pape Benoît XVI et de la curie romaine, dans la chapelle Redemptoris Mater, au Vatican.
P. Raniero Cantalamessa, ofmcap
Deuxième prédication de Carême
« Le Christ s’est offert lui-même à Dieu »
1. La nouveauté du sacerdoce du Christ
Dans cette méditation, nous voulons réfléchir sur le prêtre en tant que dispensateur des ‘mystères’ de Dieu, entendus cette fois dans le sens des signes concrets de la grâce, les sacrements. Ne pouvant pas nous arrêter sur tous les sacrements, nous nous limiterons au sacrement par excellence : l’Eucharistie, comme le fait aussi Presbyterorum Ordinis qui, après avoir parlé des prêtres comme évangélisateurs, poursuit en déclarant que « leur ministère, commençant par l’annonce de l’Évangile, tire sa force et sa puissance du sacrifice du Christ » qu’ils renouvellent mystiquement sur l’autel 1.
Ces deux fonctions du prêtre sont celles que les apôtres se sont attribuées : « quant à nous, déclare Pierre dans les Actes, nous resterons assidus à la prière et au service de la parole » (Ac 6, 4). La prière dont il parle n’est pas la prière personnelle ; mais la prière liturgique communautaire, centrée sur la fraction du pain. La Didachè permet de voir comment, dans les premiers temps, l’Eucharistie était offerte dans le contexte de la prière de la communauté, comme faisant partie de celle-ci, comme son sommet 2.
De même que le sacrifice de la Messe ne peut se comprendre indépendamment du sacrifice de la Croix, le sacerdoce chrétien ne s’explique que en dépendance et comme participation sacramentelle au sacerdoce du Christ. C’est de là qu’il nous faut partir pour découvrir la caractéristique fondamentale et les qualités essentielles du sacerdoce ministériel.
La nouveauté du sacrifice du Christ par rapport au sacerdoce de l’ancienne alliance (et, comme nous le savons aujourd’hui, par rapport à toute autre institution sacerdotale également en dehors de la Bible) est mise en relief par divers points de vue, dans l’Epître aux Hébreux : le Christ n’a pas eu besoin d’offrir des victimes d’abord pour ses propres péchés comme les autres prêtres, (7, 27) ; il n’a pas eu besoin de renouveler plusieurs fois le sacrifice, mais « une fois pour toutes, à la fin des temps, il s’est manifesté pour abolir le péché par son sacrifice » (9, 26). Toutefois, la différence fondamentale est autre. Entendons comment elle est décrite :
« Le Christ, lui, survenu comme un grand prêtre des biens à venir [...] entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle. Si en effet du sang de boucs et de taureaux et de la cendre de génisse, dont on asperge ceux qui sont souillés, les sanctifient en leur procurant la pureté de la chair, combien plus le sang du Christ, qui par un Esprit éternel s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre conscience des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant ! » (He 9, 11-14).
Les autres prêtres offrent tous quelque chose qui se trouve en dehors d’eux-mêmes, le Christ s’est offert lui-même ; tous les autres prêtres offrent des victimes, le Christ, lui, s’est offert en victime ! Saint Augustin a résumé dans une formule célèbre ce nouveau genre de sacerdoce, dans lequel prêtre et victime ne font qu’un : « Ideo victor, quia victima, et ideo sacerdos, quia sacrificium » : vainqueur parce que victime, prêtre parce que victime » 3.
Dans le passage des sacrifices anciens au sacrifice du Christ, on observe la même nouveauté que dans le passage de la loi à la grâce, du devoir au don, illustrée dans une précédente méditation. D’abord œuvre de l’homme pour apaiser la divinité et se la réconcilier, le sacrifice passe à être don de Dieu pour apaiser l’homme, le faire abandonner sa violence et se réconcilier avec lui-même (cf. Col 1, 20). Dans son sacrifice, comme dans tout le reste, le Christ est « totalement autre ».
