Archive pour le 9 novembre, 2009
San Leone Magno, Papa
9 novembre, 200911 novembre: Saint Martin de Tours
9 novembre, 2009du site:
http://apotres.amour.free.fr/page4/martin.htm
Saint Martin de Tours
vers 316 – 397
fêté le 11 novembre
Trois ans après l’Edit de Milan naît à Sabaria, dans la province romaine de Pannonie l’actuelle Hongrie – Martin, fils d’un soldat romain, enfant d’une famille païenne. Peu de temps après, le père est muté à Pavie, en Italie du Nord. Pénétré mystérieusement par la grâce, l’enfant perçoit des appels intérieurs. Il est attiré par la religion des chrétiens qu’il voit vivre et agir autour de lui. A douze ans, il rêve de vie au désert, pour y imiter les ascètes orientaux. Las, la loi exige qu’un fils de soldat soit enrôlé, lui aussi, dans l’armée impériale, dès l’âge de quinze ans. Martin – diminutif de Mars, dieu de la guerre -,est affecté à la Garde impériale, troupe d’élite vouée à la surveillance des Marches menacées par les Barbares. Martin part en Gaule. Il rejoint la garnison d’Amiens. C’est là que se produit son geste magnifique qui entrera dans le livre d’or de la charité chrétienne. Pris de pitié à la vue d’un pauvre, en loques, grelottant de froid dans la bise glacée aux portes de la cité, Martin saisit son ample pèlerine et du haut de sa monture la tranche en deux, donnant la partie la plus grande au traînemisère. La nuit suivante, Martin a une vision ou un songe. Jésus lui apparaît revêtu de la moitié de sa chlamyde… Le geste d’Amiens aidera les chrétiens des siècles à venir à voir Jésus en tout être dans la détresse.
Peu de temps après cet épisode, Martin reçoit le baptême. Désormais, il appartient tout entier au Christ. Il doit cependant servir dans l’armée jusqu’à l’expiration du temps réglementaire de service fixé à 25 ans. Cependant à mesure que la foi grandit en lui, l’esprit militaire décline. Peu avant le terme de son service, il doit prendre part à l’assaut de Worms. Il se refuse à verser du sang et demande à l’empereur d’être dispensé de cette action militaire. Furieux, l’empereur Julien le traite de lâche. Martin demande alors à être mis en tête des assaillants, sans autre arme qu’une croix. Mais juste avant l’assaut, les Barbares se rendent. Les soldats attribuent à Martin ce «miracle» inattendu.
Il a quarante ans quand il quitte l’armée. Voici qu’il se dirige, vers Poitiers. Il a entendu parler de l’évêque Hilaire, le grand défenseur de la foi catholique face aux évêques ariens qui se multiplient. Celui-ci découvre en Martin un être brûlant de foi. Il veut se l’attacher comme diacre. Martin décline cet honneur. Tout au plus accepte-t-il l’ordre d’exorciste; la vie l’a renseigné sur la virulence et la fourberie de Satan et de ses légions.
A la faveur d’un songe, un rêve ancien ressurgit en son coeur: amener ses parents, toujours vivants, au Christ Jésus. Tandis qu’Hilaire, fer de lance, en Gaule, contre un arianisme (L’arianisme, doctrine du prêtre Arius d’Alexandrie (256-336) nie la divinité du Christ. Cette hérésie a traversé les siècles, jusqu’à nos jours.) majoritaire et agressif, est envoyé en exil en Phrygie (Partie occidentale de l’Asie Mineure, la Turquie actuelle.), Martin part en Illyrie (Région montagneuse faisant partie aujourd’hui de l’Italie du Nord, de la Slovénie et de l’Autriche.)
En route, il est attaqué par des brigands dans les Alpes. Il convertit l’un d’eux, impressionné par la paix qui se dégage du voyageur. Arrivé chez sa mère, il la convertit également. Son père, par contre, refuse de devenir chrétien. L’attention des évêques illyriens, gagnés à l’arianisme, est attiré sur le fervent défenseur de la divinité du Christ. Ils persécutent Martin et le fouettent en public. Il part alors en Italie et s’installe dans un ermitage près de Milan. L’évêque Auxence, arien lui aussi, le maltraite et l’expulse de son territoire. Martin se réfugie alors sur l’île de Gallinara, au large de Gênes. A l’exemple des ascètes orientaux, il ne se nourrit plus que d’herbes et de racines. Un jour, il consomme de l’hellébore et manque d’en mourir, empoisonné. Il est sauvé par la prière. C’est alors qu’il apprend que l’évêque Hilaire a eu l’autorisation de rentrer en Gaulle. Martin retourne à Poitiers où Hilaire l’accueille, les bras grands ouverts, non pas comme un disciple, mais comme « un glorieux compagnon de ses combats ». Martin se retire alors dans un ermitage, à deux heures de marche de Poitiers. Des disciples l’y rejoignent. C’est le début d’une communauté qui formera le monastère de Ligugé, première communauté monastique en Gaule. Pendant une absence de Martin, un jeune catéchumène y meurt. A son retour, bouleversé par la douleur des autres disciples, Martin va prier près du corps du catéchumène mort depuis trois jours. II pleure amèrement et supplie le Seigneur de lui rendre la vie. Le jeune homme revient à la vie et raconte son expérience dans l’au-delà après sa mort. (C’est la première expérience de cette nature dont le récit est attesté par l’histoire. Les récits sur «la vie après la vie» de morts cliniques ramenés à la vie par des interventions opératoires, abondent depuis une vingtaine d’années.)
Martin reste une quinzaine d’années à Ligugé. Il se livre à l’étude de la Bible et prêche dans les campagnes environnantes. Son renom parvient au loin, surtout après que le Seigneur avait ressuscité, sur son intercession, le catéchumène et un jeune esclave d’un domaine voisin. Un étrange projet germe alors dans l’esprit des chrétiens de Tours. En 371, leur évêque, Lidoire, meurt. Pourquoi le saint moine de Ligugé ne lui succéderait-il pas? Prévoyant son refus, ils usent d’un stratagème. Un des leurs va supplier Martin de venir prier pour sa femme gravement malade. N’écoutant que son bon coeur, le moine s’y rend. En route, il est soudain entouré d’une foule de gens et conduit, à son corps défendant, à Tours. Il y est reçu par une communauté de croyants enthousiastes, clercs et laïcs, qui lui demandent d’être leur nouvel évêque. Lisant dans les événements la volonté de Dieu, Martin cesse bientôt de résister à cet appel. Par contre, on trouvera plus difficilement un évêque qui soit disposé à consacrer ce moine aux longs cheveux en désordre, aux habits sales et élimés, qui ne paie vraiment pas de mine…
Martin ne tarde pas à se révéler, comme un évêque gouvernant avec autorité, aimé, respecté des fidèles. Il est humble et accueillant; il reste pauvre. Installé dans un ermitage à une demi heure à pied de Tours, il est rejoint par des disciples. Ainsi naît le monastère de Marmoutier. Il établit une règle de vie faite de prières, de pauvreté, de mortifications. L’évêque y accueille jusqu’à quatre-vingts âmes aspirant à vivre comme le saint, vêtus, comme lui, de bure grossière. Chacun vit dans une cabane, priant, méditant, se faisant copiste de livres saints. Martin se rend tous les jours à sa cathédrale pour célébrer les offices. Un jour, pendant l’Eucharistie, un globe lumineux apparaît audessus de l’évêque: il vient de donner, en cachette à un pauvre, sa propre tunique… Sa charité est inlassable. Il rachète des captifs, intercède en faveur de condamnés à mort. Il parcourt les villages de son diocèse, fait détruire temples païens et idoles démoniaques; il fait abattre les arbres sacrés. Des signes nombreux accompagnent les efforts infatigables d’évangélisation de ce pasteur d’âmes; ils confirment les fidèles dans leur foi et infirment les croyances des païens et l’hérésie des ariens. Sur l’emplacement des temples détruits, il fait construire des églises et des monastères. Peu à peu le diocèse se couvre de lieux saints que l’évêque confie à ses prêtres; les vocations se multiplient autour de lui et sous son égide.
Les miracles également. Sulpice Sévère, son biographe affirme qu’il a lui-même assisté à plusieurs miracles. En voici quelques-uns d’une longue série, dus à l’intercession de l’évêque thaumaturge. Arrivé un jour, dans un village païen, il décide d’abattre leur arbre sacré. Menés par le sacrificateur, les paysans s’y opposent. Attaché, sur sa propre demande, à l’arbre, du côté où celui-ci doit nécessairement s’abattre, l’arbre tombe du côté opposé, sauvant le saint qu’il devait écraser. Bouleversés par ce miracle, cette communauté païenne se convertit. Un autre jour, l’évêque met le feu à un temple païen; les flammes, poussées par le vent, menacent d’engloutir une maison voisine. Montant sur le toit, Martin supplie le Ciel d’épargner cette maison; aussitôt les flammes se détournent. En voyage, il est attaqué par un brigand qui va le percer de son épée; à ce moment-même, le malfaiteur tombe à la renverse. Effrayé, il s’enfuit. A Trèves, l’évêque guérit une jeune fille paralytique qui se meurt, en lui versant quelques gouttes d’huile bénite, dans la bouche. Aux portes de Paris, Martin rencontre un lépreux horriblement défguré; il le prend dans ses bras et l’embrasse. Aussitôt, la lèpre est guérie.
