Archive pour le 17 octobre, 2009
SAINT LUC, ÉVANGÉLISTE
17 octobre, 2009du site:
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/index.htm
SAINT LUC, ÉVANGÉLISTE
Luc veut dire s’élevant ou montant, ou bien il vient de Lux, lumière. En effet il s’éleva au-dessus de l’amour du monde, et il a monté jusqu’à l’amour de Dieu. II fut la lumière du monde qu’il éclaira tout entier : « Vous êtes la lumière du monde », dit J.-C. (Math., V), or, la lumière du monde est le soleil lui-même. Cette lumière est située en haut (Eccl., XXVI): « Le soleil se lève sur le monde au haut du trône de Dieu » ; elle est agréable à voir (Eccl., XI) : « La lumière est douce, et l’oeil se plait à voir le soleil, elle est rapide dans sa course» (III, Esdras, c. IV, p. 34) : La terre est grande, le ciel est élevé et la course du soleil est rapide. » Elle est utile en ses effets , parce que, d’après le Philosophe, l’homme engendre l’homme, et le soleil en fait autant. De même saint Luc eut cette élévation par la contemplation des choses célestes; par sa douceur dans sa (200) manière de vivre, par sa rapidité dans sa fervente prédication et par l’utilité de la doctrine qu’il a écrite.
Luc, Syrien de nation, originaire d’Antioche, médecin de profession, fut, selon quelques auteurs, un des soixante-douze disciples du Seigneur. Puisque saint Jérôme dit, avec raison, qu’il fut disciple des apôtres et non du Seigneur, et comme la Glose remarque (sur l’Exode, XXV) qu’il ne s’attacha pas à suivre le Seigneur dans sa prédication, mais qu’il ne vint à la foi qu’après sa résurrection, il vaut mieux dire qu’il ne fut pas un des soixante-douze disciples, malgré l’opinion de certains auteurs. Sa vie fut si parfaite qu’il remplit exactement ses devoirs envers Dieu, envers le prochain, envers soi-même, et conformément à son ministère. En raison de ces quatre qualités, il est peint sous quatre faces, celle de l’homme, du lion, du boeuf et de l’aigle. « Chacun des animaux, dit Ezéchiel (I), avait quatre faces et quatre ailes. » Et pour mieux comprendre cela, figurons-nous un animal quelconque ayant une tête carrée, comme un carré de bois sur chacun de ses côtés figurons-nous une face, sur le devant celle d’un homme, à droite celle d’un lion, à gauche celle d’un veau, et par derrière la face d’un aigle. Or, comme la face de l’aigle s’élevait au-dessus des autres en raison de la longueur de son cou, c’est pour cela qu’on dit que l’aigle était par dessus. Chacun de ces animaux avait quatre ailes ; car comme nous nous figurons chaque animal comme un carré et que dans un carré il se trouve quatre angles, à chaque angle se trouvait une aile. Par ces quatre animaux, (201) d’après quelques saints, on entend les quatre Évangélistes dont chacun eut quatre faces dans ses écrits, savoir : celles de l’humanité, de la passion, de la résurrection et de la divinité; cependant on attribue plus spécialement à chacun d’eux la face d’un seul animal, D’après saint Jérôme, saint Mathieu est représenté sous la figure d’un homme, parce qu’il s’appesantit principalement sur l’humanité du Sauveur; saint Luc sous celle d’un veau, car il traite du sacerdoce du Christ ; saint Marc, sous celle d’un lion, évidemment parce qu’il a décrit la résurrection. Les lionceaux, dit-on, restent morts trois jours en venant au monde, mais ils sont tirés de cet engourdissement le troisième jour; par les rugissements du lion. En outre, saisit Marc commence son évangile par la prédication de saint Jean-Baptiste. Saint Jean est représenté sous la figure d’un aigle, parce qu’il s’élève plus haut que les autres, quand il traite de la divinité du Christ. Or, J.-C. dont les évangélistes ont écrit la vie eut aussi les propriétés de ces quatre animaux : il fut homme en tant que né d’une vierge, veau dans sa passion, lion dans sa résurrection, et aigle dans son ascension. Par ces quatre faces sous lesquelles est désigné saint Luc, aussi bien que chacun des évangélistes, on a voulu montrer les quatre qualités qui le distinguent. En effet par la face d’homme, on montre quelles furent ses qualités envers le prochain qu’il a dû instruire par la raison, attirer par la douceur et encourager par la libéralité ; car l’homme est une créature raisonnable, douce et libérale. Par la face d’aigle on montré ses dispositions par rapport à Dieu ; parce qu’en lui, l’oeil (202) de l’intelligence regarde Dieu par la contemplation, son affection s’aiguise par la méditation, comme le bec de