Archive pour février, 2010

Homélie: 21 février 2010 – 1e dimanche de Carême

20 février, 2010

du site:

http://www.homelies.fr/homelie,1e.dimanche.de.careme,2697.html

21 février 2010 – 1e dimanche de Carême

Famille de saint Joseph

Homélie-Messe  

L’épisode de la tentation au désert fait suite au baptême, où le Père confirme par une voix venant du ciel, que Jésus est son Fils, son Bien-Aimé. Cependant entre les deux récits, l’évangéliste insère de manière inattendue la généalogie de Jésus, qui remonte jusqu’à « Adam, fils de Dieu ». Logiquement on s’attendait à trouver cette généalogie en ouverture de l’Evangile – comme le fait Saint Matthieu. Ce faisant, St Luc veut insister sur le fait que c’est chargé de toute l’humanité livrée au pouvoir du Démon, que Jésus va « être conduit par l’Esprit à travers le désert », pour y être mis pendant quarante jours à l’épreuve. Luc précise d’ailleurs en conclusion de son récit que Jésus a victorieusement « épuisé toutes les formes de tentation » auxquelles l’humanité pouvait être soumise.
Reprenons une à une les trois sollicitations du Tentateur et les trois réponses de Jésus.

1- Première tentation : lorsque Jésus commence à souffrir de la faim, le démon lui suggère :
- « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain ».
Notre Seigneur lui répond :
- « Il est écrit : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre » ».
Jésus cite le livre du Deutéronome : « Le Seigneur ton Dieu t’a fait avoir faim et il t’a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères ne connaissiez, pour te faire reconnaître que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais qu’il vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur » (Dt 8, 2 – 3). Le « signe » que Jésus donne pour « prouver » qu’il est le Fils de Dieu, ce n’est pas un acte miraculeux qui lui permettrait d’échapper à la souffrance ; mais sa soumission inconditionnelle à la Parole de Dieu son Père : « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas… Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre ». (Jn 4, 32 – 34).

2- Deuxième tentation : lorsque le démon lui promet tous les royaumes de la terre, Jésus rétorque : « Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c’est lui seul que tu adoreras ». Notre Seigneur cite à nouveau le Deutéronome, plus précisément le verset qui suit le fameux « Shema Israël » – la profession de foi juive (Dt 6, 13). L’inversion de la perspective entre les exigences du démon et les dons gratuits de Dieu est patente : le démon conditionne le don qu’il prétend faire à l’accomplissement de l’acte d’adoration en sa faveur ; alors que Dieu commence par donner, suite à quoi il nous invite à lui faire confiance. Notre réponse sera donc nécessairement gratuite, puisqu’elle exprime l’adoration, forme suprême de l’amour qui se livre à l’être aimé. Le démon ne connaissant pas la charité, ne peut que proposer un marchandage, caricature mensongère de l’amour.

3- Troisième tentation :
- « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi à ses anges l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre ».
Jésus répond :
- « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu »
C’est-à-dire tu n’exigeras pas de Dieu des preuves de sa présence et de sa protection. Ce n’est pas à l’homme de mettre Dieu à l’épreuve, mais bien plutôt Dieu qui éprouve l’homme pour vérifier la qualité de sa foi.
Les trois réponses de Jésus contrastent singulièrement avec les interpellations du tentateur : visiblement, le démon et le Christ n’ont pas la même idée sur Dieu et sur la filiation ! « Si tu es le Fils de Dieu, prouve-le » semble argumenter le démon ; Jésus le prouve effectivement, mais pas selon le chemin de l’avoir, du pouvoir et de la gloire, mais en restant fidèlement à l’écoute de son Père, pour lui obéir sans délai, comme il convient au Fils.
Cet affrontement entre l’Ennemi et Jésus va perdurer tout au long de son ministère, pour culminer dans la Passion. Aussi est-il éclairant de relire ces trois tentations à la lumière du combat suprême : l’évangéliste précise en effet au terme du récit de l’affrontement au désert : « Ayant ainsi épuisé toute tentation, le diable s’éloigna de lui jusqu’au moment favorable (Lc 4, 13) » ; ce « moment favorable » pour le Prince des ténèbres, c’est le Vendredi Saint. Autour de la Croix, rassemblés par le Fils de l’homme élevé de terre, se tiennent des groupes très différents de « spectateurs » :
- « Le peuple restait là à regarder ; les chefs ricanent ; les soldats aussi se moquent de lui » ; même « l’un des malfaiteurs suspendus à la croix l’injuriait ».
Il est frappant que ces trois (groupes de) personnages, développent la même stratégie : tous font allusion au salut, invitant Jésus à se sauver par ses propres forces et à prouver ainsi la pertinence de ses prétentions messianiques. En y regardant de plus près, on découvre qu’ils font subir au Seigneur, en ordre inversé, les trois tentations qu’il avait victorieusement surmontées au désert :
- « N’es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! »

1- Le malfaiteur lui demande de le sauver de la mort par un acte miraculeux, tout comme le démon lui suggérait « d’ordonner à cette pierre de devenir du pain ». Dans les deux cas, Jésus est invité à manifester qu’il possède la maîtrise de la vie par la puissance de sa Parole ; c’est donc son autorité prophétique qu’il doit justifier. Mais c’est précisément en allant jusqu’au bout de la mission rédemptrice que le Père lui confie, qu’il manifeste qu’il est le Prophète de la fin des temps, celui qui instaure l’ère messianique en réconciliant l’humanité avec Dieu.

2- Se mêlant au concert des insultes, les soldats ajoutent leur partition :
- « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! ».
Autrement dit : « Un roi ne saurait périr aussi lamentablement : fais appel à tes troupes et qu’elles viennent te sauver de cette situation périlleuse ! » Jésus est cette fois intimé de légitimer son autorité royale. Le démon l’avait déjà tenté sur ce point au désert, lorsqu’il lui promettait la participation à sa royauté et à sa puissance, pourvu qu’il se prosterne devant lui pour l’adorer. Mais la royauté de l’amour ne peut s’instaurer par la force : « Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous. Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10, 42-45).

3- Quant aux « chefs », ils ricanent :
- « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Elu ! »
Jésus est sommé par les autorités religieuses de prouver que Dieu est avec lui et pour lui ; de fonder en somme son autorité spirituelle, sacerdotale. N’est-ce pas la même tentation à laquelle le démon avait déjà soumis Notre-Seigneur lorsqu’il l’invitait à se jeter « du sommet du Temple » afin de subjuguer les foules par un prodige ? Mais le culte nouveau ne s’inaugure pas dans la gloire, mais par l’immolation de l’Agneau pascal véritable : « Tout Fils qu’il était, il apprit par ses souffrances l’obéissance, et, conduit jusqu’à son propre accomplissement, il devint pour tous ceux qui lui obéissent cause de salut éternel, ayant été proclamé par Dieu grand prêtre à la manière de Melchisédek » (He 5, 8-10).
Dans les trois interpellations, l’insistance est sur le salut : « « Sauve-toi toi-même » – sous-entendu : – et nous croirons que tu peux nous sauver ». Le défi qui est lancé à Jésus est d’accomplir l’œuvre de rédemption à moindre frais, sans passer par la porte étroite de la vie livrée. Le Christ cependant ne réalise pas le salut par un déploiement de puissance, mais par sa patience héroïque, répondant par un surcroît d’amour à la haine qui le crucifie.

Avouons qu’il y a des jours où nous sommes nous aussi tentés d’argumenter : « N’eût-il pas été plus simple Jésus d’accomplir le miracle qu’on te réclamait, et de descendre de la Croix ? La foule ébahie t’aurait acclamé comme son Roi ; tes opposants auraient été définitivement confondus, et les soldats sans aucun doute convertis… ».
Jésus nous répond en citant le psaume que nous avons prié dans la liturgie de ce dimanche : « Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut et repose à l’ombre du Puissant, je dis au Seigneur « Mon refuge, mon rempart, mon Dieu dont je suis sûr » ». Telle est l’attitude du Christ tout au long de sa vie publique : il se tient à l’ombre du Très-Haut. Notre tentation permanente est précisément de quitter cet abri, de douter qu’il soit sûr, et de chercher d’autres abris, d’autres sécurités. Que de fois n’avons-nous pas résisté à l’action de l’Esprit dans nos vies en refusant de lui faire confiance, et en choisissant d’aller par nos propres chemins lorsque celui du Seigneur nous semblait trop exigeant ?

« Seigneur notre Dieu, en entrant dans ce temps de Carême, temps de recentrement sur l’essentiel, nous te demandons humblement : donne-nous la force de la fidélité, à l’image du Christ ; que nous puissions résister comme lui aux ruses du Tentateur, les yeux fixés sur la victoire du Ressuscité de Pâque. »

Père Joseph-Marie
 

par Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus: Vivre d’Amour !…

20 février, 2010

du site:

http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20000915_teresa_fr.html

Vivre d’Amour !…

Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, Docteur de l’Eglise : Oeuvres (Février 1895)

« Au soir d’Amour, parlant sans parabole Jésus disait : « Si quelqu’un veut m’aimer « Toute sa vie, qu’il garde ma Parole « Mon Père et moi viendrons le visiter.
« Et de son cœur faisant notre demeure «Venant à lui, nous l’aimerons toujours !… « Rempli de paix, nous voulons qu’il demeure « En notre Amour !.. »

Vivre d’Amour, c’est te garder Toi-Même Verbe incréé, Parole de mon Dieu, Ah ! tu le sais, Divin Jésus, je t’aime L’Esprit d’Amour m’embrase de son feu

C’est en t’aimant que j’attire le Père Mon faible cœur le garde sans retour. O Trinité ! vous êtes Prisonnière De mon Amour !…..

Vivre d’Amour, c’est vivre de ta vie, Roi glorieux, délice des élus. Tu vis pour moi, caché dans une hostie Je veux pour toi me cacher, ô Jésus ! A des amants, il faut la solitude Un cœur à cœur qui dure nuit et jour Ton seul regard fait ma béatitude Je vis d’Amour !…

Vivre d’Amour, ce n’est pas sur la terre Fixer sa tente au sommet du Thabor. Avec Jésus, c’est gravir le Calvaire, C’est regarder la Croix comme un trésor!…

Au Ciel je dois vivre de jouissance Alors l’épreuve aura fui pour toujours Mais exilée je veux dans la souffrance Vivre d’Amour; Vivre d’Amour, c’est donner sans mesure Sans réclamer de salaire ici-bas Ah ! sans compter je donne étant bien sûre Que lorsqu’on aime, on ne calcule pas !… Au Cœur Divin, débordant de tendresse J’ai tout donné…. légèrement je cours Je n’ai plus rien que ma seule richesse Vivre d’Amour.

Vivre d’Amour, c’est bannir toute crainte Tout souvenir des fautes du passé. De mes péchés je ne vois nulle empreinte, En un instant l’amour a tout brûlé…..

Flamme divine, ô très douce Fournaise ! En ton foyer je fixe mon séjour. C’est en tes feux que je chante à mon aise : « Je vis d’Amour !… »

Vivre d’Amour, c’est garder en soi-même Un grand trésor en un vase mortel Mon Bien-Aimé, ma faiblesse est extrême Ah je suis loin d’être un ange du ciel !…

Mais si je tombe à chaque heure qui passe Me relevant tu viens à mon secours, A chaque instant tu me donnes ta grâce Je vis d’Amour.

Vivre d’Amour, c’est naviguer sans cesse Semant la paix, la joie dans tous les cœurs Pilote Aimé, la Charité me presse Car je te vois dans les âmes mes sœurs La Charité voilà ma seule étoile A sa clarté je vogue sans détour J’ai ma devise écrite sur ma voile: « Vivre d’Amour. »

Vivre d’Amour, lorsque Jésus sommeille C’est le repos sur les flots orageux Oh ! ne crains pas, Seigneur, que je t’éveille J’attends en paix le rivage des cieux…. La Foi bientôt déchirera son voile Mon Espérance est de te voir un jour La Charité enfle et pousse ma voile Je vis d’Amour !…

Vivre d’Amour, c’est, ô mon Divin Maître Te supplier de répandre tes Feux En l’âme sainte et sacrée de ton Prêtre Qu’il soit plus pur qu’un séraphin des cieux !… Ah! glorifie ton Église Immortelle A mes soupirs, Jésus, ne sois pas sourd Moi son enfant, je m’immole pour elle Je vis d’Amour.

Vivre d’Amour, c’est essuyer ta Face C’est obtenir des pécheurs le pardon O Dieu d’Amour! qu’ils rentrent dans ta grâce Et qu’à jamais ils bénissent ton Nom….

 Jusqu’à mon cœur retentit le blasphème Pour l’effacer, je veux chanter toujours : « Ton Nom Sacré, je l’adore et je l’aime Je vis d’Amour !… »

Vivre d’Amour, c’est imiter Marie, Baignant de pleurs, de parfums précieux, Tes pieds divins, qu’elle baise ravie Les essuyant avec ses longs cheveux… Puis se levant, elle brise le vase Ton Doux Visage elle embaume à son tour. Moi, le parfum dont j’embaume ta Face C’est mon Amour !..