Martin est souvent en proie aux attaques des démons, auxquels il arrache les âmes en grand nombre. Toujours à Trèves, il chasse le démon chez un serviteur du proconsul Tétradius; celui-ci se convertit. Entrant, un autre jour, dans une maison, il y aperçoit un démon à l’aspect épouvantable. Martin lui commande de s’en aller; au lieu de fuir, le démon prend possession d’un homme logé à l’arrière de la demeure. Le malheureux est transformé en bête furieuse, prête à mordre quiconque s’en approche. Indigné, le saint va vers lui, met ses doigts dans la bouche du possédé et interpelle l’esprit impur: si tu as quelque puissance, dévore cette main que j’étends sur toi! Le démon prend alors la fuite, comme si la main de l’évêque dégageait des flammes. Près de Chartres, Martin obtient du Seigneur la résurrection d’un enfant mort qu’une maman éplorée lui présente. Elle est accompagnée d’une grande foule de païens qui tous se convertissent.
Quand Martin perçoit une résistance exceptionnelle, de la part des païens, à ses efforts d’évangélisation, il a recours à son arme préférée, la pénitence. Se revêtant de la haire à même la peau, il se couvre de cendres, prie et jeûne pendant trois jours. Il convertit ainsi le village de Levroux, en Berri, dont les habitants se sont enrichis par des pratiques occultes maléfiques. Au bout des trois jours, des anges lui ordonnent de retourner à ce lieu d’abomination. Les habitants y sont comme paralysés. Martin détruit leur temple et les idoles. Revenus de leur engourdissement, les païens reconnaissent dans ces événements un signe du Ciel et deviennent chrétiens.
Le moine-évêque de Tours ne se contente pas de cheminer de son ermitage à sa cathédrale. On l’a vu, il passe de village en village, pour y porter la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. A la recherche des âmes captives du paganisme, il franchit les limites de son territoire. Devant le succès de ses missions, d’autres évêques l’invitent dans leurs diocèses. C’est saint Martin de Tours qui a lancé l’évangélisation des campagnes.
Ces trois premiers siècles, l’Eglise s’était répandue dans les zones urbaines. Elle était formée, en général de gens modestes, artisans, commerçants, esclaves affranchis. Les paysans et l’aristocratie étaient, sauf de rares exceptions, réfractaires à la foi chrétienne. Dans les campagnes, le paganisme était si profondément ancré que le mot « paganus » paysan – finit par signifier « païen » . Le dernier refuge du paganisme, ce sera la campagne. Le lien charnel avec la terre et la nature; les signes divinatoires, les plantes magiques; envoûteurs, sorciers et magiciens abondent dans les campagnes isolées, fermées sur elles-mêmes, sensibles à l’étrange, au merveilleux, à l’occulte. Le christianisme représente une rupture radicale avec tout cela.
Armé d’une foi qui «déplace les montagnes», Martin pénètre dans cet univers hostile, à dos d’âne ou de mulet. Il sait parler au peuple, parvient à émouvoir les petites gens. Des communautés chrétiennes naissent sous ses pas. Le Ciel, il est vrai, l’aide puissamment par des signes qui se multiplient sur son passage et attestent la véracité de son message. il avance toujours plus loin. L’Auvergne, la Saintonge, la vallée du Rhône, la région parisienne renvoient l’écho de la voix et des appels de l’ardent missionnaire. Martin est vraiment l’apôtre des Gaules, pour avoir parcouru les provinces gauloises. Et aussi pour y avoir inventé de nouvelles méthodes d’évangélisation. Avancer sans peur, proclamer l’Evangile avec enthousiasme, en adaptant les paroles à l’auditoire auquel on s’adresse, pénétrer même en milieu hostile, ne pas hésiter à lancer des défis aux païens et incroyants en faisant violence au Ciel, se laisser toujours guider par l’Esprit; en cas de forte résistance, recourir aux jeûne et à la pénitence, assiéger le Seigneur de prières et de supplications: tout cela exige cependant une foi totale et intégrale, un lien infrangible avec le Christ, une détermination inébranlable. A une telle âme, le Seigneur ne refuse rien; les grâces accordées sont proportionnées au degré d’abandon à Dieu, dont elle est l’instrument. Si celui-ci est faible de sa propre faiblesse, son efficacité est celle de la puissance de Dieu. Voilà le secret de l’évêque Martin, évangélisateur des Gaules et modèle d’évangélisation.
L’évêque de Tours ne pénètre pas seulement dans le milieu paysan et campagnard, il ouvre également le coeur de l’aristocratie à la foi et à la charité. A la fin de sa vie, la plupart des quatre-vingts moines de Marmoutier sont issus de l’aristocratie sénatoriale. La vie monastique prend un essor prodigieux sous son épiscopat. Deux mille moines et moniale asssisteront aux obsèques de évêque thaumaturge.
Sa renommée atteint bientôt les confins de l’Empire. Sa parole de feu, les conversions massives, les miracles, et aussi son immense bonté et sa misécorde l’ont fait connaître partout et dans tous les milieux.
Martin meurt d’épuisement à Candes, le 11 novembre 397. Il est enseveli à Tours.
(Tiré du récit de René Lejeune – Stella Maris n°320 – Novembre 1996)
Pape Benoît: Saint Léon le Grand (Audience 5 mars 2008)
9 novembre, 2009du site:
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 5 mars 2008
Saint Léon le Grand
Chers frères et soeurs,
En poursuivant notre chemin parmi les Pères de l’Eglise, véritables astres qui brillent de loin, nous abordons pendant notre rencontre d’aujourd’hui la figure d’un Pape qui, en 1754, fut proclamé Docteur de l’Eglise par Benoît XIV: il s’agit de saint Léon le Grand. Comme l’indique l’épithète que la tradition lui attribua très tôt, il fut véritablement l’un des plus grands Papes qui aient honoré le Siège romain, contribuant largement à en renforcer l’autorité et le prestige. Premier Evêque de Rome à porter le nom de Léon, adopté ensuite par douze autres Souverains Pontifes, il est également le premier Pape dont nous soit parvenue la prédication qu’il adressait au peuple qui se rassemblait autour de lui pendant les célébrations. Il est naturel de penser également à lui dans le contexte des actuelles Audiences générales du mercredi, des rendez-vous qui pendant les dernières décennies sont devenus pour l’Evêque de Rome une forme habituelle de rencontre avec les fidèles et avec de nombreux visiteurs de toutes les parties du monde.
Léon était originaire de la région italienne de la Tuscia. Il devint diacre de l’Eglise de Rome autour de l’an 430 et, avec le temps, il acquit au sein de celle-ci une position de grande importance. Ce rôle de premier plan poussa Galla Placidia, qui à cette époque dirigeait l’Empire d’Occident, à l’envoyer en Gaule en 440 pour résoudre une situation difficile. Mais au cours de l’été de cette année, le Pape Sixte III – dont le nom est lié aux magnifiques mosaïques de Sainte-Marie-Majeure – mourut, et ce fut précisément Léon qui lui succéda, recevant la nouvelle alors qu’il accomplissait justement sa mission de paix en Gaule. De retour à Rome, le nouveau Pape fut consacré le 29 septembre 440. C’est ainsi que commença son pontificat, qui dura plus de vingt-et-un an, et qui a été sans aucun doute l’un des plus importants de l’histoire de l’Eglise. A sa mort, le 10 novembre 461, le Pape fut enterré auprès de la tombe de saint Pierre. Ses reliques sont conservées aujourd’hui encore dans l’un des autels de la Basilique vaticane.
Le Pape Léon vécut à une époque très difficile: la répétition des invasions barbares, le progressif affaiblissement en Occident de l’autorité impériale et une longue crise sociale avaient imposé à l’Evêque de Rome – comme cela devait se produire de manière encore plus forte un siècle et demi plus tard pendant le pontificat de Grégoire le Grand – d’assumer un rôle important également dans les événements civils et politiques. Cela ne manqua pas, bien évidemment, d’accroître l’importance et le prestige du Siège romain. Un épisode de la vie de Léon est en particulier resté célèbre. Il remonte à 452, lorsque le Pape rencontra à Mantoue, avec une délégation romaine, Attila, chef des Huns, et le dissuada de poursuivre la guerre d’invasion par laquelle il avait déjà dévasté les régions du nord-est de l’Italie. Et ainsi sauva-t-il le reste de la péninsule. Cet événement important devint vite mémorable, et il demeure comme le signe emblématique de l’action de paix accomplie par le Pontife. Trois ans plus tard, l’issue d’une autre initiative papale, signe d’un courage qui nous stupéfie encore, ne fut malheureusement pas aussi positive: en effet, au printemps 455 Léon ne réussit pas à empêcher que les Vandales de Genséric, arrivés aux portes de Rome, envahissent la ville sans défense, qui fut mise à sac pendant deux semaines. Toutefois, le geste du Pape – qui, sans défense et uniquement entouré de son clergé, alla à la rencontre de l’envahisseur pour le conjurer de s’arrêter – empêcha au moins que Rome ne soit incendiée et obtint que le terrible sac épargnât les Basiliques Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint-Jean, dans lesquelles une partie de la population terrorisée se réfugia.