2. « Imitez ce que vous opérez »
La conséquence de tout cela est claire : pour être prêtre « selon l’ordre de Jésus-Christ », le prêtre doit, comme lui, s’offrir lui-même. Sur l’autel, il ne représente pas seulement le Jésus « prêtre suprême », mais aussi le Jésus « victime suprême », les deux étant désormais inséparablement liés. En d’autres termes, il ne peut pas se contenter d’offrir le Christ au Père dans les signes sacramentaux du pain et du vin, il doit également s’offrir lui-même avec le Christ au Père. Reprenant une pensée de saint Augustin, l’instruction et la Sacrée Congrégation des rites, Eucharisticum mysterium, énonce : « Quant à l’Eglise, épouse et servante du Christ, en accomplissant avec lui l’office de prêtre et de victime, elle l’offre au Père et en même temps elle s’offre tout entière avec lui » 4.
Ce qui est dit ici de l’Eglise tout entière, s’applique tout particulièrement au célébrant. Lors de l’ordination, l’évêque exhorte les ordinands : « Agnoscite quod agitis, imitamini quod tractatis » : « Considérez ce que vous faites ; imitez ce que vous opérez ». En d’autres termes, fais ce que fait le Christ dans la Messe, c’est-à-dire offre-toi toi-même à Dieu en sacrifice vivant. Saint Grégoire de Naziance écrit :
« Sachant que personne n’est digne de la grandeur de Dieu, de la Victime et du Prêtre, s’il ne s’est pas offert d’abord lui-même comme sacrifice vivant et saint, s’il ne s’est pas présenté comme oblation raisonnable et agréable (cf. Rm 12, 1) et s’il n’a pas offert à Dieu un sacrifice de louange et un esprit contrit – l’unique sacrifice dont l’auteur de tout don demande l’offrande -, comment oserai-je lui offrir l’offrande extérieure sur l’autel, celle qui est la représentation des grands mystères » 5.
Pour vous aider à mieux comprendre, je me permets de raconter comment j’ai moi-même découvert cette dimension de mon sacerdoce. Après mon ordination, voici comment je vivais le moment de la consécration : je fermais les yeux, penchais la tête, et cherchais à me couper de tout ce qui m’entourait pour m’identifier à Jésus qui, au cénacle, prononça pour la première fois ces paroles : « Accipite et manducate… », « Prenez et mangez-en… ».
La liturgie elle-même favorisait cette attitude, faisant prononcer les paroles de la consécration à voix basse et en latin, penchés sur les espèces, tournés vers l’autel et non face au peuple. Puis, un jour, j’ai compris qu’une telle attitude, à elle seule, n’exprimait pas tout le sens de ma participation à la consécration. Celui qui préside de manière invisible à chaque Messe est le Jésus ressuscité, le Vivant ; le Jésus, pour être exact, qui était mort, mais est désormais vivant pour les siècles des siècles (cf. Ap 1, 18). Mais ce Jésus est le « Christ total », Tête et corps indissolublement unis. Donc, si c’est ce Christ total qui prononce les paroles de la consécration, moi aussi je les prononce avec lui. Dans le « Moi » (avec un M majuscule) de la Tête, il y a caché le petit « moi » (avec un m minuscule) du corps qui est l’Eglise, il y a aussi mon tout petit « moi ».
Depuis ce jour, au moment où, en tant que prêtre ordonné par l’Eglise, je prononce les paroles de la consécration « in persona Christi », en croyant que, grâce à l’Esprit Saint, elles ont le pouvoir de changer le pain en le corps du Christ et le vin en son sang, en même temps, en tant que corps du Christ, je ne ferme plus les yeux, mais je regarde les frères qui sont devant moi ; ou, si je célèbre seul, je pense à ceux que je dois servir durant la journée et, tourné vers eux, je dis mentalement, avec Jésus : « Frères et soeurs, prenez et mangez-en : Ceci est mon corps ; prenez et buvez-en, Ceci est mon sang ».
Par la suite, j’ai trouvé une curieuse confirmation dans les écrits de la vénérable Concepciòn Cabrera de Armida, dite Conchita, la mystique mexicaine fondatrice de trois ordres religieux, dont le procès de béatification est en cours. A son fils jésuite, sur le point d’être ordonné prêtre, elle écrivait :
« Souviens-toi, mon fils, lorsque tu tiendras dans tes mains la Sainte-Hostie, tu ne diras pas : ‘Voici le Corps de Jésus’ et ‘voici son sang’, mais tu diras : ‘Ceci est mon Corps’ et ‘Ceci est mon sang’, c’est-à-dire que doit s’opérer en toi une totale transformation, tu dois te perdre en Lui, être ‘un autre Jésus’ » 6.
