Homélie pour la 19e dimanche du Temps Ordinaire

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19e dimanche du Temps Ordinaire

dimanche 9 août 2009

Famille de saint Joseph Août 2009  

 Homélie
 
  « Souviens-toi, Seigneur, de ton alliance ; n’oublie pas plus longtemps les pauvres de ton peuple : lève-toi, Seigneur défends ta cause ; n’oublie pas le cri de ceux qui te cherchent ».
L’antienne d’ouverture de la liturgie de ce jour est une instante supplication adressée au Dieu de l’Alliance, qui est invité à se souvenir de son peuple, à ne pas l’oublier. Dieu aurait-il donc la mémoire courte ?
Souffrirait-il d’amnésie ? Les lectures suggèrent plutôt que c’est l’homme qui oublie Dieu. Plus exactement : qui refuse d’adopter le comportement correspondant à son statut de peuple élu et se soustrait par le fait même à l’action bienveillante de son Dieu. Si le prophète Elie est obligé de fuir l’hostilité de la reine Jézabel (1ère lect.), c’est parce qu’il a égorgé sans compassion les quatre cent cinquante prêtres de Baal (1 R 18, 40).
Certes il avait à veiller sur l’orthodoxie des fils d’Israël, mais le Seigneur ne lui avait pas ordonné ce massacre. Le prophète doit entreprendre un pèlerinage pénitentiel de quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, afin de se convertir au Dieu qui ne se révèle pas dans la violence de l’ouragan mais qui s’annonce dans « le murmure d’une brise légère » (1 R 19, 12).
Non Dieu ne nous oublie pas, mais nous nous égarons loin de lui, emportés par le vent de nos passions. Il est indispensable, si nous voulons le trouver, de « faire disparaître de notre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes ainsi que toute espèce de méchanceté » (2ème lect.). C’est en « imitant Dieu » tel qu’il se révèle en son Christ que nous nous rapprochons de lui. Or ce que Jésus nous enseigne, c’est de nous laisser conduire par l’Esprit, afin de vivre dans la générosité, la tendresse et la miséricorde. Voilà le sacrifice qui plaît à Dieu et nous assure sa proximité bienveillante. Bien plus : de telles dispositions « prouvent » que nous demeurons en lui et qu’il demeure en nous. Celui qui vit ainsi peut « se glorifier dans le Seigneur : il le délivre de toutes ses frayeurs et le sauve de toutes ses angoisses » (Ps 33).
Seulement voilà : pour imiter le Christ, pour tout miser sur lui, il faut d’abord croire en lui, croire qu’il nous révèle le vrai visage de l’homme selon le dessein de Dieu. Or nous aimerions avoir des « preuves » avant de croire – ce qui revient à faire l’économie de la démarche de foi. « Ne récriminez pas entre vous » nous répond Jésus : ce n’est pas à force de discussions que nous parviendrons à évaluer le bien-fondé de la foi, mais en nous mettant en marche sur le chemin qu’elle ouvre devant nous. Et ce chemin n’est autre que Jésus lui-même.
Notre-Seigneur précise que nous serions bien incapables de faire ce choix si le Père ne nous venait en aide. Il semble que son action soit double. Le Père « enseigne » ses enfants nous dit Jésus, et ces enseignements convergent vers la manifestation de son Christ, le Verbe fait chair.
L’allusion est d’abord aux écrits des prophètes qui ont annoncé la venue du Messie. Mais les non-juifs ne sont pas pour autant exclus de cette préparation : « Ils seront tous instruits par Dieu lui-même » précise Notre-Seigneur. Le Père enseigne donc toutes les cultures à travers les semences de vérité que contiennent les diverses traditions religieuses de l’humanité qui préparent l’avènement du Sauveur.
Le Père non seulement enseigne, mais il « attire » également les hommes vers son Fils : cette attirance est le fruit de l’action de l’Esprit d’amour, qui nous oriente avec une douce persuasion vers Jésus. Hélas, le péché nous a rendus insensibles aux motions de l’Esprit et sourds aux appels de la grâce.
Notre relation à Dieu est plus religieuse que croyante ; nous ne vivons pas vraiment dans son Alliance : qui d’entre nous peut dire qu’il « aime » Dieu au sens fort que devrait recouvrir ce terme, lorsqu’il nous parle de notre relation au Seigneur ? Pourtant si la foi est une vertu théologale, c’est-à-dire un don de Dieu dans l’Esprit, son premier mouvement, son dynamisme essentiel, ne peut être que l’amour. La confiance qu’implique la foi découle de l’amour dont elle est inséparable ; elle ne le précède pas.
Cependant, pour les esprits incarnés que nous sommes, l’amour procède nécessairement d’une rencontre enracinée dans l’expérience sensible. C’est bien pourquoi le Verbe s’est fait chair : « Personne n’a jamais vu le Père, confirme Jésus, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père » et peut en parler. Bien plus : « qui l’a vu a vu le Père » (Jn 14, 9). C’est en nous attachant à Jésus par les liens d’un amour qui fait confiance, que nous témoignons de notre foi au Père : celui qui croit au Fils unique, qui s’attache à lui par les liens d’une sincère affection, « a la vie éternelle », car dans l’amour, il partage sa vie. C’est ce lien vital que Notre-Seigneur exprime par la comparaison très parlante du « pain de vie » :
avant de désigner l’Eucharistie, c’est d’abord à sa Personne que Jésus fait allusion lorsqu’il dit : « Ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange – entendons : celui qui s’unit à lui par les liens d’un amour durable
- ne mourra pas ».
L’Eucharistie n’est d’ailleurs rien d’autre que sa présence continuée parmi nous : « le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie ». Ce qui implique que sans cette chair, nous n’avons pas la vie en nous. Le début de la sagesse est peut-être de réaliser que coupés du Dieu d’amour, nous sommes coupés de la source de la vie et voués à la mort. Cette douloureuse prise de conscience est nécessaire pour que nous prenions au sérieux le temps présent, le temps de la miséricorde, et que nous discernions à nos côtés l’Ange du Seigneur qui nous propose « le Pain de la vie qui descend du ciel », l’Eucharistie qui nous sauve.

« Seigneur, renouvelle-nous dans ton Esprit d’amour, afin que notre foi soit embrasée du Feu d’une véritable charité. Donne-nous de pouvoir nous approcher de ton autel le cœur débordant de reconnaissance envers toi, qui n’oublie pas le cri de ceux qui te cherchent, mais les unit à toi dans une union ineffable, afin de les combler de ta grâce au-delà de leur attente. »
Père Joseph-Marie

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