Nous connaissons bien l’action du Pape Léon, grâce à ses très beaux sermons – nous en conservons près de cent dans un latin splendide et clair – et grâce à ses lettres, environ cent cinquante. Dans ces textes, le Pape apparaît dans toute sa grandeur, tourné vers le service de la vérité dans la charité, à travers un exercice assidu de la parole, qui le montre dans le même temps théologien et pasteur. Léon le Grand, constamment attentif à ses fidèles et au peuple de Rome, mais également à la communion entre les différentes Eglises et à leurs nécessités, fut le défenseur et le promoteur inlassable du primat romain, se présentant comme l’authentique héritier de l’Apôtre Pierre: les nombreux Evêques, en grande partie orientaux, réunis au Concile de Chalcédoine se montrèrent bien conscients de cela.
Se déroulant en 451, avec la participation de trois cent cinquante Evêques, ce Concile fut la plus importante assemblée célébrée jusqu’alors dans l’histoire de l’Eglise. Chalcédoine représente le point d’arrivée sûr de la christologie des trois Conciles œcuméniques précédents: celui de Nicée de 325, celui de Constantinople de 381 et celui d’Ephèse de 431. Au VI siècle, ces quatre Conciles, qui résument la foi de l’Eglise des premiers siècles, furent en effet déjà comparés aux quatre Evangiles: c’est ce qu’affirme Grégoire le Grand dans une lettre célèbre (I, 24), dans laquelle il déclare « accueillir et vénérer, comme les quatre livres du saint Evangile, les quatre Conciles », car c’est sur eux – explique encore Grégoire – « comme sur une pierre carrée que s’élève la structure de la sainte foi ». Le Concile de Chalcédoine – repoussant l’hérésie d’Eutichios, qui niait la véritable nature humaine du Fils de Dieu – affirma l’union dans son unique Personne, sans confusion ni séparation, des deux natures humaine et divine.
Cette foi en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, était affirmée par le Pape dans un important texte doctrinal adressé à l’Evêque de Constantinople, qui s’intitule Tome à Flavien, qui, lu à Chalcédoine, fut accueilli par les Evêques présents avec une acclamation éloquente, dont la description est conservée dans les actes du Concile: « Pierre a parlé par la bouche de Léon », s’exclamèrent d’une seule voix les Pères conciliaires. C’est en particulier de cette intervention, ainsi que d’autres effectuées au cours de la controverse christologique de ces années-là, qu’il ressort de manière évidente que le Pape ressentait avec une urgence particulière la responsabilité du Successeur de Pierre, dont le rôle est unique dans l’Eglise, car « à un seul apôtre est confié ce qui est communiqué à tous les apôtres », comme affirme Léon dans l’un de ses sermons pour la fête des saints Pierre et Paul (83, 2). Et le Pape sut exercer ces responsabilités, en Occident comme en Orient, en intervenant en diverses circonstances avec prudence, fermeté et lucidité à travers ses écrits et au moyen de ses légats. Il montrait de cette manière que l’exercice du primat romain était alors nécessaire, comme il l’est aujourd’hui, pour servir efficacement la communion, caractéristique de l’unique Eglise du Christ.
Conscient du moment historique dans lequel il vivait et du passage qui se produisait – à une période de crise profonde – entre la Rome païenne et la Rome chrétienne, Léon le Grand sut être proche du peuple et des fidèles à travers l’action pastorale et la prédication. Il anima la charité dans une Rome éprouvée par les famines, l’afflux des réfugiés, les injustices et la pauvreté. Il fit obstacle aux superstitions païennes et à l’action des groupes manichéens. Il relia la liturgie à la vie quotidienne des chrétiens: en unissant par exemple la pratique du jeûne à la charité et à l’aumône, en particulier à l’occasion des Quattro tempora, qui marquent pendant le cours de l’année le changement des saisons. Léon le Grand enseigna en particulier à ses fidèles – et aujourd’hui encore ses paroles restent valables pour nous – que la liturgie chrétienne n’est pas le souvenir d’événements passés, mais l’actualisation de réalités invisibles qui agissent dans la vie de chacun. C’est ce qu’il souligne dans un sermon (64, 1-2) à propos de la Pâque, à célébrer à chaque époque de l’année « pas tant comme quelque chose du passé, mais plutôt comme un événement du présent ». Tout cela s’inscrit dans un projet précis, insiste le saint Pontife: en effet, de même que le Créateur a animé par le souffle de la vie rationnelle l’homme façonné avec la boue de la terre, après le péché originel, il a envoyé son Fils dans le monde pour restituer à l’homme la dignité perdue et détruire la domination du diable, à travers la vie nouvelle de la grâce.
Tel est le mystère christologique auquel saint Léon le Grand, avec sa lettre au Concile d’Ephèse, a apporté une contribution efficace et essentielle, confirmant pour tous les temps – par l’intermédiaire de ce Concile – ce que dit saint Pierre à Césarée de Philippe. Avec Pierre et comme Pierre, il confesse: « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Il est donc Dieu et Homme à la fois, « il n’est pas étranger au genre humain, mais étranger au péché » (cf. Serm. 64). Dans la force de cette foi christologique, il fut un grand porteur de paix et d’amour. Il nous montre ainsi le chemin: dans la foi nous apprenons la charité. Nous apprenons donc avec saint Léon le Grand à croire dans le Christ, vrai Dieu et vrai Homme, et à réaliser cette foi chaque jour dans l’action pour la paix et dans l’amour pour le prochain.
10 novembre / Saint Léon le Grand – Pape et docteur de l’Eglise
9 novembre, 2009du site:
http://missel.free.fr/Sanctoral/11/10.php]
10 novembre / Saint Léon le Grand,
Pape et docteur de l’Eglise
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Sa vie
Ferme témoin de l’ère patristique dans la décadence romaine où, pendant vingt-et-un ans, il affronte victorieusement les nouveaux maîtres, les Barbares1, le quarante-cinquième évêque de Rome, quarante-troisième saint pape, est le premier à porter le nom de Léon2 et le premier dont nous conservons les œuvres complètes3 qui lui valent d’êtrele premier pape à porter le titre de docteur de l’Eglise4 ; il est aussi le premier pape à être enseveli au Vatican : « L’ancienne Eglise, écrivait le savant Batiffol5, n’a pas connu de pape plus complet ni de plus grand. » Il pourfend les hérétiques, il prêche à temps et à contretemps, avec simplicité et profondeur, dignité et tendresse ; il déploie un courage authentique et modeste quand il affronte les Huns et les Vandales ; faiseur de paix, appliqué à son métier de pape, ce conducteur d’hommes sacrifie sa vie privée à sa vie publique : « Nous devons courir la route qui n’est autre que Jésus en personne. »
Fils de Quintanius, certains le supposent toscan tandis que d’autres, s’appuyant sur une de ses lettres à Pulchérie (épître XXXI) l’affirment romain. Nous ne savons rien de sûr de ses premières années, sinon la belle résultante d’une bonne éducation classique. On le rencontre en 418, déjà l’acolyte, utilisé comme vaguemestre du pape Zosime qui le distingue pour son humanisme solide (hormis la maîtrise du grec), sa connaissance approfondie des sciences ecclésiastiques et sa séduisante éloquence ordonnée. Ordonné diacre par le pape Célestin, il est nommé archidiacre de Rome (432) et bientôt chargé de mission à l’époque où Cassien lui dédie son traité contre les Nestoriens.6 »
C’est grâce à lui que le pape Sixte III déjoue les arguties de Julien d’Eclane (439) qui soutient les pélagiens7. En 440, il est désigné comme médiateur dans le litige qui oppose, en Gaule, le général Ætius au seigneur Albinus. Lorsque meurt Sixte III (19 août 440), Léon est rappelé d’urgence à Rome où il est élu à la succession de Pierre (29 septembre 440).
Chef prudent et sage, homme de doctrine et de discipline, Léon I° s’entoure de conseillers avisés, choisis parmi les spécialistes des grandes questions comme le moine Prosper d’Aquitaine, polémiste vigoureux contre Cassien et Vincent de Lérins, et viscéralement anti-pélagien.