«Vivre d’Amour, quelle étrange folie!» Me dit le monde. « Ah ! cessez de chanter, « Ne perdez pas vos parfums, votre vie, « Utilement sachez les employer !… »

T’aimer, Jésus, quelle perte féconde!… Tous mes parfums sont à toi sans retour, Je veux chanter en sortant de ce monde : « Je meurs d’Amour ! »

Mourir d’Amour, c’est un bien doux martyre Et c’est celui que je voudrais souffrir. O Chérubins ! accordez votre lyre, Car je le sens, mon exil va finir!… Flamme d’Amour, consume-moi sans trêve Vie d’un instant, ton fardeau m’est bien lourd Divin Jésus, réalise mon rêve : Mourir d’Amour !…

Mourir d’Amour, voilà mon espérance Quand je verrai se briser mes liens Mon Dieu sera ma Grande Récompense Je ne veux point posséder d’autres biens. De son Amour je veux être embrasée Je veux Le voir, m’unir à Lui toujours Voilà mon Ciel…. voilà ma destinée : Vivre d’Amour ! ! !….. »

Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, Docteur de l’Eglise : Oeuvres (Février 1895) 

Prière : 

O Dieu, ton Saint Esprit a enflammé le cœur de Sainte Thérèse avec un amour sans réserve à Ton divin Fils et l’a illuminée pour comprendre et pratiquer la Loi Suprême d’Amour. Accorde-nous par son intercession Te trouver en toute personne, en toute chose et dans tous les événements. Nous Te le demandons par le Christ, nôtre Seigneur, Amen. 

Par l’Athénée Pontifical « Regina Apostolorum »

France : Le défi des migrations

20 février, 2010

du site::

http://www.zenit.org/article-23553?l=french

France : Le défi des migrations

Message des Eglises chrétiennes

ROME, Jeudi 18 février 2010 (ZENIT.org) – S’informer, se montrer solidaires et fraternels, s’exprimer, et changer notre regard : c’est l’invitation du Conseil des Eglises chrétiennes en France dans un message aux communautés chrétiennes intitulé « Le défi des migrations ».

Un message publié à l’occasion du premier dimanche de carême, et de l’« Année européenne des Églises pour les migrations ».

Un colloque sur le thème « Les Églises et le défi des migrations » est aussi organisé à Paris le 11 mars prochain, de façon à favoriser l’information

LE DEFI DES MIGRATIONS

L’Europe est une destination privilégiée et la France l’un des principaux pays « choisis » par les migrants. Les chrétiens ne se désintéressent pas de la question des migrations et 2010 a été déclarée « Année européenne des Églises pour les migrations ». Comme responsables d’Églises chrétiennes en France, nous voudrions encourager les fidèles de nos communautés à persévérer dans leur solidarité envers les migrants.

S’informer. La question des migrations fait souvent l’objet d’idées fausses ou de représentations inexactes. Parmi les chrétiens, comme parmi nos concitoyens, peuvent circuler des réponses simplistes à ce problème complexe.

Vous pouvez prendre contact avec les associations et les mouvements chrétiens qui œuvrent au quotidien auprès des demandeurs d’asile et des migrants (1) pour leur demander des brochures d’information qui aident à dépasser les idées préconçues, organiser avec elles une conférence dans votre paroisse.

Le jeudi 11 mars 2010 aura lieu à Paris, sous notre égide, un colloque intitulé « Les Églises et le défi des migrations ». Il permettra d’entendre des analyses et des propositions pour une politique respectueuse des droits humains.

Aujourd’hui, face aux situations dramatiques que connaissent les migrants, les préjugés n’ont pas leur place. Un changement de regard est nécessaire.

Se montrer solidaires et fraternels. Les associations qui soutiennent les migrants les aident à préserver leur dignité et à faire valoir leurs droits. Dans un contexte de plus en plus restrictif en matière de politiques migratoires, il est nécessaire d’assurer leur indépendance et leur liberté de parole. Soutenir ces associations, c’est leur permettre d’être présents efficacement sur le terrain auprès de ceux qui se trouvent en détresse.

Les associations ont aussi besoin de bénévoles pour accueillir et accompagner des migrants, en les aidant par exemple à régulariser leur situation administrative. Nous vous encourageons à vous rendre disponibles, de manière ponctuelle ou régulière.

Aujourd’hui, un partage solidaire avec tous les déracinés qui ont besoin de notre hospitalité est indispensable et urgent.

S’exprimer. Chaque fois que cela est nécessaire, nous vous engageons à aborder la question des migrations avec les autorités locales ; elles ont besoin d’être encouragées dans leurs choix politiques pour que notre pays reste une terre d’accueil.

Il est possible d’interpeller vos élus (maire, parlementaire, conseiller régional) en insistant par exemple pour que les lieux d’aide humanitaire (centres d’accueil et de distribution de soins, d’accès aux droits) demeurent des « sanctuaires » où les migrants peuvent se rendre sans crainte d’être arrêtés.

Aujourd’hui, dans une société de défiance, nous réaffirmons que le migrant est une personne humaine avec des droits fondamentaux inaliénables.

Changer notre regard ; vivre un partage concret avec ceux qui souffrent ; ne pas se taire devant les injustices… voilà le chemin qui peut être le nôtre pendant ce carême. Que notre marche vers Pâques – célébrée cette année à une date commune par toutes les Églises – soit l’occasion d’une mobilisation renouvelée envers ceux à qui le Christ s’est identifié. « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

Pasteur Claude Baty – Mgr Emmanuel – Cardinal André Vingt-Trois

(co-présidents)

1) ACER – Mouvement de jeunesse orthodoxe ; Action des chrétiens pour l’abolition de la torture ; Cimade – Service œcuménique d’entraide ; Comité catholique contre la faim et pour le développement – Terre Solidaire ; Commission justice et paix – Conférence des évêques de France ; Défap – Service protestant de Mission ; Fédération de l’Entraide protestante ; Fraternité orthodoxe en Europe occidentale ; Pastorale des Migrants – Conférence des évêques de France ; Programme Mosaïc – Fédération protestante de France ; Réseau chrétien Immigrés; Secours catholique – Caritas France.

DAVIDS PENANCE

19 février, 2010

DAVIDS PENANCE    dans images sacrée 15%20PSA%20051%20RICHES%20H%20B%20DAVIDS%20PENANCE

The book of Psalms, events and portraits / Le livre des Psaumes événements et portraits / 15 PSA 051 RICHES H B – DAVIDS PENANCE  

http://www.artbible.net/1T/Psa0000_Eventsportraits/index_6.htm

Le Psaume 50, dit Miserere, dans la liturgie

19 février, 2010

du site:

http://www.theolarge.fr/spip.php?article125

Le Psaume 50, dit Miserere, dans la liturgie

10 octobre 2009| Frédérique Poulet

Un commentaire liturgique et théologique du Psaume 50.

Cet article reprend le texte d’une intervention à un colloque Art et miséricorde de Pentecôte 2009.

Nous venons d’écouter le Miserere, l´une des prières les plus célèbres du Psautier, le psaume pénitentiel et de miséricorde le plus intense et le plus répété dans la liturgie, un psaume qui est conjointement le chant du pécheur et le chant de la miséricorde de Dieu, la méditation la plus profonde sur le péché, la faute et sur la grâce, l’action de grâces pour son pardon.

Les psaumes ont été intégrés dans la liturgie chrétienne depuis l’époque de Jésus et des apôtres. Formé à l’école de la prière juive, Jésus a prié les psaumes (Mt 26,30 ; Mc 14,26). De même saint Paul invitait les premières communautés à prier ainsi :

« Chantez à Dieu de tout votre cœur avec reconnaissance, par des Psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés. Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père ! » (Col 3,16b-17)

Ce que l’on retrouve d’ailleurs dans le livre des Actes :

À ce récit, d’un seul élan, ils élevèrent la voix vers Dieu et dirent : « Maître, c’est toi qui as fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve ; c’est toi qui as dit par l’Esprit Saint et par la bouche de notre père David, ton serviteur : Pourquoi cette arrogance chez les nations, ces vains projets chez les peuples ? Les rois de la terre se sont mis en campagne et les magistrats se sont rassemblés de concert contre le Seigneur et contre son Oint. Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate avec les nations païennes et les peuples d’Israël, pour accomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais déterminé par avance..À présent donc, Seigneur, considère leurs menaces et, afin de permettre à tes serviteurs d’annoncer ta parole en toute assurance, étends la main pour opérer des guérisons, signes et prodiges par le nom de ton saint serviteur Jésus. » Ac 4,24-30

Très vite les psaumes vont être intégrés dans la liturgie telle que nous la connaissons, c’est-à-dire en réponse aux lectures. On en a trace dès 210 chez Tertullien et ensuite de façon plus structurée et systématique dans les écrits de la fin du IVe siècle et ce dans plusieurs lieux. C’est donc une pratique commune à plusieurs Églises.

Dans des contextes précis, les psaumes étaient choisis en fonction de leur correspondance avec l’objet de la célébration, par exemple l’heure de la prière « Seigneur ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange » Ps 50 ou le thème des lectures et des fêtes.

 La conversion, la miséricorde : un don de la fraternité
La tradition hébraïque a placé le Psaume sur les lèvres de David, invité d’abord à reconnaître son péché puis à la conversion et à la pénitence par le prophète Nathan (2 S 11-12), (vendredi et samedi de la 3e semaine du temps ordinaire). En effet, comme l’indiquent les deux premiers versets du psaume, le prophète Nathan fait connaître son péché à David : « Du maître de chant. Psaume. De David. Quand Natân le prophète vint à lui parce qu’il était allé vers Bethsabée. » (Ps 50, 1-2).Cette première mention du psaume et le lien que fait la liturgie avec lui est intéressante et nous renseigne sur une première dimension de la miséricorde. Elle nous dit d’emblée, et c’est très important, que la conversion, la miséricorde n’est pas une expérience exclusivement personnelle. Elle manifeste qu’elle est de l’ordre de la responsabilité prophétique. Pour ceux qui ont été baptisés parmi nous, lors de notre baptême, nous avons été oints du saint Chrême et à ce moment là le prêtre a prononcé ces paroles rituelles « Désormais …tu es membre du Corps du Christ et participes à sa dignité de prêtre, prophète et roi » [1] Parce que membre du Corps du Christ chacun a vocation prophétique à devenir le frère au sens évangélique du terme. Être un frère prophétique, c’est être celui qui sait prendre le chemin du cœur du frère non pas pour le condamner, ce n’est pas ce que fait le prophète Nathan avec David, mais pour être celui qui éclaire, qui trouve le chemin vers le cœur du frère, qui lui ouvre les yeux et le cœur et l’empêche de s’enfermer dans son péché et dans sa faute. C’est une dimension importante de l’expérience de la miséricorde, elle est à la fois très personnelle, le psaume 50 est un psaume en je « pitié pour moi, ma faute est toujours devant moi, ce qui est mal à tes yeux je l’ai fait, etc. » et en même temps ce cri vers Dieu, cette reconnaissance de la faute, cette prière surgit parce qu’un frère (médiation dans l’ordre spirituel) a su trouver le chemin du cœur. Il est en ce sens important de regarder dans le tableau le nombre important de fois où le psaume 50 est pris durant le temps du carême. Or qu’est-ce que le carême ? C’est un temps de conversion à la fois communautaire et personnel. Ainsi Durant le temps où l’Église est appelée à traduire par une vie de conversion ce qu’elle a reçu au baptême, durant le temps de la grande convocation de tout le peuple de Dieu, pour qu’il se laisse purifier et sanctifier par son Sauveur et Seigneur, durant ce temps on chante, plus qu’en tout autre temps liturgique, le psaume 50.

Il s’agit de la première dimension de la miséricorde, elle est un don de la fraternité et de la communauté. Un chemin ouvert dans le cœur par la présence du frère. Le ps 50 est d’ailleurs en ce sens chargé de thèmes prophétiques qui vont nous éclairer sur sa nature. Il s’agit d’un psaume qui est une réponse à une invitation à la conversion, invitation qui est d’ordre prophétique. C’est là le rôle des deux premiers versets, mais aussi selon Patrick Faure [2] que je cite, du psaume 49 qui précède et qui forme avec le psaume 50 un diptyque.

On peut aussi noter, d’ailleurs dans le psaume des thèmes prophétiques tels que celui de l’alliance nouvelle, renouvelée et raffermie (Jr 31,31) lu lors du 5e dimanche de carême B, et du jeudi de la 18e semaine du temps ordinaire, du cœur nouveau et de l’Esprit de Dieu communiqué à l’homme qui se tourne vers Dieu cf. Ez 36 (Vigile Pascale et jeudi de la 20e semaine du temps ordinaire).

