Archive pour le 18 novembre, 2009

Pope Benedict XVI (L) speaks at a U.N. Food and Agriculture Organisation (FAO)

18 novembre, 2009

Pope Benedict XVI (L) speaks at a U.N. Food and Agriculture Organisation (FAO) dans images

Pope Benedict XVI (L) speaks at a U.N. Food and Agriculture Organisation (FAO) food security summit in Rome November 16, 2009. The United Nations opened its world food summit on Monday by saying that a climate change deal in Copenhagen next month is crucial to fighting global hunger as rising temperatures threaten farm output in poor countries. Government leaders and officials met in Rome for a three-day U.N. summit on how to help developing countries to feed themselves, but anti-poverty campaigners were already writing off the event as a missed opportunity.
REUTERS/Osservatore Romano (ITALY POLITICS RELIGION)

http://news.yahoo.com/nphotos/slideshow/ss/events/wl/033002pope#photoViewer=/091116/ids_photos_wl/r2026751505.jpg

Sainte Gertrude d’Helfta: « Il convoqua ses serviteurs »

18 novembre, 2009

du site:

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20091118

Le mercredi de la 33e semaine du temps ordinaire (de la férie) : Lc 19,11-28
Commentaire du jour
Sainte Gertrude d’Helfta (1256-1301), moniale bénédictine
Les Exercices, 7, Prime (trad. SC 127, p. 265 rev.)

« Il convoqua ses serviteurs »

      O Vérité chérie, ô juste Équité de Dieu, comment comparaîtrai-je devant ta face, portant mon iniquité…, le fardeau de ma trop grande négligence ? Le trésor de la foi chrétienne et de la vie spirituelle, hélas, je ne l’ai pas donné au trésor des banquiers de la charité, où tu aurais pu le retirer ensuite, selon ta volonté, accru des intérêts de toute la perfection. Le talent à moi confié, mon temps, non seulement je l’ai dépensé en vain, mais je l’ai même laissé fuir, gâté et perdu totalement. Où irai-je ? De quel côté me tournerai-je ? « Où fuirai-je loin de ta face ? » (Ps 138,7)

      O Vérité, tu as pour assesseurs inséparables la justice et l’équité… Malheur à moi, si je comparais devant ton tribunal sans avoir d’avocat qui réponde pour moi. O Charité, toi, arrive à ma décharge. Toi, réponds pour moi. Toi, sollicite mon pardon. Toi, plaide ma cause afin que, grâce à toi, je vive.

      Je sais ce que je ferai : « Je prendrai la coupe du salut » (Ps 115,13). Je placerai le calice de Jésus sur le plateau vide de la Vérité. Ainsi, je suppléerai à tout ce qui me manque. Ainsi je couvrirai tous mes péchés. Par ce calice je relèverai toutes mes ruines. Par ce calice je suppléerai, dignement et au-delà, à tout ce qu’il y a en moi d’imparfait…

      O chère Vérité, venir à toi sans mon Jésus me serait intolérable ; mais avec mon Jésus, comparaître devant toi sera pour moi chose bien agréable et aimable. O Vérité, siège maintenant sur ton tribunal… « Je ne crains aucun mal. » (Ps 22,4)

Discours de Benoît XVI à la FAO: Que Dieu bénisse vos efforts pour assurer le pain quotidien à tous

18 novembre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-22675?l=french

Discours de Benoît XVI à la FAO

Que Dieu bénisse vos efforts pour assurer le pain quotidien à tous

ROME, Lundi 16 novembre 2009 (ZENIT.org) – « Que Dieu bénisse vos efforts pour assurer le pain quotidien à chaque personne », a déclaré Benoît XVI qui est intervenu ce matin devant l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui a son siège à Rome.

La FAO tient en effet en ce moment son sommet mondial sur la sécurité alimentaire (16-18 novembre 2009).

Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs,

1. J’ai accueilli avec grand plaisir l’invitation de Monsieur Jacques Diouf, Directeur général de la FAO, à prendre la parole au cours de la session d’ouverture de ce Sommet mondial sur la Sécurité alimentaire. Je le salue cordialement et je le remercie pour ses courtoises paroles de bienvenue. Je salue les Hautes Autorités présentes et tous les participants. En continuité avec mes vénérés prédécesseurs Paul VI et Jean-Paul II, je désire exprimer à nouveau mon estime pour l’action de la FAO, que l’Église catholique et le Saint-Siège suivent avec l’attention et l’intérêt que mérite l’engagement quotidien de tous ceux qui s’y impliquent. Grâce à votre travail généreux que résume la devise Fiat Panis, le développement de l’agriculture et la sécurité alimentaire demeurent parmi les objectifs prioritaires de l’action politique internationale. Je suis certain que cet esprit orientera les décisions du présent Sommet, tout comme celles qui seront adoptées dans le but commun de remporter dès que possible le combat contre la faim et la malnutrition dans le monde.

