INTRODUCTION : PRIER POUR LES DÉFUNTS
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INTRODUCTION : PRIER POUR LES DÉFUNTS
La prière pour les défunts est plus qu’une pratique du chrétien pieux, c’est en fait un devoir de la vie chrétienne. Dieu est Amour (1 Jn 4,8) et la vie chrétienne doit elle aussi être amour : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit ; et ton prochain comme toi-même (Lc 10, 27, reprenant Dt 6,5 et Lv 19,18). Le prochain, nous enseigne Jésus dans la parabole du bon Samaritain, ce n’est pas seulement notre frère, mais aussi l’étranger : tous sont nos frères et nos sœurs, créés comme nous à l’image et à la ressemblance (Gn1,26). La Communion des Saints doit être la communion de tous et chacun, depuis le premier homme jusqu’au dernier, dans l’amour, un amour qui nous incite à offrir ensemble louange et action de grâces à Dieu et à s’aider mutuellement à progresser vers la plénitude de cet amour dans le Christ à la fin des temps. La prière pour les défunts nous unie à ceux qui sont passés avant nous dans cet acte d’amour qui ne cesse pas à la mort, qui ne cessera jamais : La charité ne passe jamais… La foi, l’espérance et la charité demeurent toutes trois, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité (1 Co 13,8,13).
Dès la fondation de l’Église, les chrétiens priaient pour les défunts. Dans les récits les plus anciens des martyrs, on trouve des références aux prières offertes pour ceux qui avaient été martyrisés, afin que leur soit accordé le repos éternel. Une des prières les plus antiques de l’Église à Rome est justement l’invocation : » Accorde-leur, Seigneur, le repos éternel et fais briller sur eux la lumière sans crépuscule « .
Dans quel but précisément l’Église prie-t-elle pour les défunts – qu’est-ce qu’elle espère obtenir pour eux ? Cette question soulève celle du sort des âmes des défunts après la mort, question difficile sur laquelle les chrétiens sont loin d’être unanimes. Pour les uns, il existe un » lieu » intermédiaire entre le Royaume de Dieu et l’enfer, lieu appelé le » purgatoire « , là où les âmes de ceux qui ne sont pas entièrement saints sont purifiées avant de pourvoir être admis au Royaume de Dieu. Pour d’autres, le sort éternel des défunts est fixé définitivement au moment de leur décès, en fonction de leur état spirituel à ce moment-là. La tradition des Pères, celle de l’Église orthodoxe, tout en acceptant que les défunts ne peuvent rien pour eux-mêmes – le repentir n’est pas possible dans l’autre monde, s’il n’a pas été fait dans ce monde –, souligne l’importance de la prière de l’Église pour les défunts, et la conviction que cette prière est efficace d’une façon qu’on ne peut définir ou préciser.
Certaines confessions issues de la Réforme protestante en Occident ne prient pas pour les défunts. On croit que le sort éternel du défunt est fixé définitivement au moment de son décès que ni le défunt lui-même, ni les vivants, ne peuvent rien faire après le décès pour changer ou influencer son statut dans l’au-delà. Comme preuve de cette doctrine, on cite par exemple la parabole de Lazare et du mauvais riche dans Luc 16 (19-31), en particulier les versets où Abraham dit au riche dans les tourments de l’enfer : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement ses maux ; maintenant donc il trouve ici consolation, et toi, tu es à la torture. Ce n’est pas tout : entre vous et nous a été fixé un grand abîme, pour que ceux qui voudraient passer d’ici chez vous ne le puissent, et qu’on ne traverse pas non plus de là-bas chez nous (Lc 16,25-26). On cite aussi le verset de l’Épître aux Hébreux : Et comme les hommes ne meurent qu’une seule fois, après quoi il y a un jugement (He 9,27).