 La miséricorde un don qui est fait à chacun
Comment entrer dans ce mouvement de miséricorde auquel chacun est appelé ? Je dirais simplement qu’il suffit de se laisser guider par le psaume, d’entrer dans le chant du psaume, de devenir psaume. Chanter dans la liturgie le psaume 50 c’est faire sien le mouvement de la miséricorde. Un mouvement qui comporte trois temps. Nous avons donc vu le premier et ensuite, de manière habituelle, on divise le psaume 50 en deux parties et une conclusion. Les versets 3 à 11 (« Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour… ») puis 12-19 (« Crée en moi un cœur pur… »)et enfin la conclusion, v. 20-21 (« Accorde à Sion le bonheur… »).

Il y a tout d´abord la reconnaissance du péché et de son emprise sur celui qui chante le psaume. (cf. v. 3-11), L’homme se trouve dans la condition de pécheur, et ce depuis le début de son existence. Même si le psaume est pris après le récit de la genèse et la manducation du fruit de l’arbre du jardin lors du premier dimanche de carême de l’année A on ne peut y voir, dit Jean Paul II lui-même commentant ce psaume, une « formulation explicite de la doctrine du péché originel, telle qu´elle a été définie par la théologie chrétienne  ». Toutefois, ajoute-t-il, il ne fait aucun doute qu´elle y correspond : elle exprime en effet la dimension profonde de la faiblesse de l´homme qui se trouve dans la condition de pécheur, solidaire dès sa naissance d’un monde marqué par le mal. « Moi, je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère ».( v.7) Il ne faut pas voir ici une vision négative de l’homme mais bien plutôt une saine reconnaissance de sa faiblesse. Le Psaume apparaît dans cette première partie comme une ouverture à la lumière de Dieu, à son amour et une offrande à son regard de miséricorde. Le psaume s’adresse à Dieu, » Pitié pour moi mon Dieu dans ton amour, selon ta grande miséricorde efface mon péché » (v. 3) Ce n’est pas l’homme pécheur qui fait une introspection, c’est l’ouverture à la lumière qui permet de nommer le péché, péché qui malheureusement touche l’homme mais et c’est absolument capital, péché dont il se sait déjà libérable. C’est d’ailleurs cela le sens de la pénitence, se tourner, se convertir, se tourner vers Celui qui peut sauver. C’est d’ailleurs le sens de nombreuses lectures auxquelles le Ps 50 répond. Le livre de Joël au chapitre 2 (Mercredi des cendres), Jonas au chapitre 3 (Mercredi de la 1ère semaine de carême) Le livre d’Osée au chapitre 14 (vendredi de la 14e semaine du temps ordinaire) le livre d’Ézéchiel au chapitre 18 (Samedi de la 19e semaine du temps ordinaire), c’est la démarche de l’ensemble du carême qui est largement balisé, depuis le mercredi des cendres jusqu’à la vigile pascale par ce psaume. C’est renoncer à tout ce qui entraîne vers la mort en se tournant vers celui qui peut sauver de la mort du péché. Car, et c’est là la réalité, le péché est un désastre pour un Dieu qui a créé l’homme à son image et qui aime sa créature de tout son être, de toutes ses entrailles de miséricorde. En fait le péché est une aberration autant pour Dieu que pour la créature, et d’ailleurs la première mention du péché dans le psaume c’est le terme hébreu hata ??? qui signifie littéralement « manquer la cible », pécher, commettre une faute. Ce terme apparaît ainsi au moins en 6 versets (4b, 5b, 6a, 7b, 9a, 11a). Le deuxième terme hébreu est awon ??? qui renvoie à l´image d’iniquité, de ce qui est tordu, courbé. Le péché est donc une déviation tortueuse, il est l´inversion, la distorsion, la déformation du bien et du mal Le troisième mot avec lequel le Psalmiste parle du péché est peshá .??? Il exprime le refus de dépendance de Dieu et de son projet pour l´histoire humaine. Comme le dit Matthieu Collin [3] la première partie du psaume 50 joue donc avec le vocabulaire du péché. Comme nous venons de le voir, on a un grand nombre de désignations du péché. Et l’on pourrait croire qu’il s’agit là seulement d’un psaume de reconnaissance du péché, un psaume axé sur le péché alors que nous parlons aujourd’hui de miséricorde. Ce pourrait être le cas si nous ne faisions pas mention d’un verset central dans cette première partie. Il s’agit du verset 6b. Nous allons donc le reprendre et voir comment il s’inscrit dans le psaume. On a un psaume dont toute la première partie est assez intimiste. Il suffit de relever le nombre de fois ou on a je, moi, etc. bref, la première personne du singulier. Mais ce je, ce moi, n’est pas tout seul, il se tourne vers un Tu qu’il appelle et dont il a déjà expérimenté l’amour. C’est là tout le mouvement de la miséricorde.

 On ne peut se reconnaître pécheur que face à un Dieu qui nous aime
Jean Vanier aime à dire qu’on ne peut se montrer vulnérable que devant des gens qui vous aiment. Et c’est aussi vrai dans la vie liturgique. Faire siennes les paroles du psaume nécessite d’avoir déjà rencontré Dieu, qui devient dès le premier verset » Mon Dieu » et un Dieu qui aime, dont on a fait l’expérience de l’amour. On ne peut demander pardon et reconnaître sa faute qu’à la lumière de l’amour et c’est pourquoi dans la liturgie on ne commence pas par le psaume dans la liturgie de la Parole. Il s’agit toujours de ce qu’on appelle un psaume responsorial. Dieu aime, il est toujours à l’initiative de l’Alliance et c’est pourquoi sa Parole est toujours première, elle invite à la conversion et le psaume est réponse, deuxième mouvement, réponse à une Parole de Celui qui propose une alliance ou de renouveler une alliance ou qui montre la rupture d’Alliance car Dieu aime même quand il y a rupture d’alliance, il fait miséricorde. Et ce Dieu qui aime, ne cesse de renouveler son alliance comme le rappelle le verset 3. Dans ce verset on retrouve d’ailleurs, comme le fait remarquer Patrick Faure, trois termes. « pitié, amour fidèle, miséricorde  » qui sont ceux du livre de l’Exode au chapitre 34 (le veau d’or 24e dimanche du temps ordinaire). Face à la rupture d’alliance, face au péché d’idolâtrie Dieu aime avec pitié, amour fidèle et miséricorde. Et ce Dieu qui est miséricorde est aussi un Dieu qui montre sa justice (v5.6a) qui juge et montre sa victoire v.6b. Et c’est là le thème central de cette première partie. Que veut donc dire cette justice, finalement ce psaume est-il bien adapté et les liturgistes ont-ils fait le bon choix en le retenant comme psaume de miséricorde ? N’est-on pas plutôt dans une optique de faute et de jugement ? Il faut se poser la question et on ne peut l’éluder. Car, pour bien comprendre ce qu’est la miséricorde il faut aussi comprendre ce que veut dire un Dieu qui montre sa justice, ce qu’est la justice de Dieu. Cela ne signifie pas que Dieu est un juge impartial et neutre au-dessus des parties en procès mais un juge atteint par le péché « contre Toi et Toi seul » et qui ne demande qu’à justifier.

 Le Dieu, juge de justice, c’est celui qui restaure dans la dignité
Le Dieu, juge de justice, c’est celui qui permet à sa créature d’être justifié au sens théologique du terme, celui qui restaure dans la dignité, qui restaure selon l’ordre de la grâce et redonne possibilité de vivre l’alliance. C’est là le sens de la justice et de la référence à un Dieu de justice. Dieu justifie, donne sa grâce et son pardon au pécheur qui l’implore. C’est pour cela que l’on a cette mention de la justice de Dieu au verset central de la première partie du psaume. C’est là le message central de cette partie du psaume. C’est Dieu qui ne peut s’arrêter au péché, parce que, quand il pèche, l’homme n’est pas ajusté à Dieu. La justice de Dieu n’est pas à opposer à sa miséricorde. La miséricorde divine est juste. Justifier pour Dieu c’est redonner vie, faire miséricorde restaurer dans l’ordre de la grâce, ce n’est pas pointer un manquement à la loi (d’ailleurs dans la liturgie, le psaume 50 n’est jamais chanté après un texte du deutéronome ou du lévitique par exemple). D’ailleurs le v.5 le confirme, le psalmiste dit « ce qui est mal à tes yeux je l’ai fait »… mais on n’en sait pas plus, il ne nomme pas tel ou tel manquement. Celui à qui Dieu fait miséricorde retrouve la joie des sauvés, la joie de ceux qui ont lavés, plongés dans l’amour. Et dans cette perspective il est tout à fait logique de trouver ce psaume pour encadrer la démarche du carême, préparation à l’alliance nouvelle, à la purification et à la restauration de la créature (marquée par le péché originel) par son créateur qui est tout amour. On retrouve bien ici le choix du psaume 50 pour répondre à la proclamation de Genèse 2 lors du premier dimanche du carême année A. Dieu ne peut abandonner sa créature qui crie devant lui et reconnaît sa pauvreté. Le psaume 50 est un psaume qui se joue entre purification et recréation. Pas l’un sans l’autre.

 Faire l’expérience de la miséricorde, c’est être renouvelé, recréé
Faire l’expérience de la miséricorde et c’est ce que nous apprend ce psaume, ce n’est pas seulement être purifié de ses péchés, c’est être purifié dans un mouvement qui recrée, qui renouvelle, qui ajuste au projet de Dieu. La miséricorde redonne vie. L’usage liturgique du psaume 50 nous apprend que faire miséricorde c’est guérir la vie. C’est d’ailleurs le sens de l’emploi de ce psaume pour répondre à la prière de Moïse face à Myriam touchée par la lèpre (mardi de la 18e semaine du temps ordinaire) « mon Dieu je t’en prie guéris-la ». Car le péché est une lèpre qui ronge la vie et on en retrouve une allusion très claire au v.9 puisque, comme l’explique M. Mannati, [4] on parle de purification avec l’hysope et qu’il était d’usage d’asperger les lépreux avec une branche d’hysope pour leur purification rituelle (Lv14). On peut aussi aisément faire le lien entre la blancheur de la neige (v.9) et le manteau blanc dont étaient revêtus les catéchumènes, car le baptême purifie et justifie pour la vie » Que cette eau reçoive de l’Esprit Saint la grâce de ton Fils unique, afin que l’homme, créé à ta ressemblance et lavé par le baptême des souillures qui déforment cette image puisse renaître de l’eau et de l’Esprit pour la vie nouvelle d’enfant de Dieu » [5]. Pour résumer cette première partie du psaume si l´homme confesse son péché, la justice salvifique de Dieu est prête à le purifier radicalement et à lui redonner vie.

 La miséricorde ou le voyage dans « la région lumineuse de la grâce »
Il nous faut maintenant entrer dans la deuxième partie et considérer le deuxième mouvement de la miséricorde, entrer dans « la région lumineuse de la grâce » (v. 12-19) comme le disait Jean-Paul II commentant ce psaume. En effet, à travers la reconnaissance de son péché, s´ouvre pour l´orant un horizon de lumière, dans lequel Dieu est à l´œuvre. Le Seigneur n´agit pas seulement négativement, en éliminant le péché, mais il recrée l´humanité pécheresse à travers son Esprit vivifiant : l’Esprit dans l’Église est celui qui vivifie, qui « donne la vie » dit le symbole des apôtres. On trouve trois mentions de l’Esprit au début de cette deuxième partie du psaume (v.12b, 13b, 14b). De lui même l’homme ne peut pas passer du péché à la grâce, seul Dieu, par son Esprit, peut transformer le cœur blessé par le péché en cœur vivant. il donne à l´homme un “cœur” « nouveau et pur » ( Cf. Ez 18,samedi 19e semaine du temps ordinaire). Il faut noter que la mention de l’Esprit Saint (v.13b) est extrêmement rare dans l’Ancien Testament. On ne la trouve que deux fois, ici et en Is 63,10-14 [6]. Ainsi de même que l’Esprit a fait sortir Moïse et son peuple de la terre d’esclavage, de même l’Esprit accompagne celui qui prie le psaume dans sa marche, dans sa sortie de l’esclavage du péché, de la violence (au verset 16 on fait mention du sang) vers le domaine de la vie selon l’ordre de la grâce. Origène parle à ce propos d´une thérapie divine, que le Seigneur accomplit à travers sa parole et à travers l´œuvre de guérison du Christ . Aux versets 16 et 17 le psalmiste ne se contente plus de reconnaître la justice de Dieu de la même façon qu’au verset.6 car le mot justice est alors associé au mot louange. Par l’Esprit Saint la justice est devenue efficace dans la vie de celui qui chante le psaume, qui prie le psaume. Il est en train de faire l’expérience de la miséricorde, il se laisse recréer. C’est pourquoi il ne craint pas d’offrir son cœur brisé et broyé à Dieu, à la force de l’Esprit Saint.( v.19) Il entre dans le mouvement de miséricorde qu’on retrouve par exemple en Ézéchiel au chapitre 18 (samedi de la 19e semaine du temps ordinaire) « Rejetez tous vos péchés, faites vous un cœur nouveau et un esprit nouveau ». C’est là le seul sacrifice qui plaît à Dieu (cf. Os 6,1-6 samedi de la 3e semaine de carême). Les derniers versets, sans doute rajoutés après l’exil, montrent, comme nous l’avions vu au départ, que la miséricorde n’est pas seulement une expérience personnelle mais un enrichissement de toute la communauté, de toute l’Église « Relève les murs de Jérusalem » (v.20) En accueillant la miséricorde, le cœur brisé devient cœur renouvelé, ferment d’unité et d’amour dans l’Église. Par ces deux versets, l’expérience vécue prend une portée communautaire. L’oracle Ézéchiel au chapitre 36 (jeudi 20e semaine du temps ordinaire) reprend d’ailleurs la même logique. Le prophète parle d’abord de la recréation personnelle (cœur nouveau, esprit nouveau) et ensuite étend cela à toute la ville.