2. La Communauté internationale affronte au cours de ces dernières années une grave crise économique et financière. Les statistiques témoignent de la croissance dramatique du nombre de ceux qui souffrent de la faim, à laquelle concourent l’augmentation des prix des produits alimentaires, la diminution des ressources économiques des populations plus pauvres, l’accès limité au marché et à la nourriture. Tout cela survient alors que se confirme le fait que la terre est en mesure de nourrir tous ses habitants. En effet, même si dans certaines régions des niveaux bas de production agricole persistent, parfois à cause du changement climatique, cette production est globalement suffisante pour satisfaire aussi bien la demande actuelle, que celle qui est prévisible dans le futur. Ces données indiquent l’absence d’une relation de cause à effet entre la croissance de la population et la faim, et cela est encore confirmé par la déplorable destruction de denrées alimentaires pour préserver certains profits. Dans l’Encyclique Caritas in Veritate, j’ai observé que « la faim ne dépend pas tant d’une carence de ressources matérielles, que d’une carence de ressources sociales, la plus importante d’entre elles étant de nature institutionnelle. Il manque en effet une organisation des institutions économiques qui soit aussi en mesure de bien garantir un accès régulier et adapté (…) à la nourriture et à l’eau, que de faire face aux nécessités liées aux besoins primaires et aux urgences des véritables crises alimentaires (…) ». Et j’ai ajouté : « Le problème de l’insécurité alimentaire doit être affronté dans une perspective à long terme, en éliminant les causes structurelles qui en sont à l’origine et en promouvant le développement agricole des pays les plus pauvres à travers des investissements en infrastructures rurales, en système d’irrigation, de transport, d’organisation des marchés, en formation et en diffusion des techniques agricoles appropriées, c’est-à-dire susceptibles d’utiliser au mieux les ressources humaines, naturelles et socio-économiques les plus accessibles au niveau local, de façon à garantir aussi leur durabilité sur le long terme » (n. 27). Dans ce contexte, il est aussi nécessaire de contester le recours à certaines formes de subventions qui perturbent gravement le secteur agricole, ainsi que la persistance de modèles alimentaires orientés seulement vers la consommation et dépourvus de perspectives de plus grande envergure et, au-delà de tout, l’égoïsme qui permet à la spéculation de pénétrer même sur le marché des céréales, mettant la nourriture sur le même plan que toutes les autres marchandises.

3. La convocation elle-même de ce Sommet, témoigne, dans un certain sens, de la faiblesse des mécanismes actuels de la sécurité alimentaire et de la nécessité de les repenser. En effet, même si les Pays plus pauvres sont plus largement intégrés que par le passé dans l’économie mondiale, le fonctionnement des marchés internationaux les rend plus vulnérables et les contraint à recourir à l’aide des Institutions intergouvernementales, qui offrent, certes, une aide précieuse et indispensable. Cependant, la notion de coopération doit être cohérente avec le principe de subsidiarité : il est nécessaire d’engager « les communautés locales dans les choix et les décisions relatives à l’usage des terres cultivables » (ibid.), parce que le développement humain intégral requiert des choix responsables de la part de tous et demande une attitude solidaire qui ne considère pas l’aide ou l’urgence comme une opportunité profitable pour qui met à disposition des ressources ou pour des groupes privilégiés qui se trouvent parmi les bénéficiaires. Face aux pays qui ont besoin d’aides externes, la Communauté internationale a le devoir de répondre avec les outils de la coopération, en se sentant coresponsable de leur développement, « par la solidarité de la présence, de l’accompagnement, de la formation et du respect » (ibid., 47). Au sein de ce contexte de responsabilité se situe le droit de chaque pays à définir son propre modèle économique, prévoyant les modalités pour garantir sa propre liberté de choix et d’objectifs. Selon cette perspective, la coopération doit devenir un instrument efficace, libre de contraintes et d’intérêts qui peuvent absorber une partie non négligeable des ressources destinées au développement. Il est en outre important de souligner combien la voie de la solidarité pour le développement des pays pauvres peut constituer aussi une voie de solution de la crise globale actuelle. En effet, en soutenant ces nations par des plans de financement inspirés par la solidarité, pour qu’elles pourvoient elles-mêmes à la satisfaction de la demande de consommation et de développement qui leur est propre, non seulement on favorise en leur sein la croissance économique, mais cela peut avoir aussi des répercussions positives sur le développement humain intégral dans d’autres pays (cf. ibid., 27).

