Au fil du texte : Ga 1-2 : « Par révélation… »
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Au fil du texte : Ga 1-2
« Par révélation… »
Superbe page autobiographique que cet extrait de la Lettre aux Galates ! À ses lecteurs, Paul raconte le tournant de sa vie. Et parce qu’il s’agit d’un récit, nous vous proposons ici de le lire en utilisant quelques notions fort simples de «l’analyse narrative».
Dans tout récit il y des personnages et un enchaînement d’actions disposées sur un axe temporel.
Personnages : le récit est autobiographique, mais Paul n’y joue pas le premier rôle. Le véritable héros c’est Dieu, ou, selon une étrange formule, Celui qui [l'] a mis à part, Celui qui a agi en lui, Paul, comme il avait agi en Pierre. Parmi les autres personnages, retenons Pierre (Céphas), Jacques et, bien sûr, la foule des païens.
Axe temporel : par deux fois, une notice chronologique rythme le texte (1,18 et 2,1). Mais Paul, soucieux de dire l’essentiel, passe plusieurs années sous silence.
Enchaînement d’actions : pour reprendre le vocabulaire du théâtre, disons qu’il y a ici deux actes. Dans le premier (1,13-24) le persécuteur de l’Église devient héraut de l’Évangile. Dans le deuxième (2,1-10) une crise ecclésiale est traversée et résolue. À chaque fois, il est question de révélation et de grâce de Dieu.
Acte 1 : le retournement (Ga 1,13-24)
Au cœur de l’acte 1, le retournement de Paul raconté en cinq étapes. Pour mesurer le chemin parcouru, des mots du début sont repris en finale : ainsi persécuter et détruire ou, plus subtilement, judaïsme et Judée ou encore Église de Dieu et églises du Christ. Parcourons ces cinq étapes.
1) Aux v.13-14, Paul présente sa situation «d’avant». De son activité de persécuteur, il souligne l’excès : frénésie, surpassant, zèle débordant… En même temps, il est acteur d’une histoire qui le dépasse : latradition de [ses] pères face à l’Église de Dieu. Dieu qui déjà – mais il l’ignorait – l’avait mis à part et appelé. Ironie de ce v.15 : c’est dans un langage traditionnel (citation de Jérémie 1,5 et d’Isaïe 49,1) que s’énonce le choix divin qui va bouleverser les traditions.
2) Au v. 16, renversement de situation. Quelques mots pour une expérience forte. Le lecteur n’a pas droit ici aux longues descriptions des Actes des Apôtres. Choc. «Révélation» de l’essentiel : un contenu, qui concerne le Fils, et une aventure, l’annonce parmi les païens. La vie de Paul tient en une phrase. L’action est «nouée». Et cela par Dieu, Dieu seul, qui a jugé bon de…
3) L’action se déploie aux v.17-21. Sans conseil humain (littéralement : «sans recourir à la chair et au sang») c’est-à-dire toujours sous la seule impulsion divine. Déplacements en Arabie, à Damas, à Jérusalem. Contacts confidentiels avec Céphas et Jacques. Le lecteur note par-devers lui que tout semble s’être bien passé. Si bien même que la mission continue de plus belle : Syrie, Cilicie…
4) Le dénouement, aux v. 22-23, est mis dans la bouche des églises du Christ en Judée : le persécuteur de naguère annonce maintenant la foi. Quel changement !
5) Dernière étape, v. 24 : les églises glorifiaient. Qui donc ? Paul ? Non, Dieu ! Lui seul.
Au terme de ce premier acte, trois remarques.
D’abord sur Dieu et le judaïsme. Pour dire Dieu, Paul use des mots traditionnels des prophètes d’Israël (cf. le v.15). À distance, il juge donc moins le judaïsme que ses propres excès.
Ensuite sur le rythme de la narration. Rapide, il recouvre plusieurs années. Aucun fait n’est détaillé, surtout pas la révélation ! On observe cependant un ralenti à un moment, quand Paul rencontre Céphas puis Jacques. Avec un paradoxe : la discrétion voulue de l’événement est fortement soulignée. Pourquoi donc ?