 La miséricorde : une dynamique de recréation
Le regard d´ensemble posé sur ce texte liturgique donne de découvrir le processus de la miséricorde. Il s’agit d’un dynamisme de recréation qui offre un cœur brisé à l’amour blessé de Dieu qui fait toutes choses nouvelles quand passe le vent de l’Esprit. Il n’a pas été retenu par la liturgie pour la Pentecôte, on peut quelquefois le regretter car il mentionne l’Esprit Saint mais peu importe il permet de découvrir par expérience le cœur miséricordieux de Dieu, c’est là son rôle essentiel. Et quand l’art se joint au texte, comme dans le Miserere d’Allegri, alors il suffit de se laisser porter, d’ouvrir son cœur qui devient miséricordieux. Chanter le psaume c’est entrer dans la joie de la miséricorde éprouvée par le cœur pur.

Pour terminer un texte de Saint Isaac le Syrien (7e siècle) qui nous rappelle l’enjeu de ce chant du psaume 50

« Quand l’homme reconnaît-il que son cœur atteint la pureté ? … qu’est-ce- que cette pureté ? En peu de mots, c’est la miséricorde du cœur à l’égard de l’univers entier. Et qu’est- ce que la miséricorde du cœur, c’est la flamme qui l’embrase pour toute la création…pour tout être créé. Quand il songe à eux ou quand il les regarde, l’homme sent ses yeux s’emplir des larmes d’une profonde, d’une intense pitié qui lui étreint le cœur et le rend incapable de tolérer, d’entendre, de voir le moindre tort ou la moindre affliction endurée par une créature. C’est pourquoi la prière accompagnée de larmes s’étend à toute heure aussi bien sur les êtres dépourvus de parole que sur les ennemis de la vérité, ou sur ceux qui lui nuisent, pour qu’ils soient gardés et purifiés. Une compassion immense et sans mesure naît dans le cœur de l’homme, à l’image de Dieu. » [7]

[1] Rituel du baptême des petits enfants, Paris, Mame/Tardy, 1984, (RR98) RF n° 140.
[2] Patrick Faure, Des chemins s’ouvrent dans leurs cœurs. Étude et méditation des Psaumes, Parole et silence, 2007, p.66.
[3] Matthieu Collin, Comme un murmure de cithare. Introduction aux psaumes, DDB, 2008.
[4] M. Mannati, le Psaume 50 est-il un Rib, Sem 23 (1973) p.27-50.
[5] Rituel du baptême des petits enfants, Bénédiction de l’eau à la veillée pascale et hors du temps pascal RR 91 ( RF 132)
[6] Dans ce récit d’Isaïe, l’hagiographe fait une relecture de l’Exode au cours de laquelle l’Esprit Saint guide Moïse pour conduire Israël.
[7] Isaac le Syrien, Discours ascétique, §81 (trad. AELF, 1974), p.656.

jean PAUL II, Audience 24 octobre 2001: « Seigneur, prends pitié de moi » (Ps 50, 3-5.11-12.19)

19 février, 2010

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2001/documents/hf_jp-ii_aud_20011024_fr.html

JEAN PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 24 octobre 2001    

« Seigneur, prends pitié de moi »

Lecture:  Ps 50, 3-5.11-12.19

1. Nous avons écouté le Miserere, l’une des prières les plus célèbres du Psautier, le Psaume pénitentiel le plus intense et le plus répété, le chant du pécheur et du pardon, la méditation la plus profonde sur la faute et sur la grâce. La Liturgie des Heures nous le fait répéter lors des Laudes de chaque vendredi. Depuis de nombreux siècles, il s’élève vers le ciel du coeur de nombreux fidèles juifs et chrétiens, comme un soupir de repentir et d’espérance adressé à Dieu miséricordieux.

La tradition hébraïque a placé le Psaume sur les lèvres de David, invité à la pénitence par les paroles sévères du prophète Nathan (cf. vv. 1-2; 2 S 11-12), qui lui reprochait l’adultère accompli avec Bethsabée et d’avoir tué son mari, Urie. Toutefois, le Psaume s’enrichit au cours des siècles suivants par la prière de nombreux autres pécheurs, qui reprennent les thèmes du « coeur nouveau » et de l’ »Esprit » de Dieu communiqué à l’homme racheté, selon l’enseignement des prophètes Jérémie et Ezéchiel (cf. v. 12; Jr 31, 31-34; Ez 11, 19; 36, 24-28).

2. Les scènes que le Psaume 50 décrit sont au nombre de deux. Il y a tout d’abord la région ténébreuse du péché (cf. vv. 3-11), dans laquelle l’homme se trouve depuis le début de son existence:  « Vois, mauvais je suis né, pécheur ma mère m’a conçu » (v. 7). Même si cette déclaration ne peut pas être prise comme une formulation explicite de la doctrine du péché originel, telle qu’elle a été définie par la théologie chrétienne, il ne fait aucun doute qu’elle y correspond:  elle exprime en effet la dimension profonde de la faiblesse morale innée de l’homme. Le Psaume apparaît dans cette première partie comme une analyse du péché, effectuée devant Dieu. Trois termes hébreux sont utilisés pour définir cette triste réalité, qui provient de la liberté humaine mal utilisée.

3. Le premier terme, hattá, signifie littéralement « manquer la cible »:  le péché est une aberration qui nous mène loin de Dieu, objectif fondamental de nos relations, et par conséquent également loin de notre prochain.

Le deuxième terme hébreu est ‘awôn, qui renvoit à l’image de « tordre », de « courber ». Le péché est donc une déviation tortueuse de la voie droite; il est l’inversion, la distorsion, la déformation du bien et du mal, dans le sens déclaré par Isaïe:  « Malheur à ceux qui appellent le mal bien et bien le mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres » (Is 5, 20). C’est précisément pour cette raison que, dans la Bible, la conversion est indiquée comme un « retour » (en hébreu shûb) sur la voie droite, après avoir effectué une correction de la route.

Le troisième mot avec lequel le Psalmiste parle du péché est peshá. Il exprime la rébellion d’un sujet à l’égard de son souverain, et donc un défi ouvert lancé à Dieu et à son projet pour l’histoire humaine.

4. Cependant, si l’homme confesse son péché, la justice salvifique de Dieu est prête à le purifier radicalement. C’est ainsi que l’on passe dans la seconde région spirituelle du Psaume, la région lumineuse de la grâce (cf. vv. 12-19). En effet, à travers la confession des fautes s’ouvre pour l’orant un horizon de lumière, dans lequel Dieu est à l’oeuvre. Le Seigneur n’agit pas seulement négativement, en éliminant le péché, mais il recrée l’humanité pécheresse à travers son Esprit vivifiant:  il donne à l’homme un « coeur » nouveau et pur, c’est-à-dire une conscience renouvelée, et il lui ouvre la possibilité d’une foi limpide et d’un culte agréable à Dieu.

Origène parle à ce propos d’une thérapie divine, que le Seigneur accomplit à travers sa parole et à travers l’oeuvre de guérison du Christ:  « De la même façon que, pour le corps, Dieu prédispose les remèdes des herbes thérapeutiques savamment mélangées, il prépare également des médicaments pour l’âme, grâce aux paroles qu’il communique, en les transmettant dans les divines Ecritures… Dieu se livra également à une autre activité médicale, dont l’archiâtre est le Sauveur, qui dit de lui-même:  « Ce ne sont pas les personnes saines qui ont besoin de médecins, mais les malades ». Il était le médecin par excellence capable de soigner toute faiblesse, toute infirmité » (Homélie sur les Psaumes, Florence 1991, p. 247-249).

5. La richesse du Psaume 50 mériterait une exégèse soigneuse de chacune de ses parties. C’est ce que nous ferons, lorsqu’il recommencera à retentir dans les divers vendredi des Laudes. Le regard d’ensemble, que nous avons à présent donné à cette grande supplication biblique, nous révèle déjà plusieurs composantes fondamentales d’une spiritualité qui devrait se refléter dans l’existence quotidienne des fidèles. Il y a tout d’abord un sens très vif du péché, perçu comme un choix libre, possédant une connotation négative au niveau moral et théologal:  « Contre toi, toi seul, j’ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l’ai fait » (v. 6).

Le Psaume contient ensuite un sens tout aussi vif de la possibilité de la conversion:  le pécheur, sincèrement repenti, (cf. v. 5), se présente dans toute sa misère et sa nudité à Dieu, en le suppliant de ne pas le repousser loin de sa présence (cf. v. 13).

Il y a enfin, dans le Miserere, la conviction bien enracinée du pardon divin qui « efface, lave et purifie » le pécheur (cf. vv. 3-4) et qui parvient même à le transformer en une nouvelle créature, qui possède un esprit, une langue, des lèvres, un coeur transfigurés (cf. vv. 14-19). « Même si nos péchés – affirmait sainte Faustyna Kowalska – étaient noirs comme la nuit, la miséricorde divine est plus forte que notre misère. Il n’y a besoin que d’une chose:  que le pécheur entrouvre un peu la porte de son propre coeur [...] le reste c’est Dieu qui l’accomplira [...] Chaque chose commence dans ta miséricorde et finit dans ta miséricorde » (M. Winowska, L’icône de l’Amour miséricordieux. Le message de soeur Faustyna, Rome 1981, p. 271).

An unidentified Cardinal puts ash on Pope Benedict XVI…

18 février, 2010

An unidentified Cardinal puts ash on Pope Benedict XVI...  dans images

An unidentified Cardinal puts ash on Pope Benedict XVI’s head during the celebration of Ash Wednesday mass at the Basilica of Santa Sabina, in Rome, Wednesday, Feb. 17 2010. Ash Wednesday marks the beginning of Lent, a solemn period of 40 days of prayer and self-denial leading up to Easter.
(AP Photo/Alessia Pierdomenico, pool)

http://news.yahoo.com/nphotos/slideshow/ss/events/wl/033002pope#photoViewer=/100217/481/8279dd286cf24ba085f59453abb78a10

Père Cantalamessa: Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu (2007-03-09, anné C je croix – Première prédication de Carême )

18 février, 2010

du site:

http://www.cantalamessa.org/fr/predicheView.php?id=145

Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu 
 
2007-03-09- Première prédication de Carême
 
1. De la pureté rituelle à la pureté du cœur

Poursuivant notre réflexion sur les béatitudes évangéliques, commencée durant les semaines de l’Avent, nous voulons réfléchir, dans cette première méditation de Carême, sur la béatitude des cœurs purs. Quiconque lit ou entend proclamer aujourd’hui : « Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu », pense instinctivement à la vertu de pureté, comme si la béatitude était l’équivalent positif et intériorisé du sixième commandement : ‘Tu ne commettras pas d’actes impurs’ ». Cette interprétation, avancée sporadiquement dans le courant de l’histoire de la spiritualité chrétienne, est devenue prédominante à partir du XIXème siècle.

En réalité, dans la pensée de Jésus, avoir le cœur pur n’est pas une vertu particulière, mais une qualité qui doit accompagner toutes les vertus, afin que celles-ci soient vraiment des vertus et non de « splendides vices ». Son contraire le plus direct n’est pas l’impureté mais l’hypocrisie. Un peu d’exégèse et d’histoire nous aideront à mieux comprendre.

Ce que Jésus entend par « cœur pur », se déduit clairement à partir du contexte du sermon sur la montagne. Selon l’Evangile, ce qui décide de la pureté ou de l’impureté d’une action – qu’il s’agisse de l’aumône, du jeûne ou de la prière – c’est l’intention, c’est-à-dire si cette action est faite pour être vue par les hommes, ou pour plaire à Dieu :

« Quand donc tu fais l’aumône, ne va pas le claironner devant toi ; ainsi font les hypocrites, dans les synagogues et les rues, afin d’être glorifiés par les hommes ; en vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 2-6).

L’hypocrisie est le péché que Dieu dénonce avec le plus de force tout au long de la Bible, et la raison de cela est claire. En faisant acte d’hypocrisie l’homme déclasse Dieu, le relègue au second plan, et place devant les créatures, le public. « Il ne s’agit pas de ce que voient les hommes, car ils ne voient que les yeux, mais Yavhé voit le coeur » (1 S 16, 7) : cultiver l’apparence plus que le cœur, signifie donner plus d’importance à l’homme qu’à Dieu.

