Recevrez l’Esprit Saint

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Recevrez l’Esprit Saint

Fr. Marc Joulin, o.p.

Ac 2, 1-11 – Ps 103 – Rm 8, 8-17 – Jn 14, 15…26 (année C)

Esprit et Vie n° 105 – mai 2004 – 1e quinzaine, p. 42-43.

Aux origines du peuple juif, très anciennement, Pâques et Pentecôte étaient des fêtes agricoles. Pâques était surtout une fête des pasteurs nomades, fête de la naissance des agneaux notamment, tandis que, cinquante jours plus tard, la Pentecôte était surtout une fête des cultivateurs, fête des premières moissons de blé et d’orge.

Par la suite, la tradition juive a situé à Pâques la commémoration du passage de la mer Rouge et de la délivrance du joug des Égyptiens, tandis qu’à la Pentecôte on célébrait le don de la Loi reçue par Moïse dans le désert du Sinaï. Dans un cadre grandiose, dans les grondements du tonnerre et le feu des éclairs, Dieu avait ainsi renouvelé pour son peuple l’Alliance conclue jadis avec Abraham, cette alliance dont la Loi était devenue l’expression habituelle dans la vie quotidienne des Israélites.

Au temps de Jésus, la Pentecôte était donc la fête renouvelant solennellement, dans le Temple, le don de l’Alliance et de la Loi, un peu comme aujourd’hui nous renouvelons les promesses de notre baptême durant la liturgie pascale. La conscience de l’Alliance avec Dieu était vraiment la valeur fondamentale qui assurait l’existence et la cohésion du peuple d’Israël. Les prophètes avaient été les mainteneurs de l’Alliance dans un peuple rebelle et pécheur. Mais devant les infidélités de trop de membres de la communauté, toujours attirés par le paganisme de leurs voisins, certains prophètes, surtout Jérémie et Ézéchiel, en étaient venus à envisager pour l’avenir le moment où Dieu proposerait une nouvelle alliance. Sa Loi ne serait plus gravée sur des tables de pierre mais dans le cœur des croyants. Ils annonçaient que ce serait par son Esprit que Dieu établirait cette nouvelle alliance. Et ils envisageaient que cette alliance dans l’Esprit soit proposée non seulement aux Israélites mais à toute l’humanité.

La vie, le vent, l’eau, le feu…

Une alliance dans l’Esprit, qu’est-ce que cela voulait dire ? La foi en l’Esprit de Dieu était fondamentale en Israël. On disait que Dieu se manifestait par son Esprit. Le mot signifie d’abord le souffle qui fait vivre, l’haleine de vie que le Créateur communique aux hommes et même aux animaux comme à tout être vivant. Du souffle, on était passé au vent dont on ne savait ni d’où il vient, ni où il va. L’Esprit était aussi symbolisé par l’eau, source de vie si précieuse dans un pays menacé par l’aridité du désert. Il était encore évoqué par le feu impalpable et dangereux mais en même temps signe de lumière, de force, de courage, signe de l’amour insatiable.

L’Esprit, c’est donc tout à la fois, la force de Dieu, son dynamisme, la vie donnée à l’homme et l’inspiration conférée aux prophètes qui périodiquement venaient secouer les lenteurs et les pesanteurs de leurs contemporains. On pouvait dire d’un Élie, par exemple, qu’il avait été véritablement habité par l’Esprit Saint et entraîné par lui dans une aventure violente qui dépassait toutes les forces humaines.

Mais selon une opinion familière aux rabbins du temps de Jésus à cause des infidélités du peuple, les cieux s’étaient fermés et, depuis longtemps, l’Esprit Saint n’était plus descendu sur personne en Israël. Des juifs parmi les plus fervents avaient remplacé l’inspiration prophétique par une observance méticuleuse de la Loi, elle-même surchargée de complications scrupuleuses. Cependant, toute espérance n’était pas close et beaucoup de pieux rabbins enseignaient que les cieux allaient s’ouvrir pour la venue du Messie Sauveur et que celui-ci serait le prophète des temps nouveaux, le prophète porteur en plénitude de l’Esprit de Dieu, capable de renouveler avec éclat l’Alliance et de rétablir le règne saint de Dieu sur le monde.

Tout est accompli

Alors quand Jésus est apparu, dès son baptême, les cieux se sont ouverts et Jean-Baptiste a vu l’Esprit descendre sur lui. Jésus inlassablement annonce la venue du royaume de Dieu et il se présente lui-même comme capable de donner l’Esprit à ses disciples. « Celui qui a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive », dit-il. Et saint Jean précise bien : « Il disait cela de l’Esprit que devait recevoir ceux qui croiraient en lui. Car il n’y avait pas encore d’Esprit. »

Mais ce n’est pas dans une manifestation grandiose comme celle du Sinaï, ni une scène d’Apocalypse, que Jésus va envoyer son Esprit, c’est par sa mort sur une croix. Le dernier souffle exhalé par le crucifié après qu’il eut dit : « Tout est accompli » devient le premier souffle de l’Esprit Saint qui envahit le monde pour une Alliance nouvelle et éternelle.

Dans la liberté de l’amour

Au soir même de Pâques, le Seigneur ressuscité peut souffler son haleine de vie sur ses apôtres. Il leur confère ainsi la puissance de vaincre le péché, c’est-à-dire la haine qui condamne à mort les innocents. Il leur donne de manifester la miséricorde du Père qui appelle ses enfants à la réconciliation et à la paix. Cinquante jours plus tard, ce n’est plus seulement une loi sainte qui est proposée au peuple, mais l’accueil de l’Esprit de Jésus, l’Esprit d’amour et de vie. Car la nouvelle alliance ne peut se réduire à une loi et elle n’a de sens que dans la liberté de l’amour.

Et cela continue. La Pentecôte beaucoup plus qu’un aboutissement, a été un point de départ. Un point de départ sur une route qui a comporté beaucoup de difficultés, une route comme celle de Jésus marchant vers sa Pâque, inséparablement échec et victoire. À la suite des apôtres, avec toute l’Église, avec la communauté des chrétiens, nouveau peuple de Dieu, nous avançons toujours sur cette route, entraînés par la force de l’Esprit.

Pouvons-nous aujourd’hui reconnaître des signes de ce continuel travail de l’Esprit Saint ? Il semble qu’on peut en discerner au moins deux. Le premier : la part de plus en plus grande prise par des laïcs, hommes et femmes conscients de leurs responsabilités dans la mission de l’Église et dans l’annonce de l’Évangile.

Le second signe paraît être la recherche très actuelle de la solidarité avec les pauvres, les affamés du Tiers et du Quart Monde, les chômeurs, les déracinés de toutes sortes. Par exemple, en ce jour commémoratif de celui où Pierre accueillait Parthes, Mèdes, Crétois et Arabes, nous pouvons nous réjouir de voir beaucoup de chrétiens se préoccuper activement de la façon dont notre pays accueille ou n’accueille pas les étrangers. Le problème est complexe, mais en l’abordant avec courage et lucidité, nous sommes dans le droit fil de notre mission pentecostale.

Que l’Esprit Saint soit aujourd’hui et toujours notre lumière sur le chemin de la vérité et de l’amour à la suite de Jésus-Christ, notre Seigneur.

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