Pour la plupart des Protestants, seule l’Écriture sainte a une valeur en matière de foi, alors que l’Église orthodoxe reconnaît la Sainte Tradition comme source de la foi. Si la prière pour les défunts est fondée surtout dans la tradition de l’Église, tradition qui suit la pratique juive, elle n’est pas sans fondements bibliques. Le deuxième livre des Maccabées (livre deutérocanonique » non accepté par les Protestants), raconte que Judas, chef des Maccabées, avait ordonné des prières et des sacrifices pour les soldats juifs tués lors d’un combat :
Judas, ayant ensuite rallié son armée, se rendit à la ville d’Odollam et, le septième jour de la semaine survenant, ils se purifièrent selon la coutume et célébrèrent le sabbat en ce lieu. Le jour suivant, on vint trouver Judas, au temps où la nécessité s’en imposait pour relever les corps de ceux qui avaient succombé et les inhumer avec leurs proches dans le tombeau de leurs pères. Or ils trouvèrent sous la tunique de chacun des morts des objets consacrés aux idoles de Iamnia et que la Loi interdit aux Juifs. Il fut donc évident pour tous que cela avait été la cause de leur mort. Tous donc, ayant béni la conduite du Seigneur, juge équitable qui rend manifestes les choses cachées, se mirent en prière pour demander que le péché commis fût entièrement pardonné, puis le valeureux Judas exhorta la troupe à se garder pure de tout péché, ayant sous les yeux ce qui était arrivé à cause de la faute de ceux qui étaient tombés. Puis, ayant fait une collecte d’environ 2.000 drachmes, il l’envoya à Jérusalem afin qu’on offrît un sacrifice pour le péché, agissant fort bien et noblement d’après le concept de la résurrection. Car, s’il n’avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts, et s’il envisageait qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété, c’était là une pensée sainte et pieuse. Voilà pourquoi il fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leur péché (2 Maccabées 12, 38-46).
Ce passage exprime, pour la première fois dans les écrits juifs, la conviction que la prière et le sacrifice expiatoire des vivants sont efficaces pour la rémission des péchés des défunts, tout en affirmant la certitude de la résurrection.
Un autre passage dans ce même livre parle de la prière d’intercession des saints défunts, en l’occurrence l’ancien grand prêtre Onias et le prophète Jérémie, pour les vivants :
Ayant armé chacun d’eux moins de la sécurité que donnent les boucliers et les lances que de l’assurance fondée sur les bonnes paroles, il [Judas Maccabée] leur raconta un songe digne de foi, une sorte de vision, qui les réjouit tous. Voici le spectacle qui lui avait été offert : l’ex-grand prêtre Onias, cet homme de bien, d’un abord modeste et de mœurs douces, distingué dans son langage et adonné dès l’enfance à toutes les pratiques de la vertu, Onias étendait les mains et priait pour toute la communauté des Juifs. Ensuite avait apparu à Judas, de la même manière, un homme remarquable par ses cheveux blancs et par sa dignité, revêtu d’une prodigieuse et souveraine majesté. Prenant la parole, Onias disait : » Celui-ci est l’ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte tout entière, Jérémie, le prophète de Dieu. » Puis Jérémie, avançant la main droite, donnait à Judas une épée d’or et prononçait ces paroles en la lui remettant : » Prends ce glaive saint, il est un don de Dieu, avec lui tu briseras les ennemis. » (2 Maccabées 15:11-16)
Aussi, le verset de l’Épître aux Hébreux 9, 27, déjà cité (Et comme les hommes ne meurent qu’une seule fois, après quoi il y a un jugement) ne peut pas être compris indépendamment du verset suivant, qui se lit : Le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés d’un grand nombre, apparaîtra une seconde fois, – hors du péché, – à ceux qui l’attendent pour leur donner le salut (He 9,28). Ceux qui attendent le Christ sont non seulement les vivants, mais aussi les morts, dont le destin éternel ne serait fixé définitivement qu’au deuxième avènement du Christ, ou le Jugement dernier. L’Église orthodoxe emploie cette réflexion pour prier pour le repos de ceux qui sont endormis, jusqu’à l’avènement du Christ.
La prière pour les défunts est à la notion d’une » purification » nécessaire des âmes des défunts après le premier » jugement particulier » et le retour du Christ à la fin des temps et le jugement dernier. Dans la tradition de l’Église romaine cette idée de purification a mené à la doctrine du » purgatoire « , un lieu où séjournent les âmes de ceux qui ne sont pas suffisamment purs pour être admis immédiatement à la béatitude des saints et des anges devant la présence divine, et où les âmes subissent un châtiment par lequel elles sont purifiées ou » purgées « , par le » feu « , de leur péchés mineurs ou les péchés non suffisamment repentis pendant leur vie. L’Église orthodoxe n’accepte pas l’idée du purgatoire ou d’une purification par le feu, tout en reconnaissant la nécessité d’une purification après la mort. Sans préciser d’avantage, l’Église orthodoxe enseigne que les prières des vivants pour les défunts contribuent à leur bien-être : Dieu agit selon son bon vouloir, en réponse à les prières des fidèles.