L’hypocrisie est donc essentiellement un manque de foi ; mais c’est aussi un manque de charité envers le prochain, dans ce sens qu’elle tend à réduire les personnes à des admirateurs. Elle ne leur reconnaît pas une dignité propre mais les voit uniquement en fonction de leur image.

Le jugement de Jésus sur l’hypocrisie est sans appel : Receperunt mercedem suam : ils ont déjà reçu leur récompense ! Une récompense qui est de plus illusoire, également sur le plan humain, puisque la gloire, on le sait, échappe à tous ceux qui la recherchent, et poursuit ceux qui la fuient.

Les paroles violentes que Jésus prononce contre les scribes et les pharisiens, qui sont toutes centrées sur l’opposition entre le « dedans » et le « dehors », l’intérieur et l’extérieur de l’homme, aident également à comprendre le sens de la béatitude des cœurs purs.

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de toute pourriture ; vous de même, au-dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité » (Mt 23, 27-28).

La révolution que Jésus réalise dans ce domaine est d’une portée incalculable. Avant lui, mises à part quelques rares allusions chez les prophètes et dans les psaumes (Ps 24, 3 : « Qui montera sur la montagne de Yahvé ? et qui se tiendra dans son lieu saint ? »), la pureté était présentée dans le sens de rite et de culte ; elle consistait à se tenir à l’écart des choses, des animaux, des personnes ou des lieux censés contaminer l’homme ou l’éloigner de la sainteté de Dieu. La naissance, la mort, l’alimentation, la sexualité, surtout, entrent dans ce cadre-là. C’était le cas aussi dans d’autres religions, en dehors de la Bible, sous d’autres formes et avec des présupposés différents.

Jésus fait table rase de tous ces tabous. Par les gestes qu’il accomplit tout d’abord : il mange avec les pécheurs, touche les lépreux, fréquente les païens : tout ce que l’on considérait comme potentiellement contaminant pour l’homme ; puis par les enseignements qu’il donne. Le ton solennel qu’il utilise pour introduire son discours sur le pur et l’impur fait comprendre combien lui-même était conscient de la nouveauté de son enseignement :

« Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme… Car c’est du dedans, du cœur des hommes, que sortent les desseins pervers : débauches, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, ruse, impudicité, envie, diffamation, orgueil, déraison. Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans et souillent l’homme » (Mc 7, 14-15. 21-23).

« Ainsi il déclarait purs tous les aliments », relève avec émerveillement l’évangéliste (Mc 7,19). Face à certains judéo-chrétiens qui souhaitent restaurer cette distinction entre pur et impur dans les aliments et dans d’autres secteurs de la vie, l’Eglise apostolique réaffirmera avec force : « Tout est pur pour les purs », omnia munda mundis (Tt 1, 15; cf. Rm 14, 20).

La pureté, comprise dans le sens de continence et de chasteté, n’est pas absente de la béatitude évangélique (parmi les choses qui polluent le cœur, Jésus cite également, nous l’avons entendu, « les débauches, l’adultère, l’impudicité »); mais la place qu’elle occupe est limitée et pour ainsi dire « secondaire ». C’est un domaine parmi d’autres. Ce qui est mis en évidence c’est la place qu’occupe le « cœur ». Il dit par exemple : « Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle » (Mt 5, 28).

En réalité, dans le Nouveau Testament, les mots « pur » et « pureté » (katharos, katharotes) ne servent jamais à indiquer ce que nous entendons nous aujourd’hui par ces mots, c’est-à-dire l’absence des péchés de la chair. C’est la raison pour laquelle on utilise d’autres mots : maîtrise de soi (enkrateia), tempérance (sophrosyne), chasteté (hagneia).

De tout ce qui a été dit, apparaît clairement que Jésus est l’homme au cœur pur par excellence. Ses adversaires sont obligés de dire de lui : « Maître, nous savons que tu es véridique et que tu ne te préoccupes pas de qui que ce soit ; car tu ne regardes pas au rang des personnes, mais tu enseignes en toute vérité la voie de Dieu » (Mc 12, 14). Jésus pouvait dire de lui : « Je ne cherche pas ma gloire » (Jn 8, 50).

2. Un aperçu historique

Dans l’exégèse des Pères nous voyons se profiler très vite les trois directions fondamentales vers lesquelles la béatitude des cœurs purs tendra et auxquelles l’histoire de la spiritualité chrétienne donnera son interprétation : morale, mystique et ascétique. L’interprétation morale met l’accent sur la rectitude d’intention, l’interprétation mystique sur la vision de Dieu, l’interprétation ascétique sur la lutte contre les passions de la chair. Ces trois exemples sont expliqués, respectivement, par Augustin, Grégoire de Nysse et Jean Chrysostome.

En respectant fidèlement le contexte évangélique, Augustin interprète la béatitude d’un point de vue moral, comme un refus de « pratiquer votre justice devant les hommes pour vous faire remarquer d’eux » (Mt 6, 1), donc comme quelque chose de simple et de franc qui s’oppose à l’hypocrisie. « Seul celui qui s’élève au dessus des louanges humaines ; qui, en faisant le bien, n’a en vue et ne cherche à plaire qu’à Celui qui pénètre les consciences, a le cœur simple, c’est-à-dire pur » (1), écrit-il.

Le facteur qui décide si notre cœur est pur ou pas est ici l’intention. « Nos actes sont honnêtes et agréables à Dieu, si nous les accomplissons d’un cœur pur, c’est à dire tourné vers le ciel, dans un but d’amour … Ce n’est donc pas tant l’acte en soi qu’il nous faut considérer mais l’intention avec laquelle on l’accomplit » (2). Ce modèle interprétatif qui fait levier sur l’intention se perpétuera dans toute la tradition spirituelle postérieure, spécialement dans la tradition ignacienne (3).

L’interprétation mystique dont l’initiateur est Grégoire de Nysse, interprète la béatitude en fonction de la contemplation. Il faut purifier son cœur de tout lien avec le monde et avec le mal ; de cette manière le cœur de l’homme redeviendra cette image de Dieu pure et limpide qu’il était au commencement et la créature pourra « voir Dieu » dans son âme comme dans un miroir. « Si, avec une vie consciencieuse et attentive, tu laves les laideurs qui se sont déposées sur ton cœur, la beauté divine resplendira en toi… En te regardant, tu verras en toi celui qui est le désir de ton cœur et tu seras bienheureux » (4).

Ici le poids est entièrement sur l’apodose, sur le fruit promis à la béatitude ; avoir le cœur pur est le moyen ; l’objectif est « voir Dieu ». On note, au niveau du langage, une influence de la spéculation de Plotin qui est encore plus claire chez saint Basile (5).

Cette ligne interprétative aura également une suite dans toute l’histoire successive de la spiritualité chrétienne qui passe par saint Bernard, saint Bonaventure et les mystiques rhénans (6). Dans certains milieux monastiques on ajoute toutefois une idée nouvelle et intéressante : celle de la pureté comme unification intérieure que l’on obtient en voulant une seule chose, lorsque cette « chose » est Dieu. Saint Bernard écrit : « Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu. Comme si on disait : purifie ton cœur, sépare-toi de tout, c’est-à-dire soit seulement moine, cherche une seule chose du Seigneur et poursuis-la (cf. Ps 27, 4), libère-toi de tout et tu verras Dieu (cf. Ps 46, 11) (7).

L’interprétation ascétique en fonction de la chasteté, qui deviendra prédominante, je le disais, à partir du XIXème siècle est en revanche assez isolée. Saint Jean Chrysostome en fournit l’exemple le plus clair (8). En suivant cette ligne, le mystique Ruusbroec distingue une chasteté de l’esprit, une chasteté du cœur et une chasteté du corps. La béatitude évangélique se réfère à la chasteté du cœur. Celle-ci, écrit-il, « rassemble et renforce les sens extérieurs, tandis qu’à l’intérieur, elle freine et maîtrise les instincts brutaux… elle ferme le cœur aux réalités terrestres et aux appâts trompeurs, tandis qu’elle l’ouvre aux réalités célestes et à la vérité » (9).

Avec des niveaux de bonheur différents, toutes ces interprétations orthodoxes restent dans le cadre de l’horizon nouveau de la révolution opérée par Jésus qui reconduit tout discours moral au cœur. Paradoxalement, ceux qui ont trahi la béatitude évangélique des purs (katharoi) de cœur sont précisément ceux qui en ont tiré leur nom : les cathares avec tous les mouvements semblables qui les ont précédés et suivis dans l’histoire du christianisme. Ceux-ci tombent en effet dans la catégorie de ceux qui font consister la pureté dans le fait d’être séparés, sur le plan rituel et social, de personnes et de choses jugées impures en soi, dans une pureté plus extérieure qu’intérieure. Ce sont les héritiers du radicalisme sectaire des pharisiens et des esséniens plus que de l’évangile du Christ.

3. L’hypocrisie laïque

On met souvent en relief la portée sociale et culturelle de certaines béatitudes. Il n’est pas rare de trouver écrit sur les banderoles de cortèges pacifistes « Heureux les artisans de paix ». La béatitude des doux qui possèderont la terre est à juste titre invoquée en faveur du principe de la non-violence, pour ne pas parler ensuite de la béatitude des pauvres et des persécutés par la justice. Mais on ne parle jamais de l’importance sociale de la béatitude des cœurs purs, apparemment reléguée au domaine strictement personnel. Je suis convaincu au contraire que cette béatitude peut exercer aujourd’hui une fonction critique dans notre société.

Nous avons vu que pour Jésus, la pureté du cœur ne s’oppose pas, tout d’abord, à l’impureté mais à l’hypocrisie. Un défaut très courant chez l’homme et qui est pourtant si peu confessé. Il y a des hypocrisies individuelles et des hypocrisies collectives.

L’homme – écrit Pascal – a deux vies : sa vraie vie et une vie imaginaire, qui vit dans l’opinion, la sienne ou celle des autres. Nous travaillons sans cesse à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable. Si nous possédons une vertu ou un mérite, nous nous empressons de le faire savoir, d’une manière ou d’une autre, pour enrichir notre être imaginaire de cette vertu ou de ce mérite, quitte même à nous en passer, pour lui ajouter quelque chose, jusqu’à accepter parfois d’être lâche pour sembler courageux et de donner même sa vie pourvu que les gens en parlent (10).

Cette tendance à donner plus d’importance à l’image qu’à la réalité – mise en lumière par Pascal –, est fortement accentuée par notre culture actuelle, dominée par les mass media (film, télévision et monde du spectacle en général). Descartes dit : Cogito ergo sum, je pense donc je suis ; mais aujourd’hui on tend plutôt à remplacer cela par « je parais, donc je suis ».

A l’origine, le terme hypocrisie était réservé à l’art du théâtre. Il signifiait simplement réciter, représenter sur scène. Saint Augustin le rappelle dans son commentaire sur la béatitude des cœurs purs. « Les hypocrites – écrit-il – sont des auteurs de fictions comme des présentateurs d’autres caractères dans les représentations théâtrales » (11).

L’origine du mot nous met sur la voie pour découvrir la nature de l’hypocrisie. Elle consiste à faire de sa vie un théâtre où l’on récite devant un public; à mettre un masque, à cesser d’être une personne pour devenir un personnage. J’ai lu quelque part cette caractérisation des deux choses : « Le personnage n’est autre que la corruption de la personne. La personne est un visage, le personnage un masque. La personne est nudité radicale, le personnage tout habillement. La personne aime ce qui est authentique et essentiel, le personnage vit de fiction et d’artifices. La personne obéit à ses propres convictions, le personnage obéit à un scénario. La personne interprète la vie comme une traversée du désert, le personnage ne connaît que l’espace d’une brève apparition sur scène. La personne est humble et légère, le personnage est lourd et encombrant ».

Mais la fiction théâtrale est une hypocrisie innocente car, malgré tout, elle fait toujours la distinction entre la scène et la vie. Ce n’est pas parce qu’Agamemnon est sur scène (l’exemple cité par Augustin) que les spectateurs pensent que la personne qui joue est vraiment Agamemnon. Or aujourd’hui on assiste à un fait nouveau et inquiétant qui consiste à vouloir annuler ce décalage, et transformer la vie même en spectacle. C’est ce que prétendent les « reality show » qui envahissent désormais les chaînes de télévision dans le monde entier.

Selon le philosophe français Jean Baudrillard, décédé il y a trois jours, il est désormais devenu difficile de distinguer les événements réels (11 septembre, guerre du Golfe) de leur représentation médiatique. On confond ce qui est réel et ce qui est virtuel.

Le rappel à l’intériorité qui caractérise notre béatitude et tout le sermon sur la montagne est une invitation à ne pas se laisser emporter par cette tendance qui cherche à vider la personne, la réduisant à une image, ou pire (selon un terme cher à Baudrillard) à un simulacre.