Dans ses homélies, en style elliptique, il commente l’année liturgique en formules lapidaires. On cite comme exemple de beau latin et de commentaire intériorisé, son fameux sermon sur Noël. « Aujourd’hui, frères bien-aimés, Notre-Seigneur est né. Réjouissons-nous ! Nulle tristesse n’est de mise, le jour où l’on célèbre : naissance de la vie, abolition de la peur causée par la mort, éternité promise… Le Verbe divin, Dieu lui-même, s’est fait homme pour délivrer l’homme de la mort éternelle. Pour ce faire, il s’est abaissé jusqu’à nous, mais sans rien perdre de sa majesté. Il est devenu ce qu’il n’était pas, tout en demeurant tout ce qu’il était. Il unit donc la forme de l’esclave à la forme dans laquelle il est égal à Dieu le Père. De la sorte, il a lié entre elles deux natures, de telle façon qu’il n’a pas détruit la nature inférieure par sa glorification et n’a pas amoindri la nature supérieure par l’addition de l’autre.8 » A travers même la traduction, les plus délicats détectent et apprécient les procédés rhétoriques : parallèles et antithèses, assonances et clausules… Il en est de même du célèbre sermon sur la Passion. « La glorieuse passion de Notre-Seigneur, apparaît spécialement admirable par son mystère d’humilité… En effet, la toute-puissance du Fils de Dieu, source de son égalité avec le Père dans l’unité d’essence, aurait pu soustraire le genre humain à l’esclavage du diable par le seul commandement de sa volonté. Mais il était pleinement conforme aux œuvres divines que l’hostilité et la malignité de l’ennemi fussent vaincues par cela même qu’elles avaient vaincu, que la liberté fût restaurée par la nature même qui nous avait tous jetés dans l’esclavage… Dans cette union entre la créature et son créateur, rien ne manqua à la nature divine, rien d’humain ne manque à celle qu’il assumait.9 »
Léon le Grand combat l’erreur manichéenne du perse Manès (mort 227), hérésie qui reconnaît deux principes – le Bon qui est Dieu et le Mauvais qui est le démon, en lutte perpétuelle. En 443-444, il recourt au bras séculier et les empereurs Théodose le Jeune et Valentinien III prononcent des peines sévères contre les sectateurs. Même conduite envers les pélagiens, solennellement stigmatisés au concile d’Ephèse (431). Seize ans après, les priscillianistes10 sont condamnés.
Sous son impulsion, la délicate question de l’élection des évêques est réglementée. Léon rappelle à l’ordre les épiscopes de Mauritanie césarienne, Rusticus, évêque gaulois de Narbonne, Hilaire évêque d’Arles. Au milieu du découpage de l’Eglise du V° siècle entre les juridictions patriarcales11 il sauvegarde la primauté romaine, au point de mériter (227 ans après sa mort) l’éloge d’un de ses successeurs, Serge I° qui lui attribue cette devise : « Je veille pour que le loup, toujours à l’affût, ne saccage pas mon troupeau. »
Après la condamnation de Nestorius, au concile d’Ephèse (431), un archimandrite de Constantinople, Eutychès, d’apparence austère, tombe dans l’erreur opposée à celle de Nestorius. Le premier proclame qu’il y a deux personnes distinctes, en Jésus-Christ : l’homme et le dieu ; le second soutient qu’il n’y a qu’une seule nature en Jésus-Christ : la divine. Entre Flavien, patriarche de Constantinople qui défend et diffuse la saine doctrine, et Eutychès qui la bafoue, il faut trancher.
Eutychès, appuyant sa supplique par une lettre de l’empereur Théodose, en appelle au pape Léon. Un rescrit impérial convoque un concile à Ephèse, pour le 30 mars 449 où, à cause de son appel au pape qui est suspensif, Eutychès échappe à la condamnation prononcée par Flavien. Pire encore, lors du concile frauduleusement convoqué, les légats du Pape12 sont placés sous surveillance des mouchards impériaux et le patriarche Flavien est molesté ; Léon le Grand dénonce l’irrégularité flagrante : Ephenisum latrocinium, Le brigandage d’Ephèse. Le pape rédige son admirable Lettre dogmatique à Flavien : outre la condamnation d’Eutychès (Imprudent à l’excès, exégète ignorant et contempteur de la vérité) il fournit des précisions dogmatiques ciselées comme des rasoirs. « Jésus-Christ fait homme, unique médiateur entre Dieu et les hommes, a pu mourir dans sa nature humaine, tout en restant immortel dans sa nature divine. Le vrai Dieu par sa naissance a pris la nature parfaitement complète d’un homme authentique et il est : tout entier dans la sienne et tout entier dans la nôtre… C’est grâce à cette unité de personne dans une double nature que le Fils de l’homme est descendu du ciel et, d’autre part, que le Fils de Dieu a été crucifié et enseveli, alors qu’il a pu souffrir ces épreuves par suite de l’infirmité de notre nature, nullement de sa divinité elle-même… Si donc Eutychès accepte la foi chrétienne, il reconnaîtra quelle est la nature qui a été percée par les clous et attachée à la croix… L’Eglise catholique vit et perpétue cette croyance : dans le Christ Jésus, l’humanité n’est pas sans véritable divinité et la divinité sans véritable humanité ! » Placidie, mère de Valentinien III et Pulchérie, devenue épouse de Marcien, interviennent près de l’autorité impériale ; toutes les questions litigieuses seront précisées par une assemblée ecclésiale régulière, le concile de Chalcédoine (octobre-novembre 451), convoqué par l’empereur Marcien et approuvée par le pontife suprême où 550 évêques orientaux, 2 légats de pape et deux africains, destituent Dioscore, l’organisateur du brigandage d’Ephèse, et condamnent Eutychès et le monophysisme13. On définit en Jésus deux natures distinctes et parfaites : la divine et l’humaine. On publie le symbole de Chalcédoine, à propos duquel les Pères du concile s’écrient unanimement : « C’est la foi des apôtres, c’est la foi des premiers pasteurs, c’est ce que nous croyons… Pierre a parlé, par la bouche de Léon. Les propos du Pape sont clairs : Rome donne des solutions aux cas qu’on lui soumet. Ces solutions sont des sentences. Pour l’avenir, Rome prononce des sanctions. »
La victoire des champs catalauniques, gagnée, entre Châlons-sur-Marne et Troyes, par Aetius (romain), Mérovée (franc) et Théodoric I° (wisigoth) contre Attila, roi des Huns, le fléau de Dieu, renvoie les hordes sur le Danube d’où, au printemps 452, il s’avance jusqu’au nord de l’Italie ; comme Aetius se déclare incapable d’affronter victorieusement l’envahisseur qui menace Rome, le Sénat s’adresse au pape Léon pour négocier. Aux environs de Mantoue, une procession de gens d’Eglise – moines, prêtres et chasubles, évêques revêtus d’or – précède le Pape à la rencontre des Huns. Attila regarde, hésite et, subitement, enlève sa monture pour traverser au galop le Mincio (affluent du Pô). Après l’entrevue, Attila qui parle couramment latin, rejoint ses troupes pour leur donner l’ordre de retraite vers la Hongrie où il mourra l’année suivante.
Trois ans plus tard (juin 455), les vandales de Genséric, à partir de ses puissantes bases navales méditerranéennes, investit Rome et s’en empare. Là encore, Léon le Grand négocie : mes soldats ne verseront pas le sang humain, aucun édifice ne sera brûlé déclare Genséric qui cesse son occupation, le 29 juin 455, fête des saints apôtres Pierre et Paul. Léon exhorte les fidèles : « Peuple romain, n’oublie pas trop vite cette délivrance !14 »
Dans les dernières années du pontificat de Léon le Grand, l’Eglise souffre de l’agitation orientale. En Egypte, le moine Timothée, surnommé Elure (le chat), à cause de ses manières félines, pour devenir patriarche d’Alexandrie fait massacrer le titulaire, Porterius.
« Votre église alexandrine, écrit Léon le Grand, devient une caverne de voleurs (spelunca latronum).15 » Sa belle épître du 17 août 458, modèle de simplicité conjointe avec la fermeté doctrinale, développe un plan de redressement. En 460, Timothée-le-chat, enfin banni, est remplacé par un ancien solitaire du monastère de Canope, Solophaciole. « Après seize ans de chicanes, notre sainte Eglise connaît enfin la paix. » Un an après, le 10 novembre 461, Léon meurt et on l’inhume dans la basilique Saint-Pierre.
Au plan doctrinal, ce lutteur pour la foi, vainqueur du paganisme, se fait le champion de l’unité ecclésiale. Il reste le docteur de l’Incarnation. Au plan politique, la Rome pontificale succède, avec ce grand chef, à la Rome impériale. Avec Léon, le siège sacré de l’apôtre Pierre devient inspirateur et conducteur de l’univers. Solidement implanté sur ce roc, battu par l’ouragan des hérésies et les vagues des barbares, ce pape de la sauvegarde est un inlassable prophète de l’espérance. « Le bienheureux Pierre persiste dans la solidité qu’il reçut. Il n’abandonnera jamais le gouvernement ecclésial. Je continue. »
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1 Ce qualificatif de barbare fut d’abord attribué à tous les peuples autres que les Grecs et les Romains, avec le sens d’étranger.
2 En latin, le lion.
3 46 sermons et 174 lettres.