4. Actuellement, subsiste encore un niveau inégal de développement au sein et entre les nations, qui entraîne, en de nombreuses régions du globe, des conditions de précarités, qui accentue le contraste entre pauvreté et richesse. Ce constat ne concerne plus seulement les mérites comparés des divers modèles économiques ; mais il concerne, d’abord et surtout, la perception même que l’on a d’un phénomène comme l’insécurité alimentaire : le risque existe concrètement que la faim soit considérée comme structurelle, comme partie intégrante de la réalité socio-politique des pays plus faibles, et fasse donc objet d’un découragement résigné, voire même de l’indifférence. Il n’en est pas ainsi, et il ne doit pas en être ainsi ! Pour combattre et vaincre la faim, il est essentiel de commencer par redéfinir les concepts et les principes jusqu’ici appliqués dans les relations internationales, de façon à répondre à la question : qu’est-ce qui peut orienter l’attention et la conduite des États – qui en découle – vers les besoins des plus démunis ? Il ne faut pas chercher une réponse dans le profil opérationnel de la coopération, mais dans les principes qui doivent l’inspirer. C’est seulement au nom de l’appartenance commune à la famille humaine universelle que l’on peut demander à chaque peuple et donc à chaque pays d’être solidaire, c’est-à-dire d’être disposé à assumer des responsabilités concrètes pour venir au-devant des besoins des autres, pour favoriser un vrai partage fondé sur l’amour.

5. Toutefois, même si la solidarité  animée par l’amour dépasse la justice, parce qu’aimer c’est donner, offrir du ‘mien’ à l’autre, elle n’existe jamais sans la justice, qui pousse à donner à l’autre ce qui est ‘sien’ et qui lui revient en raison de son être et de son agir. Je ne peux pas, en effet, ‘donner’ à l’autre du ‘mien’, sans lui avoir donné tout d’abord ce qui lui revient selon la justice (cf. ibid., 6). Si on vise l’élimination de la faim, l’action internationale est appelée non seulement à favoriser une croissance économique équilibrée et durable ainsi que la stabilité politique, mais aussi à rechercher de nouveaux paramètres – nécessairement éthiques et ensuite juridiques et économiques – capables d’inspirer un mode de coopération susceptible de construire une relation paritaire entre les pays qui se trouvent à un degré différent de développement. Outre le fait de combler l’écart existant, ceci pourrait favoriser la capacité de chaque peuple à se sentir protagoniste, confirmant ainsi que l’égalité fondamentale des différents peuples plonge ses racines dans l’origine commune de la famille humaine, source des principes de la « loi naturelle » appelés à inspirer les orientations et les choix d’ordre politique, juridique et économique de la vie internationale (cf. ibid., 59). Saint Paul a des paroles éclairantes à cet égard : « Il ne s’agit pas – écrit-il – de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. En cette occasion, ce que vous avez en trop compensera ce qu’ils ont en moins, pour qu’un jour ce qu’ils auront en trop compense ce que vous aurez en moins, et cela fera l’égalité, comme dit l’Écriture : « Celui qui en avait ramassé beaucoup n’a rien eu de plus, et celui qui en avait ramassé peu n’a manqué de rien » (2 Co 8, 13-15).

6. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, pour lutter contre la faim en promouvant un développement humain intégral, il faut également comprendre les besoins du monde rural, et aussi éviter que la tendance à la diminution de l’apport des donateurs ne crée des incertitudes sur le financement des activités de coopération : le risque que le monde rural puisse être considéré, par manque de clairvoyance, comme une réalité secondaire doit être écarté. En même temps, l’accès au marché international des produits provenant des régions plus pauvres doit être favorisé, alors qu’aujourd’hui il est souvent relégué dans des espaces limités. Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de soustraire les règles du commerce international à la logique du profit pour lui-même, en les orientant en faveur de l’initiative économique des pays qui ont le plus besoin de développement et qui, disposant d’entrée plus importantes, pourront atteindre cette autosuffisance qui est le prélude à la sécurité alimentaire.