Kierkegaard montre que l’aliénation est le résultat d’une existence vécue dans la « pure extériorité », toujours et uniquement devant les hommes, et jamais devant Dieu et son propre moi. Un gardien de troupeau – relève-t-il – peut être un « moi » face à ses vaches, s’il vit toujours avec elles et qu’il n’a qu’elles pour se confronter. Un roi peut être un « moi » face à ses sujets et se sentir un « moi » important. Même chose pour l’enfant par rapport à ses parents, ou pour le citoyen face à l’Etat…Mais ce sera toujours un « moi » imparfait, car il manque la mesure. « Quelle réalité infinie mon ‘moi’ acquiert-il en revanche, quand il prend conscience d’exister devant Dieu, et qu’il devient un ‘moi’ humain dont Dieu constitue la mesure…Quel accent infini tombe sur le ‘moi’ au moment où il obtient Dieu comme mesure ! ».

On dirait un commentaire du dicton de saint François d’Assise : « Ce qu’est l’homme qui est devant Dieu, voilà ce qu’il est et rien de plus » (12).

4. L’hyprocrisie religieuse

Ce que l’on peut faire de pire, en parlant d’hypocrisie, c’est de s’en servir uniquement pour juger les autres, la société, la culture, le monde. C’est précisément ceux-là que Jésus qualifie d’hypocrites : « Hypocrite, ôte d’abord la poutre de ton oeil, et alors tu verras clair pour ôter la paille de l’oeil de ton frère ! » (Mt 7, 5).

En tant que croyants, nous devons rappeler le dicton d’un rabbin juif de l’époque du Christ qui affirmait que 90% de l’hypocrisie du monde se trouvait alors à Jérusalem (13). Le martyr saint Ignace d’Antioche sentait déjà le besoin de réprimander ses frères dans la foi en écrivant : « Il vaut mieux être chrétiens sans le dire que le dire sans l’être » (14).

L’hypocrisie trompe surtout les personnes pieuses et religieuses et la raison en est simple : là où l’estime des valeurs de l’esprit, de la piété et de la vertu (ou de l’orthodoxie !) est particulièrement forte, la tentation de les exhiber pour ne pas en sembler privé, est également forte. C’est parfois notre propre fonction qui nous pousse à le faire. « Or, comme l’intérêt de la société humaine – écrit saint Augustin dans les Confessions – y fait un devoir de l’amour et de la crainte, l’ennemi de notre véritable félicité nous presse, et par tous les pièges qu’il sème sous nos pas, il nous crie : Courage, courage ! Il veut que notre avidité à recueillir nous laisse surprendre ; il veut que nos joies se déplacent et quittent votre vérité pour se fixer au mensonge des hommes ; il veut que nous prenions plaisir à nous faire aimer et craindre, non pour vous, mais au lieu de vous » (15).

L’hypocrisie la plus pernicieuse serait de cacher… sa propre hypocrisie. Dans aucun schéma d’examen de conscience je ne me souviens avoir trouvé la question : « Ai-je été hypocrite ? Me suis-je préoccupé davantage du regard des hommes sur moi que de celui de Dieu ? » A un moment donné de ma vie, j’ai dû introduire moi-même ces questions dans mon examen de conscience et j’ai rarement pu passer indemne à la question suivante…

Un jour, le passage d’Evangile de la messe était la parabole des talents. En l’écoutant j’ai brusquement compris une chose. Entre la possibilité de faire fructifier les talents et celle de ne pas les faire fructifier il existe une troisième possibilité : celle de les faire fructifier mais pour soi-même, non pour le patron, pour sa propre gloire ou son propre avantage, et ceci est peut-être un péché plus grave que de les enterrer. Ce jour-là, au moment de la communion, j’ai dû faire comme le voleur surpris en flagrant délit qui, rempli de honte, vide ses poches et jette aux pieds du propriétaire tout ce qu’il lui a dérobé.

Jésus nous a laissé un moyen simple et exceptionnel pour rectifier nos intentions plusieurs fois par jour, les trois premières demandes du Notre Père : « Que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne. Que ta volonté soit faite ». Elles peuvent être récitées comme des prières mais également comme des déclarations d’intention : tout ce que je fais, je veux le faire afin que ton nom soit sanctifié, afin que ton règne vienne et que ta volonté soit faite.

Ce serait une contribution précieuse pour la société et pour la communauté chrétienne si la béatitude des cœurs purs nous aidait à garder vivante en nous la nostalgie d’un monde propre, vrai, sincère, sans hypocrisie, ni religieuse ni laïque ; un monde dans lequel les actions correspondent aux paroles, les paroles aux pensées et les pensées de l’homme à celles de Dieu. Ceci n’adviendra pleinement que dans la Jérusalem céleste, la ville toute faite de verre, mais nous devons au moins tendre vers cela.

Une auteure de fables a écrit une fable intitulée « Le pays de verre ». Elle parle d’une enfant qui arrive, comme par magie, dans un pays de verre : avec des maisons en verre, des oiseaux en verre, des arbres en verre, des personnes qui se meuvent comme de gracieuses statues de verre. Rien ne s’est jamais brisé car tous ont appris à s’y mouvoir avec délicatesse pour ne pas se faire de mal. Lorsqu’elles se rencontrent, les personnes répondent aux questions avant que celles-ci ne soient formulées car même les pensées sont devenues ouvertes et transparentes ; personne n’essaie plus de mentir, sachant que tous peuvent lire ce que l’autre pense (16).

On frissonne à l’idée de ce qui se passerait si cela arrivait maintenant parmi nous ; mais il est salutaire de tendre au moins vers un tel idéal. C’est le chemin qui porte à la béatitude que nous avons tenté de commenter : « Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu ».

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NOTES
(1) St Augustin, De sermone Domini in monte, II, 1,1 (CC 35, 92)
(2) Ib. II, 13, 45-46.
(3) cf. Jean-François de Reims, La vraie perfection de cette vie, 2e partie, Paris 1651, Instr. 4, p.160 s).
(4) Grégoire de Nysse, De beatitudinibus, 6 (PG 44, 1272).
(5) St Basile, Sullo Spirito Santo, IX,23; XXII,53 (PG 32, 109.168).
(6) Cf. Michel Dupuy, Pureté, purification, in DSpir. 12, coll, 2637-2645.
(7) St Bernard de Claivaux, Sententiae, III, 2 (S. Bernardi Opera, ed. J. Leclerq – H. M. Rochais).
(8) St Jean Chrysostome, Homiliae in Mattheum, 15,4.
(9) Giovanni Ruusboec, Lo splendore delle nozze spirituali, Roma, Città Nuova 1992, pp.72 s.
(10) Cf. B. Pascal, Pensées, 147 Br.
(11) St Augustin, De sermone Domini in monte, 2,5 (CC 35, p. 95).
(12) St François d’Assise, Ammonizioni, 19 (Fonti Francescane, n.169).
(13) Cf. Strack-Billerbeck, I, 718.
(14) St Ignace d’Antioche, Efesini 15,1 (“È meglio non dire ed essere che dire e non essere”) et Magnesiaci, 4 (“Bisogna non solo dirsi cristiani, ma esserlo”).
(15) Cf. St Augustin, Confessions, X, 36, 59.
(16) Lauretta, Il bosco dei lillà, Ancora, Milano, 2° ed. 1994, pp. 90 ss.

ZENIT 

LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS SUR LE JEÛNE

18 février, 2010

du site:

http://www.pagesorthodoxes.net/metanoia/jeuner.htm

LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS SUR LE JEÛNE

L’enseignement de Jésus concernant le jeûne est très important pour nous assurer que nos efforts de jeûne porteront fruit. Car le jeûne n’est pas sans danger ; il peut devenir lui-même occasion de chute et, plutôt que d’être un moyen de s’approcher de Dieu, le jeûne peut même nous en éloigner.

Les juifs pratiquaient le jeûne comme ascèse personnelle et collective, comme nous l’apprennent l’Ancien et le Nouveau Testament. Dans le Nouveau Testament, nous voyons que les disciples de Jean le Baptiste, ainsi que ceux des Pharisiens, jeûnaient et que Jésus lui-même, avant d’entreprendre sa vie publique a jeûné pendant quarante jours. À la suite de ce jeûne il a été tenté par Satan (Mt 4, 1-11; Lc 4, 1-13). Voilà donc la première leçon à retenir des récits évangéliques concernant le jeûne : Jésus nous enseigne l’importance du jeûne par l’exemple de son propre jeûne avant de commencer sa vie publique. Ce n’est pas par hasard que la première tentation de Jésus concerne justement la nourriture, car le Malin cherche à éprouver Jésus là où il perçoit un point faible, là où Jésus a volontairement affaibli son corps humain ; l’Évangile nous dit qu’après avoir jeûné pendant quarante jours, Jésus « eut faim ». Et le Tentateur suggère à Jésus de combler sa faim en exerçant son pouvoir divin de changer des pierres en pain. La réplique de Jésus pour écarter la tentation est tirée du Deutéronome : Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Dt 8, 3).

Ici, le « pain » ne signifie pas seulement la nourriture dont l’homme a besoin pour la vie de son corps, mais plutôt tout ce qui « nourrit » les sens, tout ce qui convient au corps. Dans son sens plus large le « pain » est également tout ce qui est créé, toute créature, tout ce qui nourrit l’affectivité et l’intellect de l’homme. Bref, tout ce qui n’est pas Dieu lui-même. Ainsi que le corps de l’homme se nourrit d’aliments physiques pour survivre, l’esprit de l’homme, créé à l’image de Dieu, se nourrit de la parole de Dieu, donc de Dieu lui-même. Pour accéder à toute la noblesse de sa nature humaine créée à l’image et faite à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26), l’homme a besoin de la nourriture spirituelle que constitue la parole de Dieu.

La réponse de Jésus à Satan dénonce le mensonge du Malin, que l’homme peut se nourrir des créatures, qu’il peut trouver la vie éternelle pour laquelle il a été créé ailleurs qu’en Dieu lui-même. C’est le même mensonge que le Tentateur proféra à Adam : Vous ne mourrez pas ! Dieu le sait : le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent ce qui est bon ou mauvais (Gn 3, 5). Alors qu’Adam, le premier homme, a mangé du fruit interdit à l’invitation du Malin, espérant ainsi trouver la vie éternelle sans Dieu, et qu’il a entraîné la chute de l’humanité, le Christ, le nouvel Adam, refoule le mensonge du Malin et expie la faute d’Adam, rétablissant l’humanité sur la bonne voie, celle voulue par Dieu depuis toute éternité : que l’homme trouve sa nourriture en Dieu lui-même, devenant véritablement « enfant de Dieu », partageant la vie divine.

Les circonstances du jeûne de Jésus nous aident également à comprendre le sens spirituel du jeûne. Le jeûne de Jésus eut lieu « au désert », c’est-à-dire dans un lieu aride, solitaire, éloigné des villes et des hommes, là où il n’y a que peu de végétation et d’eau. Aujourd’hui, on dirait qu’il y a peu de « distractions » – ce qui nous « distrait » de Dieu. C’est ainsi que doit être le « lieu » de notre jeûne, loin des « distractions », nous permettant d’entrer dans le « désert », à la fois le désert physique, ne serait-ce que notre chambre, et le désert spirituel, celui de notre cœur, afin de nous préparer à la rencontre avec Dieu : le désert est le lieu où je suis seul avec Dieu.

Le désert est aussi le lieu de la tentation : le moment le plus propice à la rencontre avec Dieu est aussi le moment où le Malin cherche à nous faire chuter, car il sait que c’est au désert que nous avons la possibilité de rejoindre la grâce divine. Si Jésus a été tenté suite à son jeûne, comment pensons-nous nous échapper de la tentation ? Le jeûne, la privation des plaisirs des sens, est accompagné de tentations, non seulement celle d’abandonner le jeûne, mais d’autres encore – il ne faut pas oublier que Jésus subit deux autres tentations après celle du pain.

Si donc le jeûne entraîne de tels risques, comment pouvons-nous nous préparer pour la lutte inévitable ? Jésus nous donne une réponse dans le texte de l’Évangile de Marc : Cette espèce-là ne peut sortir que par la prière et le jeûne (Mc 9, 25-29). Jésus nous enseigne ici à associer la prière au jeûne, si nous voulons expulser les « esprits impurs » qui cherchent à s’installer en nous. Nous acquérons les bénéfices du jeûne seulement si le jeûne est complété par la prière, un effort de prière supplémentaire pendant la période du jeûne – se nourrir en Dieu, s’unir à lui par la prière. L’effort ascétique, la maîtrise de soi, de ses « passions » comme diraient les Pères du désert, doit être associé à la prière ; les deux sont essentiels pour le progrès spirituel.