4 L’Eglise a donné le titre de docteur de l’Eglise à trente-deux écrivains ecclésiastiques remarquables par la sainteté de leur vie, la pureté de leur doctrine et la qualité de leur science. Saint Léon le Grand fut proclamé docteur de l’Eglise par Benoît XIV en 1754. Les autres docteurs de l’Eglise sont : Hilaire de Poitiers (mort en 367), Athanase d’Alexandrie (mort en 373), Ephrem (mort en 378), Basile le Grand (mort en 379), Cyrille de Jérusalem (mort en 386), Grégoire de Nazianze (mort en 390), Ambroise de Milan (mort en 397), Jean Chrysostome (mort en 407), Jérôme (mort en 419), Augustin d’Hippone (mort en 430), Cyrille d’Alexandrie (mort en 444), Pierre Chrysologue (mort en 450), Grégoire le Grand (mort en 604), Isidore de Séville (mort en 636), Bède le Vénérable (mort en 735), Jean Damascène (mort en 740), Pierre Damien (mort en 1072), Anselme de Cantorbéry (mort en 1109), Bernard de Clairvaux (mort en 1153), Antoine de Padoue (mort en 1231), Thomas d’Aquin, le Docteur angélique (mort en 1274), Bonaventure, le Docteur Séraphique (mort en 1274), Albert le Grand (mort en 1280), Catherine de Sienne (morte en 1380), Thérèse d’Avila (morte en 1582), Jean de la Croix (mort en 1591), Pierre Canisius (mort en 1597), Laurent de Brindisi (mort en 1619), Robert Bellarmin (mort en 1621), François de Sales (mort en 1622), Alphonse de Liguori (mort en 1784).
5 Mgr Pierre Batiffol (1861-1929).
6 Hérétiques qui distinguent deux personnes en Jésus-Christ.
7 Hérétiques minimalistes sur le rôle de la grâce divine.
8 Sermon XXI sur la Nativité.
9 Sermon XII sur la Passion.
10 Ascètes excessifs et prophètes inquiets et inquiétants, propagateurs des écritures apocryphes.
11 Constantinople, Alexandrie, Antioche, Rome et Jérusalem.
12 Jules de Pouzzole, le diacre Hilaire et le notaire Dulcitius.
13 Erreur qui attribue une seule nature – phusis- en Jésus-Christ.
14 Sermon LXXXIV.
15 Lettre CLVI.
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Homélie de Saint Léon
Je me réjouis, mes bien-aimés, de votre affection filiale, et je rends grâces à Dieu parce que je reconnais en vous la charité qui constitue l’unité chrétienne. Comme l’atteste en effet votre affluence aujourd’hui, vous comprenez que le retour de cet anniversaire a le sens d’une joie commune, et que la fête annuelle du pasteur est à l’honneur de tout le troupeau.
Car toute l’Eglise de Dieu est organisée en degrés distincts, de sorte que l’intégralité de son corps sacré est formée de membres divers ; cependant, comme le dit l’Apôtre, dans le Christ Jésus nous sommes tous un16. Nos offices nous distinguent, mais tout membre, si humble soit-il, est en relation avec la tête. Dans l’unité de la foi et du baptême nous formons donc, mes bien-aimés, une société sans castes. La dignité est, chez nous, générale, et nous pouvons dire selon ces paroles du Bienheureux Apôtre Pierre : « Et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, vous vous dressez en un édifice spirituel, en un sacerdoce saint, qui offre un sacrifice spirituel, agréable à Dieu par Jésus-Christ. » Et plus loin : « Mais vous, vous êtes une race choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis.17 » Car de tous ceux qui sont régénérés dans le Christ, le signe de la croix fait des rois, et l’onction de l’Esprit-Saint fait des prêtres ; si bien qu’outre le service spécial qui constitue notre ministère, tous ceux qui sont chrétiens en esprit et en vérité savent qu’ils sont de sang royal et de rang sacerdotal. Quoi de plus royal, en effet, qu’une âme soumise à Dieu et maîtresse de son corps ? Quoi de plus sacerdotal que de vouer à Dieu une conscience pure et de lui présenter sur l’autel du cœur le sacrifice sans tache de la piété filiale ? Puisque ce sacrifice est, par la grâce de Dieu, notre sacrifice à tous, c’est un acte religieux et louable que de vous réjouir de cet anniversaire comme de votre propre honneur. Ainsi le sacrement un du pontificat sera célébré dans tout le corps de l’Eglise. Avec l’huile de la bénédiction il se répand sans doute plus abondamment sur les degrés supérieurs, mais ce n’est pas non plus avec parcimonie qu’il descend aux inférieurs.
Bien que nous ayons donc grand sujet de joie commune dans ce don que nous partageons, mes bien-aimés, nous aurons encore une raison plus vraie et plus excellente de nous réjouir si nous n’en restons pas à nous considérer nous-mêmes, humbles gens : il est beaucoup plus utile et plus digne d’élever les regards de notre âme pour contempler la gloire du bienheureux Apôtre Pierre, et de fêter cette journée en vénérant celui sur qui la source même de tous les dons a coulé si abondamment. Non seulement un grand nombre de dons ont été pour lui seul, mais aucun n’a passé à d’autres sans qu’il y ait part.
Car déjà le Verbe fait chair habitait parmi nous18 ; déjà le Christ se donnait entièrement à la restauration du genre humain. Rien n’était étranger à sa sagesse, rien n’était difficile pour sa puissance. Les éléments, les esprits, les anges, étaient à son service : le mystère qu’opérait le Dieu un et trine ne pouvait en aucune manière être inefficace. Et cependant, Pierre est choisi, seul du monde entier, pour être préposé à l’appel de toutes les nations, et aux Apôtres, aux Pères de l’Eglise; Bien qu’il y ait dans le peuple de Dieu beaucoup de prêtres, beaucoup de pasteurs, c’est proprement Pierre qui gouverne tous les fidèles, comme c’est en dernier ressort le Christ qui est leur Chef. Mes bien-aimés, Dieu a daigné donner à cet homme une grande et admirable part de sa puissance. S’il a voulu que certaines choses lui soient communes avec les autres princes de l’Eglise, il n’a jamais donné que par lui ce qu’il a donné aux autres.
Le Seigneur demande à tous les Apôtres ce que les hommes pensent de lui. Leur réponse est commune aussi longtemps qu’ils expriment l’incertitude de l’intelligence humaine. Mais quand il demande le sentiment des disciples, celui qui est premier dans la dignité apostolique est premier pour confesser le Seigneur. Il dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant. » Et Jésus lui répond : « Bienheureux es-tu, Simon fils de Jean, car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux.19 » Ce qui veut dire : Tu es bienheureux parce que mon Père t’a enseigné. L’opinion terrestre ne t’a pas trompé, mais l’inspiration du ciel t’a instruit. Ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont éclairé, mais Celui-là même dont je suis le Fils Unique.
« Et moi, dit-il, je te dis… » Ce qui signifie : de même que mon Père t’a manifesté ma divinité, ainsi moi je te fais connaître la primauté qui t’est donnée : tu es Pierre. Autrement dit : Je suis, moi, la pierre inviolable, la pierre angulaire qui réunit les deux côtés ; je suis le fondement, et nul ne peut en poser un autre20. Mais toi aussi tu es pierre, parce que tu es affermi par ma force ; et la puissance qui m’appartient en propre nous est commune, parce que je t’en fais part. Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer n’en triompheront pas. Sur cette puissance, dit-il, je bâtirai mon temple éternel. La sublimité de mon Eglise, qui doit monter jusqu’au ciel, s’élèvera sur ce solide fondement de ta foi.
Cette confession de Pierre, les portes de l’enfer ne pourront l’empêcher de se diffuser dans le monde entier ; les liens de la mort ne l’empêcheront pas. Car cette parole est parole de vie ; elle porte au ciel ceux qui la confessent, et jette en enfer ceux qui la renient. A cause d’elle, le bienheureux Pierre s’entend dire : « Je te donnerai les clés du royaume des cieux : et tout ce que tu lieras sur terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur terre sera délié dans le ciel. » Ce pouvoir a passé même aux autres Apôtres, et l’institution en est devenue commune à tous les chefs de l’Eglise. Mais ce n’est pas pour rien que le Seigneur remet à un seul ce qui sera la charge de tous. Il confie ce pouvoir spécialement à Pierre, parce que Pierre est préposé à tous les princes de l’Eglise, comme leur forme. Le pouvoir de lier et de délier reste le privilège de Pierre, en tout lieu où le jugement est porté en vertu de la justice de Pierre. Ni la sévérité ni l’indulgence ne peuvent être excessives, là où rien n’est lié ni délié sinon ce que le bienheureux Pierre a délié ou lié.