Dans son article » De la mort et de la résurrection « , Mgr Kallistos Ware aborde le refus de certains groupes chrétiens de prier pour les défunts. Il affirme dans cet article que le fondement de la prière pour les défunts est l’amour :
La base, c’est notre solidarité dans l’amour mutuel. Nous prions pour les morts parce que nous les aimons. L’archevêque anglican William Temple appelle de telles prières » le ministère de l’amour « ; et il affirme dans des mots que tout chrétien orthodoxe serait heureux de faire siens : » Nous ne prions pas pour eux parce que Dieu les négligera si nous ne le faisons pas. Nous prions pour eux parce que nous savons qu’il les aime et en prend soin, et nous demandons le privilège d’unir notre amour pour eux à celui de Dieu. » Et comme le dit Pusey : » Le refus de prier pour les morts est une pensée si froide, si contraire à l’amour, que pour cette seule raison, elle doit être fausse. » À partir de là, aucune autre explication ou justification de la prière pour les défunts n’est nécessaire ou même possible. Une telle prière est simplement l’expression spontanée de notre amour les uns pour les autres. Ici, sur terre, nous prions pour les autres ; pourquoi ne pas continuer à prier pour eux après leur mort ? Ont-ils cessé d’exister, au point que nous devrions cesser d’intercéder pour eux ? Vivants ou morts, nous sommes tous membres de la même famille ; ainsi, vivants ou morts, nous intercédons les uns pour les autres. Dans le Christ ressuscité, il n’y a pas de séparation entre les morts et les vivants ; comme le dit le Père Macaire Gloukharev : » Nous sommes tous vivants en lui, et il n’y a pas de mort. » La mort physique ne peut défaire les liens de l’amour et de la prière mutuels qui nous unissent tous dans un seul et même Corps. […] Quand nous prions pour les défunts, il nous suffit de savoir que leur amour de Dieu continue de grandir et qu’ils ont ainsi besoin de notre soutien. Laissons le reste à Dieu.
Affirmer que la prière pour les défunts est inutile parce que leur sort est fixé au moment de leur décès non seulement porte atteinte à l’amour, le fondement de vie chrétienne, et aux enseignements concernant le jugement dernier, c’est aussi en quelque sorte vouloir imposer à Dieu la notion du temps tel que nous le connaissons en cette vie. Si, par amour et le souci de procurer aux autres un bien éternel, nous prions pour eux, pourquoi Dieu ferait-il une distinction entre les prières et les bonnes œuvres offertes du vivant de ceux pour qui nous prions et celles offertes après leur passage dans l’autre monde ? Les actions que nous entreprenons pour les défunts peuvent être plus pures que celles pour les vivants, car des vivants nous pouvons toujours couver l’espoir de recevoir quelque chose en retour, ce qui n’est pas le cas des défunts, sauf leur propre intercession pour nous. Nous ne savons pas, et peut-être ne le saurons-nous jamais, les effets de nos prières, mais si nous croyons vraiment à la miséricorde et l’amour de Dieu envers les hommes, nous aurons confiance qu’aucune de nos bonnes œuvres ne reste sans fruit.
Dans nos offices pour les défunts, nous prions en particulier pour qu’il soit accordé aux défunts » le repos, l’apaisement, la béatitude « , » pour que leur soient remises toutes leur fautes, volontaires et involontaires « , » pour qu’ils se tiennent, sans encourir de condamnation, devant le redoutable trône du Roi de gloire « , pour que Dieu accorde à leurs âmes » le repos dans le séjour de la lumière, de la fraîcheur et de la paix, en un lieu d’où sont absents la peine, la tristesse et les gémissements » (Office de la Pannychide).
Les principaux offices de l’Église orthodoxe pour les défunts sont les funérailles et un office de prières pour les défunts appelé la » Pannychide « . Les différentes formes des funérailles, selon qu’il s’agit d’un laïc, d’un enfant, d’un prêtre ou d’un moine ou d’une moniale, se trouvent dans le Grand Euchologe et Arkhiératikon (P. Denis Guillaume, Diaconie Apostolique, 1992). Le texte de la Pannychide est présenté séparément et nous renvoyons nos lecteurs à la page en question, avec son introduction qui situe l’office de la Pannychide, avec ses différentes formes, dans le cadre liturgique de l’Église orthodoxe.
Nous proposons trois documents sur le thème de la prière pour les défunts :
Des extraits du livre de saint Jean de Cronstadt (1829-1908), Ma Vie en Christ, portant sur la comménoration des défunts, où, entre autre, il mentionne les moments de l’année liturgique où l’Église commémore spécialement les défunts.
Un article de l’Archevêque Antoine de Genève (+ 1993) sur » Les prières de l’Église pour les défunts « .
Un » Acathiste pour un défunt « . D’origine russe, et d’un esprit différent de l’acathiste présenté à la fin de l’Office de la Pannychide, le texte a été modifié pour en faire une prière adressée à Dieu, plutôt qu’exclusivement à Jésus, comme le proposait le texte original.
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