L’offrande du prêtre et de toute l’Eglise, sans celle de Jésus, ne serait ni sainte, ni agréable à Dieu, car nous ne sommes que des créatures pécheresses ; mais l’offrande de Jésus, sans celle de son corps qui est l’Eglise, serait elle aussi incomplète et insuffisante : non, bien entendu, pour procurer le salut, mais pour que nous la recevions et que nous nous l’approprions. C’est dans ce sens que l’Eglise peut dire avec saint Paul : « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ » (cf. Col 1, 24).
Nous pouvons illustrer par un exemple ce qui se passe à chaque Messe. Imaginons que dans une famille un des fils, l’aîné, aime particulièrement son père. Il souhaite lui faire un cadeau pour son anniversaire. Mais avant de le lui présenter, il demande, en secret, à tous ses frères et soeurs d’apposer leur signature sur le cadeau. Celui-ci arrive dans les mains du père comme l’hommage indistinct de tous ses enfants et comme un signe de l’estime et de l’amour de tous, mais en réalité, un seul en a payé le prix.
Et, maintenant, l’application. Jésus admire et aime infiniment le Père céleste. Il veut lui faire chaque jour, jusqu’à la fin du monde, le don le plus précieux que l’on puisse imaginer, celui de sa vie même. A la Messe, il invite tous ses « frères », c’est-à-dire nous, à apposer leur signature sur le don, de sorte que celui-ci parvienne à Dieu le Père comme le don indistinct de tous ses enfants, « mon et votre sacrifice (mon sacrifice qui est aussi le vôtre) », comme récite le prêtre dans l’Orate fratres. Mais, en réalité, nous savons qu’un seul a payé le prix d’un tel don. Et quel prix !
3. Le corps et le sang
Pour comprendre les conséquences pratiques qui découlent de tout cela pour le prêtre, il faut tenir compte du sens du mot « corps » et du mot « sang ». Dans le langage biblique, le mot corps, comme le mot chair, ne désigne pas, comme pour nous aujourd’hui, une des trois parties de la personne comme dans la trichotomie grecque (corps, âme, esprit) ; il désigne la personne toute entière, en tant que vivant dans une dimension corporelle (« Le Verbe s’est fait chair », signifie s’est fait homme, non pas os, muscles, nerfs !). A son tour, « sang » ne désigne pas une partie d’une partie de l’homme. Le sang est le siège de la vie, c’est pourquoi l’effusion de sang est signe de la mort.
Avec le mot « corps », Jésus nous a donné sa vie, avec le mot « sang », il nous a donné sa mort. Appliqué à nous, offrir le corps signifie offrir le temps, les ressources physiques, mentales, un sourire qui est typique d’un esprit qui vit dans un corps ; offrir le sang signifie offrir la mort. Non seulement le dernier moment de la vie, mais tout ce qui, dès à présent, anticipe la mort : les mortifications, les maladies, les passivités, tout le négatif de la vie.
Essayons d’imaginer la vie sacerdotale vécue dans cette conscience. Toute la journée, et pas seulement le moment de la célébration, est une eucharistie : enseigner, gérer, confesser, visiter les malades, même le repos, même la détente, tout. Un maître spirituel, le jésuite français Pierre Olivaint, disait : « Le matin, moi prêtre, Lui victime [à l'époque on ne célébrait la messe que le matin] ; le long du jour Lui prêtre, moi victime. Et le Saint Curé d’Ars s’exclamait « Oh ! qu’un prêtre fait bien de s’offrir à Dieu en sacrifice tous les matins » ! » 7.