l’aigle par l’usage qu’il en fait, et il se dépouille de sa vieillesse en prenant un nouvel état de vie. L’aigle en effet a la vue perçante, en sorte qu’il regarde le soleil sans que la réverbération des rayons de cet astre lui fasse fermer les yeux; et quand il est élevé au plus haut des airs, il voit: les petits poissons dans la mer. Son bec est très recourbé pour qu’il ne soit pas gêné pour saisir sa proie, qu’il écrase sur les pierres de manière qu’elle peut lui servir de nourriture. Brûlé ensuite par l’ardeur du soleil, il se précipité avec grande impétuosité dans une fontaine et se dépouille de sa vieillesse. La chaleur du soleil dissipe les ténèbres qui obscurcissent ses yeux et fait muer son plumage. — Par la face du lion, on voit qu’il fut parfait en soi, car il posséda la générosité dans sa conduite, la sagacité nécessaire pour échapper aux embûches des ennemis, et des habitudes de compassion envers les affligés. Le lion en effet est un animal généreux, puisqu’il est le roi des animaux : il a la sagacité, puisque dans sa fuite, il détruit avec sa queue les vestiges de ses pas afin que personne ne le trouve, il a l’habitude des souffrances, car il souffre de la fièvre quarte. Par la face de veau ou de boeuf, on voit qu’il remplit avec exactitude les fonctions de son ministère, qui consista à écrire son évangile. Il procéda dans ce livre avec circonspection; en commençant par la naissance du Précurseur, celle du Christ et son enfance, et il décrit ainsi avec enchaînement toutes les actions du Sauveur jusqu’au dernier sacrifice. Son récit est fait avec (203) discernement, parce qu’écrivant après deux évangélistes, il supplée ce qu’ils ont omis et il omet les faits sur lesquels ils ont donné des renseignements suffisants. Il s’appesantit sur ce qui regarde le temple et les sacrifices ; ce qui est évident dans toutes les parties qui composent son livre. Le boeuf est, en effet, un animal lent, aux pieds fendus, ce qui désigne le discernement dans les sacrificateurs.
Au reste, il est aisé de s’assurer d’une manière plus exacte encore que saint Luc eut les quatre qualités dont il vient d’être question, pour peu qu’on examine soigneusement l’ensemble de sa vie. En effet, il eut les qualités qui lui étaient nécessaires par rapport à Dieu. Elles sont au nombre de trois, d’après saint Bernard : l’affection, la pensée et l’intention. 1° L’affection doit être sainte, les pensées pures, et l’intention droite. Or, dans saint Luc, l’affection fut sainte, puisqu’il fut rempli du Saint-Esprit. Saint, Jérôme, dans son prologue de l’évangile de saint Luc, dit de lui qu’il mourut en Béthanie, plein du Saint-Esprit. 2° Ses pensées furent pures ; car il fut vierge de corps et d’esprit, ce qui démontre évidemment la pureté de ses pensées. 3° Son intention fut droite, car, dans tous ses actes, il recherchait l’honneur qui est dû à Dieu. Ces deux dernières vertus font dire dans le prologue sur les Actes des Apôtres : « Il se préserva de toute souillure en restant vierge » ; voici pour la pureté de ses pensées ; « il aima mieux servir le Seigneur », c’est-à-dire, pour l’honneur du Seigneur, ce qui a trait à la droiture de ses intentions. Venons à ses qualités par rapport au prochain : Nous remplissons nos devoirs à son (204) égard quand nous accomplissons envers lui ce à quoi le devoir nous oblige. Or, d’après Richard de Saint Victor, nous devons au prochain notre pouvoir, notre savoir et notre vouloir, qui engagent à un quatrième devoir, les bonnes oeuvres. Nous lui devons notre pouvoir en l’aidant, notre savoir en le conseillant, notre vouloir en concevant en sa faveur de bons désirs, et nos actions en lui rendant de bons offices. Or, saint Luc eut ces quatre qualités. Il donna au prochain ce qu’il put pour le soulager : ce qui est évident par sa conduite envers saint Paul auquel il resta constamment attaché dans toutes les tribulations du Docteur des Gentils, qu’il ne quitta jamais, mais auquel il vint en aide dans la prédication. « Luc est seul avec moi », dit saint Paul à Timothée (I, IV). Et quand il dit ces mots « avec moi » il veut dire que saint Luc l’aide, le défend, fournit à ses besoins. Quand il dit : « Luc est seul », saint Paul montre qu’il lui est constamment attaché. Saint Paul dit encore dans la IIe Ep. aux Corinthiens (VIII), en parlant de saint Luc : « Il a été choisi par les Églises pour nous accompagner dans nos voyages. » Il donna au prochain son savoir, par les conseils, lorsqu’il