7. Il ne faut pas oublier non plus les droits fondamentaux de la personne parmi lesquels se détache le droit à une alimentation suffisante, saine et nourrissante, ainsi qu’à l’eau ; ceux-ci revêtent un rôle important à l’égard des autres droits, à commencer par le premier d’entre eux, le droit à la vie. Il faut donc que mûrisse « une conscience solidaire qui considère l’alimentation et l’accès à l’eau comme droits universels de tous les êtres humains, sans distinction ni discrimination » (Caritas in Veritate, n.27). Si tout ce qui a été patiemment accompli au cours de ces années par la FAO a, d’un côté, favorisé l’élargissement des objectifs de ce droit par rapport à la seule garantie de satisfaire les besoins primaires de la personne, d’un autre côté cela a aussi mis en évidence la nécessité de sa juste réglementation.

8. Les méthodes de production alimentaire imposent également une analyse attentive du rapport entre le développement et la sauvegarde de l’environnement. Le désir de posséder et d’user de façon excessive et désordonnée les ressources de la planète est la cause première de toute dégradation environnementale. La préservation de l’environnement se présente donc comme un défi actuel pour garantir un développement harmonieux, respectueux du dessein de Dieu le Créateur et par conséquent en mesure de sauvegarder la planète (cf. ibid., 48-51). Si l’humanité entière est appelée à être consciente de ses propres obligations vis-à-vis des générations à venir, il est également vrai que le devoir de protéger l’environnement en tant que bien collectif revient aux États et aux Organisations internationales. Dans cette perspective, il est indispensable d’approfondir les interactions entre la sécurité environnementale et le préoccupant phénomène des changements climatiques, en se focalisant sur le caractère central de la personne humaine et en particulier des populations plus vulnérables à ces deux phénomènes. Des normes, des législations, des plans de développement et des investissements ne suffisent pas, il faut modifier les styles de vie personnels et collectifs, les habitudes de consommation et les véritables besoins ; mais, par-dessus tout, il est nécessaire d’être conscient du devoir moral de distinguer le bien du mal dans les actions humaines pour redécouvrir de cette façon le lien de communion qui unit la personne et la création.

9. Il est important de rappeler – je l’ai aussi observé dans l’Encyclique Caritas in Veritate – que « la dégradation de l’environnement est (…) étroitement liée à la culture qui façonne la communauté humaine : quand ‘l’écologie humaine’ est respectée dans la société, l’écologie proprement dite en tire aussi avantage ». C’est vrai : « le système écologique s’appuie sur le respect d’un projet qui concerne aussi bien la saine coexistence dans la société que le bon rapport avec la nature ». «Le point déterminant est la tenue morale de la société dans son ensemble ». C’est pourquoi, « les devoirs que nous avons vis-à-vis de l’environnement sont liés aux devoirs que nous avons envers la personne considérée en elle-même et dans sa relation aux autres. On ne peut exiger les uns et piétiner les autres. C’est là une grave antinomie de la mentalité et de la praxis actuelle qui avilit la personne, bouleverse l’environnement et détériore la société » (cf. ibid., 51).

10. La faim est le signe le plus cruel et le plus concret de la pauvreté. Il n’est pas possible de continuer d’accepter l’opulence et le gaspillage quand le drame de la faim prend des dimensions toujours plus grandes. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l’Église catholique prêtera toujours attention aux efforts pour vaincre la faim; elle soutiendra toujours, par la parole et par les actes, l’action solidaire – programmée, responsable et régulée – que toutes les composantes de la Communauté internationale seront appelées à entreprendre. L’Église ne prétend pas interférer dans les choix politiques. Respectueuse du savoir et des résultats des sciences, tout comme des choix déterminés par la raison quand ils sont éclairés de façon responsable par des valeurs authentiquement humaines, elle s’unit à l’effort pour éliminer la faim. C’est là le signe le plus immédiat et concret de la solidarité animée par la charité, signe qui ne laisse pas de place aux retards et aux compromis. Cette solidarité s’en remet à la technique, aux lois et aux institutions pour répondre aux aspirations des personnes, des communautés et de peuples entiers, mais elle ne doit pas exclure la dimension religieuse, qui recèle une puissante force spirituelle capable de servir la promotion de la personne humaine. Reconnaître la valeur transcendante de tout homme et de toute femme reste le premier pas pour favoriser la conversion du cœur qui peut soutenir l’engagement pour éradiquer la misère, la faim et la pauvreté sous toutes leurs formes.

Je vous remercie de votre aimable attention et, en conclusion, j’adresse mes vœux, dans les langues officielles de la FAO, à tous les États membres de l’Organisation :

Que Dieu bénisse vos efforts pour assurer le pain quotidien à chaque personne.