A la veille de sa Passion, qui devait troubler la conscience des disciples, le Seigneur dit à Simon : « Simon, voici que Satan a demandé à vous passer au crible, comme du froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne soit pas en défaut. Et toi, quand tu seras revenu, confirme tes frères afin que vous n’entriez pas en tentation. » La tentation de craindre était un danger commun à tous les Apôtres, et tous y avaient également besoin du secours divin : le démon voulait tous les secouer, tous les briser. Et cependant le Seigneur prend un soin spécial de Pierre et prie particulièrement pour lui. On dirait qu’il sera plus sûr de la solidité des autres si l’esprit du Prince des Apôtres reste invaincu. En Pierre c’est la force de tous qui est confirmée ; et le secours de la grâce divine est ordonné de telle sorte que la fermeté donnée à Pierre par le Christ doive passer aux autres Apôtres par Pierre.
Voyant donc, mes bien-aimés, quelle puissante protection a été instituée divinement pour nous, il est juste et raisonnable que nous nous réjouissions des mérites et de la dignité du Chef de l’Eglise. Rendons grâces au Roi éternel, à notre Rédempteur le Seigneur Jésus-Christ, d’avoir donné une si grande puissance à celui qu’il a fait Prince de toute l’Eglise. Car s’il arrive en notre temps qu’une chose soit bien faite ou bien réglée par nous, il faut l’attribuer à l’œuvre et au gouvernement de celui à qui il fut dit : « Et toi, quand tu seras revenu, confirme tes frères » ; et encore, après la Résurrection, en réponse mystique à son triple aveu d’amour, le Seigneur dit à Pierre : « Pais mes brebis. » C’est bien ce qu’il fait encore. Le pasteur charitable accomplit le commandement du Seigneur, nous fortifiant par ses exhortations et ne cessant de prier pour nous afin que nous ne soyons vaincus par aucune tentation. Or, s’il étend ses soins paternels, comme nous devons en être convaincus, à tout le peuple de Dieu – partout – combien plus daignera-t-il se dépenser pour ceux qu’il élève chez lui, [ à Rome ], et au milieu desquels il repose, sur le lit de sa bienheureuse dormition, dans cette même chaire où il présida aux débuts de l’Eglise. Dédions-lui donc cette fête, anniversaire du jour où nous avons reçu notre charge. C’est son patronage qui nous a valu de monter sur son siège, par la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ qui vit et règne avec Dieu le Père et l’Esprit Saint dans les siècles des siècles. Amen.
Saint Léon le Grand
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16 Première épître de saint Paul aux Corinthiens XII 13.
17 Première épître de saint Pierre II 5-9.
18 Evangile selon saint Jean I 14.
19 Evangile selon saint Matthieu XVI 16-17.
20 Epître de saint Paul aux Ephésiens II 4. 20.
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Morceaux choisis
Toute parole de l’Ecriture-Sainte nous convie finalement à la joie dans le Seigneur.
Vous êtes greffés sur le Seigneur.
Il y a davantage dans l’âme de chaque fidèle que dans tout le firmament.
Quiconque reste étranger à la vérité n’est pas miséricordieux, quiconque ignore la bonté est incapable de justice.
Bénéfique compassion : nous sommes malades avec les malades, nous pleurons avec ceux qui pleurent.
L’obéissance adoucit le commandement.
Il faut user convenablement des créatures visibles, tout comme on utilise la terre, la mer, l’eau, les sources et les fleuves.
Pour le bon ordre : que chacun préfère les autres à soi ; que chacun respecte d’abord les intérêts des autres, avant les siens propres.
Il faut garder tête solide, au milieu de toutes les girouettes.
Chrétien, prends conscience de ta dignité. Rappelle-toi toujours de quel Corps tu es membre.
Devenu temple du Saint-Esprit par ton baptême, ne chasse pas un tel hôte de ton cœur par des actes coupables.
Les mystères s’accommodent au temps. Par contre, la foi que nous vivons ne saurait changer selon le temps.
Ne rendre à personne le mal pour le mal : voilà tout le secret de l’ascèse chrétienne.
Adultes, nous ne sommes pas invités à retourner aux jeux de l’enfance ni à ses débuts imparfaits. Il faut vivre comme il convient à l’âge mûr, quand on l’atteint.
Peu importe de savoir à partir de quelle nature (divine ou humaine) nous sommes au Christ ! En effet, l’unité de personne demeure intégralement. C’est donc intégralement le même qui est Fils de l’homme en raison de la chair et Fils de Dieu en raison de la divinité, possédée dans l’unité avec le Père.
Liez société avec : patriarches, prophètes, apôtres et martyrs.
Toute parole de l’Ecriture-Sainte nous convie finalement à la joie dans le Seigneur.
Vous êtes greffés sur le Seigneur.
Il y a davantage dans l’âme de chaque fidèle que dans tout le firmament.
Il y a des pièges dans l’abondance des riches, il y en a aussi dans la pauvreté. L’opulence rend hautain et vaniteux, le dénuement engendre l’aigreur et l’amertume.
Ne jugeons pas l’héritage (spécialement chrétien), sur l’indignité des héritiers.
Ceux qui ne résistent pas à leurs désirs dépravés perdent finalement la paix du cœur.
C’est une maxime fondamentale du christianisme ; les seules et véritables richesses consistent dans la pauvreté d’esprit : plus on est humble, plus on est grand.
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Le Christ aime l’enfance
Sermons : VII pour l’Épiphanie, 2 – 3
Lorsque les trois mages eurent été conduits par l’éclat d’une nouvelle étoile pour venir adorer Jésus, ils ne le virent pas en train de commander aux démons, de ressusciter des morts de rendre la vue aux aveugles, ou la marche aux boiteux, ou la paroles aux muets, ni d’accomplir quelque acte relevant de la puissance divine ; non, ils virent un enfant gardant le silence, tranquille, confié aux soins de sa mère ; en lui n’apparaissait aucun signe de son pouvoir, mais il offrait à la vue un grand prodige, son humilité. Aussi le spectacle même de ce saint enfant auquel Dieu, Fils de Dieu, s’était uni, présentait aux regards un enseignement qui devait plus tard être proclamé aux oreilles, et ce que ne proférait pas encore le son de sa voix, le simple fait de le voir faisait déjà qu’il l’enseignait. Toute la victoire du Sauveur, en effet, victoire qui a subjugué le diable et le monde, a commencé par l’humilité et a été consommée par l’humilité. Il a inauguré dans la persécution ses jours prédestinés, et les a terminés dans la persécution ; à l’enfant n’a pas manqué la souffrance, et à celui qui était appelé à souffrir n’a pas manqué la douceur de l’enfance ; car le fils unique de Dieu a accepté par un unique abaissement de sa majesté, et de naître volontairement homme et de pouvoir être tué par les hommes.
Si donc, par le privilège de son humilité, le Dieu tout-puissant a rendu bonne notre cause si mauvaise, et s’il a détruit la mort et l’auteur de la mort, en ne rejetant pas tout ce que lui faisaient souffrir ses persécuteurs, mais en supportant avec une suprême douceur et par obéissance à son Père les cruautés de ceux qui s’acharnaient contre lui ; combien ne devons-nous pas nous-mêmes être humbles, combien patients, puisque, s’il nous arrive quelque épreuve, nous ne la subissons jamais sans l’avoir méritée ! Qui se fera gloire d’avoir le cœur chaste ou d’être pur du péché ? Et, comme le dit saint Jean : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous abusons, et la vérité n’est pas en nous.» Qui se trouvera si indemne de fautes qu’il n’ait rien en lui que la justice puisse lui reprocher, ou que la miséricorde doive lui pardonner ? Aussi toute la pratique de la sagesse chrétienne, bien-aimés, ne consiste ni dans l’abondance des paroles, ni dans l’habileté à disputer, ni dans l’appétit de louange et de gloire, mais dans la sincère et volontaire humilité que le Seigneur Jésus-Christ a choisie et enseignée en guise de toute force, depuis le sein de sa mère jusqu’au supplice de la croix. Car un jour que ses disciples recherchaient entre eux, comme le raconte l’évangéliste, « qui, parmi eux, était le plus grand dans le Royaume des cieux, il appela un petit enfant, le plaça au milieu d’eux et dit : En vérité, je vous le dis, si vous ne vous convertissez pas et ne devenez pas comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. Qui donc se fera petit comme cet enfant-là, voilà qui sera le plus grand dans le Royaume des Cieux.» Le Christ aime l’enfance qu’il a d’abord vécue et dans son âme et dans son corps. Le Christ aime l’enfance, maîtresse d’humilité, règle d’innocence, modèle de douceur. Le Christ aime l’enfance, vers elle il oriente la manière d’agir des aînés, vers elle il ramène les vieillards ; il attire à son propre exemple ceux qu’il élève au royaume éternel.
Saint Léon le Grand
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Sermon en la nativité de notre Seigneur
Soyons transportés d’allégresse, bien-aimés, et donnons libre cours à la joie spirituelle, car voici que s’est levé pour nous le jour d’une rédemption nouvelle, jour dès longtemps préparé, jour d’un éternel bonheur.
Voici, en effet, que le cycle de l’année nous rend le mystère de notre salut, mystère promis dès le commencement des temps, accordé à la fin, fait pour durer sans fin. En ce jour, il est digne que, élevant nos coeurs en haut, nous adorions le mystère divin, afin que l’Église célèbre par de grandes réjouissances ce qui procède d’un grand bienfait de Dieu.