Le deuxième texte de l’Évangile de Matthieu (Mt 6, 16-18), qui fait partie du Sermon sur la Montagne, est une mise en garde concernant une des tentations accompagnant le jeûne. Le jeûne n’est pas un but en soi et de nos jours on pratique le jeûne pour toute sorte de raisons qui ne relèvent pas du domaine spirituel. Le jeûne peut devenir lui-même une occasion de chute. Jésus souligne en particulier le risque de vaine gloire en faisant allusion à ceux qui s’assurent que leur jeûne soit remarqué par les hommes. Notre jeûne doit être un acte devant Dieu et non devant les hommes, pas même nos confrères dans la foi. Celui qui jeûne se place devant Dieu, son jeûne est une offrande à Dieu, et non aux hommes.

Dans le texte de l’Évangile de Luc (Lc 5, 33-35), les Pharisiens essaient d’embarrasser Jésus en lui reprochant que ses disciples ne jeûnent pas, alors que ceux de Jean le Baptiste et des Pharisiens jeûnent souvent. Sans répondre directement, Jésus demande s’il est approprié que les compagnons de l’époux jeûnent pendant que l’époux est avec eux – c’est-à-dire à l’occasion du mariage proche. La réponse qui s’impose est « non », le jeûne n’est pas approprié à ce moment-là, mais, comme l’indique Jésus en disant qu’ils jeûneront lorsque l’époux ne sera plus avec eux. L’époux c’est Jésus lui-même, et pendant qu’il est avec ses disciples, ils sont nourris et rassasiés par sa présence ; ils les comble du pain de vie de sa parole. Quand l’époux leur aura été enlevé, alors ils jeûneront en ces jours-là. Le jeûne n’a de sens que pour celui qui sait ce qui est la nourriture ou y aspire de tout son être, et qui, dans la privation, souffre de l’absence de ce qui le rassasie.

Donc il y a des moments pour jeûner, et des moments pour ne pas jeûner – quand l’époux est avec nous. L’année liturgique étant un rappel de la vie de Jésus, de la Mère de Dieu et des saints, l’Église orthodoxe indique certains jours et certaines périodes pour le jeûne, quand nous sommes dans l’attente de l’Époux, et certaines périodes où le jeûne n’est pas indiqué – quand « l’Époux est avec nous », surtout les jours des grandes fêtes liturgiques, même chaque dimanche, le jour de la Résurrection du Christ. Même pendant le Grand Carême, le jeûne n’est pas total tous les jours, car il y un allégement du jeûne les samedis et dimanches.

L’enseignement le plus important à retenir est peut-être la nécessité d’associer la prière au jeûne, la prière afin de pouvoir accomplir l’effort nécessaire, mais encore plus important, la prière en tant que rapprochement de Dieu – le jeûne nous présente la possibilité de nous unir d’avantage à Dieu par la prière : « La prière est une conversation de l’intelligence avec Dieu » (Évagre le Pontique, Chapitres sur la prière, 3).

« Lectio divina » de Benoît XVI au séminaire pontifical romain

18 février, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-23540?l=french

« Lectio divina » de Benoît XVI au séminaire pontifical romain

Texte intégral

ROME, Mercredi 17 février 2010 (ZENIT.org) – « Dans le Christ, Dieu s’est manifesté comme raison et amour », a expliqué Benoît XVI à ses séminaristes du grand séminaire pontifical romain, au Latran, dans une « Lectio divina », vendredi dernier, 12 février 2010. Le pape a parlé d’abondance du cœur, sans discours préparé.

Nous publions ci-dessous le texte de son intervention.

Eminence, Excellences, chers amis,

C’est pour moi une grande joie de me retrouver chaque année avec les séminaristes du diocèse de Rome, avec les jeunes qui se préparent à répondre à l’appel du Seigneur pour être des travailleurs dans sa vigne, des prêtres de son mystère. C’est la joie de voir que l’Eglise vit, que l’avenir de l’Eglise est présent également sur nos terres, précisément à Rome aussi.

En cette Année sacerdotale, nous voulons être particulièrement attentifs aux paroles du Seigneur concernant notre service. Le passage de l’Evangile qui vient d’être lu parle indirectement, mais profondément, de notre Sacrement, de notre appel à être dans la vigne du Seigneur, à être des serviteurs de son mystère.

Dans ce bref passage, nous trouvons plusieurs paroles-clés, qui donnent l’indication de l’annonce que le Seigneur veut faire à travers ce texte: « Demeurer »: dans ce bref passage, nous trouvons dix fois le mot « demeurer »; ensuite, le nouveau commandement: « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis », « Donnez du fruit »; et, finalement: « Demandez, priez et il vous sera donné, la joie vous sera donnée ». Nous prions le Seigneur pour qu’il nous aide à entrer dans le sens de ses paroles, pour que ces paroles puissent pénétrer notre coeur et puissent ainsi être la voie et la vie en nous, avec nous et à travers nous.

La première parole est: « Demeurez en moi, dans mon amour ». Demeurer dans le Seigneur est fondamental comme premier thème de ce passage. Demeurer: où? Dans l’amour, dans l’amour du Christ, dans le fait d’être aimés et d’aimer le Seigneur. Tout le chapitre 15 concrétise le lieu où nous demeurons, car les huit premiers versets exposent et présentent la parabole de la vigne: « Je suis la vigne et vous les sarments ». La vigne est une image vétéro-testamentaire que nous trouvons aussi bien chez les prophètes, que dans les psaumes et elle a une double signification: c’est une parabole pour le peuple de Dieu, qui est sa vigne. Il a planté une vigne dans ce monde, il a cultivé cette vigne, protégé sa vigne, mais dans quelle intention? Naturellement dans l’intention de trouver du fruit, de trouver le don précieux du raisin, du bon vin.

C’est ainsi qu’apparaît la deuxième signification: le vin est le symbole, est l’expression de la joie de l’amour. Le Seigneur a créé son peuple pour trouver la réponse de son amour et, ainsi, cette image de la vigne possède une signification sponsale, elle est l’expression du fait que Dieu cherche l’amour de sa créature, veut entrer dans une relation d’amour, dans une relation sponsale avec le monde, à travers le peuple qu’il a élu.

Mais ensuite, dans les faits concrets, l’histoire est une histoire d’infidélité: au lieu de raisins précieux ne sont produites que de petites « choses immangeables », aucune réponse n’est donnée à ce grand amour, il ne naît pas d’unité, d’union sans condition entre l’homme et Dieu, dans la communion de l’amour. L’homme se retire en lui-même, il veut se posséder lui-même uniquement pour lui, il veut avoir Dieu pour lui, il veut avoir le monde pour lui. Et ainsi, la vigne est dévastée, le sanglier du bois, tous les ennemis arrivent, et la vigne devient un désert.

Mais Dieu ne se rend pas: Dieu trouve une nouvelle manière pour arriver à un amour libre, irrévocable, au fruit de cet amour, au raisin véritable: Dieu se fait homme, et ainsi Il devient lui-même racine de la vigne, Il devient lui-même la vigne, et ainsi la vigne devient indestructible. Ce peuple de Dieu ne peut pas être détruit, car Dieu lui-même y est entré, il s’est implanté dans cette terre. Le nouveau peuple de Dieu est réellement fondé en Dieu lui-même, qui se fait homme et nous appelle ainsi à être en Lui la nouvelle vigne et nous appelle à rester, à demeurer en Lui.

Il faut en outre avoir à l’esprit que, dans le chapitre 6 de l’Evangile de Jean, nous trouvons le discours sur le pain, qui devient le grand discours sur le mystère eucharistique. Dans ce chapitre 15, nous trouvons le discours sur le vin: le Seigneur ne parle pas explicitement de l’Eucharistie, mais, naturellement, derrière le mystère du vin se trouve la réalité selon laquelle Il s’est fait fruit et vin pour nous, le fait que son sang est le fruit de l’amour qui naît de la terre pour toujours et que, dans l’Eucharistie, son sang devient notre sang, nous nous renouvelons, nous recevons une nouvelle identité, car le sang de Jésus devient notre sang. Nous sommes ainsi parents avec Dieu dans le Fils et, dans l’Eucharistie, cette grande réalité de la vigne devient réalité, dans laquelle nous sommes des sarments unis au Fils et unis de cette manière dans l’amour éternel.

« Demeurez »: demeurer dans ce grand mystère, demeurer dans ce nouveau don du Seigneur, qui a fait de nous un peuple en lui, dans son Corps et avec son Sang. Il me semble que nous devons beaucoup méditer sur ce mystère, c’est-à-dire que Dieu lui-même se fait Corps, un avec nous; que nous pouvons demeurer – en demeurant dans ce mystère – dans la communion avec Dieu lui-même, dans cette grande histoire d’amour, qui est l’histoire du véritable bonheur. En méditant ce don – Dieu s’est fait un avec nous tous et, dans le même temps, il nous fait un, une seule vigne – nous devons également commencer à prier, afin que ce mystère pénètre toujours davantage dans notre esprit, dans notre coeur, et que nous soyons toujours plus capables de voir et de vivre la grandeur du mystère, et ainsi de commencer à réaliser cet impératif: « Demeurez ».

Si nous continuons à lire attentivement ce passage de l’Evangile de Jean, nous trouvons également un deuxième impératif: « Demeurez » et « Observez mes commandements ». « Observez » n’est que le deuxième niveau; le premier est celui de « demeurer », le niveau ontologique; c’est-à-dire que nous nous sommes unis à Lui, qui s’est donné Lui-même à nous comme anticipation, qui nous a déjà donné son amour, le fruit. Ce n’est pas nous qui devons produire le grand fruit; le christianisme n’est pas un moralisme, ce n’est pas nous qui devons faire ce que Dieu s’attend du monde, mais nous devons tout d’abord entrer dans ce mystère ontologique: Dieu se donne Lui-même. Son être, son amour, précède notre agir et, dans le fait d’être avec Lui, identifiés à Lui, ennoblis par son sang, nous pouvons nous aussi agir avec le Christ.

L’éthique est une conséquence de l’être: le Seigneur nous donne tout d’abord un nouvel être, tel est le grand don; l’être précède l’agir et ensuite, de cet être, découle l’agir, comme une réalité organique; car ce que nous sommes, nous pouvons l’être également dans notre activité. Et ainsi, nous rendons grâce au Seigneur, car il nous a détournés du pur moralisme; nous ne pouvons pas obéir à une loi qui se trouve face à nous, mais nous devons agir selon notre nouvelle identité. Il ne s’agit donc plus d’une obéissance, d’une chose extérieure, mais d’une réalisation du don du nouvel être.

Je le répète encore une fois: rendons grâce au Seigneur parce qu’il nous précède, il nous donne ce que nous devons donner, et nous pouvons ensuite être, dans la vérité et dans la force de notre être nouveau, acteurs de sa réalité. Demeurer et observer: observer est le signe du fait de demeurer et demeurer est le don qu’Il nous donne, mais qui doit être renouvelé chaque jour dans notre vie.

Il s’ensuit alors ce nouveau commandement: « Aimez-vous comme je vous ai aimés ». Aucun amour n’est plus grand que celui-ci: « Donner la vie pour ses amis ». Qu’est-ce que cela veut dire? Là encore, il ne s’agit pas d’un moralisme. On pourrait dire: « Ce n’est pas un nouveau commandement; le commandement d’aimer son prochain comme soi-même existe déjà dans l’Ancien Testament ». Certains affirment: « Cet amour doit être encore plus radical; il faut aimer l’autre en imitant le Christ, qui s’est donné pour nous; ce doit être un amour héroïque, jusqu’au don de soi ». Mais dans ce cas, le christianisme serait un moralisme héroïque. Il est vrai que nous devons arriver jusqu’à cette radicalité de l’amour, que le Christ nous a montrée et donnée, mais ici aussi, la vraie nouveauté n’est pas ce que nous faisons nous, la vraie nouveauté est ce qu’il a fait Lui: le Seigneur s’est donné lui-même à nous, et le Seigneur nous a donné la vraie nouveauté d’être les membres de son corps, d’être les sarments de la vigne qu’il est lui-même. La nouveauté est donc le don, le grand don, et de ce don, de la nouveauté de ce don, s’ensuit aussi, comme je l’ai dit, une nouvelle manière d’agir.

Saint Thomas d’Aquin le dit de manière très précise lorsqu’il écrit: « La nouvelle loi est la grâce de l’Esprit Saint » (Summa theologiae, i-iiae, q. 106, a. 1). La nouvelle loi n’est pas un commandement plus difficile que les autres: la nouvelle loi est un don, la nouvelle loi est la présence de l’Esprit Saint qui nous est donné dans le Sacrement du Baptême, dans la Confirmation et qui nous est donné chaque jour dans la Très Sainte Eucharistie. Les Pères ont fait ici la distinction entre « sacramentum » et « exemplum ». « Sacramentum » est le don de l’être nouveau, et ce don devient également un exemple pour notre action, mais le « sacramentum » est placé avant, et nous, nous vivons du sacrement. Nous voyons ici la place centrale du sacrement, qui est la place du don.