Petite théologie de la Liturgie des heures

18 novembre, 2009

du site:

http://www.societaslaudis.org/index.php?option=com_content&task=view&id=15&Itemid=8

Petite théologie de la Liturgie des heures       

Écrit par Abbé Thomas Diradourian    
17-12-2008 
Causerie donnée à la paroisse Sainte-Marguerite du Vésinet
le dimanche 30 novembre 2008

Chers Amis,

Osons une comparaison. De même qu’on attribue volontiers la crise de la société contemporaine à la perte de valeurs fondamentales, et la perte de ces valeurs à l’incurie du système éducatif, de même pourrait-on attribuer la crise que traversent les Églises occidentales à la perte de l’esprit de prière, et imputer cette perte à la déficience grave de l’enseignement de la prière.

C’est alors que la liturgie des Heures, qui nous rassemble ce soir, peut nous apparaître comme un remède inattendu, si l’on veut bien regarder cette liturgie, ainsi que le déclare le liturgiste américain Robert Taft, comme « l’école de prière de l’Église »…

Introduction : La liturgie des Heures, « école de prière de l’Église »

La prière des Heures peut offrir, en effet, à celui qui la pratique fidèlement, non seulement une initiation mais encore une formation permanente à la prière.

Le chanoine Martimort relève ainsi trois raisons très actuelles pour lesquelles la prière des Heures peut être dite une « école de prière » pour l’Église :

Le souci de spontanéité et de sincérité qui caractérise les générations de notre temps semble faire renaître parfois la tendance à opposer la prière personnelle, où le chrétien s’exprime tel qu’il est dans son horizon familier, et la liturgie des Heures, qui lui est proposée toute faite, avec sa trame biblique et sa structure héritée de tant de siècles de la vie de l’Église.

C’est alors qu’il prend conscience concrètement de la vraie nature de la liturgie, parce qu’elle lui demande d’entreprendre un triple dépassement.

a) La liturgie des Heures l’oblige à dépasser son goût personnel pour adopter la prière de l’Église ; même s’il la célèbre seul, c’est bien la voix de l’Église, de la catholica. (…)

b) (…) La liturgie des Heures est une prière qui médite sans cesse l’économie du salut. Cette dimension historique ne permet pas de limiter la perspective au moment présent.

c) Certes l’histoire du salut est pleine des combats du Peuple de Dieu, de ses souffrances, de ses cris d’appel au secours ; et la prière ne cesse de demander la lumière, la force, la vision de Dieu sur la terre des vivants ; mais la liturgie des Heures est primordialement prière d’action de grâce, émerveillement gratuit devant les grandeurs de Dieu, son œuvre de création, sa miséricorde et ses prévenances.

Je voudrais approfondir quelque peu ces trois points qui font de la prière des Heures, pour autant qu’on s’y adonne fidèlement, la véritable école de prière de l’Église :

1. La liturgie des Heures est par essence « prière de l’Église », prière catholique, c’est-à-dire de tout le Corps mystique du Christ. Elle nous libère de l’individualisme, ou du solipsisme spirituel, qui est le poison de la vie spirituelle.

2. La liturgie des Heures inscrit notre prière dans une histoire sainte qui nous dépasse, dans un temps sacré (« kairos ») qui transcende le temps humain, chronologique (« chronos »)  où nos soucis quotidiens risquent bien souvent de nous confiner.

3. La liturgie des Heures, en lien avec la Messe, nous forme à l’action de grâce (« eucharistia ») et à la libre offrande de nous-même, qui sont la vraie réponse gratuite que Dieu attend de nous dans la prière.

1. La liturgie des Heures, « prière de l’Église »

On désigne volontiers la liturgie des Heures par l’expression de « prière de l’Église ». Cette expression revêt deux significations immédiates, qui sont assez bien connues :

Tout d’abord, la prière de l’Église est évidemment la prière qui est donnée toute réglée par l’Église : c’est la prière « telle que l’Église l’entend pour nous ».

Ensuite, la « prière de l’Église » est la prière officielle de ceux qui sont mandatés par l’Église pour acquitter sa prière de louange, parce qu’ils représentent visiblement l’Église priante : les clercs et les religieux.

Cependant, le Concile Vatican II nous invite à aller plus en profondeur. Voici comment la Constitution liturgique Sacrosanctum Concilium, au numéro 84, nous parle de la louange des Heures :

Lorsque cet admirable cantique de louange est accompli selon la règle par les prêtres ou par d’autres, députés à cela par institution de l’Église, ou par les fidèles priant avec le prêtre selon la forme approuvée, alors c’est vraiment la voix de l’Épouse elle-même qui s’adresse à son Époux ; et mieux encore, c’est la prière du Christ que celui-ci, avec son Corps, présente au Père.