En effet, Dieu tout-puissant et clément, dont la nature est bonté, dont la volonté est puissance, dont l’action est miséricorde, dès l’instant où la méchanceté du diable nous eut, par le poison de sa haine, donné la mort, détermina d’avance, à l’origine même du monde, les remèdes que sa Bonté mettrait en oeuvre pour rendre aux mortels leur premier état; Il annonça donc au serpent la descendance future de la femme qui par sa vertu, écraserait sa tête altière et malfaisante à savoir le Christ qui devait venir dans la chair désignant ainsi Celui qui, Dieu en même temps qu’homme, né d’une vierge, condamnerait par sa naissance sans tache le profanateur de la race humaine. Le diable, en effet, se glorifiait de ce que l’homme, trompé par sa ruse, avait été privé des dons de Dieu, et dépouillé du privilège de l’immortalité, était sous le coup d’une impitoyable sentence de mort; c’était pour lui une sorte de consolation dans ses maux que d’avoir ainsi trouvé quelqu’un pour partager avec lui sa condition de prévaricateur; Dieu Lui-même, suivant les exigences d’une juste sévérité, avait modifié sa décision première à l’égard de l’homme qu’Il avait créé en un si haut degré d’honneur. Il fallait donc, bien-aimés, selon l’économie d’un dessein secret, que Dieu, qui ne change pas et dont la Volonté ne peut pas être séparée de sa Bonté, accomplit par un mystère plus caché le premier plan de son Amour et que l’homme entraîné dans la faute par la fourberie du démon, ne vînt pas à périr, contrairement au dessein divin.
Les temps étant donc accomplis, bien-aimés, qui avaient été préordonnés pour la rédemption des hommes, Jésus Christ, fils de Dieu, pénétra dans les bas-fonds de ce monde, descendant du séjour céleste tout en ne quittant pas la Gloire de son père, venu au monde selon un mode nouveau, par une naissance nouvelle. Mode nouveau, car, invisible par nature Il s’est rendu visible en notre nature; insaisissable Il a voulu être saisi; Lui qui demeure avant le temps, Il a commencé à être dans le temps; maître de l’univers, Il a pris la condition de serviteur en voilant l’éclat de sa Majesté; Dieu impassible, Il n’a pas dédaigné d’être un homme passible; immortel, de se soumettre au lois de la mort. Naissance nouvelle que celle selon laquelle Il est né conçu par une vierge, né d’une vierge sans qu’un père y mêlât son désir charnel, sans que fut atteinte l’intégrité de sa mère, une telle origine convenait en effet à celui qui serait le Sauveur des hommes; afin que tout à la fois Il eût en Lui ce qui fait la nature de l’homme et ne connut pas ce qui souille la chair de l’homme. Car le Père de ce Dieu qui naît dans la chair, c’est Dieu, encore en témoigna l’archange à la bienheureuse Vierge Marie. «L’Esprit saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre; c’est pourquoi l’enfant qui naîtra de toi sera saint et sera appelé Fils de Dieu.» (Lc 1,35).
Origine dissemblable, mais nature commune : qu’une vierge conçoive, qu’une vierge enfante et demeure vierge, voilà qui, humainement, est inhabituel et inaccoutumé, mais relève de la Puissance divine. Ne pensons pas ici a la condition de celle qui enfante, mais à la libre décision de Celui qui naît, naissant comme Il le voulait et comme Il le pouvait. Recherchez-vous la vérité de sa nature ? Reconnaissez qu’humaine est sa substance, voulez-vous avoir raison de son origine ? Confessez que divine est sa Puissance. Le Seigneur Jésus Christ est venu, en effet, ôter notre corruption, non en être la victime; porter remède à nos vices, non en être la proie. Il est venu guérir toute faiblesse, suite de notre corruption, et tous les ulcères qui souillaient nos âmes : c’est pourquoi il a fallu qu’Il naquît suivant un mode nouveau, Lui qui apportait à nos corps humain la grâce nouvelle d’une pureté sans souillure. Il a fallu, en effet, que l’intégrité de l’enfant sauvegardât la virginité sans exemple de sa mère, et que la puissance du divin Esprit, répandue en elle, maintint intacte cette enceinte de la chasteté et ce séjour de la sainteté en lequel Il se complaisait : car Il avait décidé de relever ce qui était méprisé, de restaurer ce qui était brisé et de doter la pudeur d’une force multipliée pour dominer les séductions de la chair, afin que la virginité, incompatible chez les autres avec la transmission de la vie, devînt, pour les autres aussi, imitable grâce à une nouvelle naissance.
Mais ce fait même, bien-aimés, que le Christ ait choisi de naître d’une vierge, n’apparaît-il pas dicté par une raison très profonde ? C’est à savoir que le diable ignorât que le salut était né pour le genre humain, et crût, la conception due à l’Esprit lui échappant, que Celui qu’il voyait non différent des autres n’était pas né différemment des autres. Celui, en effet, en qui il constata une nature identique à celle de tous, avait, pensa-t-il, une origine semblable à celle de tous; il ne comprit pas qu’était libre des liens du péché Celui qu’il ne trouva pas affranchi des faiblesses de la mortalité. Car Dieu, qui, dans sa Justice et sa Miséricorde, disposait de multiples moyens pour relever le genre humain, a préféré choisir pour y pourvoir la voie qui lui permettrait de détruire l’oeuvre du diable en faisant appel non à une intervention de puissance, mais à une raison d’équité. Car, non sans fondement, l’antique ennemi, dans son orgueil, revendiquait sur tous les hommes les droits d’un tyran, et, non sans raison, il accablait sous sa domination ceux qu’il avait enchaînés au service de sa volonté, après qu’ils eussent d’eux-mêmes désobéi au commandement de Dieu. Aussi n’était-il pas conforme aux règles de la justice qu’il cessât d’avoir le genre humain pour esclave, comme il l’avait dès l’origine, sans qu’il eut été vaincu par le moyen de ce qu’il avait lui-même réduit en servitude. A cette fin, le Christ fut conçu, sans l’intervention d’un homme, d’une vierge que l’Esprit saint et non une union charnelle rendit féconde. Et tandis que, chez toutes les mères, la conception ne va pas sans la souillure du péché, cette femme trouva sa purification en Celui-là même qu’elle conçut. Car, là où n’intervint pas de semence paternelle, le principe entaché de péché ne vint pas non plus se mêler. La virginité inviolée de la mère ignora la concupiscence et fournit la substance charnelle. Ce qui fut assumé de la Mère du Seigneur, ce fut la nature, et non la faute. La nature du serviteur fut créée sans ce qui en faisait une nature d’esclave, car l’homme nouveau fut uni à l’ancien de telle façon qu’il prit toute la vérité de sa race, tout en excluant ce qui viciait son origine.
Lors donc que le Sauveur miséricordieux et tout-puissant ordonnait les premiers moments de son union avec l’homme, dissimulant sous le voile de notre infirmité la puissance de la Divinité inséparable de l’homme qu’Il faisait sien, la perfidie d’un ennemi sûr de soi se trouva déjouée, car il ne pensa pas que la naissance de l’enfant engendré pour le salut du genre humain lui fut moins asservie que celle de tous les nouveau-nés. Il vit, en effet, un être vagissant et pleurant, il Le vit enveloppé de langes, soumis à la circoncision et racheté par l’offrande du sacrifice légal. Ensuite, il reconnut les progrès ordinaires caractéristiques de l’enfance et, jusque dans les années de la maturité, aucun doute ne l’effleura sur un développement conforme à la nature. Pendant ce temps, il Lui infligea des outrages, multiplia contre Lui les avanies, y ajouta des médisances, des calomnies, des paroles de haine, des insultes, répandit enfin sur Lui toute la violence de sa fureur, et Le mit à l’épreuve de toutes les façons possibles; sachant bien de quel poison il avait infecté la nature humaine, il ne put jamais croire exempt de la faute initiale Celui qu’à tant d’indices il reconnut pour un mortel. Pirate effronté et créancier cupide, il s’obstina donc à se dresser contre Celui qui ne lui devait rien, mais, en exigeant de tous l’exécution d’un jugement général porté contre une origine entachée de faute, il dépassa les termes de la sentence sur laquelle il s’appuyait, car il réclama le châtiment de l’injustice contre Celui en qui il ne trouva pas de faute. Voila pourquoi deviennent caducs les termes malignement inspirés de la convention mortelle, et, pour une requête injuste dépassant les limites, la dette toute entière est réduite à rien. Le fort est enchaîné par ses propres liens et tout le stratagème du malin retombe sur sa propre tête. Le prince de ce monde une fois ligoté, l’objet de ses captures lui est arraché; notre nature, lavée de ses anciennes souillures, retrouve sa dignité, la mort est détruite par la mort, la naissance rénovée par la naissance; car, d’un coup, le rachat supprime notre esclavage, la régénération change notre origine et la foi justifie le pécheur.