Poursuivons notre réflexion. Le Seigneur dit: « Je ne vous appelle plus serviteurs, le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis parce que tout ce que j’ai entendu du Père je vous l’ai fait connaître ». Non plus serviteurs, qui obéissent à un ordre, mais amis, qui connaissent, qui sont unis dans la même volonté, dans le même amour. La nouveauté est donc que Dieu s’est fait connaître, que Dieu s’est montré, que Dieu n’est plus le Dieu inconnu, recherché, mais que l’on ne trouve pas ou que l’on devine seulement de loin. Dieu s’est fait voir: dans le visage du Christ, nous voyons Dieu, Dieu s’est fait connaître, et ainsi, il a fait de nous ses amis. Rappelons-nous que dans l’histoire de l’humanité, dans toutes les religions archaïques, on sait qu’il y a un Dieu. Il s’agit d’une connaissance présente au plus profond du coeur de l’homme, que Dieu est un, les dieux ne sont pas « le » Dieu. Mais ce Dieu demeure très lointain, il semble qu’il ne se fasse pas connaître, qu’il ne se fasse pas aimer, il n’est pas ami, mais il est lointain. C’est pourquoi les religions s’occupent peu de ce Dieu, la vie concrète s’occupe des esprits, des réalités concrètes que nous rencontrons chaque jour et avec lesquelles nous devons compter quotidiennement. Dieu demeure lointain.

Puis nous voyons le grand mouvement de la philosophie: pensons à Platon, Aristote, qui commencent à avoir l’intuition que ce Dieu est l’ « agathòn », la bonté même, c’est l’ « éros » qui fait se mouvoir le monde, mais cela reste une pensée humaine, c’est une idée de Dieu, qui s’approche de la vérité, mais une idée qui est la nôtre et Dieu reste un Dieu caché.

Récemment, un professeur de Ratisbonne m’a écrit, un professeur de physique, qui avait lu avec beaucoup de retard mon discours à l’université de Ratisbonne, pour me dire qu’il ne pouvait pas être d’accord avec ma logique ou qu’il pouvait l’être seulement en partie. Il dit: « Bien sûr, je suis convaincu par l’idée que la structure rationnelle du monde exige une raison créatrice, qui a fait cette rationalité, qui ne s’explique pas par elle-même ». Et il continue: « Mais s’il peut exister un démiurge – ainsi s’exprime-t-il – un démiurge me semble quelque chose de sûr d’après ce que vous dites, je ne vois pas qu’existe un Dieu amour, bon, juste et miséricordieux. Je peux voir qu’il y a une raison qui précède la rationalité de l’univers, mais le reste, non ». Et ainsi Dieu lui est caché. Il est une raison qui précède nos raisons, notre rationalité, la rationalité de l’être, mais il n’existe pas un amour éternel, il n’existe pas la grande miséricorde qui nous permet de vivre.

Et voilà, dans le Christ, Dieu s’est montré dans sa pleine vérité, il a montré qu’il est raison et amour, que la raison éternelle est amour et que c’est ainsi qu’elle crée. Malheureusement, aujourd’hui encore, beaucoup vivent encore éloignés du Christ, ils ne connaissent pas son visage et ainsi, la tentation éternelle du dualisme, qui se cache également dans la lettre de ce professeur, se renouvelle toujours, c’est-à-dire qu’il n’y a peut-être pas seulement un principe bon, mais aussi un principe mauvais, un principe du mal; que le monde est partagé et que ce sont deux réalités aussi fortes l’une que l’autre: et que le Dieu bon est seulement une partie de la réalité. Dans la théologie également, y compris la théologie catholique, se diffuse actuellement cette thèse: Dieu ne serait pas tout-puissant. De cette manière, on cherche une apologie de Dieu, qui ainsi ne serait pas responsable du mal que nous trouvons largement à travers le monde. Mais quelle pauvre apologie! Un Dieu qui ne serait pas tout-puissant! Le mal n’est pas entre ses mains! Et comment pourrions-nous nous en remettre à ce Dieu? Comment pourrions-nous être sûrs de son amour si cet amour finit là où commence le pouvoir du mal?

Mais Dieu n’est plus inconnu: dans le visage du Christ crucifié, nous voyons Dieu et nous voyons la vraie toute-puissance, et non le mythe de la toute-puissance. Pour nous les hommes, puissance, pouvoir, sont toujours identiques à la capacité de détruire, de faire le mal. Mais la vraie conception de la toute-puissance qui apparaît dans le Christ est précisément le contraire: en Lui, la vraie toute-puissance est d’aimer, jusqu’au point où Dieu peut souffrir: c’est ici que se montre sa véritable toute-puissance, qui peut aller jusqu’à un amour qui souffre pour nous. Et nous voyons ainsi qu’Il est le vrai Dieu et le vrai Dieu, qui est amour, est pouvoir: le pouvoir de l’amour. Et nous pouvons faire confiance à son amour tout-puissant et vivre en celui-ci, avec cet amour tout-puissant.

Je pense que nous devons toujours méditer à nouveau sur cette réalité, rendre grâce à Dieu parce qu’il s’est montré, parce que nous connaissons son visage, face-à-face; ce n’est plus comme Moïse qui ne pouvait voir que le dos du Seigneur. C’est aussi une belle image, dont saint Grégoire de Nysse dit: « Ne voir que le dos, veut dire que nous devons toujours suivre le Christ ». Mais dans le même temps, Dieu a montré avec le Christ sa face, son visage. Le voile du temple s’est déchiré, s’est ouvert, le mystère de Dieu est visible. Le premier commandement qui exclut des images de Dieu, parce qu’elles pourraient seulement en diminuer la réalité, a changé, s’est renouvelé, a une autre forme. Nous pouvons à présent, dans le Christ homme, voir le visage de Dieu, nous pouvons posséder des icônes du Christ et ainsi voir qui est Dieu.

Je pense que quiconque a compris cela, quiconque a été touché par ce mystère, selon lequel Dieu s’est révélé, que le voile du Temple s’est déchiré, qu’il a montré son visage, trouve une source de joie permanente. Nous pouvons seulement dire: « Merci. Oui, à présent nous savons qui tu es, qui est Dieu et comment lui répondre ». Et je pense que cette joie de connaître Dieu qui s’est montré, montré jusqu’à l’intimité de son être, implique également la joie de communiquer: qui a compris cela, vit touché par cette réalité, doit faire comme ont fait les premiers disciples qui vont chez leurs amis et leurs frères en disant: « Nous avons trouvé celui dont parlent les prophètes. Désormais il est présent ». La dimension missionnaire n’est pas quelque chose d’extérieur, d’ajouté à la foi, mais c’est le dynamisme de la foi elle-même. Celui qui a vu, qui a rencontré le Christ, doit aller auprès de ses amis, et dire à ses amis: « Nous l’avons trouvé, c’est Jésus, le Crucifié pour nous ».

Puis le texte continue et dit: « Je vous ai constitués pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure ». Avec cela, nous revenons au commencement, à l’image, à la parabole de la vigne: elle est créée pour porter du fruit. Et quel est ce fruit? Comme nous l’avons dit, ce fruit est l’amour. Dans l’Ancien Testament, avec la Torah comme première étape de l’autorévélation de Dieu, le fruit était entendu comme justice, c’est-à-dire vivre selon la Parole de Dieu, vivre dans la volonté de Dieu, et ainsi vivre bien.

Cela demeure, mais dans le même temps, est transcendé: la vraie justice ne consiste pas en une obéissance à certaines normes, mais elle est amour, amour créateur, qui trouve seul la richesse, l’abondance du bien. Abondance est l’une des paroles-clés du Nouveau Testament. Dieu lui-même donne toujours en abondance. Pour créer l’homme, il crée cette abondance d’un univers immense; pour racheter l’homme, il se donne lui-même, dans l’Eucharistie, il se donne lui-même. Et qui est uni avec le Christ, qui est sarment de la vigne, vit de cette loi, il ne demande pas: « Puis-je encore faire cela ou non? », « Dois-je faire cela ou non? », mais il vit dans l’enthousiasme de l’amour qui ne demande pas: « Cela est-il encore nécessaire ou interdit », mais simplement, dans la créativité de l’amour, il veut vivre avec le Christ et pour le Christ et donner tout son être pour Lui et entrer ainsi dans la joie de porter du fruit. Souvenons-nous également que le Seigneur dit: « Je vous ai constitués pour que vous alliez »: c’est le dynamisme qui vit dans l’amour du Christ; aller, c’est-à-dire ne pas rester seul, voir ma perfection, m’assurer le bonheur éternel, mais m’oublier moi-même, aller comme le Christ est allé, aller comme Dieu est allé dans son immense majesté jusque dans notre pauvreté, pour trouver du fruit, pour nous aider, pour nous donner la possibilité de porter le vrai fruit de l’amour. Plus nous sommes emplis de cette joie d’avoir découvert le visage de Dieu, plus l’enthousiasme de l’amour sera réel en nous et portera du fruit.

Et nous en venons enfin à la dernière parole de ce passage: « Et je vous dis: « Tout ce que vous demanderez au Père, qu’il vous le concède en mon nom »". Une brève catéchèse sur la prière qui nous surprend toujours à nouveau. Deux fois dans ce chapitre 15, le Seigneur dit: « Ce que vous demanderez je vous le donne », et une fois encore dans le chapitre 16. Et nous voudrions dire: « Mais non, Seigneur, ce n’est pas vrai ». Tant de prières bonnes et profondes de mères qui prient pour leur enfant mourant et qui ne sont pas exaucées, tant de prières pour qu’arrive une chose bonne et que le Seigneur n’exauce pas. Que veut dire cette promesse? Dans le chapitre 16, le Seigneur nous offre la clé pour comprendre: il nous dit ce qu’il nous donne, ce qu’est ce tout, la « charà » (en grec, ndlr), la joie: si quelqu’un a trouvé la joie, il a tout trouvé et il voit tout dans la lumière de l’amour divin. Comme Saint François qui a composé la grande poésie sur la création dans une situation terrible, et pourtant là précisément, proche du Seigneur souffrant, il a redécouvert la beauté de l’être, la bonté de Dieu et il a composé cette grande poésie.

Il est également utile de rappeler, dans le même temps, plusieurs versets de l’Evangile de Luc, où le Seigneur, dans une parabole, parle de la prière, en disant: « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ». L’Esprit Saint – dans l’Evangile de Luc – est joie; dans l’Evangile de Jean, il est la même réalité: la joie est l’Esprit Saint et l’Esprit Saint est la joie, ou bien, en d’autres termes, ne demandons pas à Dieu des choses petites ou grandes, invoquons de Dieu le don divin, Dieu lui-même; tel est le grand don que Dieu nous donne: Dieu lui-même. Dans ce sens, nous devons apprendre à prier, prier pour la grande réalité, pour la réalité divine, pour qu’Il se donne à nous, qu’Il nous donne son Esprit et que nous puissions ainsi répondre aux exigences de la vie et aider les autres dans leurs souffrances. Naturellement, le Notre Père nous l’enseigne. Nous pouvons prier pour tant de choses, dans tous nos besoins nous pouvons prier: « Aide-moi! ». Cela est très humain et Dieu est humain, comme nous l’avons vu; il est donc juste de prier Dieu également pour les petites choses de notre vie quotidienne.

Mais, dans le même temps, prier est un chemin, je dirais une échelle: nous devons apprendre toujours plus les choses pour lesquelles nous pouvons prier et les choses pour lesquelles nous ne pouvons pas prier, car elles sont l’expression de mon égoïsme. Je ne peux pas prier pour des choses qui sont nuisibles pour les autres, je ne peux pas prier pour des choses qui aident mon égoïsme, mon orgueil. Ainsi, prier sous les yeux de Dieu devient un processus de purification de nos pensées, de nos désirs. Comme le dit le Seigneur dans la parabole de la vigne: nous devons être élagués, purifiés, chaque jour; vivre avec le Christ, dans le Christ, demeurer dans le Christ est un processus de purification, et ce n’est que dans ce processus de lente purification, de libération de nous-mêmes, que se trouve le chemin véritable de la vie, que s’ouvre le chemin de la joie.

Comme je l’ai déjà mentionné, toutes ces paroles du Seigneur possèdent un arrière-plan sacramentel. L’arrière-plan sacramentel de la parabole de la vigne est le Baptême: nous sommes greffés dans le Christ; et l’Eucharistie: nous sommes un pain, un corps, un sang, une vie avec le Christ. Et ainsi, ce processus de purification possède lui aussi un arrière-plan sacramentel: le sacrement de la pénitence, de la réconciliation dans lequel nous acceptons cette pédagogie divine qui, jour après jour, au cours d’une vie, nous purifie et fait de nous toujours davantage de véritables membres de son corps. De cette manière, nous pouvons apprendre que Dieu répond à nos prières, il répond souvent avec bonté également aux petites prières, mais il les corrige aussi souvent, il les transforme et les guide, afin que nous puissions être finalement et réellement des sarments de son Fils, de la vraie vigne, des membres de son Corps.

Rendons grâce à Dieu pour la grandeur de son amour, prions afin qu’il nous aide à grandir dans son amour, à demeurer réellement dans son amour.

Traduction française : L’Osservatore Romano – 16 février 2010

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