Ici, deux figures mystiques sont requises : l’Épouse et le Corps du Christ. Ces deux évocations méritent que l’on s’y arrête un instant. 

1.1. Prière au Christ ou prière du Christ ?

Le Concile emploie en premier lieu l’image du cantique chanté par l’Épouse à son Époux pour lui préférer ensuite, semble-t-il, celle de la prière adressée par le Christ total à son Père. Ces deux manières de nous situer dans la prière sont enrichissantes.

En évoquant le dialogue entre l’Épouse et l’Époux, la prière au Christ, SC 84 fait sienne la manière de prier de la primitive Église. Celle-ci avait conscience que les psaumes qu’elle chantait s’adressaient au Christ, comme l’affirmera encore saint Augustin : « Oratur a nobis ut Deus noster »

Néanmoins, l’image du Corps du Christ semble finalement prévaloir. La prière des Heures apparaît ici comme la prière du Christ total à son Père. Cela semble en cohérence avec l’idée majeure de la Constitution conciliaire sur la liturgie, à savoir la centralité liturgique du culte sacerdotal du Christ.

La Constitution rappelle ainsi que le Christ demeure l’Acteur principal qui poursuit par l’Église son œuvre de salut, en particulier dans la grande prière de l’Office. Cette insistance christocentrique implique, notons-le bien, une conscience vive de la présence du Christ dans le mystère liturgique, en l’occurrence lorsque l’Église chante les psaumes.

1.2. La prière de toute l’Église

Pourtant, à la suite du Concile qu’elle approfondit sur ce point d’une manière notable, la Liturgia Horarum va reprendre et déployer le sens spirituel de la prière de l’Épouse, renouant avec la manière antique de concevoir la prière liturgique : la prière de l’Épouse à l’Époux.

Son Introduction générale situe en effet l’origine de la liturgie des Heures non plus d’abord dans l’office sacerdotal du Christ, mais dans la pratique historique de la prière de la primitive Église, telle que la rapportent les Actes des Apôtres.

Si la liturgie de Heures est dite « prière de l’Église », c’est en premier lieu parce qu’elle concerne tous les membres de l’Église, qu’elle est la prière accomplie par tous les membres de l’Église orante. La vraie nature de l’Église se révèle ainsi dans l’assemblée en prière, dans l’Ecclesia orans.

La même introduction affirme alors que toute l’Église, en vertu du sacerdoce baptismal de chacun de ses membres, est responsable de la liturgie des Heures, avec une insistance propre à dérouter les chrétiens enracinés dans l’idée que cette prière est l’apanage des clercs et des religieux :

La louange de l’Église, ni par son origine, ni par sa nature propre, ne doit être réservée aux moines et aux clercs : elle appartient à toute la communauté chrétienne.

Paul VI expliquait ainsi que :

[La liturgie des Heures] manifeste la vraie nature de l’Église priante (Ecclesiæ orantis) et en est le signe merveilleux, spécialement lorsqu’une communauté se réunit à cet effet. (…) La prière chrétienne est avant tout la prière de toute la communauté que le Christ rassemble. Chacun participe à cette prière, qui est la prière propre d’un corps unique.

Autrement dit, toute l’Église est, par essence, Ecclesia orans, communauté en prière. 

De cela, il découle une exigence concrète : la prière de l’Église doit être, autant que faire se peut, une célébration commune. C’est pourquoi la liturgie des Heures restaurée par Vatican II invite à donner toute sa place à l’expression communautaire, paroissiale, cathédrale, de cette prière :

La liturgie des Heures (…) concerne tout le corps de l’Église, elle le manifeste et elle l’affecte tout entier. Sa célébration ecclésiale apparaît avec le maximum de clarté – et c’est donc ce qu’on recommande avec la plus grande insistance – quand elle est accomplie par une Église particulière.

En résumé, la liturgie des Heures est donnée à tous les chrétiens, à tous ceux qui veulent apprendre l’art chrétien de la prière, comme le « laboratoire » premier et fondamental de la « prière de l’Église » ou, mieux, de l’Église en prière.

Ayant dépassé une conception individualiste de la prière, nous pouvons envisager un deuxième dépassement auquel nous porte aussi la prière des Heures : la dilatation de notre temps humain aux dimensions sacrées du temps de Dieu.