écrivit, pour l’utilité du prochain, ce qu’il avait appris de la doctrine des apôtres et de l’Évangile. Il se rend à lui-même ce témoignage, dans son prologue, quand il dit : « J’ai cru, très excellent Théophile, qu’après avoir été informé exactement de toutes ces choses depuis leur commencement, je devais aussi vous en représenter par écrit toute la suite, afin que vous reconnaissiez la vérité de ce qui vous a été annoncé. » Il servit le prochain de ses conseils, (205), puisque saint Jérôme dit en son prologue, que ses paroles sont des remèdes pour les âmes languissantes. Il fut plein de bons désirs, puisqu’il souhaita aux fidèles le salut éternel (Coloss., IV) : « Luc, médecin, vous salue » — il vous salue, c’est-à-dire qu’il souhaite le salut éternel. 4° Ses actions étaient de bons services chose évidente par cela qu’il reçut chez lui Notre-Seigneur qu’il prenait pour un voyageur. Car il était le compagnon de Cléophas qui allait à Emmaüs, au dire de quelques-uns; ainsi le rapporte saint Grégoire, dans ses Morales, bien que saint Ambroise dise que ce fut un autre, dont il cite même le nom, (Saint Ambroise, in Luc.)
Troisièmement il posséda les vertus requises pour sa propre sanctification. Trois vertus disposent l’homme à la sainteté, dit saint Bernard : la sobriété dans la manière de vivre, la justice dans les actes, et la piété du coeur; chacune de ces qualités se subdivise encore en trois, toujours d’après saint Bernard. C’est vivre sobrement que de vivre avec retenue, politesse et humilité : les actes seront dirigés par la justice s’il existe en eux droiture, discrétion et profit : droiture dans l’intention qui doit être bonne, discrétion s’il y a modération, et profit par l’édification : il y aura piété de coeur, si notre foi nous fait voir Dieu souverainement puissant, souverainement sage, et souverainement bon : en sorte que nous croyons notre faiblesse soutenue par sa puissance, notre ignorance rectifiée par sa sagesse, et, notre iniquité détruite par sa bonté. Or, saint Luc posséda toutes ces qualités. 1° Il y eut sobriété dans sa manière de vivre, en trois (206) choses : a) en vivant dans la continence ; car saint Jérôme dit de lui en son prologue sur saint Luc, qu’il ne se maria point, et qu’il n’eut pas d’enfants; b) en vivant avec politesse, comme on l’a vu tout à l’heure en parlant de Cléophas, supposé qu’il eût été l’autre disciple : « Deux des disciples de Jésus allaient ce jour-là à Emmaüs. » Il fut poli, ce qui est indiqué par le mot « deux » ; c’étaient des disciples, donc c’étaient des personnes bien disciplinées et de bonne conduite; c) en vivant avec humilité, vertu insinuée en cela qu’il cite Cléophas son compagnon, mais sans se nommer lui-même. D’après l’opinion de quelques auteurs, il ne se nomme pas par humilité. 2° Il y eut justice en ses actes et chacun d’eux procéda d’une intention droite; vertu indiquée dans l’oraison de son office où il est dit que, « pour la gloire du nom du Seigneur, il a continuellement porté sur son corps la mortification de la Croix. » : il y eut discernement dans sa conduite calme; aussi est-il représenté sous la face du boeuf qui a la corne du pied fendue, c’est le signe de la vertu de discernement. Ses actes produisirent des fruits d’édification; car il était grandement chéri de tous. Ce qui le fait appeler très cher par saint Paul en son épître aux Colossiens (IV) : « Luc, notre très cher médecin, vous salue. » 3° Il eut des sentiments pieux, car il eut la foi; et dans son évangile il proclama la souveraine puissance de Dieu, comme sa souveraine sagesse, et sa souveraine bonté. Les deux premiers attributs de Dieu sont énoncés clairement au chap. IV: « Le peuple était tout étonné de la doctrine de J.-C., parce qu’il parlait avec autorité. » Le troisième est (207) énoncé dans le ch. XVIII : « Il n’y a que Dieu seul qui soit bon. » 4° Enfin, il remplit exactement les fonctions de son ministère qui était d’écrire l’Évangile. Or, son évangile est appuyé sur la vérité, il est rempli de choses utiles, il est orné de beaux passages, et confirmé par de nombreuses autorités. I. Il est appuyé sur la vérité. Il y en a de trois sortes : la vérité de la vie, de la justice et de la doctrine. La vérité de la vie est l’équation qui s’établit entre la main et la langue; la vérité de la justice est l’équation de la substance à la cause; la vérité de la doctrine est l’équation qui s’établit entre la chose perçue et l’intellect. Or, l’évangile de saint Lue est appuyé sur ces trois sortes de vérités qui y sont enseignées, car cet évangéliste montre que J.