Liturgie juive, liturgie chrétienne,

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Sofia Cavalletti
 
Liturgie juive, liturgie chrétienne

1973, Volume VI, Numero 1
Pagina: 33 – 34
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Quand on parle des relations entre l’art juif et l’art chrétien, on ne peut taire ce lieu de culte qui — après la destruction du temple — est devenu le centre de la spiritualité hébraïque: la synagogue.

De fait, si nous mettons en parallèle le plan d’une basilique • chrétienne antique et celui d’une synagogue de forme basilicale, nous distinguerons difficilement à première vue l’édifice chrétien de l’édifice juif. (1)

Différentes thèses ont été proposées par les savants pour expliquer l’origine de la basilique chrétienne; la plus répandue est celle qui la fait remonter à la basilique païenne. Cette opinion, respectable certes, vient de Léon Baptiste Alberti ( + 1472), mais ceux qui l’acceptent actuellement tiennent peu compte du temps écoulé et des nouvelles acquisitions de la science. La premire étude systématique sur les synagogues antiques est liée au nom des illustres archéologues Kolh et Watzinger et remonte à 1916. L’intérêt renouvelé qu’ils ont suscité sur cette question ne devrait pas manquer de proposer de nouveau aux savants le problème des origines de la basilique chrétienne, d’autant plus qu’aucune des théories proposées n’arrive à être pleinement satisfaisante. Dans la basilique païenne par exemple, l’atrium manque alors que c’est un élément constant dans la basilique chrétienne, et on peut dire la même chose du transept. Les points de comparaison entre basilique chrétienne et synagogue basilicale ne peuvent pas ne pas frapper. Dans l’une et l’autre on trouve un atrium, le plus souvent à portiques, dans lequel on distingue le côté adjacent au narthex; au centre, on voit le « cantharus » qui, également dans les synagogues, pouvait parfois être surmonté d’un édicule — comme le prouve une inscription de la synagogue de Naarah, voisine de Jéricho —donc semblable à ce qui adviendra, par exemple, dans l’antique basilique constantinienne de St Pierre, où le fameux « cantharus » en forme de pigne était surmonté d’un petit édifice, soutenu par huit colonnes de porphyre. La synagogue était elle-même la plupart du temps divisée en trois nefs, tandis que des mosaïques transversales peuvent rappeler le transept. On en trouve, en effet, dans certaines synagogues anciennes dont les motifs indiquent le caractère sacré que l’on attribuait à cet emplacement. Ainsi on y trouve souvent la représentation du temple, ou de l’arche sainte surmontée de la lampe toujours allumée et des principaux objets sacrés juifs: le candélabre à sept branches, la trompe ou corne de mouton (shofar) qui servait à rassembler les tribus d’Israël quand pendant l’exode le camp se’ remettait en marche et qui est toujours en usage dans le culte juif; les branches de palmier et le cédrat (lulab et ethrog), qui sont des éléments du culte de la fête d’automne… etc.

Il y a toutefois un point sur lequel église et synagogue à structure basilicale semblent se différencier, et c’est l’abside, qui se trouve déja dans l’architecture chrétienne plus ancienne et que nous ne voyons apparaître que plus tard dans les synagogues. Toutefois une petite abside existe déjà au centre du mur du fond dans la fameuse synagogue de Doura Europos; or, selon une inscription retrouvée sur les tuiles de l’édifice, elle ne peut être postérieure à l’année 244245. Il faut aussi se rappeler que, à quelques rares exceptions près, dans toutes les synagogues retrouvées jusqu’ici, la hauteur des murs restés en place est très limitée et, comme dans la synagogue d’Eshtemoa, en Judée méridionale, on a retrouvé une absidiole à environ deux mètres du sol, on peut aussi penser qu’une niche, au moins, a été un élément constant dans les synagogues et qu’il n’en est pas resté de traces à cause des ravages du temps.

Un détail qui se retrouve aussi bien dans les églises que dans les synagogues est ce qu’on appelle dans l’évangile « la chaire de Moïse ».

On en trouve un exemplaire dans la synagogue de Khorazaïn, en Haute Galilée. Nous ne savons pas à qui il revenait d’y siéger — au chef de la synagogue ou à celui qui faisait la lecture —mais c’était certainement réservé à une personne éminente de la communauté, si l’on compare ce siège avec celui qui se trouve au fond de l’abside de nos basiliques anciennes et du haut duquel l’évêque exerçait sa fonction « d’épiscope » c’est-à-dire de surveillant de sa communauté et de chef de son peuple.

Enfin certains voient une relation entre le lieu élevé où se plaçait celui qui faisait la lecture dans certaines synagogues et qui s’appelait bemah, et les ambons, c’est-à-dire ces pupitres qui se trouvaient au nombre de deux au maximum dans les basiliques et d’où l’on proclamait les paroles de la Sainte Ecriture.

Ces points de comparaison de caractère architectural entre l’église et la synagogue ne manquent pas de s’imposer à notre attention. Mais, semble-t-il, ces éléments purement extérieurs ne sont rien d’autre que le reflet d’une ressemblance plus profonde et qui est à rechercher, au delà de la structure architecturale, dans l’esprit qui anime l’un et l’autre culte. Ceux qui soutiennent la théorie de la dépendance de la basilique chrétienne par rapport à la basilique païenne soulignent le fait que dans cette dernière on rendait la justice et que ceci lui conférait une dignité particulière; sans sous-estimer cette dignité, on peut toutefois se demander quel lien direct il existe entre l’administration de la justice et le culte de Dieu. Il ne faut pas oublier d’autre part que dans la basilique païenne se tenait aussi le marché et se déroulaient les affaires d’argent, choses qui n’ont certes aucun rapport avec le culte chrétien, pas plus qu’avec aucun autre culte.

La profonde différence d’esprit qui sépare la basilique chrétienne de la basilique païenne, ajoutée aux différences d’architecture que nous avons signalées, rendent douteuses, à notre avis, la théorie qui fait dériver l’une de l’autre.

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N.D.L.R. Nous remercions vivement les éditions Studium de Rome qui nous ont autorisés à traduire et à publier ici ces pages extraites du livre de Sofia Cavalletti: Ebraismo e spiritualità cristiana.

(1) La dépendance de la basilique chrétienne par rapport à la synagogue est soutenue par Blau, Early Christian Archeology from the jewish point of view, 1926, p. 157 ss; Grabar, Recherches sur les sources juives de l’art paléochrétien, « Cahier archéologique », 1960, p. 54 ss; cf. également « Dictionnaire d’archéologie chrétienne », XV, 2, 1825.  

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