2. La liturgie des Heures et la sanctification du temps

C’est une règle absolue de la prière chrétienne – héritée de la tradition juive – que le fidèle doit « prier Dieu sans cesse », et que ce commandement que fait le Seigneur, et saint Paul à sa suite, de prier toujours, s’exprime de manière concrète par la sanctification des grandes heures de la journée, en particulier le matin et le soir. Déjà dans les Actes des Apôtres, nous voyons les premiers chrétiens monter au Temple aux Heures définies de la prière.

En priant les heures, nous sommes ainsi invités à « sanctifier le temps ». Revenons sur cette expression décisive pour l’art de la prière, dont la liturgie des Heures se veut être l’école.

2.1. Du temps consacré et offert à Dieu

« Sanctifier le temps » : cette expression, nous devons la comprendre déjà en son sens littéral. Quand nous prions à telle ou telle heure de la journée, nous faisons de ce temps une Heure sainte, puisque nous la mettons en présence de Dieu. Nous faisons de cet instant de notre temps humain un instant d’éternité, au contact de Dieu.

Souvent, il nous en coûte de cesser notre activité pour dire le bréviaire, ou nous mettre à prier : nous avons l’impression que ce temps de prière ou de lecture est pris sur le temps de notre activité légitime de prêtre ou de fidèle laïc, sur le temps imparti à notre devoir d’état, premier lieu de notre sanctification.

« Sanctifier le temps » prend alors un sens plus profond, plus spirituel : celui d’un vrai sacrifice. Étymologiquement, « sanctifier » signifie « mettre à part pour Dieu », « consacrer à Dieu quelque chose en la soustrayant à son usage ordinaire ».

Il en va ainsi du temps que nous sanctifions : nous mettons à part – et c’est la nature même d’un sacrifice – un peu de notre temps d’activité nécessaire, nous le soustrayons à son emploi ordinaire, pour le consacrer à Dieu. Et, comme dans tout sacrifice, plus ce temps-là nous est précieux, plus ce temps-là est rare, plus le sacrifice que nous en faisons acquiert de la valeur.

Sanctifier le temps, c’est donc nous voler à nous-mêmes, chaque jour, pour l’offrir à Dieu, un peu de temps, sacrifier volontairement quelques instants de notre précieux temps, pour le rendre à Dieu qui en est l’Auteur. C’est pourquoi, il est nécessaire que la récitation de notre « liturgie des Heures » nous coûte chaque jour le prix d’un petit sacrifice de temps, un sacrifice joyeux dont le fruit sera une grâce d’abandon confiant au rythme de la Providence.

Nous pouvons en trouver une application concrète chaque semaine, dans notre manière de comprendre et d’exercer la sanctification du Jour du Seigneur. Allons-nous faire, en famille, le sacrifice d’un peu de notre temps si précieux, pour l’offrir gratuitement au Seigneur en venant à l’Église pour chanter sa louange du soir, aux vêpres ?

2.2. Du temps des hommes au temps de Dieu

Cependant, la prière des Heures va beaucoup plus loin. En effet, parce qu’elle est une forme du mystère liturgique, elle a la capacité de transformer notre temps. Expliquons-nous.

Que se passe-t-il lorsque nous « sanctifions le temps » par la liturgie des Heures ? Il se passe que notre temps, notre histoire concrète, changent de nature.

Car il existe deux sortes de temps : un temps « chronologique » ou « cosmique » (en grec : « chronos »), qui est la succession naturelle des heures, des jours et des événements, et d’autre part un temps « théologique », un temps assumé par Dieu, un temps possédé par la présence de Celui qu’une Préface appelle le « Maître du temps et de l’Histoire » (en gr. « kairos »).

Or la liturgie des Heures a pour effet de convertir le temps-chronos en temps-kairos, d’insérer le temps naturel et profane de l’activité humaine dans le temps surnaturel et sacré de l’Histoire du salut, et en particulier de rapporter chaque moment de notre vie à l’événement unique, central et totalisant de l’Histoire du monde qu’est le Mystère Pascal de la Mort et de la Résurrection du Christ.

C’est de cette manière que la liturgie des Heures nous fait « transporter en Dieu » les moments que nous lui consacrons pour acquitter cette prière, et surtout qu’elle nous fait transporter en Dieu le monde où nous vivons, avec ses souffrances et ses aspirations, comme aussi le monde intérieur de notre âme, avec ses joies, ses peines et ses pesanteurs.

3. L’Office divin comme prière « eucharistique »

Enfin, la liturgie des Heures nous invite à un troisième dépassement : elle nous oblige à entrer dans la prière gratuite de louange et d’action de grâces.