-C. posséda ces trois sortes de vérités et les enseigna aux autres; d’abord par le témoignage de ses adversaires : « Maître, est-i1 dit dans le chap. XX nous savons que vous ne dites et n’enseignez rien que de juste » : voici la vérité de la doctrine , « et que vous n’avez point d’égard aux personnes » : voilà la vérité de la justice, « mais que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité » : voilà la vérité de la vie. La voie qui est bonne s’appelle la voie de Dieu. Saint Luc montre dans son évangile que J.-C. a enseigné cette triple vérité : 1° la vérité de la vie qui consiste dans l’observation des commandements de Dieu. Au chapitre X il est écrit : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu, de tout votre coeur… Faites cela et vous vivrez. » Au chapitre XXIII, « un homme de qualité demanda à J.-C. : « Bon maître, que faire pour que j’obtienne « la vie éternelle? » Il lui est répondu : « Vous savez (208) les commandements : « Vous ne tuerez point, etc… » 2° La vérité de la doctrine. Le Sauveur dit en s’adressant à certaines personnes qui altéraient la vérité de la doctrine : « Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dîme, c’est-à-dire qui enseignez qu’il faut payer la dîme de la menthe, de la rue, et de toutes sortes d’herbes, et qui négligez la justice et l’amour de Dieu. (XI) » Il dit encore au même endroit : « Malheur à vous, docteurs de la loi, qui vous êtes saisis de la clef de la science, et qui n’y étant point entrés vous-mêmes, l’avez encore fermée à ceux qui voulaient y entrer. » 3 ° La vérité de la justice est énoncée au chapitre XX : « Rendez donc à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. » Au chapitre XIX : « Quant à mes ennemis, qui n’ont point voulu m’avoir pour roi, qu’on les amène ici, et qu’on les tue en ma présence. » Au chapitre XIII, où il est question du jugement, quand J.-C. doit dire aux réprouvés: « Retirez-vous de moi, vous tous qui faites des oeuvres d’iniquité. »
II. Son évangile est d’une grande utilité. Aussi fut-il médecin pour nous montrer qu’il nous prépara une médecine très salutaire. Or, il y a trois sortes de médecine: la curative, la préservative et l’améliorative. Saint Luc montre dans son évangile que cette triple médecine nous a été préparée par le céleste médecin. La médecine curative guérit des maladies; or, c’est la pénitence qui guérit toutes les maladies spirituelles. C’est cette médecine que saint Luc dit nous avoir été offerte par le céleste médecin, dans le chapitre IV : «J’ai été envoyé par l’Esprit du Seigneur (209) pour guérir ceux qui ont le coeur brisé; pour annoncer aux captifs qu’ils vont être délivrés, etc. Je ne suis pas venu appeler tes justes, mais les pécheurs (V). » La médecine qui améliore fortifie la santé, et c’est l’observance des conseils qui rend l’homme meilleur et plus parfait. C’est elle que le grand médecin nous a préparée, quand il dit (ch. XVIII) : « Tout ce que vous avez, vendez-le et le donnez aux pauvres. » « Si quelqu’un prend votre manteau, laissez-lui prendre aussi votre robe. » (ch. VI.) La médecine préservative prévient la chute, et c’est la fuite des occasions du péché et des mauvaises compagnies qui nous est, enseignée au chapitre XII : « Gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie » ; par où il nous apprend à fuir la compagnie des méchants. On peut dire encore que l’Evangile de saint Luc est fort utile, en ce sens que tous les principes de la sagesse y sont renfermés. Voici comme en parle saint Ambroise : « Saint Luc embrasse toutes les parties de la sagesse, dans soli évangile. Il y enseigne ce qui a rapport à la nature, lorsqu’il attribue au Saint-Esprit l’Incarnation de N.-S. » David avait aussi enseigné cette sagesse naturelle, quand il dit: « Envoyez votre Esprit et ils seront créés. » Ce que saint Luc fait encore, en parlant des ténèbres qui accompagnèrent la Passion de J.-C., des tremblements de terre et du soleil qui retira ses rayons. Il enseigna la morale, puisqu’il donna une règle de moeurs dans le récit des Béatitudes. Son enseignement est conforme à la raison, quand il dit : « Celui qui est fidèle dans les petites choses le sera dans les grandes. » Sans cette triple science, la (210) naturelle, la morale et la rationnelle, point de foi, point de mystère de la Trinité possible. » (Saint Ambroise.)