Toi donc, qui que tu sois, qui te glorifies pieusement et avec foi du nom de chrétien, apprécie à sa juste valeur la faveur de cette réconciliation. C’est à toi, en effet, autrefois abattu, à toi chassé des trônes du paradis, à toi qui te mourais en un long exil, à toi réduit en poussière et en cendre, à toi à qui ne restait aucun espoir de vie, à toi donc qu’est donné, par l’Incarnation du Verbe, le pouvoir de revenir de très loin à ton Créateur, de reconnaître ton Père, de devenir libre, toi qui étais esclave, d’être promu fils, toi qui étais étranger, de naître de l’Esprit de Dieu, toi qui étais né d’une chair corruptible, de recevoir par grâce ce que tu n’avais pas par nature, afin d’oser appeler Dieu ton Père, si tu te reconnais devenu fils de Dieu par l’esprit d’adoption. Absous de la culpabilité résultant d’une conscience mauvaise, soupire après le royaume céleste, accomplis la volonté de Dieu, soutenu par le secours divin, imite les anges sur la terre, nourris-toi de la force que donne une substance immortelle, combats sans crainte et par amour contre les tentations de l’ennemi, et, si tu respectes les serments de la milice céleste, ne doute pas d’être un jour couronné pour ta victoire dans le camp de triomphe du roi éternel, lorsque la résurrection préparée pour les justes t’accueillera pour te faire partager le royaume céleste.
Animés de la confiance qui naît d’une si grande espérance, bien-aimés, demeurez donc fermes dans la foi sur laquelle vous avez été établis, de peur que ce même tentateur, à la domination de qui le Christ vous a désormais soustraits, ne vous séduise à nouveau par quelqu’une de ses ruses et ne corrompe les joies propres a ce jour par l’habileté de ses mensonges. Car il se joue des âmes simples en se servant de la croyance pernicieuse de quelques-uns, pour qui la solennité d’aujourd’hui tire sa dignité non pas tant de la naissance du Christ que du lever, comme ils disent, du « nouveau soleil ». le coeur de ces hommes est enveloppé d’énormes ténèbres et ils demeurent étrangers à tout progrès de la vraie lumière, car ils sont encore à la remorque des erreurs les plus stupides du paganisme et, n’arrivant pas à élever le regard de leur esprit au-dessus de ce qu’ils contemplent de leurs yeux de chair, ils honorent du culte réservé à Dieu les luminaires mis au service du monde.
Loin des âmes chrétiennes cette superstition impie et ce mensonge monstrueux. Aucune mesure ne saurait traduire la distance qui sépare l’Éternel des choses temporelles, l’Incorporel des choses incorporelles, le Maître des choses des choses qui lui sont soumises : car, bien que celles-ci possèdent une beauté admirable, elles ne possèdent cependant pas la Divinité, qui seule est adorable.
La Puissance, la Sagesse, la Majesté qu’il faut honorer, c’est donc Celle qui a créé de rien tout l’univers, et, selon une raison toute puissante, a produit la terre et le ciel dans les formes et les dimensions de son choix. Le soleil, la lune et les astres sont utiles à ceux qui en tirent parti, sont beaux pour ceux qui les regardent, soit; mais qu’à leur sujet, grâces soient rendues à leur Auteur et que soit adoré le Dieu qui les a créés, non la créature qui Le sert. Louez donc Dieu, bien-aimés, dans toutes ses ‘uvres et tous ses Jugements. Qu’en vous aucun doute n’effleure la foi en l’intégrité de la Vierge et en son enfantement virginal. Honorez d’une obéissance sainte et sincère le mystère sacré et divin de la restauration du genre humain. Attachez-vous au Christ naissant dans notre chair, afin de mériter de voir régnant dans sa Majesté ce même Dieu de gloire qui, avec le Père et l’Esprit saint, demeure dans l’unité de la Divinité dans les siècles des siècles. Amen.
Saint Léon le Grand
bonne nuit
9 novembre, 2009A busy Blackpool street is decorated with witches, skeletons, and jack-o-lanterns for an upcoming Halloween celebration.
(Photographed while on assignment for, but not published in, « A Jolly Good Time in Blackpool, England, » January 1998, National Geographic magazine)
Photograph by Tomasz Tomaszewski
http://photography.nationalgeographic.com/photography/photo-of-the-day/halloween-highway.html
Dédicace de la basilique du Latran, lundi 9 novembre 2009 – homélie
9 novembre, 2009du site:
Dédicace de la basilique du Latran
lundi 9 novembre 2009
Famille de saint Joseph
Homélie – Messe
Le Concile a valorisé l’image biblique de l’Eglise Peuple de Dieu, peuple pèlerin en marche vers la demeure du Père, sous la conduite du Christ Bon Berger, et cheminant sous la nuée de l’Esprit. Mais cette image, qui répond à la question « Qu’est-ce que l’Eglise ? », risque d’évoquer unilatéralement la dimension institutionnelle, tant il est vrai qu’une foule ne devient un peuple que par sa structuration interne. Il faut donc la compléter par d’autres images, qui répondent à l’interrogation : « Qui est l’Eglise ? », afin de souligner le caractère personnel de « l’Epouse » du Christ (Ap 21, 9 ; Ep 5, 23). St Paul nous a familiarisés avec l’image de l’Eglise « Corps du Christ » (1 Co 12, 27), qui se rattache à celle que Jésus lui-même suggère dans l’Evangile de ce jour : l’Eglise « Temple de Dieu ». Certes l’évangéliste précise que « le Temple dont parlait Notre Seigneur, c’était son corps » ; mais St Paul élargit l’interprétation en précisant que Christ constitue les fondations du Temple, sur lesquelles les apôtres construisent « la demeure de Dieu parmi les hommes » (Ap 21, 3), dont les croyants sont les « pierres vivantes » (1 P 2, 5). La source de vie que le prophète Ezéchiel voit jaillir du Temple de Dieu (Ez 47, 1-12), et qui assainit les eaux de la Mer Morte, représente le cœur transpercé du Christ crucifié d’où jaillit l’Esprit Saint (Jn 19, 34). Cette source est désormais confiée à l’Eglise, qui a reçu mission d’abreuver tous ceux qui ont soif de la vraie vie. Nous aussi, sachons entendre l’appel du Christ (Jn 7, 37), et venons nous abreuver aux sources vives du salut (Ap 7, 17) qu’il nous offre dans son Cœur eucharistique. Nous comprendrons alors que l’institution ecclésiale – tant décriée ! – n’a d’autre finalité que de transmettre, de génération en génération, l’institution eucharistique, afin de nous permettre de recevoir le Corps et le Sang du Fils de Dieu fait chair, en qui nous avons la vie (Jn 6, 54).
Père Joseph-Marie
Saint Augustin : Le Temple saint, le Corps du Christ
9 novembre, 2009du site:
http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20091109
Dédicace de la basilique du Latran, fête : Jn 2,13-22
Commentaire du jour
Saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone (Afrique du Nord) et docteur de l’Église
Sermon sur le Psaume 130, § 1-2
Le Temple saint, le Corps du Christ
« Le Seigneur les chassa tous du Temple. » L’apôtre Paul dit : « Le temple de Dieu est saint et ce temple, c’est vous » (1Co 3,17), c’est-à-dire, vous tous qui croyez au Christ et qui croyez au point de l’aimer… Tous ceux qui croient ainsi sont les pierres vivantes dont s’édifie le temple de Dieu (1P 2,5) ; ils sont comme ce bois imputrescible dont a été construite l’arche que le déluge n’a pas pu submerger (Gn 6,14). Ce temple, le peuple de Dieu, les hommes eux-mêmes, c’est l’endroit où Dieu exauce quand on l’y prie. Ceux qui prient Dieu en dehors de ce temple ne sauraient être exaucés pour la paix de la Jérusalem d’en haut, même s’ils sont exaucés pour certains biens matériels que Dieu accorde aussi aux païens… Mais c’est tout autre chose d’être exaucé en ce qui concerne la vie éternelle ; cela n’est accordé qu’à ceux qui prient dans le temple de Dieu.
Car celui qui prie dans le temple de Dieu prie dans la paix de l’Eglise, dans l’unité du Corps du Christ, parce que le Corps du Christ est constitué de la multitude des croyants répartis sur toute la terre… Et celui qui prie dans la paix de l’Eglise prie « en esprit et en vérité » (Jn 4, 23) ; l’ancien Temple n’en était que le symbole. En effet, c’était pour nous instruire que le Seigneur a chassé du Temple ces hommes qui ne cherchaient que leur propre intérêt, qui ne s’y rendaient que pour acheter et pour vendre. Si cet ancien Temple a dû subir cette purification, il est évident que le Corps du Christ lui aussi, le temple véritable, contient des acheteurs et vendeurs mêlés à ceux qui prient, c’est à dire des hommes qui ne cherchent que « leur propre avantage et non celui de Jésus Christ » (Ph 2,21)… Un temps viendra où le Seigneur mettra dehors tous ces péchés.