La prière des Heures exprime la prière de l’Église parvenue à maturité. Elle outrepasse  les demandes singulières et temporaires que l’homme peut adresser à Dieu, pour le faire entrer dans l’action de grâces et l’offrande de soi, qui constituent le cœur de la vie chrétienne : la grande Eucharistie qui consiste dans l’offrande de soi du Christ à son Père.

3.1. Les Heures, « complément nécessaire » de l’Eucharistie

Plusieurs auteurs ont montré comment la liturgie des Heures développait le thème majeur de la prière eucharistique qu’est le « sacrifice d’action de grâces ». Ainsi, certaines expressions, telles « sacrificium laudis », « hostia laudis » ou « gratiarum actio » sont appliquées par la liturgie tant au sacrifice eucharistique qu’à la liturgie des Heures.

La place centrale de l’autel, vers lequel on se tourne et que l’on encense aux Offices majeurs, révèle aussi ce lien très étroit entre l’Eucharistie de la Messe et l’Eucharistie des Heures.

À travers ces similitudes, il apparaît que la prière des Heures prolonge l’Eucharistie qui est le mouvement d’action de grâces envers Dieu pour son œuvre de création et de salut.

Ce lien organique entre la célébration eucharistique et l’Office divin a été décrit de diverses manières complémentaires. La Constitution Laudis Canticum exprime ainsi le rôle de « necessarium complementum » de la liturgie des Heures en regard de l’Eucharistie.

En effet, cette dernière contient en elle-même la plénitude du culte divin à laquelle il n’est rien à ajouter, mais que la prière des Heures est chargée d’étendre à chaque heure de la vie des hommes.

C’est le sens de l’image classique du soleil et des astres, qui peut s’entendre de deux manières : à l’instar des étoiles qui éclairent le ciel d’une lumière identique à celle du soleil, les Heures constellent la journée chrétienne de l’unique lumière de grâce qui resplendit dans l’Eucharistie.

Telles des planètes qui réfléchissent la lumière du soleil, les Heures de l’Office sont aussi comme autant de points de réflexion, au long de la journée, de la lumière qu’elles reçoivent du mystère central de l’Eucharistie.

C’est l’une des thèses principales de la belle étude de théologie de la liturgie des Heures du P. de Reynal que de montrer comment « la liturgie des Heures répercute au long de la journée l’écho de la grande prière eucharistique, en en reprenant les grandes orientations et en les amplifiant dans le climat de louange et d’intercession qui lui est propre » (p. 155).

3.2. La « forme eucharistique » de la vie et de la prière chrétiennes

Ce qu’il faut comprendre, au fond, c’est que la prière de l’Office est une forme de prière eucharistique, en tant qu’elle nous permet, heure après heure, unis au mystère du Christ, de consacrer et d’offrir notre être à Dieu :

Comme orants, nous poursuivons avec d’autres mots à chaque moment de la prière des Heures, cette offrande de nous-même que nous accomplissons avec le Christ en chaque Eucharistie.

Cette offrande de soi au long de la journée fournit leur couleur particulière aux prières d’intercession des Laudes, qui sont moins une prière universelle qu’un acte d’offrande de la journée.

On peut dire ainsi que l’Office divin est la prière qui nous permet de vivre vraiment cette « forme eucharistique de la vie chrétienne » dont parle le pape Benoît XVI dans l’Exhortation Sacramentum Caritatis.

Le Pape cite le passage de l’épître aux Romains (12, 1) qui définit le vrai sacrifice spirituel : « Je vous exhorte, mes frères, par la miséricorde de Dieu, à Lui offrir vos corps en sacrifice saint : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre. »

Et il commente en disant qu’ici « apparaît l’image du culte nouveau comme offrande totale de la personne en communion avec toute l’Église (…). Le culte agréable à Dieu devient ainsi une nouvelle façon de vivre toutes les circonstances de l’existence où [chaque activité particulière] est exaltée en tant qu’elle est vécue en relation avec le Christ et offerte à Dieu. »

Ce pourrait être, pour finir, une belle définition intérieure de l’Office divin, mais surtout une puissante invitation à renouer avec lui et à le célébrer ensemble chaque jour, chaque dimanche : la liturgie des Heures permet à chacun la célébration continue et persévérante du culte intérieur qui plaît à Dieu, du vrai sacrifice de louange par lequel notre vie est exaltée, considérée comme une bénédiction divine et un objet d’action de grâce.

Thomas Diradourian, prêtre