Grâce à l’eucharistie, même la vie du prêtre âgé, malade, et réduit à l’immobilité, est infiniment précieuse pour l’Eglise. Il offre « le sang ». J’ai rendu visite un jour à un prêtre atteint d’une tumeur. Il se préparait à célébrer une de ses dernières messes avec l’aide d’un jeune prêtre. Il avait également une maladie des yeux qui faisait que ses yeux larmoyaient continuellement. Il m’a dit : « Je n’avais jamais compris l’importance de dire également, en mon nom, à la Messe : « Prenez et mangez ; prenez et buvez … ». A présent, je l’ai compris. C’est tout ce qui me reste et je le dis sans arrêt en pensant à mes paroissiens. J’ai compris ce que veut dire être « pain rompu » pour les autres.
4. Au service du sacerdoce universel des fidèles
Une fois découverte cette dimension existentielle de l’Eucharistie, la fonction pastorale du prêtre va consister à aider les membres du peuple de Dieu à la vivre. L’année sacerdotale ne devrait pas rester une opportunité et une grâce uniquement pour les prêtres, mais aussi pour les laïcs. Le décret Presbyterorum ordinis affirme clairement que le sacerdoce ministériel est au service du sacerdoce universel de tous les baptisés, afin qu’ils « s’offrent eux-mêmes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu (Rm 12, 1). En effet :
« C’est par le ministère des prêtres que se consomme le sacrifice spirituel des chrétiens, en union avec le sacrifice du Christ, l’unique Médiateur, offert au nom de toute l’Église dans l’Eucharistie par les mains des prêtres, de manière non sanglante et sacramentelle, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même » 8.
La Constitution Lumen gentium du Concile Vatican II, à propos du « sacerdoce commun » de tous les fidèles, écrit :
« les fidèles eux, de par le sacerdoce royal qui est le leur, concourent à l’offrande de l’Eucharistie… Participant au sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, ils offrent à Dieu la victime divine et s’offrent eux-mêmes avec elle ; ainsi, tant par l’oblation que par la sainte communion, tous, non pas indifféremment mais chacun à sa manière, prennent leur part originale dans l’action liturgique » 9 .
L’Eucharistie est donc l’acte de tout le peuple de Dieu, pas seulement au sens passif, qui profite à tous, mais également actif, en ce sens qu’il s’accomplit avec la participation de tous. On trouve le fondement biblique le plus clair de cette doctrine dans Romains 12, 1 : « Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre ».
Commentant ces paroles de Paul, saint Pierre Chrysologue, déclarait :
« L’apôtre en demandant cela élève tous les hommes à la dignité sacerdotale. A offrir leurs corps en hostie vivante. Ô dignité inouïe du sacerdoce chrétien, puisque l’homme est à la fois l’hostie et le prêtre. Il ne cherche plus à l’extérieur ce qu’il doit immoler à Dieu ; il apporte avec lui et en lui ce que, pour lui-même, il va sacrifier à Dieu… Frères, ce sacrifice jaillit du modèle du Christ… Deviens, homme, deviens le sacrifice de Dieu et son prêtre » 10.
Essayons de voir comment la manière de vivre la consécration que j’ai illustrée pourrait aider également les laïcs à s’unir à l’offrande du prêtre. Le laïc lui aussi est appelé, nous l’avons vu, à s’offrir au Christ, dans la Messe. Peut-il le faire en utilisant les paroles mêmes du Christ : « Prenez et mangez-en, ceci est mon corps » ? Je pense que rien ne s’y oppose. Ne faisons-nous pas la même chose quand, pour exprimer notre abandon à la volonté de Dieu, nous employons les paroles de Jésus sur la croix : « Père, en tes mains je remets mon esprit », ou quand, dans nos épreuves, nous répétons : « que ce calice s’éloigne de moi ! », ou d’autres paroles du Sauveur ? Employer les paroles du Christ aide à s’unir à ses sentiments.
La mystique mexicaine, mentionnée plus haut, sentait que les paroles du Christ s’adressaient aussi à elle, pas seulement à son fils : « « Je veux que transformé en Moi par la souffrance, par l’amour et par la pratique de toutes les vertus, monte vers le ciel ce cri de ton âme en union avec Moi : ‘Ceci est mon Corps’ et ‘Ceci est mon Sang’ » 11.
