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25e dimanche du Temps Ordinaire
dimanche 20 septembre 2009
Famille de saint Joseph Septembre 2009
Homélie – Messe
Jésus s’ouvre à ses disciples de ce qui l’attend à Jérusalem. Plus exactement il les « instruit » en particulier, alors qu’il ne souffle mot aux foules du drame qui se prépare. Le Seigneur était donc en droit d’attendre un surcroît d’attention de la part de ses proches, qu’il cherche à introduire progressivement dans le Mystère de sa mission rédemptrice. Mais en vain : les propos de leur Maître les effrayent ; ils préfèrent ne pas chercher à comprendre, et plutôt que de l’interroger, ils s’écartent en silence, le laissant poursuivre sa route seul. La perspective de l’abaissement de celui en qui ils ont fondé tous leurs espoirs, leur est tout simplement intolérable ; aussi n’est-ce pas un hasard si leur conversation va prendre le contrepied de la révélation qu’il vient de leur faire. Comme pour se rassurer, ils se laissent aller à imaginer ce qui adviendrait après que Jésus ait pris le pouvoir à Jérusalem. En quelque sorte, ils se distribuent déjà les portefeuilles ministériels au sein du futur gouvernement que leur Maître est supposé instaurer très bientôt…
Arrivé à l’étape de Capharnaüm, Jésus les invite délicatement à réfléchir sur leur attitude. Certes le Seigneur savait de quoi ses compagnons avaient « discuté en chemin » ; mais en les interrogeant, il leur permet de prendre conscience de leur duplicité : peut-il encore prétendre être disciple et participer à la gloire de son Maître, celui qui refuse d’entendre sa parole ? C’est bien pourquoi « ils se taisaient », car celui qui se rend sourd à la parole de Dieu, est incapable de parler en vérité. Joignant alors le geste à la parole, Notre-Seigneur s’assied. Certes la position assise correspond avant tout à l’attitude de l’enseignant ; mais elle permet aussi à Jésus de s’abaisser devant ceux qui discutaient entre eux « pour savoir qui était le plus grand ».
L’évangéliste précise que Notre-Seigneur « appelle les Douze » : l’expression surprend puisque le groupe est rassemblé au complet dans la maison, autour du Maître. Mais le caractère solennel de l’événement veut sans aucun doute souligner qu’il s’agit d’un nouvel appel ; que les disciples ont à se déterminer devant une nouvelle exigence qu’ils ont esquivée jusque-là. « Certes – leur dit en substance Jésus – il est tout à fait légitime de briguer la première place, mais sachez que dans le Royaume de mon Père, celle-ci est réservée à celui qui se fait “le serviteur de tous”, c’est-à-dire le “dernier de tous” selon les critères de ce monde ».
Devant le silence persistant et de plus en plus inquiet des disciples qui ont décidément du mal à entrer dans cette logique déconcertante, Jésus explicite son enseignement par une parabole vivante, dans la personne d’un enfant qu’il place au milieu des siens. Précisons que le terme grec (et latin) que nous traduisons par « enfant », désigne également un jeune esclave. Ce n’est donc pas l’innocence de l’enfant que Notre-Seigneur propose comme modèle, mais la précarité de sa position sociale – l’enfant tout comme l’esclave ne jouissaient d’aucun droit dans la société juive de l’époque. Non seulement Jésus met au milieu du cercle des disciples – c’est-à-dire de l’Eglise – celui qui n’a d’autre droit que celui de servir, mais il pousse le paradoxe jusqu’à s’identifier à lui et invite même ses proches à découvrir dans cet enfant, le visage du Père.
Bouleversante révélation de l’humilité inouïe de Dieu qui devrait chambouler totalement et de fond en comble notre échelle de valeurs. Du coup les paroles de saint Jacques entendues dans la seconde lecture – que nous nous étions efforcés d’oublier rapidement en raison de leur caractère direct – nous reviennent en mémoire : « D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement tous ces instincts qui mènent leur combat en vous-même ? » La source de la violence n’est-elle pas en effet dans notre volonté de puissance, soutenue par un irascible impétueux que rien n’arrête ? Comment dans ces conditions pourrions-nous trouver la paix ? La jalousie nous fait soupçonner le juste d’hypocrisie ; nous l’attirons dans un piège car il nous contrarie, et sa douceur s’oppose à notre conduite (cf. 1ère lect.). Nous sommes même à ce point aveuglés par nos passions que nous n’hésitons pas à justifier nos comportements pervers.
Que nous sommes loin de « la sagesse qui vient de Dieu », elle qui « est d’abord droiture, et par suite paix, tolérance, compréhension ; pleine de miséricorde et féconde en bienfaits, sans partialité et sans hypocrisie » (2ème lect.) ! Plût au ciel que les Paroles de la liturgie de ce jour brisent notre cœur de pierre et nous conduisent à une sincère conversion. Il nous faut choisir entre « la voie large de l’affirmation de soi et des rêves de grandeur mondaine qui conduit à la perdition » ; et « la voie resserrée du renoncement et de l’humble service qui conduit à la vie » (Mt 7, 13-14). Notre-Seigneur nous a avertis : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume des cieux » (Mt 18, 3). La « mort à soi » dont parlent les traités d’ascétique chrétienne signifie précisément le renoncement à cette volonté de puissance, qui est une des pulsions les plus fortes du psychisme humain. Sans doute ne nourrissons-nous pas tous des ambitions démesurées au niveau matériel ou professionnel ; mais la volonté de puissance se manifeste en général de manière bien plus subtile dans nos relations humaines ; par exemple dans les sentiments inavouables que nous nourrissons dans le secret, depuis l’indifférence jusqu’au mépris, en passant par le dédain, l’ironie, le dénigrement, l’esprit de critique et les mille manières de rabaisser notre prochain pour nous élever à ses dépends.
Inutile de nous faire illusion : si nous voulons ressusciter avec Jésus, il nous faut accepter de passer avec lui par la mort, en engageant une guerre impitoyable contre la part obscure de nous-mêmes qui s’oppose à Dieu, dont elle brigue la place.
« Seigneur tu nous as enseigné par toute ta vie et ta mort, que nous ne monterons l’échelle de la sainteté, qu’en descendant celle de l’humilité ; d’une humilité concrète, qui se penche avec respect sur les plus démunis parmi nos frères pour les servir avec amour, reconnaissant en eux le sacrement de ta présence au milieu de nous. Eclaire-nous sur nos compromissions avec l’esprit du monde : que nous renoncions à toutes formes de vaine gloire, pour ne chercher d’autre honneur et d’autre richesse que de te servir dans les plus pauvres de nos frères. »
Père Joseph-Marie