III. Son évangile est embelli par toutes sortes de grâces : son style, en effet, et son langage sont fleuris et fort clairs. Or, pour qu’un écrivain atteigne à cette grâce et à cet éclat, trois qualités sont nécessaires, d’après saint Augustin, plaire, éclairer et toucher. Pour plaire, il faut un style orné ; pour éclairer, il le faut clair; pour toucher, il faut. parler avec feu.. Qualités que saint Luc posséda dans ses écrits et dans sa prédication. Lés deus premières, d’après ce témoignage de la II° aux Corinthiens : « Nous avons envoyé avec lui un frère (La Glose entend par ce frère saint Barnabé ou saint Luc) qui est devenu célèbre dans toutes les églises par son évangile. » Par ces mots « qui est devenu célèbre », saint Paul fait entendre que son style est orné. Par ceux-ci « dans toutes les églises », on voit qu’il a parlé avec clarté. Qu’il ait parlé avec feu, cela est évident, parce qu’il posséda un coeur ardent, selon qu’il le dit lui-même « Notre cour n’était-il pas embrasé en nous, lorsqu’il nous parlait dans le chemin et qu’il nous expliquait les Ecritures ? »
IV. Son évangile a été confirmé par de nombreuses autorités : 1° par celle du Père, qui dit dans Jérémie (XXXI) : « Le temps vient, dit le Seigneur,où je ferai une nouvelle alliance avec la maison d’Israël et la maison de Juda ; non selon l’alliance que je fis avec leurs pères, mais voici l’alliance que je ferai avec la maison d’Israël, après que ce temps-là sera venu, dit le Seigneur : j’imprimerai ma loi dans leurs entrailles (211) et je l’écrirai dans leur coeur. » A la lettre, il parle ici de la doctrine évangélique. 2° Il a été corroboré par l’autorité du Fils, qui dit an chapitre XXI : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. » 3° Son évangile fut inspiré par l’Esprit-Saint, d’après ces paroles de saint Jérémie dans son prologue sur saint Luc : « Par le mouvement du Saint-Esprit, il a écrit son évangile dans l’Achaïe. » 4° Il fut figuré d’avance par les anges ; c’est à ce sujet qu’il est dit dans l’Apocalypse (XIV) : « Je vis l’ange de Dieu qui volait par le milieu du ciel, portant l’Evangile éternel. » Or, cet Evangile est appelé éternel, parce qu’il a nue origine éternelle, c’est-à-dire J.-C. qui est éternel, dans sa nature, dans sa fin et dans sa durée.
V. Il a été annoncé par les prophètes. En effet, le prophète Ezéchiel a en vue l’évangile de saint Luc; quand il dit qu’un des animaux avait une face de veau. Le même prophète veut en parler encore (II), quand il raconte avoir vu un livre écrit en dedans et en dehors, et dans lequel on avait écrit des plaintes lugubres, des cantiques et des malédictions. Ce qui a rapport à l’évangile de saint Luc, qui est écrit, en dedans par les mystères qu’il renferme, et en dehors, par le récit historique. On y trouve encore les plaintes de la Passion, le cantique de la Résurrection et les malédictions de la Damnation éternelle, dans le chapitre XI, où se rencontrent beaucoup d’imprécations.
VI. Il a été expliqué et manifesté par la Sainte Vierge, qui en conservait toutes les particularités dans son cour et les ruminait, est-il dit en saint Luc (II), afin de pouvoir les faire connaître dans la suite aux (212) écrivains sacrés; d’après ce que dit la Glose : « Tout ce qu’elle savait des actions et des paroles du Seigneur, elle le recueillit dans sa mémoire, afin qu’au moment de prêcher et d’écrire les circonstances de l’Incarnation, elle prît expliquer, d’une manière satisfaisante, à qui le demanderait, tolet ce qui s’était passé. C’est ce qui fait que saint Bernard, expliquant pourquoi l’ange annonça à la Sainte Vierge la grossesse d’Elisabeth, dit : « Si la conception d’Elisabeth est découverte à Marie, c’est afin que la venue du Sauveur et celle du Précurseur étant connues, elle pût, en conservant dans son esprit la suite et l’enchaînement des faits, en révéler, dans la suite la vérité aux écrivains et aux prédicateurs, puisque, dès le principe, elle fut pleinement instruite miraculeusement de tous ces mystères. » Aussi croit-on que les évangélistes lui demandaient bien des renseignements, sur lesquels elle les éclairait.