Le fidèle laïc doit seulement être bien conscient que ces paroles qu’il dit, à la Messe ou durant le jour, n’ont pas le pouvoir de rendre présent le corps et le sang du Christ sur l’autel. A ce moment-là, il n’agit pas in persona Christi ; il ne représente pas le Christ, comme le prêtre ordonné, il ne fait que s’unir au Christ. C’est pourquoi, il ne prononcera pas les paroles de la consécration à voix haute, comme le prêtre, mais dans son coeur, en les pensant plus qu’en les disant.
Imaginons ce qui se passerait si les laïcs eux aussi, au moment de la consécration, disaient silencieusement : « Prenez et mangez-en : ceci est mon corps. Prenez et buvez-en : ceci est mon sang ». Une mère de famille célèbre ainsi sa Messe, puis va chez elle et commence sa journée faite de mille petites choses. Sa vie est littéralement émiettée ; apparemment elle ne laisse aucune trace dans l’histoire. Or ce qu’elle fait, ce n’est pas rien : c’est une eucharistie avec Jésus ! Une religieuse dit elle aussi, dans son coeur, au moment de la consécration : « Prenez, mangez… » ; ensuite elle vaque à son travail quotidien : enfants, malades, personnes âgées. L’Eucharistie « envahit » sa journée qui devient comme un prolongement de l’Eucharistie.
Mais j’aimerais m’arrêter en particulier sur deux catégories de personnes : les travailleurs et les jeunes. Le pain eucharistique « fruit de la terre et du travail des hommes », a quelque chose d’important à nous dire sur le travail humain, et pas seulement agricole. Dans le processus qui va du grain semé en terre au pain sur la table, intervient l’industrie avec ses machines, le commerce, les transports et une infinité d’autres activités, concrètement tout le travail de l’homme. Enseignons au travailleur chrétien à offrir, à la Messe, son corps et son sang, c’est-à-dire son temps, sa sueur, sa fatigue. Le travail ne sera plus aliénant comme dans la vision marxiste selon laquelle il finit dans le produit qui est vendu, mais sanctifiant.
Et qu’est-ce que l’eucharistie a à dire aux jeunes ? Il suffit de penser à une chose : que veut le monde des jeunes gens et des jeunes filles, aujourd’hui ? Le corps, rien d’autre que le corps ! Le corps, dans la mentalité du monde, est essentiellement un instrument de plaisir et de jouissance. Une chose à vendre, à exploiter tant qu’on est jeune et séduisant, et dont on se débarrassera ensuite, avec la personne, quand il ne servira plus à ces fins. Le corps de la femme, tout particulièrement, est devenu un article de consommation.
Enseignons aux jeunes chrétiens, garçons et filles, à dire, au moment de la consécration : « Prenez et mangez, ceci est mon corps, offert pour vous ». Le corps est ainsi consacré, il devient une chose sacrée, qu’on ne peut plus « jeter en pâture » à sa concupiscence et à celle d’autrui, qu’on ne peut plus vendre, parce qu’il a été donné. Il est devenu eucharistie avec le Christ. L’apôtre Paul écrivait aux premiers chrétiens : « notre corps n’est pas fait pour l’impureté mais pour le Seigneur Jésus… Glorifiez donc Dieu dans votre corps » (1 Co 6, 13.20). Il expliquait aussitôt les deux manières par lesquelles glorifier Dieu dans son corps : ou dans le mariage ou dans la virginité, selon le charisme de la vocation de chacun (cf. 1 Co 7, 1 ss.).
5. Par l’opération de l’Esprit Saint
Où trouver la force, prêtres et laïcs, pour faire cette offrande de soi-même à Dieu, pour se prendre et se soulever, en quelque sorte, de terre avec ses propres mains ? La réponse est l’Esprit Saint ! Le Christ, nous l’avons entendu au début de l’Epître aux Hébreux, s’est offert lui-même en sacrifice « avec un Esprit éternel » (He 9, 14), c’est-à-dire grâce à l’Esprit Saint. C’est l’Esprit Saint qui, de même qu’il suscitait dans le coeur humain du Christ l’impulsion de la prière (cf. Lc 10, 21), a aussi suscité en lui l’impulsion et même le désir de s’offrir au Père en sacrifice pour l’humanité.