Enfin sur le changement de vocabulaire entre l’Église de Dieu (début) et les églises du Christ (fin). On est passé du singulier au pluriel. Quant à la précision sur les églises en Judée, ne nous ramène-t-elle pas insensiblement, par jeu de sonorités, du côté du judaïsme initial ?
Rideau sur le premier acte. Nous devinons quelques nuages à l’horizon. Que Paul va affronter dans le deuxième acte.
Acte 2 : la crise surmontée (Ga 2,1-10)
L’intrigue se resserre. Risquons un anachronisme et admirons Paul d’avoir appliqué la règle des trois unités chère au théâtre classique ! Unité de lieu : Jérusalem. Unité de temps : un séjour de quelques jours ou semaines. Unité d’action : le conflit à propos de l’Évangile. Conflit dont la résolution passe, là encore, par cinq étapes.
Le récit commence par le moment où l’action se noue : Paul et ses compagnons montent à Jérusalem. Puis, en deux versets, les péripéties se bousculent.
1) La première étape, c’est-à-dire la raison de tout ce mouvement, doit être reconstituée par la lecture. Nous y trouvons la peur de Paul d’avoir couru en vain et la contestation de ses choix, comme la non-circoncision de Tite et des païens. Nous avions remarqué précédemment que les églises de Judée faisaient écho au judaïsme. On comprend mieux maintenant pourquoi.
2) Paul monte donc au créneau. D’où son voyage (v. 1-2a). Décision personnelle ? Non. Comme pour sa vocation, il s’agit d’une révélation. Il n’en dit pas plus. Cela nous suffit. Dieu seul, ici encore, «noue» l’action.
3) L’action est déployée au long des v. 2b-6 : délégation, discussion avec des personnalités, exposé de la prédication évangélique, opposition à ceux qui veulent en brider la puissance libératrice… L’Église de Dieu apparaît comme éclatée en églises plurielles, en fraternités ennemies. Appuyé sur l’œuvre passée comme sur celle à venir (déjà les Galates se profilent, cf. le pour vous du v.5 !), Paul oppose l’unique vérité de l’Évangile.
4) Au v. 9, dénouement. Geste symbolique et public qui succède à la discrétion de la première rencontre (1,18-20). La main tendue par Jacques, Céphas et Jean signe le travail accompli par Paul et ses compagnons, mais plus encore reconnaît le travail de Dieu, sa grâce.
5) Nouvelle situation au v.10. Les nuages se sont-ils tous dissipés ? Pas sûr. Un rebondissement va apparaître dans la suite de la lettre (non présentée ici), rebondissement qui met en cause Pierre. Pour l’instant, Paul repart vers les païens avec le souci des pauvres. Ajoutons que Tite n’est pas contraint à la circoncision mais que les circoncis, chrétiens originaires du judaïsme, gardent toute leur place dans l’histoire de l’Évangile puisqu’ils ont Pierre avec eux.
Au terme de ce deuxième acte, deux remarques.
La première sur le double nom de Pierre. Nous aurions «Céphas» pour l’identité officielle, humaine, et «Pierre» quand il s’agit du choix de Dieu, identité «révélée», mystérieuse et fondatrice… comme celle de Paul.
La seconde porte sur la nouvelle situation de l’Église. Au fond, à suivre les v.7 et 8, s’il y a nouveauté, elle concerne le regard. Les yeux de tous se sont ouverts sur les choix premiers, primordiaux, de Dieu. Ni Pierre, ni Paul ne se sont donnés leur mission. Elle leur a été confiée.
Dire Dieu
À chaque étape de son passé, Paul décèle l’intervention de Dieu. L’Évangile n’est pas d’inspiration humaine osait-il affirmer (1,11). Quel plus bel argument que sa propre vie ? Son zèle inhumain dans le judaïsme n’a pu étouffer l’élection divine ni empêcher la révélation du Fils. Quant aux débats attachés à la circoncision (une marque dans «la chair et le sang») ils ont été pour les églises de Judée l’occasion de se remettre devant l’unique Évangile et l’unique Dieu.
Dire Dieu en se racontant. Merci aux Galates pour avoir suscité chez Paul un tel récit !
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