On a pensé de saint Luc en particulier qu’il eut recours à elle comme à l’arche du Testament, et qu’il en apprit avec certitude bien des faits, surtout ceux qui la concernaient personnellement, comme l’Annonciation de l’ange, la naissance de J.-C. et autres semblables dont saint Luc est le seul qui fasse état.
VII. L’Evangile lui fut notifié par les apôtres. Puisque saint Luc ne fut pas témoin de toutes les actions et des miracles de J.-C. if fut obligé d’écrire son évangile selon les données et le rapport des apôtres qui avaient été présents : il le donne à entendre dans son prologue quand il dit : « J’ai écrit sur le rapport que nous en ont fait ceux qui dès le commencement ont (213) vu ces choses de leurs propres yeux et qui ont été les ministres de ta parole. » Comme on a coutume de rendre témoignage soit de ce que l’on a vu, soit de ce que l’on a entendu, dit saint Augustin; c’est pour cela que le Seigneur a voulu avoir deux témoins qui l’eussent vu, savoir saint Mathieu et saint Jean, et deux qui eussent entendu, savoir saint Marc et saint Luc. Mais parce que le témoignage de ce qu’on a vu est plus sûr et plus certain que celui de ce qu’on a entendu, c’est pour cette même raison, ajoute saint Augustin, que les deux évangélistes qui ont vu sont l’un au commencement et l’autre à la fin, et les deux qui ont entendu sont placés au milieu, afin que, tenant le milieu comme les plus faibles, ils soient protégés et défendus par ceux qui se trouvent au commencement et à la fin comme étant plus certains.
VIII. Il fut merveilleusement approuvé par saint Paul, qui, en preuve de ce qu’il disait, apportait le témoignage de l’évangile de saint Luc. Ce qui fait (lire à saint Jérôme, dans son livre des Hommes illustres, que plusieurs estiment que si saint Paul parle ainsi dans ses épîtres : « Selon mon évangile », il veut parler de l’ouvrage de saint Luc. Saint Paul approuvait encore merveilleusement l’évangile de saint Lire quand il écrit aux Corinthiens (II, c. VIII) que « saint Luc est devenu célèbre dans toutes les églises par son évangile. » — On lit dans l’Histoire d’Antioche que les chrétiens qui habitaient cette ville s’étant livrés à d’affligeants et nombreux désordres, furent assiégés par les Turcs, et en proie à une grande misère et à la famine. Mais étant revenus tout à fait (214) au Seigneur par la pénitence, il apparut à quelqu’un qui veillait dans l’église de Sainte-Marie de Tripoli un personnage éclatant de lumière et revêtu d’habits blancs ; et quand l’homme qui veillait eut demandé à celui-ci qui il était, il lui fut répondu, qu’il était saint Luc, venu d’Antioche, où le Seigneur avait convoqué la milice céleste, avec les apôtres et les martyrs, afin de combattre pour ses serviteurs. Alors les chrétiens, pleins d’ardeur, taillèrent en pièces l’armée entière des Turcs.
29e dimanche du Temps Ordinaire, Homélie
17 octobre, 2009du site:
http://www.homelies.fr/homelie,29e.dimanche.du.temps.ordinaire,2569.html
29e dimanche du Temps Ordinaire
dimanche 18 octobre 2009
Famille de saint Joseph Octobre 2009
Homélie
Messe
Je propose d’aborder les lectures de ce jour en lectio divina. Ce qui revient à dire : nous essayons de recevoir ces textes pour ce qu’ils sont vraiment : une Parole de Dieu pour nous aujourd’hui. Ne laissons donc pas trop vite notre intelligence se saisir de ces versets pour les éplucher, essayer de les comprendre rationnellement. Il s’agit plutôt de nous laisser enseigner par la sagesse divine, qui parle au cœur bien plus qu’à l’intelligence ; ou plutôt : essayons de les comprendre par l’intelligence du cœur plus que par le raisonnement.