Le pape Léon XIII, dans son encyclique sur l’Esprit Saint, déclare que « tous les actes du Christ et en particulier son sacrifice, furent accomplis sous l’influence de l’Esprit Saint (praesente Spiritu) » 12 et à la Messe avant la communion, le prêtre prie avec ces paroles : « Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, qui par la volonté du Père et avec la puissance de l’Esprit Saint a donné vie au monde en mourant (cooperante Spiritu Sancto… ». Ce qui explique pourquoi à la Messe il y a deux « épiclèses », c’est-à-dire deux invocations du Saint Esprit : une, avant la consécration, sur le pain et sur le vin, et une, après la consécration, sur l’ensemble du corps mystique.
Avec les paroles d’une de ces épiclèses (Prière eucharistique III), demandons au Père le don de son Esprit pour être à chaque Messe, comme Jésus, à la fois prêtres et sacrifice : « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire, pour que nous obtenions un jour les biens du monde à venir auprès de la Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu, avec les Apôtres, les martyrs, [saint ...] et tous les saints, qui ne cessent d’intercéder pour nous ».
Traduit de l’italien par ZENIT
NOTES
1 PO, 2.
2 Didachè, 9-10.
3 Augustin, Confessions, 10,43.
4 Eucharisticum mysterium, 3 ; cf. Augustin, De civitate Dei, X, 6 (CCL 47, 279).
5 Grégoire de Naziance, Oratio 2, 95 (PG 35, 497).
6 Conchita. Journal spirituel d’une mère de famille, par M.-M. Philipon, Desclée De Brouwer 1974, p. 102.
7 Citation de Benoît XVI dans la Lettre pour l’indiction d’une Année sacerdotale.
8 PO, 2.
9 Lumen gentium, 10-11.
10 Piere Chrysologue, Sermo 108 (PL 52, 499 s.).
11Journal, cit., p. 199.
12 Léon XIII, Enc. « Divinum illud munus », 6.
bonne nuit
17 mars, 2010La Lettre à Diognète: « Ils cherchaient à le faire mourir car…il disait que Dieu était son propre Père »
17 mars, 2010du site:
http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20100317
Le mercredi de la 4e semaine de Carême : Jn 5,17-30
Commentaire du jour
La Lettre à Diognète (vers 200)
Ch. 9 (trad. Orval ; cf SC 33 bis, p.68)
« Ils cherchaient à le faire mourir car…il disait que Dieu était son propre Père »
Jusqu’à ces temps, qui sont les derniers, Dieu nous a permis de nous laisser emporter au gré de nos penchants désordonnés, entraînés par les plaisirs et les passions. Non qu’il ait pris le moins du monde plaisir à nos péchés ; il tolérait seulement ce temps d’iniquité, sans y consentir. Il préparait le temps actuel de la justice, afin que, convaincus d’avoir été indignes de la vie durant cette période à cause de nos fautes, nous en devenions dignes maintenant par l’effet de la bonté divine…
Il ne nous a pas haïs ; il ne nous a pas repoussés… Nous prenant en pitié, il s’est chargé lui-même de nos fautes, et il a livré son propre Fils en rançon pour nous : le saint pour les impies, l’innocent pour les méchants, « le juste pour les injustes » (1P 3,18), l’incorruptible pour les corrompus, l’immortel pour les mortels. Quoi d’autre que sa justice à lui aurait pu couvrir nos péchés ? En qui pourrions-nous être justifiés…, sinon par le seul Fils de Dieu ? Doux échange, oeuvre insondable, bienfaits inattendus ! Le crime d’un grand nombre est recouvert par la justice d’un seul, et la justice d’un seul justifie de nombreux coupables. Dans le temps passé, il a convaincu notre nature de son incapacité à obtenir la vie ; maintenant il nous a montré le Sauveur capable de sauver ce qui ne pouvait pas l’être. De ces deux manières, il a voulu nous donner la foi en sa bonté et nous faire voir en lui le nourricier, le père, le maître, le conseiller, le médecin, l’intelligence, la lumière, l’honneur, la gloire, la force et la vie.