La prophétie d’Isaïe nous propulse au cœur du paradoxe : un personnage nommé le « Serviteur » de Dieu, est broyé par la souffrance qui lui est imposée injustement. Or c’est précisément en cela qu’il plaît au Seigneur, car c’est ainsi qu’il accomplit la volonté de Dieu. La volonté divine ne porte pas sur la souffrance de son Serviteur, voulue en tant que telle, mais sur la justification de la multitude. Mais c’est précisément parce qu’il a consenti à se charger des péchés de cette multitude, en assumant librement les souffrances qui en résultent, que le Serviteur a fait de sa vie un sacrifice d’expiation et de réconciliation qui plaît à Dieu. C’est en allant jusqu’au bout de la solidarité avec les pécheurs, qu’il les justifie devant Dieu, pour la plus grande joie de celui-ci.
La lettre aux Hébreux nous éclaire sur l’identité de ce mystérieux personnage : celui qui a pleinement partagé notre faiblesse, qui a en toutes choses connus nos épreuves, qui a délibérément pris sur lui nos souffrances et notre mort, c’est le Christ Jésus notre Seigneur. Et comme « par l’offrande de son sang, il est devenu le pardon pour ceux qui croient en lui » (Rm 3), sa passion est le sacrifice qui nous sauve, qui nous réconcilie avec Dieu et nous rétablit devant sa face. Voilà pourquoi le Père l’a ressuscité, faisant de lui le grand prêtre par excellence, celui qui a pénétré pour toujours au-delà des cieux, et qui intercède en notre faveur auprès de Dieu. Voilà pourquoi nous pouvons « nous avancer avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours ».
Jusque là nous avons essayé d’accueillir ces deux lectures telles qu’elles nous sont données, en évitant de projeter sur elles nos a priori, nos réticences ; sans accabler l’hagiographe – et à travers lui : Dieu lui-même – de nos questions, de nos argumentations, de nos « oui mais », qui trahissent nos reproches, voire nos refus. Certes cette lecture bienveillante ne résout pas tous les problèmes, ne répond pas d’amblée à nos interrogations ; mais elle nous situe dans l’attitude juste : l’attitude filiale, qui consiste à ouvrir les oreilles de notre cœur et à recevoir avec reconnaissance une Parole dont nous croyons qu’elle est vraie, qu’elle est lumière sur notre route, qu’elle nous rend libres, qu’elle est un couffin plein de vie prêt à déverser son contenu dans le cœur qui l’accueille. C’est précisément en veillant sur cette Parole, en la « ruminant », en l’écoutant résonner au plus profond de nous, que nous lui permettront de nous révéler le mystère caché aux sages de ce monde, c’est-à-dire à notre raison naturelle. La Parole elle-même vient en effet répondre aux questions demeurées en suspens, pourvu que nous ayons la patience de la laisser éclairer notre intelligence de la lumière surnaturelle de l’Esprit, qui seul peut nous conduire dans la vérité toute entière.
Ce n’est de toute évidence pas l’attitude qu’ont adopté les fils de Zébédée, Jacques et Jean.
Jésus vient d’annoncer pour la troisième fois sa Passion prochaine, précisant même la nature des souffrances qu’il aura à endurer. Et pour la troisième fois, les apôtres refusent d’entendre : ils exorcisent leur peur en se réfugiant dans des rêveries de gloire terrestre. La demande des fils de Zébédée suscite l’indignation un peu forcée des dix autres apôtres, qui auraient bien voulu solliciter le même privilège.
Le refus du chemin de la croix et le désir d’une gloire terrestre vont de pair ; et cela pour nous comme pour les apôtres. N’aimerions-nous pas tous enjamber la Passion, et participer dès à présent à la gloire du Ressuscité, sans passer par l’humiliation de la Croix ? Mais ce désir n’est guère réaliste : la souffrance est là ; inutile de chercher à l’occulter : elle fait partie de notre vie ; elle s’impose à nous. Nous avons beau la fuir : elle nous rattrape toujours.
Or c’est précisément à cette situation révoltante car absurde, que le Seigneur a voulu porter remède. Oui absurde : car la souffrance n’a guère de sens sur l’horizon du dessein de Dieu qui dès les origines veut notre bonheur. Mais dès lors que nous lui avions tourné le dos par le péché, le Seigneur ne pouvait plus nous rejoindre qu’en consentant à venir partager les conditions de vie que nous avions nous-mêmes suscitées, afin de donner un sens à ce qui n’en a pas, une valeur infinie à ce qui sans lui nous anéantit. Le Verbe incarné triomphe de l’absurdité de notre condition en assumant dans son corps et dans son âme la souffrance de chaque homme et de tous les hommes. Désormais la souffrance n’est plus seulement l’absence criante du bonheur espéré ; elle est aussi et avant tout le lieu où Dieu me rejoint pour me dire son amour personnel et singulier, tant il est vrai que toute souffrance est unique.
« En toute vie, disait Jean-Paul II, est rendu présent le mystère de la Rédemption, réalisée par une participation réelle à la Croix du Sauveur, selon ce paradoxe chrétien qui lie le bonheur à la souffrance assumée dans un esprit de foi. »
Certes, nous le croyons ; mais comme il est difficile d’en vivre dans la grisaille du quotidien ! Car l’espérance de la victoire finale de l’amour et de la vie ne supprime pas la peur face à l’épreuve imminente. Comme Jacques et Jean, nous cherchons à imposer à Dieu nos vues, oubliant que l’unique ambition de celui qui se met à l’école de l’Evangile devrait être de se rendre toujours plus proche de Jésus par une vie conforme à la sienne, jusqu’à s’identifier à lui.
Ce qui ne peut se faire qu’en s’oubliant soi-même, dans le service désintéressé du prochain, « attendant notre vie du Seigneur et mettant tout notre espoir en son amour » (Ps 32). L’humilité ne consiste pas à n’avoir aucune ambition : Jésus ne reproche pas à ses disciples le désir légitime de vouloir « devenir grand » ni même de vouloir « être le premier ». Mais il leur montre une autre voie que celle que nous propose le monde : « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous ». Voilà la règle d’or, qui devrait susciter une sainte émulation au sein de l’Eglise. Telle devrait être l’attitude qui caractérise le chrétien partout où il vit. La mission universelle de l’Eglise commence et s’achève dans ce mot d’ordre de notre Maître : chacun de nous est appelé à devenir, à son image et à sa ressemblance, le frère universel, le serviteur de tous. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons enfin entrer dans la liberté des fils, à l’image du Fils unique, « qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ».
Père Joseph-Marie
Lettre de l’église de Smyrne sur ses martyrs : « Celui qui se sera prononcé pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme se prononcera aussi pour lui »
17 octobre, 2009du site:
http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20091017
Le samedi de la 28e semaine du temps ordinaire : Lc 12,8-12
Commentaire du jour
Lettre de l’église de Smyrne sur ses martyrs (v. 155)
(trad. coll. Icthus, t. 2, p. 159 rev. ; cf SC 10)
« Celui qui se sera prononcé pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme se prononcera aussi pour lui »
Le plus admirable des martyrs a été l’évêque Polycarpe. D’abord, quand il a appris tout ce qui s’était passé, il ne s’est pas troublé, il a voulu même demeurer dans la ville. Sur l’insistance de la majorité, il a fini par s’éloigner. Il s’est retiré dans une petite propriété située non loin de la cité et y a séjourné avec quelques compagnons. Nuit et jour, il ne faisait que prier pour tous les hommes et pour les églises du monde entier, ce qui était son habitude…
Des policiers à pied et à cheval se sont mis en route, armés comme s’ils couraient après un brigand. Tard dans la soirée, ils sont arrivés à la maison où se trouvait Polycarpe. Celui-ci était couché dans une pièce de l’étage supérieur ; de là il aurait encore pu gagner une autre propriété. Il ne l’a pas voulu ; il s’est contenté de dire : « Que la volonté de Dieu s’accomplisse ». Entendant la voix des policiers, il est descendu et s’est mis à causer avec eux. Son grand âge et son calme les ont frappés d’admiration : ils ne comprenaient pas pourquoi on s’était donné tant de mal pour arrêter un tel vieillard. Polycarpe s’est empressé de leur servir à manger et à boire, malgré l’heure tardive, autant qu’ils le désiraient. Il leur a seulement demandé de lui accorder une heure pour prier librement. Ils y ont consenti ; il s’est mis à prier debout, en homme qui était rempli de la grâce de Dieu. Et ainsi pendant deux heures, sans pouvoir s’arrêter, il a continué de prier à haute voix. Ses auditeurs étaient frappés de stupeur ; beaucoup regrettaient d’avoir marché contre un vieillard si saint.
Quand il eut terminé sa prière, où il avait fait mémoire de tous ceux qu’il avait connus au cours de sa longue vie, petits et grands, gens illustres et obscurs, et de toute l’Église répandue dans le monde entier, l’heure du départ était arrivée. On l’a fait monter sur un âne et on l’a conduit vers la cité de Smyrne. C’était le jour du grand sabbat.